Exégèse du verset 41 de sourate Al-‘Ankaboût
مَثَلُ ٱلَّذِينَ ٱتَّخَذُواْ مِن دُونِ ٱللَّهِ أَوۡلِيَآءَ كَمَثَلِ ٱلۡعَنڪَبُوتِ ٱتَّخَذَتۡ بَيۡتً۬اۖ وَإِنَّ أَوۡهَنَ ٱلۡبُيُوتِ لَبَيۡتُ ٱلۡعَنڪَبُوتِۖ لَوۡ ڪَانُواْ يَعۡلَمُونَ (41)
« Ceux qui ont pris des protecteurs en dehors d’Allâh ressemblent à l’araignée qui s’est donnée maison. Or la maison la plus fragile est celle de l’araignée. Si seulement ils savaient ! », s. Al-‘Ankaboût (L’Araignée), v. 41.
Descente et composition
Ce verset est tiré de la deuxième partie de la sourate « L’Araignée », révélée à la Mecque (exceptés les 10 premiers versets). Le titre de la sourate provient d’une parabole figurant dans l’un de ses 69 versets : Dieu compare les infidèles, ceux qui donnent des associés à Dieu et ceux qui ont recours à des protecteurs autres qu’Allâh à l’araignée qui cherche refuge dans sa toile qui est la demeure la plus fragile qui soit. L’araignée n’est mentionnée qu’à cet endroit dans le Coran.
Thème
Le thème principal de cette sourate est la foi et les épreuves des croyants à cause de leur attachement pour elle et de l’invitation qu’ils lancent aux gens à embrasser l’Islam. La lutte inévitable entre le vrai et le faux et leurs partisans respectifs est une loi terrestre instaurée par Allâh , et la sourate aborde plusieurs sujets :
les histoires de certains prophètes et messagers d’Allâh éprouvés dans l’accomplissement de leur mission ;
l’injustice et l’arrogance de personnages et de communautés châtiés pour leurs péchés ;
la bassesse des infidèles et de ceux qui donnent des associés à Dieu.
la relation entre la vérité dans la religion d’Allâh et la vérité dans les cieux et sur Terre ;
l’insistance sur l’unicité d’Allâh et celle du message divin ;
l’incitation des croyants à s’accrocher fermement à leur foi ou à émigrer avec leur religion en temps d’impiété ;
la grande valeur du djihad et de ceux qui luttent dans le sentier d’Allâh ;
la responsabilité individuelle et le fait que chaque individu assume les conséquences de ses actes ;
le sort des croyants, de celui des hypocrites et des infidèles ;
l’annonce de la bonne nouvelle à ceux qui luttent dans le sentier d’Allâh et l’annonce qu’Allâh les soutient.
L’intérêt de sourate « Al-Ankaboût »
1. La sourate enseigne que c’est Allâh qui commence la création et qui ensuite la recommence : cela est aisé pour Lui. Cette réalité se retrouve dans le cycle répétitif de tous les éléments de la création.
2. La sourate incite indirectement les croyants à s’intéresser à la géologie et à l’archéologie pour comprendre la vie de la terre depuis ses débuts et les peuples qui l’ont habitée.
3. La sourate désigne la toile d’araignée comme la maison la plus fragile qui soit. Ceci est confirmé par des études récentes en zoologie portant sur les animaux terrestres.
Définitions, lexicologie et exégèse
1. Le terme « araignée »
« Al- ‘ankaboût » est un arachnide qui tisse dans l’air et sur les margelles des puits une toile fine et lâche ; c’est un mot féminin (dictionnaire Lissân al-‘arab).
Selon Al-Farra’, « al-‘ankaboût » est féminin, et masculin pour certains parmi les arabes ; le pluriel est « al-‘ankaboûtât », « al-‘anâkib », ou encore « al-‘anâkîb ». Son diminutif est « ‘anîkb », et dans la langue yéménite « ‘aknbâh » ou « ‘ankbâ’ » et « ‘ankboûh ».
Ibnou ‘Arabî dit pour sa part : « al-‘ankab » est masculin, et « al-‘ankabah » est féminin.
Il est dit qu’« al-‘ankab » est le genre des araignées et qu’« al-‘ankaboût » est masculin ou féminin.
Al-Moubarrad affirme qu’« al-‘ankaboût » est féminin ou masculin.
L’opinion la plus répandue est qu’« al-‘ankaboût » désigne un nom féminin singulier, et son pluriel est « al-‘anâkib ».
La maison de l’araignée est appelée al-‘akdbahLe singulier employé pour le titre de la sourate fait allusion au caractère solitaire de l’araignée en dehors de la période de l’accouplement et lors de l’éclosion des œufs. En revanche, les sourates « Les Abeilles » et « Les Fourmis » ont leur titre au pluriel : ces insectes ne vivent-ils pas en société ?
2. Interprétation du verset 41 :
Selon Ibnoû Kathîr, c’est une parabole qu’Allâh propose au sujet de ceux qui Lui donnent des associés auxquels ils demandent la victoire et la subsistance, et auxquels ils sont très attachés lorsqu’un malheur les frappe. Ces fausses divinités et la maison de l’araignée sont semblables par leur faiblesse et leur fragilité : espérer obtenir quelque chose d’eux est aussi vain que de s’accrocher à la toile de l’araignée. S’ils connaissaient cette vérité, les ignorants n’auraient rien associé à la puissance de Dieu et, à l’instar des musulmans, se seraient accrochés à l’anse la plus solide — ‘Allâh
Dans le tafsîr d’Al-Jalâlayn, figure l’étude et le commentaire du cheikh Mohammad Kan’ân : ceux qui prennent des idoles, des statues, comme protections en dehors d’Allâh , et en espèrent un bienfait, ressemblent à l’araignée qui s’est donnée maison bien fragile qui ne protège ni de la chaleur, ni du froid, tout comme les statues qui sont inutiles et ne peuvent faire ni bien ni mal.
Dans un extrait de çafwatou l-bayân li ma’ânî al-qur’ân, l’auteur déclare : « Ceux qui prennent les statues comme dieux, leur rendent un culte, comptent sur elles, et leur demandent bienfaits et protection, ressemblent à l’araignée qui prend une maison fragile ; maison qu’elle a elle-même tissée et qui ne protège ni de la chaleur, ni du froid, ni de la pluie, ni des dangers. Et l’araignée est une petite bête bien connue qui tisse une toile lâche flottant dans l’air. Et le mot arabe « ‘ankaboût » (qui signifie « araignée ») se dit pour une seule araignée ou plusieurs, le mâle ou la femelle, mais le plus souvent il est féminin. Et les deux dernières lettres de «‘ankaboût » sont un suffixe comme dans le mot « tâghoût » [être malfaisant]. Le pluriel est « ‘anâkib » et « ‘anâkîb ».
· Les auteurs du Mountakhab fi tafsîr al-qur’ân al-karîm disent : « Ceux qui s’en remettent à autre qu’Allâh ressemblent par leur faiblesse, leur fragilité et leur confiance en ce qui n’en est pas digne, à l’araignée qui prend comme refuge la maison la plus fragile qui soit et la moins apte à être un refuge. Et si ces ignorants avaient quelque science et sagesse, ils ne feraient pas cela. »
Le verset affirme clairement que c’est la femelle araignée qui tisse la toile, et ceci est un miracle scientifique. En effet, c’est la science moderne qui a révélé que cette tâche incombe à la femelle, car son corps est doté de glandes secrétant la substance soyeuse utile au tissage de la toile. Le mâle participe, cependant, parfois aux opérations de construction, de restauration ou d’élargissement, mais l’opération reste essentiellement du ressort de la femelle.
La demeure de l’araignée est la plus fragile qui soit du point de vue purement matériel, car elle se compose d’un ensemble de fils de soie extrêmement fins, entrecroisés de sorte qu’ils laissent de grands intervalles. La toile ne protège donc pas des intempéries, ni de la chaleur intense (elle ne produit pas d’ombre suffisante), ni des prédateurs, malgré la prodigieuse résistance des fils de la toile. En soie très fine d’une épaisseur qui varie entre 25 et 70 µm (1000 µm = 1mm), ce qui représente un quart du millième de l’épaisseur d’un cheveu humain, « ces fils sont cinq fois plus solides que des fils d’acier de même épaisseur, et se distinguent par une résistance à la traction, par unité de volume ou de poids de fil testé, plus grande que celle de l’acier. De plus les études récentes ont démontré que le fil de soie de l’araignée de type néphile, appartenant à la famille des aranéides, est trois fois plus solide que les fibres de kevlar, une résine dérivée du pétrole utilisée pour la fabrication des gilets pare-balles. La soie produite par les araignées est donc un des matériaux les plus solides sur Terre, puisqu’elle supporte une traction qui peut atteindre 42 000 kg/cm² ce qui lui donne une très grande ductilité et la capacité de piéger les insectes qui sont ses proies sans se déchirer. En effet l’araignée construit sa toile avec des tresses qui comprennent chacune plusieurs fils tressés et assemblés solidement. » C’est pourquoi Dieu dit « la maison la plus fragile » et non pas « les fils les plus fragiles ».
D’un point de vue purement physique, une maison est une construction en solide sensée protéger ses habitants des intempéries extérieures et de la chaleur excessive. C’est un refuge où les résidents espèrent le confort, le calme, la douceur et la joie. Or, le foyer de l’araignée présente-t-il ces caractéristiques ? Il faut croire que non à y regarder de près : c’est une demeure exposée aux caprices du climat, et la toile est avant tout un piège destiné à la capture de proies.
Mais la pire des déficiences du foyer de l’araignée est d’ordre moral : il ne connaît ni amour ni miséricorde, bases de toute famille heureuse.
En effet, plusieurs araignées femelles du type de la veuve noire, plus grosse et plus vorace que son mâle, séduit le futur partenaire, copule avec lui, et après avoir été fécondée s’en débarrasse en le tuant et en dévorant son cadavre. Pour éviter cette fin tragique, le mâle ruse de son mieux pour, une fois son instinct assouvi, fuir l’hostile cohabitation.
Il arrive aussi que la mère dévore ses petits sans pitié, et qu’elle-même soit mangée par sa progéniture devenue adulte ! Certaines araignées meurent après la ponte, aussi, auparavant, elles enferment leurs œufs dans un cocon de fil de soie. Lorsque les œufs éclosent, les petits sont si à l’étroit qu’ils s’entretuent pour la place et la nourriture. Les survivants de ce pugilat se nourrissent des morts ; ils grossissent, muent, et après avoir percé le cocon, s’éparpillent aux quatre coins du territoire pour vivre séparément : beaucoup périssent en chemin face aux prédateurs et autres dangers. Les femelles tissent leur toile et celles qui survivent reproduisent la même tragédie qui stigmatise la maison de l’araignée comme la plus brutale et cruelle qui soit, une maison dénuée de toute attache familiale.
Ainsi Allâh mentionne ce foyer comme exemple de fragilité et de faiblesse, à cause de l’absence de toute miséricorde dans les rapports entre ses différents membres.
Dieu termine ce verset par « Si seulement ils savaient ! », car ces vérités n’étaient pas connues à l’époque de la révélation du Coran. Elles ne furent découvertes qu’après des études approfondies sur le comportement des araignées : ces études ont abouti seulement au cours des dernières décennies du 20ème siècle.
Conclusion
Voilà plus de 1 400 ans, Ie Coran a devancé la science dans sa description de la fragilité de la maison de l’araignée. Le Messager d’Allâh était illettré, ainsi que son peuple dans sa majorité : aussi cette science n’a raisonnablement d’autre source qu’Allâh , le Créateur, qui a fait descendre le Saint Coran et l’a révélé au dernier de Ses prophètes et envoyés ; puis l’a préservé comme Il s’y est engagé. Et il en sera ainsi jusqu’au jour de la Résurrection : le Livre sera un argument indéniable pour ou contre les hommes, le témoin que la vérité qu’il contient est la parole d’Allâh ; de même, il confirme la prophétie de Mouhammad .