Et si on siestait ?
Qui peut se targuer de n’avoir jamais ressenti un doux bercement de somnolence après le déjeuner ? Personne, seulement certains le combattent à coups de gorgées de café corsé tandis que d’autres se laissent volontiers gagner par cette invincible torpeur… Non
, la sieste n’est pas l’apanage des tout-petits et encore moins celui des habitants des pays chauds. Le Prophète la pratiquait aussi souvent qu’il le pouvait et encourageait ses compagnons à faire de même. D’après Anas , le Prophète a conseillé : « Pratiquez la sieste, car les démons ne la pratiquent pas.At-Tabarânî. », rapporté par
Origines
En arabe, la sieste s’appelle « al-qayloûlah », mot dont la forme revêt le sens de « petite quantité de sommeil ». Le terme français « sieste » tire son origine du latin « sexta hora » qui signifie « la sixième heure du jour ». Aujourd’hui, on emploie ce vocable pour désigner tout moment de détente diurne et plus souvent le petit somme réalisé après le repas de midi. Allâh évoque cet assoupissement dans le Coran : « Ô vous qui croyez ! Que vos serviteurs et vos enfants encore impubères sollicitent votre permission avant de pénétrer dans vos appartements, aux heures suivantes : avant la prière de l’aube, à midi quand vous vous déshabillez pour la sieste et après la prière du soir. (…) », s. 24 An-Noûr (La Lumière), v. 58. Ce verset montre l’importance de ce moment dans la journée, réservé à l’intimité et surtout au repos réparateur. Tout comme le sommeil nocturne, la sieste est donc capitale pour le rythme biologique de l’homme.
La sieste, un besoin vital
Toutes les évaluations menées dans le domaine du sommeil montrent une baisse de vigilance en début d’après-midi. Cet état n’est pas engendré par la digestion, quoique qu’un repas copieux, de même qu’une nuit trop courte ou encore une forte chaleur amplifient ce phénomène. Les recherches sur le sommeil révèlent que le corps est programmé pour s’endormir en début d’après-midi.
La sieste de l’adulte est essentiellement un sommeil lent et profond, particulièrement récupérateur. Pratiquer la sieste quotidiennement c’est se soumettre aux rythmes biologiques fondamentaux du corps humain, et adopter ainsi un mode de vie sain et naturel pour une santé optimale. Hassan Al-Basrî passa un jour auprès de gens qui se trouvaient au marché à la mi-journée et, s’étant aperçu qu’ils faisaient un grand bruit, il dit :
– « Ne vont-ils pas siester ?
– Non, lui dit-on.
– Je pense que leur nuit ne peut être que mauvaise. »
En aucun cas elle ne constitue une perte de temps puisqu’elle permet de diminuer le sommeil nocturne ou de récupérer sa vitalité après une nuit écourtée. Le musulman peut ainsi profiter des moments privilégiés de l’obscurité pour s’adonner aux prières surérogatoires, qui le rapprocheront de son Seigneur. Ishâq Ibnou ‘Abdoullâh a dit : « La sieste relève des bonnes choses, car elle renforce le cœur et donne la force nécessaire pour bien pratiquer les prières nocturnes ».
Les différents types de sieste
La véritable sieste est celle accomplie n’importe où, assis ou allongé, dans un endroit calme, éventuellement ombragé, mais pas dans l’obscurité. Les spécialistes distinguent trois sortes de sieste :
– la « royale » : elle autorise un sommeil allant de vingt minutes à deux heures. Elle reste cependant le privilège des accoutumés des longs repos, car elle favoriserait les insomnies pour les non initiés.
– La « relax », qui est la plus répandue, permet un assoupissement de cinq à trente minutes. Très réparatrice, elle est vivement conseillée.
– La sieste « flash » qui ne dépasse pas les cinq minutes : le peintre surréaliste espagnol Salvador Dali en était un adepte inconditionnel, car elle aiguisait sa créativité ; la petite cuillère qu’il tenait dans sa main lui servait de réveil en tombant au sol dès qu’il sombrait dans un sommeil trop profond. À chacun de trouver son rythme : l’endormissement n’est pas obligatoire, mais le relâchement musculaire, la relaxation, bref, le « laisser aller » en somme contribue grandement à recharger ses batteries.
Mais quelle que soit sa forme, les idées reçues qui collent à la méridienne ternissent son caractère irréfragablement bénéfique.
Les bienfaits d’une sieste bien faite
Les vertus de la sieste sont nombreuses et variées. Outre la sensation de bien-être qu’il procure, l’assoupissement permet une récupération tant sur le plan physique que sur le plan mental :
– la sieste est un remède précieux et peu onéreux contre le stress, car elle diminue le taux de cortisol, hormone qui le génère.
– D’un point de vue physiologique, elle soulage les tensions corporelles, la colonne vertébrale et le système veineux.
– Elle permet une récupération musculaire ainsi qu’une restructuration de l’activité cérébrale et cellulaire.
– Elle améliore la vigilance et la concentration : les accidents les plus graves ont lieu la nuit entre 2h et 5h ou entre 13h et 15h dans la journée. Un petit somme rétablit donc toute l’attention nécessaire à la conduite.
– Elle augmente les capacités et les performances professionnelles : selon une étude menée par la NASA, quarante minutes de repos au cœur d’une journée de travail augmentent de 34% la rentabilité d’un individu.
– D’après certaines études, faire la sieste occasionnellement diminue de 12% le taux de mortalité lié à une maladie coronarienne ; quant à une sieste régulière (trois fois par semaine), elle réduit ce taux de 37%. Ces chiffres concernent la gente masculine active, l’étude relative aux femmes n’ayant révélé aucun résultat probant.
Bruno Comby, « siesteur » invétéré et auteur de L’Eloge de la sieste souligne d’autres atouts : « Elle améliore considérablement les problèmes d’insomnie, ravive les réflexes et la qualité d’attention ». Il explique aussi : « Les bienfaits de la sieste se font sentir pendant un temps estimé à environ vingt fois sa durée. En dormant 5 minutes, on pourrait ainsi gagner l’équivalent d’une tranche de sommeil nocturne de 90 minutes », soit un cycle de sommeil complet ! Alors pourquoi hésiter plus longtemps ?
Siester au travail ?
Certaines entreprises investissent dans des espaces de détente et proposent à leurs salariés de se reposer après le repas de midi. Cependant, les machines à café ne sont pas prêtes d’être détrônées, car ces nouvelles mœurs ont du mal à s’imposer en Occident, la méridienne restant synonyme de paresse dans les esprits prônant le culte du travail et de l’effort. Même si les patrons ont compris que la sieste est un investissement ― peu coûteux ― de haute rentabilité, leur démarche reste discrète pour ne pas entacher l’image de marque de leur entreprise.
Les pays les plus avancés dans ce domaine restent le Japon et la Chine : pour le premier, la cadence de productivité ayant mené plusieurs personnes au suicide, les entreprises permettent — voire imposent — à leurs salariés de se reposer un quart d’heure chaque jour ; pour la seconde, le droit au repos est clairement inscrit dans la constitution chinoise (article 49), même si quelques efforts pour le confort restent à fournir…