(9) Ibrâhîm (1/3) : le pur monothéiste

Vie des prophètes

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   Le temps s’est écoulé depuis la destruction du peuple de Çâlîh . Aucun prophète n’est apparu entre cette période et celle de l’avènement d’Ibrâhîm . Celui-ci vit le jour à Babylone sous le règne du tyran et idolâtre Nemrod,

le plus injuste de tous les rois sans vergogne qui l’avaient précédé. Nemrod avait pour vizir Âzar, le père d’Ibrâhîm, qu’il tenait en haute estime. Âzar administrait les trésors du royaume et, parallèlement, sculptait des idoles qu’il vendait à son peuple adepte de l’astrologie.

   Un jour, les astrologues se rendirent auprès de Nemrod et lui annoncèrent la naissance dans l’année d’un enfant qui viendra briser toutes les idoles, qui s’emparera de son trône et causera sa perte.

   L’inique monarque ordonna sur le champ que l’on tuât tout nouveau-né et ceux à venir dans l’année.Or, la femme d’Âzar était enceinte et son accouchement était proche. Lorsque le jour fatidique arriva, elle mentit aux soldats de Nemrod : effectivement, elle a accouché d’un garçon, mais celui-ci n’a pas survécu.
En vérité, elle avait transporté son nourrisson sur une montagne pour le cacher dans une grotte. Elle l’allaita, et en s’en allant, reboucha l’entrée du lieu avec une grosse roche. Elle pensait tristement que s’il devait advenir un évènement fâcheux à son enfant, du moins ce serait hors de sa présence.Mais un ange veillait sur le nourrisson, et du lait sortait de son pouce. Deux à trois jours plus tard, lorsque la mère vint quérir de ses nouvelles, elle fut emplie de joie de constater que son enfant se portait à merveille. Elle revint toutes les nuits en cachette pour le nourrir.

   Ibrâhîm  croissait d’une manière extraordinaire, et il paraissait plus âgé qu’en réalité. Son père put ainsi mentir à Nemrod en affirmant avoir un fils plus grand qui se serait absenté pour un voyage.

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   Précocement, son intelligence supérieure amena Ibrâhîm s’interroger sur ses origines, et ce, à partir du savoir de son temps, l’astrologie, et à partir de la contemplation de la création. L’observation des étoiles, de la lune et du soleil le conduisit par palier à la vérité céleste.

  Au plan symbolique, les astres constituent son cheminement intérieur et ses états successifs dans la progression vers la réalisation ; de l’étoile à la lune, puis au soleil, c’est-à-dire de la lumière la plus faible à la plus forte. A travers l’expérience d’Ibrâhîm , tous les hommes en quête de Vérité pourront cheminer, d’état en état, jusqu’à la disparition des illusions par une purification intérieure, comme l’attestent les versets 76 à 79 de sourate 6 Al-An’âm (Les Bestiaux) : « Lorsque la nuit l’enveloppa, il vit une étoile et il dit : « Voici mon Seigneur ! »  Mais il dit, lorsqu’elle eut disparu : « Je n aime pas ceux qui disparaissent. » Lorsqu’il vit la lune qui se levait, il dit : « Voici mon Seigneur ! » Mais il dit, lorsqu’elle eut disparu : « Si mon Seigneur ne me dirige pas, je serai au nombre des égarés. » Lorsqu’il vit le soleil qui se levait, il dit : « Voici mon Seigneur ! C’est le plus grand ! »  Mais il dit, lorsqu’il eut disparu : « Ô mon peuple ! Je désavoue ce que vous associez à Dieu. Je tourne mon visage, comme un vrai croyant, vers Celui qui a créé les cieux et la Terre. Je ne suis pas au nombre des polythéistes. »  »

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   Or, Âzar donnait des idoles à son fils pour les vendre, mais celui-ci leur attachait une corde autour du cou et les traînait par terre en clamant : « Qui veut acheter une chose de laquelle on ne peut retirer aucune espèce d’avantage, et de laquelle on peut recevoir autant de méfaits que l’on souhaite ?! »

   Ibrâhîm ne manquait aucune occasion pour ridiculiser ouvertement les idoles, jusqu’à s’attirer les foudres de son peuple et les réprimandes de son paternel. Il exhorta son père à abandonner les fausses divinités pour reconnaître l’existence du Dieu Unique : « […] « Ô mon père, pourquoi adores-tu ce qui n’entend ni ne voit, et ne te profite en rien? Ô mon père, il m’est venu de la science ce que tu n’as pas reçu; suis-moi, donc, je te guiderai sur une voie droite. Ô mon père, n’adore pas le diable, car le diable désobéit au Tout-Miséricordieux. Ô mon père, je crains qu’un châtiment venant du Tout-Miséricordieux ne te touche et que tu ne deviennes un allié du diable. » Il dit : « Ô Ibrâhîm, aurais-tu du dédain pour mes divinités ? Si tu ne cesses pas, certes je te lapiderai, éloigne-toi de moi pour bien longtemps. » « Paix sur toi ! », dit Ibrâhîm. J’implorerai mon Seigneur de te pardonner, car Il m’a toujours comblé de Ses bienfaits.  » », s.19 Maryam, v.42-47.

   Âzar était gardien du temple des idoles. Ibrâhîm le questionna en présence des prêtres : « Qu’adorez-vous ? Cherchez-vous dans votre égarement des divinités en dehors de Dieu ? Que pensez-vous du Seigneur des mondes ? », s.37 As-Sâffât (Les Rangs), v.83-87.

    Ces interrogations ébranlèrent, certes, profondément les convictions de l’assistance et semèrent le doute dans les cœurs, mais pas au point d’obtenir leur adhésion.

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Babylone : la porte Ishtar

   Lorsqu’arriva le jour de la fête solennelle des idolâtres à laquelle ne voulut pas participer Ibrâhîm , celui-ci se tourna vers les étoiles — comme pour les consulter, car son peuple était réceptif à ce langage —  et dit aux gens : « Je suis porteur d’une maladie. », s.37 As-Sâffât (Les Rangs), v.88. [Les prophètes ne mentent jamais, le sens implicite de la répartie d’Ibrâhîm (psl) est que l’idolâtrie de son peuple le rendait malade !]

   Ils se détournèrent aussitôt de lui, le laissant seul. Certains l’entendirent cependant menacer de détruire les idoles.

   Hors de la vue de tous, Ibrâhîm se glissa dans le temple. D’opulents et de succulents mets étaient étalés au pied des statues, et Ibrâhîm ne put s’empêcher d’ironiser : « Vous ne mangez pas ? Pourquoi ne parlez-vous pas ? », s.37 As-Sâffât (Les Rangs), v.89. Puis, il se saisit alors d’une hache et décapita les idoles de sa main droite (symbole d’autorité, de vérité et de justice), exceptée la plus grande dans une des mains de laquelle il plaça la hache une fois le carnage accompli. Quand les gens constatèrent le désastre, ils accusèrent aussitôt Ibrâhîm  , et Nemrod le convoqua devant la populace pour connaitre le véritable auteur du sacrilège et éviter ainsi d’accuser à tort le fils de son vizir. Ibrâhîm incrimina la plus grande des idoles du forfait et invita son peuple et le roi à interroger les statues, du moins si elles avaient l’usage de la parole ! Interloqué, Nemrod  répondit que les idoles ne pouvaient pas parler. Le prophète lança alors : « Vous adorez ce que vous avez sculpté, alors que c’est Dieu qui vous a créés, vous et ce que vous faites ? », s.37 As-Sâffât (Les Rangs), v.95-96. Le monarque se disputa avec lui au sujet du Vrai Dieu et de Sa puissance. La scène est rapportée dans le Coran : « Ibrâhîm avait dit : « C’est mon Dieu Qui donne la vie et la mort »  » Non, rétorqua l’homme, c’est moi qui fais vivre et mourir.  » Ibrâhîm lui dit alors : « Dieu fait venir le soleil de l’Orient. Fais-le donc, toi, venir de l’Occident ! » Et l’impie resta confondu, car Dieu ne guide point les ingrats. », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.258.

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Temple et idoles babyloniens

   À bout d’arguments, Nemrod voulut user de la répression et suivre en cela l’avis de son peuple qui réclamait de brûler Ibrâhîm , mais il ajourna la sentence pour ménager Âzar. Il mena la vie dure au contrevenant, et ce ne fut qu’à la mort du vizir qui avait toujours protégé son fils malgré leur divergence d’opinion le contrevenant avec une extrême sévérité. Et à la mort de son vizir Âzar qui avait toujours protégé son fils malgré leur divergence d’opinion, il ordonna à ses sbires de dresser un bûcher à l’intention d’Ibrâhîm .

   Lorsqu’Ibrâhîm fut installé sur son lieu de trépas, l’archange Jibrîl se présenta à lui pour lui apporter son soutien. Mais le prophète déclina son intervention et invoqua Dieu Lui-même, l’Unique, Auquel il se confiait entièrement et soumettait son sort : « Allâh nous suffit et quel bon Défenseur! », dit-il. C’est à juste titre qu’Ibrâhîm est surnommé « le père du monothéisme ». Il est le « hanîf » (« pur monothéiste »), c’est-à-dire un homme  imprégné par l’Unicité et totalement soumis à la volonté divine, en référence à la tradition primordiale : « Ibrâhîm n’était ni juif ni chrétien, mais il était un vrai croyant soumis à Dieu ; il n’était pas au nombre des polythéistes. Les hommes les plus proches d’Ibrâhim sont vraiment ceux qui l’ont suivi, ainsi que ce Prophète et ceux qui ont cru. Dieu est Le Protecteur des croyants. », s.3 Âli ‘Imrâne (La Famille Imrâne), v.67-68.

   L’intense fournaise dégageait une chaleur insupportable dont le souffle se répandait sur une très grande distance. Et cependant que le bûcher se consumait, Allâh dit : « Ô feu, sois pour Ibrâhîm d’une fraîcheur salutaire ! », s.21Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.69. Le feu perdit ses ardeurs et fut telle une brise légère pour le prophète épargné.
La stupéfaction de Nemrod et de son peuple les laissa sans voix lorsqu’ils virent Ibrahîm sortir indemne des flammes. Malgré ce prodige, le roi refusa par orgueil le message d’Ibrâhîm . Et comme il savait pertinemment ne pouvoir atteindre le prophète par son mal, il l’invita à s’exiler. Beaucoup parmi le peuple embrassèrent la foi et, pour échapper à la vindicte de Nemrod, suivirent le prophète dans sa fuite hors de Babylone…

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