(6) Al-Mou’mine (Le Protecteur)
Le Nom divin « Al-Mou’mine » n’apparaît qu’une fois dans le Coran : « Il est Dieu en dehors de qui il n’y a point de divinité ; Il est Le Souverain, Le Saint, Le Pacifique, Le Protecteur, L’Arbitre Suprême, Le Puissant, L’Irrésistible,
Le Superbe. Gloire à Dieu ! Il est bien au-dessus de tout ce qu’on peut Lui associer ! », s. 59 Al-Hachr (l’Exode), v. 23.
Définitions
La première signification du nom « Al-Mou’mine » découle de la racine verbale « âmana » dont le sens est « croire ». Dieu rapporte les paroles des frères de Yoûssouf (Joseph) qui avaient utilisé ce verbe lorsqu’ils avaient lancé à l’adresse de leur père : « Père, dirent-ils, nous sommes allés jouer à la course en laissant Joseph auprès de nos effets. C’est alors que le loup l’a dévoré. Mais tu ne nous croiras pas [wa mâ anta bimou’minin lanâ], même si nous disons la vérité. », s. 12 Yoûssouf (Joseph), v. 17. Par extension, ce terme traduit le concept de foi, contenu dans le terme arabe « îmâne ». Lorsqu’on destine le mot « mou’mine » à un être humain cela indique automatiquement que celui-ci est musulman et qu’il croit en Dieu, en Ses anges, aux livres divins, en tous les messagers, au Jour Dernier et en la prédestination. Allâh dit à ce propos dans le Coran : « Le Prophète croit pleinement [âmana] à ce que lui a révélé son Seigneur, ainsi que les fidèles. Tous ensemble croient en Dieu, à Ses anges, à Ses Ecritures et à Ses messagers, sans faire aucune distinction entre Ses prophètes. Ils affirment : « Nous avons entendu et nous avons obéi. Pardonne-nous, Seigneur, car c’est vers Toi que tout doit faire retour ! » », s. 2 Al-Baqara (La Génisse), v. 285.
La deuxième signification d’« Al-Mou’mine » dérive du mot « al-amn » dont le sens est « la sécurité ». De la même racine, le verbe « amina » se traduit par « se sentir en sécurité », « dissiper les peurs » ou « être en paix ». Le Coran décrit très bien cette notion dans sourate 106 Qouraych (Les Qouraychites), v. 4 : « [Allâh] qui les a préservés de la faim et les a rassurés [âmanahoum] de la crainte ! »
Quand « Al-mou’mine » est voué à Dieu, son sens prend une autre dimension. Peut-on insinuer qu’Allâh est croyant ? En quoi croirait-Il ? En réalité, le nom divin « Al-Mou’mine » a plusieurs acceptions qui permettent de mieux connaître Allâh .
L’harmonie parfaite entre Ses Noms et Ses actes
Allâh , Al-Mou’mine, est Celui qui se connaît incontestablement le mieux. Il se présente à Ses serviteurs sous les Noms et attributs qui Le définissent et Lui siéent à merveille. Relevant de la perfection, ils correspondent pleinement à l’Entité divine. D’ailleurs, celle-ci ne peut s’appréhender réellement qu’à travers la connaissance de Ses Qualificatifs et leur méditation. Ces Noms, caractérisant Dieu dans Sa transcendance, permettent de comprendre Ses décisions et Ses actes à l’échelle universelle.
« Al-Mou’mine » est caractérisé par l’absence de contradiction entre les paroles et les actes divins. L’Islâm apporte des explications concordantes avec la réalité de l’Univers, le déroulement de l’existence et la création de l’homme. Peu importe la durée d’une vie, l’époque et les circonstances dans lesquelles elle se passe, tout ce qui adviendra appartient au cadre fixé par les décrets divins. Si certaines théories énoncées par des scientifiques peuvent être réfutées par les travaux d’autres chercheurs, ce cas de figure ne peut s’appliquer au contenu du Coran : malgré les progrès incontestables de la science et de la technologie au cours des soixante-dix dernières années, aucun fait scientifique ne contredit – et ne contredira jamais – le Livre d’Allâh .
Dieu a étayé Son message de preuves irréfutables. Il a envoyé Ses messagers en les dotant de tous les signes qui prouvent la véracité de leur prophétie pour faciliter l’adhésion des hommes à leur appel. Lorsque le musulman lit le Coran, il y trouve des évidences qui authentifient sa foi et le confortent dans sa croyance car ce qu’il vit et ce qu’il lit concordent pleinement. Tout ce que Dieu promet aux croyants se réalise inévitablement, Il garantie en priorité à Ses serviteurs sincères l’accomplissement de Sa promesse : la rétribution de l’au-delà.
En vue de cela, le croyant s’oblige à travailler honnêtement pour vivre dans la licéité, et c’est tout à son avantage : la droiture lui confère contentement et apaisement ; Allâh ennoblit le nom de qui se montre digne de la confiance que lui accordent les gens, Il leur inspire le respect à son égard. Si le musulman se soumet aux prescriptions divines dans tous les aspects de sa vie, il se rend compte aussitôt que les promesses de Dieu se réalisent conformément à ce qui est affirmé dans le Coran: « Certes Dieu prendra toujours la défense de ceux qui ont la foi, car Dieu n’aime pas les traîtres ingrats. », s. 22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v. 38. C’est cette concordance entre les actions et les annonces divines qui amène l’homme à croire en Allâh et à Sa religion. Elle dissipe ses craintes quant à l’inconnu et lui permet de vivre dans la sérénité.
Al-Mou’mine, Le Sécurisant
Se sentir en sécurité est un sentiment vital commun à toutes les créatures. Cette tranquillité d’esprit s’apprécie généralement à travers l’appartenance à un groupe, mais l’être humain la ressent aussi de la part de son Seigneur. Le Sécurisant intervient à deux niveaux : Il protège chaque personne en dotant son corps de membres, de facultés qui la protègent tout au long de son existence ; Il garantit la survie de l’espèce humaine qui peut subséquemment jouir de paix et de sécurité grâce à Al-Mou’mine. Dieu a créé la Terre et tout ce qu’elle comporte pour les mettre au service de l’homme.
Ainsi, tous les corps humains ont une physiologie identique et peuvent par conséquent servir de modèle pour l’apprentissage de la médecine. Une telle constance des paramètres dans la création de l’homme rassure le fils d’Adam et lui permet de progresser dans la science à partir de bases stables et solides.
Le corps humain renvoie les signes de la protection, de la bienveillance d’Al-Mou’mine : il possède plusieurs facultés complémentaires, et lorsque l’une d’elles faillit dans ses fonctions, ou est amoindrie dans des circonstances données, elle est aussitôt relayée par une autre. Par exemple, l’obscurité réduit considérablement le champ de vision, l’inconfort et l’insécurité peuvent alors s’installer. Mais Al-Mou’mine a pourvu l’homme de l’ouïe, un sens qui sera plus sollicité que la vue, dès lors moins performante. Il en est de même pour l’odorat lorsque la vue ne détecte pas une nourriture avariée ; idem pour les mains dans l’autodéfense, ou encore les jambes pour fuir un danger.
Considérons maintenant l’invariabilité du mouvement rotatif de la Terre : la Planète Bleue tourne autour du soleil à 30 km/s. Cette vitesse maintient l’équilibre terrestre et réduit considérablement les tremblements de terre dévastateurs. Il faut avoir vécu ces cataclysmes, ou en être témoin, pour apprécier grandement les lois physiques instaurées par Allâh : « N’est-ce pas Lui qui a fait de la Terre un lieu de séjour, qui l’a sillonnée de rivières, qui y a fixé des montagnes et qui a établi entre les eaux douces et les eaux salées une barrière ? Y-a-t-il donc une autre divinité avec Dieu ? Non, bien sûr ! Mais la plupart de ces gens-là vivent dans l’ignorance. », s. 27 An-Naml (Les Fourmis), v. 61.
« En vérité, Nous avons donné une juste proportion à tout ce que Nous avons créé. », s. 54 Al-Qamar (La Lune), v. 49.
Personne n’est à l’abri d’une catastrophe naturelle, mais le pire des cataclysmes guettant l’être humain est celui du Jour du jugement. La crainte du châtiment incite le croyant à s’en prémunir en utilisant les facultés qu’Allâh a placées en lui, à savoir l’intelligence, les désirs qui le motivent, la capacité et la liberté de faire ses propres choix puis le pouvoir de les traduire en actions. Toutes ces faveurs ont pour but de protéger le croyant de l’enfer lorsqu’elles sont consacrées à l’adoration et au rapprochement de Dieu. En choisissant de se tourner vers Al-Mou’mine, le fidèle se débarrasse alors de ses angoisses ; il atteint par ce biais un état de quiétude que seule la confiance en Allâh peut procurer.
La Source de sérénité
Quand l’homme recherche l’aide d’Allâh , le Tout Puissant le protège des péchés et des mauvaises actions. Allâh , l’Unique nous enseigne comment L’adorer : « C’est Toi que nous adorons ! C’est Toi dont nous implorons le secours ! », s. 1 Al-Fâtiha (Le Prologue), v. 5. L’imâm Ach-Châfi’î dit dans ce contexte : « Je jure par Allâh ! Même si le ciel était en cuivre, que la terre était en plomb, et que toutes les créatures dépendaient de moi, je ne craindrai jamais la pauvreté. » Al-Mou’mine est en effet le Confiant, Il n’abandonne aucune de Ses créatures. En réalité, la conception de l’existence qu’a le croyant est divergente de celle de l’incrédule : la première est empreinte de sérénité et de paix contrairement à la seconde. Ibrâhîm s’adressait à son peuple païen de la sorte : « Comment craindrais-je vos fausses divinités, quand vous-mêmes ne craignez pas de donner à Dieu des associés sans qu’aucune preuve ne vous ait jamais été révélée ? Lequel donc des deux partis a le plus droit à la sécurité ? Dites-le si vous le savez ! Ceux qui croient et qui n’entachent point leur foi par quelque iniquité, ceux-là seuls sont en sécurité ; ceux-là seuls sont les bien-guidés. », s. 6 Al-An’âm (Les Bestiaux), v. 81-82.
Allâh promet aux croyants une belle vie ici-bas et dans l’au-delà. Une existence agréable renforce les fidèles spirituellement et catalyse leur adoration. Lorsque les croyants se heurtent à une difficulté, Al-Mou’mine les réconforte, raffermit Ses signes dans leur cœur et, à travers la confiance qu’ils ont en Lui, leur permet de mener une existence sereine. Le Coran retranscrit ce soutien spirituel accordé aux compagnons au temps du Prophète : « Dieu vous a assistés en maints endroits, notamment lors de la bataille de Hounayn où, abusés par votre grand nombre qui ne vous a servi à rien, vous n’avez pas tardé à sentir que la terre, pourtant si vaste, était devenue trop étroite et vous avez pris la fuite en désordre. C’est alors que Dieu étendit Sa quiétude sur Son Prophète et les croyants, en envoyant des troupes invisibles pour les secourir et châtier les négateurs, car telle est la rétribution des infidèles. », s. 9 At-Tawba (Le Repentir), v. 25-26.
Les négateurs, qui cherchent à dévoyer les pieux par tout moyen, n’hésitent pas à les dénigrer et à les oppresser lorsqu’ils refusent de les suivre. C’est là qu’Allâh , Al-Mou’mine, intervient pour rassurer Ses fidèles et anéantir les efforts des incrédules, comme le révèle le Coran : « Et pendant qu’un fanatisme barbare s’emparait des négateurs, Dieu faisait naître de la quiétude dans le cœur du Prophète et dans les cœurs des croyants, en leur inspirant de suivre la voie de la piété dont ils sont les plus dignes et les plus qualifiés. Dieu est parfaitement informé de toute chose. », s. 48 Al-Fath (La Victoire), v. 26.
Les croyants ressentent concrètement l’apaisement et la tranquillité en ce bas monde, mais au paradis, ces sensations seront éternelles et dépasseront leur entendement. Dieu décrit cet état de contentement matériel et spirituel comme suit : « Certes, les pieux auront accès à des jardins et à des sources. « Entrez-y en paix et en toute confiance ! », leur sera-t-il dit. Toute souffrance leur sera épargnée et nul ne pourra jamais les déloger. », s. 15 Al-Hijr, v. 45-48. C’est la quête de ce bien-être suprême qui incite le musulman à agir selon les prescriptions divines. Il est avant tout un « mou’mine », un croyant qui est convaincu de la véracité du message divin et qui s’engage corps et âme à pratiquer sa religion avec sincérité.
Les aspirations du croyant sincère
Une des résolutions du « mou’mine » est d’agir en totale conformité avec ses croyances, car il ne convient pas au pratiquant consciencieux de vivre dans l’ambivalence : ses convictions et son comportement doivent se rejoindre. Prôner une idée et agir différemment révèle un sérieux déséquilibre de la personnalité. Allâh dit dans le Coran : « Evitez le péché dans ce qu’il a d’apparent et ce qu’il a de caché, car ceux qui s’en rendent coupables seront rétribués selon la gravité du péché qu’ils auront commis. », s. 6 Al-An’âm (Les Bestiaux), v. 120. En effet, les actes apparents peuvent témoigner d’une pratique conforme aux prescriptions divines lorsqu’il s’agit de la prière, du jeûne ou du pèlerinage, etc. En revanche, un for intérieur noirci par l’envie, l’orgueil ou le mensonge, révèle des péchés cachés et représente une inadéquation entre l’âme et les préceptes coraniques prêchés. Le musulman se doit donc d’y remédier en purifiant son tréfonds afin que sa pratique reflète authentiquement sa conscience.
Une autre ambition du croyant sincère est de ne pas représenter un danger pour les autres. Le Prophète dit à ce propos :
« Par Allâh ! Il n’est pas un croyant sincère. Par Allâh ! Il n’est pas un croyant sincère. Par Allâh ! Il n’est pas un croyant sincère.
– Qui ? Ô Messager de Dieu ? s’enquirent les compagnons.
– Celui dont les voisins ne sont pas à l’abri de ses méfaits. », (rapporté par Al-Boukhârî).
Le musulman doit être une source de paix et de sécurité pour le reste de l’humanité. Il ne peut être l’auteur d’actes de trahison, de malhonnêteté, de perfidie ou de quelqu’autre injustice à l’encontre de quiconque, serait-ce un ennemi.
Croire en « Al-Mou’mine » c’est donc avoir conscience qu’Allâh se connaît parfaitement et que Ses actes confirment toujours Ses dires. Il est la Source de sécurité au travers de toute Sa création, ce qui rappelle au musulman que les grâces divines gravitent en lui et autour de lui, dans le moindre atome de matière. Ainsi, avec Al-Mou’mine pour Soutien, le croyant est convaincu — et rassuré — de la fin heureuse de ses entreprises.