(3) Âdam : Iblîs le tentateur
Qui est l’odieux Iblis pour se permettre une telle outrecuidance vis-à-vis du Tout Puissant, provoquant le courroux du pourtant Très Patient et Très Magnanime ?
Quelques doctes musulmans penchent pour l’idée qu’il faisait partie des anges,
puisque l’apparence du texte coranique le laisse sous-entendre : Ibnou ‘Abbâs, Ibnou Mas’oûd, Ibnou Jourayj, Ibnou Al-Moussayib, Qatâdah, pour ne citer qu’eux, supposaient donc qu’Iblis Le Maudit devint Satan une fois qu’il désobéit à Allâh .
D’autres érudits de renom comme Ibnou Zayd, Al-Hassan Al-Baçrî et également Qatâdah, considèrent qu’Iblis était le père des djinns, comme Adam fut celui des humains. Preuves à l’appui, ces versets du Coran : « Rappelle-toi lorsque Nous avons dit aux anges : » Prosternez-vous devant Adam ! « . Ils se sont tous prosternés à l’exception de Satan, qui était du nombre des djinns et qui refusa d’obéir à l’ordre de son Seigneur. (…) », s. 18 Al-Kahf (La Caverne), v. 50 ; « Et le djinn, Nous l’avons créé auparavant d’un feu sans fumée. », s. 15 Al-Hijr (Al-Hijr), v. 27.
« Iblis » vient du mot « Iblâs », signifiant « désespoir », ou encore « celui qui a définitivement désespéré de la Miséricorde de Dieu ». Satan porte donc bien son nom !… Allâh le lui a attribué en parfaite connaissance de cause. Ayant tout créé par couple, par dualité, Il a permis l’existence du Mal qui est l’opposé du Bien, afin d’éprouver Ses créatures et de justifier par là-même la création de la récompense et du châtiment, le paradis et l’enfer. De surcroît, par le biais du Diable Tentateur, Allâh manifeste maints de Ses attributs : Il est Celui qui guide (Al-Hâdî), Celui qui reçoit le repentir (At-Tawwâb), Celui qui pardonne (Al-Ghafoûr), Le Magnanime (Al-‘Afoûww) ; et à l’identique Il est l’Intraitable (Al-Qahâr), Celui qui se venge (Al-Mountaqim), Celui dont le châtiment est dur (Chadîdou-l-‘iqâb), etc.
Se prosterner c’est manifester son infériorité à l’égard de quelqu’un à qui on reconnaît une supériorité. Dans le Coran il est dit que les étoiles se prosternent devant le prophète Yoûssouf , et l’ombre des arbres devant la grandeur de Dieu.
La prosternation était monnaie courante jusqu’à la venue du Prophète Mouhammad . Ainsi il est dit dans le Coran : « Yoûssouf fit asseoir son père et sa mère sur le trône, et tous les membres de sa famille se prosternèrent à ses pieds, (…) », s. 12 Yoûssouf (Joseph), v. 100.
Une fois, Mou’âdh Ibnou Jabal se prosterna devant le Prophète , et ce dernier s’étonna de cette innovation dans les rapports entre musulmans ; Mou’âdh lui rétorqua qu’il avait vu les gens de Damas agir ainsi avec leurs notables religieux. Le Messager d’Allâh l’informa alors : « Si j’avais à demander à quelqu’un de se prosterner devant une autre personne, cela aurait été aux épouses devant leurs maris. »
De même que certaines femmes ressentent de la gêne à écraser leur ego devant leur époux, — toute proportion gardée — il fut horriblement pénible pour Iblis de se rabaisser devant Adam : son orgueil incommensurable le mena à la désobéissance… à sa perte. ‘Abdoullâh Ibnou Mas’oûd mentionnait que le Prophète enseignait aux gens : « N’entrera pas au paradis quiconque a dans son cœur un grain de moutarde d’orgueil. » Un homme lui dit : « Mais l’homme aime porter de beaux habits et de belles sandales. ». Il lui répondit : « Dieu est Beau et Il aime le beau. L’orgueil consiste à ne pas reconnaître la vérité et à mépriser les gens. » (rapporté par Mouslîm).
Iblis fit preuve d’une prétention inouïe et d’un narcissisme extrême lorsqu’il dédaigna la nature intrinsèque d’Adam : il croyait le feu plus honorable que le limon. Or, qu’est le feu, sinon la combustion, la précipitation, l’étourderie et la futilité ? Et qu’est le limon, sinon l’utilité, la fertilité pour le labour, la sérénité, la clémence et la résignation ?
Imbu de sa personne, Iblis, par sa réaction, prétendit mieux connaître la création que Le Créateur ! Décidément incapable de se repentir, Iblis aggrava son cas en manifestant toute la bassesse de son tempérament :
— « Accorde-moi un délai, demanda Satan, jusqu’au jour où les hommes seront ressuscités !
— Ce délai t’est accordé, dit Le Seigneur.
— Puisque Tu as décrété ma perte, reprit Satan, je guetterai désormais les hommes le long de la voie droite, pour les harceler, par devant et par derrière, sur leur gauche et sur leur droite, en sorte que Tu en trouveras bien peu qui Te seront reconnaissants !
— Hors d’ici, dit Le Seigneur, couvert d’opprobre et à jamais banni ! De tous ceux parmi eux qui t’auront suivi et de toi-même, Je remplirai la géhenne ! Quant à toi Adam, habite le paradis, toi et ton épouse. Mangez de ses fruits à satiété et d’où il vous plaira. Mais n’approchez sous aucun prétexte cet arbre que voici ! Sinon, vous seriez du nombre des injustes. », s. 7 Al-A’râf (Les Murailles), v. 14 à 19.
Effectivement, Satan Le Lapidé guettera ses proies humaines, prêt à fondre sur elles à la moindre faiblesse, à la moindre négligence… y a-t-il pire distraction que l’oubli de Son Seigneur ? Pourquoi Iblis n’a-t-il pas déclaré vouloir importuner les hommes au-dessus et en dessous d’eux ? Selon les doctes musulmans, il ne le pourrait, et il a parlé en connaissance de cause : dans Son infinie sagesse et Sa miséricorde, Allâh a enseigné la prière à l’homme. Ce rite éloigne l’orant de la turpitude… au-dessus de lui, il y a Allâh , et en dessous s’étale le tapis de prière sur lequel il pose son front dans la prosternation, marquant par là l’humilité qui faisait tant défaut au diable : comment le démon pourrait-il atteindre un être qui s’est mis en relation étroite avec Le Créateur ?
Iblis souhaitait ardemment le bannissement d’Adam de sa demeure paradisiaque, lui qui n’avait plus la permission de s’y introduire. Mais Adam habitait-il réellement le paradis ou un jardin ? Deux avis s’offrent aux croyants, car le terme « al-jannah » signifie tout aussi bien « le paradis » que « le jardin ».
Al-Mâtoûrîdî, dans son exégèse « Atta’wîlât », affirme pour sa part, qu’Adam a été créé sur Terre. S’il était monté au paradis, cet évènement aurait été relaté dans le Coran ou dans la tradition prophétique. Seuls les croyants et les obéissants pouvaient prétendre accéder à la demeure céleste : comment imaginer que Satan y avait droit de cité ? Les péchés ne sont pas commis au paradis, aucun aliment n’y est prohibé. En outre, le paradis n’est pas la demeure des responsabilités, or Allâh a responsabilisé Adam en lui interdisant de s’approcher de l’arbre.
Iblis rôdait autour du couple, jusqu’à ce que l’occasion se présentât à lui pour aborder les malheureuses victimes, et il « …s’employa à les tenter, afin de découvrir à leurs yeux les parties de leurs corps tenues jusqu’alors cachées, en leur disant : » Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre que pour vous empêcher de devenir des anges ou des immortels. Je suis pour vous, leur jura-t-il, un conseiller sincère. » Et il réussit ainsi à les séduire par ses supercheries. (…) », s. 7 Al-A’râf (Les Murailles), v. 20 à 22.
Pourquoi Adam et Hawwâ’ (paix sur eux) furent réceptifs à ses insinuations perfides ? Probablement parce qu’ils oublièrent qu’Iblis était un ennemi mortel pour eux. Comment Adam a-t-il put croire à la supériorité des anges sur lui de par leur immortalité, alors qu’il n’y a pas si longtemps ils s’étaient prosternés devant lui sur ordre divin ? Oui, véritablement, l’oubli habite l’homme… sinon pourquoi l’envoi des révélations et des prophètes ?
Adam et Hawwâ’ (paix sur eux) ont été perdus du fait de leur ambition qu’Iblis a su détecter, depuis le temps qu’il les observe de là où eux ne le voient pas ?
Satan, rusé, a sûrement suggéré à son rival que l’interdiction divine ne concernait qu’un arbre en particulier et non toute l’espèce. Quelle était l’essence de ce végétal ? Ibnou ‘Abbâs, Ibnou Mas’oûd, Saïd Ibnou Joubayr étaient d’avis qu’il s’agissait de la vigne ; Ibnou ‘Abbâs à nouveau, Qatâdah et Abou Mâlik pensaient à l’épi de blé, lequel devint l’aliment principal d’Adam , une fois que Dieu lui eut pardonné ; Ibnou Jourayj penchait pour le figuier, aussi celui qui le verrait en rêve devrait l’interpréter comme le regret d’une chose. Allâh est Le Plus Savant.
Toujours est-il que lorsqu’Adam et Hawwâ’ (paix sur eux) « …eurent goûté à l’arbre, ils virent apparaître leur nudité qu’ils s’empressèrent de couvrir avec des feuilles du jardin. Le Seigneur les interpella alors :
— » Ne vous ai-Je pas interdit cet arbre ? Ne vous ai-Je pas dit que Satan était un ennemi déclaré ?
— Seigneur, dirent Adam et son épouse, nous avons agi injustement envers nous-mêmes. Si Tu ne nous pardonnes pas, et si Tu nous refuses Ta grâce, nous serons à jamais perdus !
— Descendez, dit Le Seigneur. Vous serez ennemis les uns des autres sur Terre où vous trouverez un séjour et une jouissance temporaires.
Et Il ajouta :
— C’est là où vous vivrez, c’est là où vous mourrez et c’est de là qu’on vous fera sortir un jour ! » »
En ce funeste jour, Iblis réussit à se gausser des pauvres humains en les privant de leur innocence. Mais Allâh , Le Tout Clément, Le Très Miséricordieux, Le Juste, ne prive pas l’humanité entière de Sa guidance pour l’erreur commise par ses ancêtres : « ô fils d’Adam ! Nous vous avons dotés de vêtements pour couvrir votre nudité, ainsi que de parures. Mais le meilleur vêtement est la crainte révérencielle du Seigneur. C’est là un des signes de Dieu. Peut-être s’en souviendront-ils ? ô fils d’Adam ! Ne vous laissez pas tenter par Satan, comme vos parents qu’il a fait sortir du paradis, en les dépouillant de leurs vêtements pour leur montrer leur nudité, car lui et sa cohorte ne cessent de vous observer alors que vous, vous ne les voyez pas. Nous avons fait des démons les alliés des négateurs. », s.7 Al-A’râf (Les Murailles), v. 22 à 27.