L’Imâm Ibnou Hajar Al’asqalânî (que Dieu lui accorde Sa miséricorde)

Biographie des savants

t22

   Les sciences du hadith comptent de nombreux spécialistes qui excellaient en la matière de façon unanimement reconnue. Ibnou Hajar Al-‘Asqalânî appartenait à cette catégorie de savants et porte avec justesse son titre d’Emir des Croyants en Hadîth.

Tout comme l’imâm Al-Boukhârî, sa mémoire était extraordinaire. Il fut un grand docte pour la communauté musulmane en son époque et il le restera jusqu’à la fin des temps.

Ses origines et son enfance

   Aboû-l-Fadl Chihâbouddîn Ahmad Ibnou ‘Alî Ibnou Mouhammad Ibnou Mouhammad ‘Alî Al-Kinânî Ach-Châfi’î Ibnou Hajar Al-‘Asqalânî vit le jour au Caire le 10 du mois de Cha’bâne, en l’an 773 H (1372 ap. J.-C.). Il était le fils de l’érudit châfi’ite et poète Nour-d-Dîne ‘Alî et de la lettrée Tujjar. Sa famille était originaire de Qabis, en Tunisie, mais ses grands-parents quittèrent cette ville pour émigrer à ‘Asqalân, en Palestine, en 583 H ; puis, face à la menace des Croisés, ils délaissèrent cette contrée.

   A l’âge de quatre ans, Ibnou Hajar était déjà orphelin de père et de mère, et devint, avec sa sœur, pupille de Zakiyyou-d-Dîne Al-Kharroûbî, le frère de la première épouse de son père. Le protecteur enrôla Ibnou Hajar dans un groupe d’apprentissage du Coran, alors qu’il avait cinq ans. L’enfant prodige se distingua des autres par son aisance à retenir ce qu’il apprenait : il mémorisa sourate « Maryam » en une journée ! Le Saint Coran habita son cœur alors qu’il était âgé de neuf ans, et il apprit d’autres grands ouvrages tels que « Al-Hâwî » et « Al-Moukhtasar » d’Ibnou Al-Hâjib.

   Lors de sa douzième année, il accompagna Al-Kharroûbî à La Mecque, où il était assez compétent pour diriger les orants durant la prière de tarawih. Malgré le décès de son père de substitution, deux ans plus tard, Ibnou Hajar put poursuivre ses études.

Sa recherche du savoir

   En 786 H, Ibnou Hajar se rendit en Egypte où son instruction fut confiée au traditionniste Chamssou-d-Dîne Ibnou Al-Qattâne, qui l’introduisit aux cours dispensés par les grands érudits cairotes Al-Boulqînî (mort en 806 H) et Ibnou Al-Moulaqqin (mort en 804 H), pour ce qui était de la jurisprudence chafi’ite ; et par Zaynou-d-Dîne Al-‘Irâqî (mort en 806 H), pour le hadith. Suite à cela, il put d’abord voyager à Damas et à Jérusalem où il étudia sous l’égide de Chamssou-d-Dîne Al-Qalqachandî (mort en 809 H), de Badrou-d-Dîne Al-Balisî (mort en 803 H), et de Fatîma Bintou Al-Manja At-Tanoukhiyya (morte en 803 H). Il sillonna également le Châm et Alexandrie, afin d’acquérir de nouvelles connaissances et partager les siennes. Il se rendit de nouveau à La Mecque et à Médine, puis au Yémen, pour enfin s’en retourner en Egypte.

   Après une pause de quelques années, cheykh Al-Islâm reprit sa quête du savoir pour s’intéresser à l’histoire et à la littérature arabe. Al-Badr Al-Bouchtaki, un savant contemporain, l’encouragea à lire « Al-Ghânî », un des plus grands écrits traitant de la littérature arabe et comportant vingt à trente volumes, mais ceci ne découragea nullement l’illustre imâm.A 60 ans, il était reconnu comme un grand savant, mais cela ne l’empêchait pas de voyager, toujours à la recherche de la science.

Son mariage

   A vingt-cinq ans, il avait épousé la brillante Anas Khatoun, alors âgée de dix-huit ans. Experte en hadith, elle avait étudié auprès de l’imâm Abou Bakr Al Mizzî et reçu son ijâza (certification du savoir) de Zaynou-d-Dîne Al-‘Irâqî. En présence de son mari, elle donnait des cours publics auxquels assistaient des futurs grands savants dont l’imâm As-Sakhâwî. Après son mariage, Ibnou Hajar s’était installé dans la demeure de sa femme : il y vécut le restant de ses jours. Son épouse aimait s’occuper des personnes âgées, des pauvres et des handicapés. Cette bienfaisance lui conféra une réputation de sainte ; sa notoriété prit une telle ampleur que, lors de ses quinze années de veuvage, qu’elle consacra aux bonnes œuvres, elle reçut une demande en mariage de la part de l’imâm ‘Alamou-d-Dîne Al-Boulqînî : l’homme considérait que l’union avec une telle femme était un honneur et une source de grande fierté.

Un personnage aux multiples facettes

   Le domaine de prédilection d’Ibnou Hajar fut certes le hadith : il y excellait, mais ses connaissances étaient tellement vastes et variées qu’il fut promu à différentes et importantes fonctions, à la demande du peuple, tout au long de sa vie. Il enseignait de mémoire diverses sciences islamiques telles que l’exégèse, le tajwîd (notamment à l’université d’Al-Azhar) ; il fut qâdî (juge), mouftî et imâm puisqu’il prononçait les sermons du vendredi. A cette époque, toutes ces charges exigeaient des critères bien spécifiques et n’étaient attribuées qu’à des savants ou à des personnes qualifiées.

   Un jour, en Egypte, alors qu’il se rendait à son travail sur une charrette tirée par des bêtes, il passa près d’un juif vendeur d’huile. L’individu, vêtu de haillons souillés, s’adressa à lui : « Certes votre Prophète dit : « Ce bas-monde est la prison du croyant et le paradis du mécréant ». Et toi, tu es juge des juges en Egypte, et tu es dans ce bienfait ! Tandis que moi je suis dans ce châtiment et cette difficulté ! » C’est alors qu’Ibnou Hajar lui rétorqua : « Je suis dans ce que je suis comme bienfait, mais ce bienfait en comparaison à celui du paradis est l’équivalent d’une prison pour moi. Alors que la difficulté dans laquelle tu te trouves, par rapport au châtiment de l’enfer, est l’équivalente du paradis pour toi ! » Et le juif de concéder : « Achhadou allâ ilâha illa-lâhou, wa achhhadou anna Muhammadan rasoulou-Lâh ! ».

Ses qualités

   Il bnou Hajar était honoré par ses pairs, si bien qu’ils lui donnaient toujours la préséance. Al-Bouqâ’î l’élevait au rang d’imâm des musulmans, et Ach-Chawkânî reconnaissait en lui « al-Hâfidh » (« le garant ») par excellence : quand ce qualificatif désignait quelqu’un d’autre, il était systématiquement suivi du nom de cette personne, à l’exclusion d’Ibnou Hajar.

   Il était reconnu pour sa piété et son détachement de la vie présente. Al-Bouqâ’î rapportait sur lui qu’il jeûnait fréquemment et se nourrissait peu. Il faisait également très attention à la provenance et au caractère licite de sa subsistance.

   Son tempérament charitable, sa générosité et sa longanimité faisaient de lui un homme de cœur proche des gens. Il respectait tous les savants et se comportait de la meilleure façon avec les personnes qui l’accompagnaient, quels que soient leur âge et leur statut.

Ses ouvrages

   L’imâm Ibnou Hajar est l’auteur de plus de 150 écrits traitant pour la plupart du hadith, mais aussi de l’histoire, de la poésie, de l’exégèse coranique, de la biographie ou de la jurisprudence chafi’ite. C’est au Caire qu’il rédigea les ouvrages les plus complets et bénéfiques pour la communauté musulmane. Parmi eux on compte :

– « Ad-Dourar Al-Kâminah » (un dictionnaire biographique sur les grandes figures du huitième siècle) ;- un commentaire des « Quarante Hadiths d’An-Nawawî » ;

– « Tahdhîb at-tahdhîb » (un résumé de « attahdhîb al-kâmil », un dictionnaire encyclopédique des narrateurs de hadiths de l’imâm Al-Mizzî) ;

– « Al-Isâbah fî tamyîzi-s-sahâbah », le dictionnaire des compagnons le plus utilisé ;

– « Bouloûghou al-marâm min adillati-l-ahkâm » (jurisprudence chafi’ite).

   En 817 H, Ibnou Hajar s’engagea dans l’assemblage de « Fath Al-Bârî fî charh Sahîh Al-Boukhârî », le meilleur commentaire de « Sahîh Al-Boukhârî ». L’origine de cet opus était une série de citations dictées à ses étudiants en hadîth : il les recopiait et distribuait ensuite au fur et à mesure à ses disciples ; ceux-ci en discutaient avec lui une fois par semaine. Alors que le travail progressait et que l’auteur gagnait en notoriété, ce nouvel ouvrage attira l’attention du monde islamique. En 833 H, le fils de Timor Lang (chef des Turcs de l’Asie Centrale à la deuxième moitié du quatorzième siècle) écrivit une lettre au sultan mamlouk Al-Achraf Barsbay sollicitant plusieurs cadeaux, dont une copie de « Fath Al-Bârî ». Ibnou Hajar put lui envoyer les trois premiers volumes. Ce n’est qu’en 842 H que l’œuvre complète fut disponible : une grande fête fut organisée à cette occasion sur une place du Caire en la présence de savants, de juges et de dirigeants égyptiens.

   Certains savants notèrent que cette œuvre faisait office de dictionnaire de la tradition prophétique, et même des sciences islamiques. D’autres avancent qu’elle était tellement complète que toute question y trouve une réponse satisfaisante.

Sa fin

   Cheykh Al-Islâm quitta la vie présente après la prière du ‘ichâ’, le 8 du mois de Dhou-l-Hijja, en 852 H (1449 ap. J.-C.), à l’âge de 79 ans. 50000 personnes, incluant le sultan et le calife, avaient suivi ses funérailles. Son souvenir restera celui d’un homme de bien, magnanime, svelte et de petite taille, aimant les échecs et la calligraphie. Sa vie entière consacrée aux hadîths ancra dans son cœur un amour profond pour le Prophète , comme il en parlait lui-même dans son « dîwân » (recueil de poésie), dont l’original est conservé à la Bibliothèque Nationale d’Egypte.

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