Commentaire de l’aphorisme 21 (article)
طلَبُكَ له اتهامٌ له، وطلبُك منه غيبة منك عنه، وطلبك لغيره لِقلّةِ حيائِك منه، وطلبك من غيره لوجود بُعدِك عنه
« Lui demander quelque chose, c’est Le suspecter, Le chercher, c’est être absent de Lui, chercher autre que Lui, c’est manquer de pudeur envers Lui et demander à quelqu’un d’autre que Lui, c’est être loin de Lui »
طلَبُكَ له اتهامٌ له، وطلبُك منه غيبة منك عنه، وطلبك لغيره لِقلّةِ حيائِك منه، وطلبك من غيره لوجود بُعدِك عنه
« Lui demander quelque chose, c’est Le suspecter, Le chercher, c’est être absent de Lui, chercher autre que Lui, c’est manquer de pudeur envers Lui et demander à quelqu’un d’autre que Lui, c’est être loin de Lui »
Ce 21ème aphorisme d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh se divise en quatre parties distinctes. Elles seront développées point par point tout au long de cet exposé.
1ère partie : « Lui demander quelque chose, c’est Le suspecter »
De prime abord, cette sentence peut paraître déroutante pour le lecteur. En effet, Ibnou ‘Atâ’i Allâh semble sous-entendre que l’invocation du fidèle pour une chose dont il a besoin est un manque de respect envers Allâh. Or, il est inconcevable pour un savant de la renommée d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh d’avancer une telle affirmation, celle-ci étant en totale contradiction avec les textes scripturaires. En effet, Dieu affirme dans Son Livre Saint : « Et votre Seigneur dit : “Appelez-Moi, Je vous répondrai […] », s.40 Ghâfir (Le Pardonneur), v.60. Il dit également : « N’est-ce pas Lui qui répond à l’angoissé quand il L’invoque […] », s.27 An-Naml (Les Fourmis), v.62.
Par ailleurs, de nombreux ahâdith relatent des situations ou des événements dans lesquels le Prophète s’est adressé à Allâh afin de Lui demander protection, triomphe, science ou guérison, ou simplement pour obtenir Son pardon. Alors qu’entend Ibnou ‘Atâ’i Allâh par cette première partie de sentence : « Lui demander quelque chose, c’est Le suspecter » ?
L’auteur livre quelques clés de compréhension dans son aphorisme 156 : « Que ta demande ne soit pas un simple moyen pour obtenir quelque chose de Lui, sinon tu montrerais combien peu tu Le connais. Que ta demande soit une manifestation de ta condition de serviteur et un acquittement des droits de la Seigneurie ». Penser que Dieu pourvoit Ses serviteurs de ce dont ils ont besoin uniquement grâce à leurs demandes concrètes revient à mal connaître son Seigneur. En effet, Allâh connaît parfaitement quelles sont les nécessités manquant à chacun de Ses serviteurs : « Dis : Que vous cachiez ce qu’il y a dans vos poitrines ou bien vous le divulguiez, Allâh le sait », s.3 Âli-‘Imrâne (La Famille de ‘Imrâne), v.29.
Ibnou ‘Atâ’i Allâh essaie-t-il de dissuader le fidèle de supplier Allâh pour pallier à ses manques ? Préconise-t-il d’attendre patiemment une réponse favorablement aux souhaits enfouis au plus profond des cœurs ? Non. Le savant met uniquement en garde le croyant qui pense que formuler sa requête entraînera la réponse de Dieu. C’est en réalité l’état sous-jacent à cette demande qui permet au serviteur de bénéficier de la réponse de son Seigneur, quand bien même la demande n’aurait pas été explicitement prononcée.
En effet, le serviteur est par nature dans un état de soumission constant à Dieu, pour Lequel il ne cesse de manifester son indigence et son besoin d’Allâh à chaque instant de sa vie. Ce fut l’exemple du prophète Ibrâhîm qui n’a cessé d’appeler son peuple à adorer Dieu sans rien Lui associer. Devant l’obstination de ces idolâtres, il décida de détruire les statues vénérées, démontrant ainsi qu’elles ne pouvaient leur assurer ni bonheur ni protection. Dieu mentionne cet épisode dans le Coran en rapportant les paroles d’Ibrâhîm : « Et par Allâh ! je ruserai certes contre vos idoles une fois que vous serez partis.” Il les mit en pièces, hormis [la statue] la plus grande. Peut être qu’ils reviendraient vers elle. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.57-58. Lorsque son peuple découvrit ce qui était pour eux une véritable abomination, et s’assurèrent qu’Ibrâhîm en était bien l’auteur, ils informèrent le roi Némrod. Ce dernier convoqua le coupable et, suite à cette entrevue, décida de se conformer à la sentence réclamée par son peuple [leur échange est relaté dans le verset 258 de sourate 2 Al-Baqara (la Génisse)]. C’est ainsi que les mécréants creusèrent un fossé dans lequel ils allumèrent un grand feu. La tradition rapporte que le bûcher était tellement ardent que les bourreaux ne pouvaient s’en approcher et qu’ils utilisèrent une catapulte pour y projeter Ibrâhîm. L’archange Jibrîl se présenta alors au prophète condamné pour lui apporter son soutien : « As-tu besoin de moi ? », sa courte réponse vaut le plus long des discours : « Allâh me suffit, et quel meilleur Garant ! » [Rapporté par Al-Boukhârî dans son Çahîh sur ‘Abdoullâh Ibnou ‘Abbâs]
Cette phrase prononcée par Ibrâhîm représente le summum de la soumission à Allâh, et sa formulation acquitte son auteur des droits de la Seigneurie. Elle équivaut toute demande explicite, tant son contenu déborde d’authenticité. Ibrâhîm savait pertinemment que Dieu connaissait sa situation et qu’il y était parvenu uniquement à cause de son devoir de messager. Si mourir martyr devait être le dénouement de cette mission, quelle meilleure fin pouvait-il espérer ? Et si en revanche, Allâh décidait de le sauver, Ibrâhîm continuerait d’appeler son peuple à Dieu avec la même ferveur. En l’occurrence, Ibrâhim a confié le choix à Allâh, car son Créateur est plus à même de le sauver et/ou de lui donner une meilleure issue. C’est ce que sous-entend Ibnou ‘Atâ’i Allâh lorsqu’il dit « Lui demander quelque chose, c’est Le suspecter » : supplier verbalement son Seigneur pour une option bien précise reviendrait à douter de Sa capacité à déterminer la meilleure solution pour soi.
En revanche, cet aphorisme n’est absolument pas un appel à la non-invocation de Dieu, ou à Sa non-sollicitation. En effet, Allâh relate, en guise d’exemple, la supplication de l’épouse de Pharaon dans le Coran : « Et Allâh a cité en parabole pour ceux qui croient, la femme de Pharaon, quand elle dit : « Seigneur, construis-moi auprès de Toi une maison dans le Paradis, et sauve-moi de Pharaon et de son œuvre ; et sauve-moi des gens injustes » », s.66 At-Tahrîm (L’Interdiction), v.11.
D’ailleurs, la parole d’Ibrâhîm citée plus haut reflète non seulement sa soumission et sa confiance envers Allâh, mais sollicite également Son aide. Et la réponse de Dieu ne se fit pas attendre ; Il décrit Lui-même la scène dans Son Livre : « Ils dirent : « Brûlez-le. Secourez vos divinités si vous voulez faire quelque chose (pour elles)« . Nous dîmes : « Ô feu, sois pour Abraham une fraîcheur salutaire ». Ils voulaient ruser contre lui, mais ce sont eux que Nous rendîmes les plus grands perdants », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.68-70.
Ce choix divin défiant les lois de la nature fut le résultat de la grande sérénité de la foi manifestée par Ibrâhîm. Le Prophète, dans un hadîth qodsî, rapporte que Dieu dit : « Celui qui a été préoccupé par Mon rappel plutôt que par Ma sollicitation recevra de Moi le meilleur de ce que Je donne à ceux qui Me sollicitent. » [Rapporté par At-Tirmidhî, considéré comme hassan selon d’autres versions].
Un tel degré de foi n’est atteint que par les croyants qui ressentent la proximité d’Allâh dans leur quotidien : ils vivent par et pour Dieu et n’omettent jamais de Le mentionner ou de L’évoquer à chaque instant de leur vie. Ces pieux ont confié leur existence entre les mains du Créateur et ont consacré tous leurs efforts et leurs biens pour Sa satisfaction. Ces paroles prononcées par Ibrâhîm à l’endroit de son Seigneur en témoignent : « Il dit : “Que dites-vous de ce que vous adoriez ? Vous et vos vieux ancêtres ? Ils sont tous pour moi des ennemis sauf le Seigneur de l’Univers, qui m’a créé, et c’est Lui qui me guide ; et c’est Lui qui me nourrit et me donne à boire ; et quand je suis malade, c’est Lui qui me guérit, et qui me fera mourir, puis me redonnera la vie, et c’est de Lui que je convoite le pardon de mes fautes le Jour de la Rétribution. Seigneur, accorde-moi sagesse (et savoir), et fais-moi rejoindre les gens de bien ; fais que j’aie une mention honorable sur les langues de la postérité ; et fais de moi l’un des héritiers du Jardin des délices. Et pardonne à mon père : car il a été du nombre des égarés ; et ne me couvre pas d’ignominie, le jour où l’on sera ressuscité ; le jour où ni les biens, ni les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Allâh avec un cœur sain. », s.26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), v.75-89.
Malgré sa relation fusionnelle avec Allâh et son dévouement total envers Lui, Ibrâhîm se considère comme fautif et ne cesse de solliciter le pardon et la miséricorde de Dieu. Un croyant ayant atteint un tel niveau de spiritualité ne pensera jamais qu’Allâh va l’abandonner, alors qu’il est dans le besoin ou dans une situation difficile. Il ne cessera de L’invoquer comme il le fait habituellement, sans formuler explicitement sa demande et sachant pertinemment qu’Allâh choisira ce qui est meilleur pour lui.
2ème partie : « Le chercher, c’est être absent de Lui »
De manière générale, on ne cherche une chose uniquement quand elle est hors de vue, de même qu’on ne cherche quelqu’un que lorsqu’il est absent. Or, Dieu n’est en aucun cas manquant, au point d’engager des recherches, et rien ne peut voiler Sa présence si ce n’est l’orgueil et la passion qui empêchent certains humains de se rendre compte de cette évidence.
Selon Ibnou ‘Atâ’i Allâh, lorsque le croyant ressent un jour le désir de chercher Dieu pour une quelconque raison, qu’il sache qu’il était le seul absent jusque-là, car Allâh a toujours été présent auprès de chacun de Ses serviteurs : « […] et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire. », s.50 Qâf, v.16. La présence de Dieu peut être définie par l’infiniment petit comme par l’infiniment grand, encore faut-il que l’homme utilise à bon escient ce que Dieu lui a accordé pour la saisir, à savoir la raison et le cœur.
Les détails relatifs au commentaire de cette deuxième partie de l’aphorisme ont déjà été abordés lors de l’analyse du 16ème aphorisme dans lequel Ibnou ‘Atâ’i Allâh dit : « est-il concevable que quelque chose Le voile, Lui qui dévoile toute chose, et se dévoile par toute chose et en toute chose. Lui qui se dévoile à toute chose, avant toute chose, comment quelque chose Le voilerait ? »
3ème partie : « Chercher autre que Lui, c’est manquer de pudeur envers Lui »
Il faut comprendre l’expression « autre que Lui » comme étant toute personne ou toute chose pouvant détourner le serviteur du sentier de Dieu.
Allâh est Unique, Unique par Sa grandeur, Unique par Sa majesté, Unique par Ses attributs, et aucun être ou aucune chose ne peut être associé(e) à Lui. Ainsi, lorsqu’un individu se tourne vers autre que Lui, c’est qu’il manque de pudeur à Son égard, car il s’est permis d’attribuer de la valeur à ce qui n’en a pas – en omettant que si une chose peut détenir une quelconque valeur, c’est parce qu’Allâh l’en a dotée. Comment donc oublier la source de toutes choses et convoiter la plus minuscule de ses ramifications ? Comment se détourner du Créateur à cause d’une de Ses créatures ? N’est-ce pas la plus grande des transgressions comme l’énonce si bien le Coran : « […] ne donne pas d’associé à Allâh, car l’association [à Allâh] est vraiment une injustice énorme », s.31 Louqmâne, v.13.
Lorsque le fidèle s’arrête pour faire le point sur sa vie et qu’il se rend compte qu’il dépense la majeure partie de son énergie dans des occupations profanes, c’est qu’il manque de pudeur envers son Seigneur : « chercher autre que Lui, c’est manquer de pudeur envers Lui ».
Lorsqu’il remarque que la course vers les biens et la richesse l’empêche de pratiquer sa religion comme il se doit, c’est qu’il manque de pudeur envers son Seigneur.
Lorsqu’il cherche son autosatisfaction en dépit de la satisfaction de Dieu, et ce dans tous les domaines de sa vie, c’est qu’il manque de pudeur envers son Seigneur.
Lorsque les plaisirs mondains l’empêchent de convoiter les plaisirs célestes, c’est qu’il manque de pudeur envers son Seigneur.
Lorsqu’un musulman ou une musulmane faillit à ses devoirs en tant qu’époux ou épouse, en tant que père ou mère, ou en tant que fils ou fille, parce qu’il (elle) est préoccupé(e) par la satisfaction d’un désir physique ou matériel, c’est qu’il (elle) cherche autre que Dieu. Il (elle) emprunte une voie différente de celle prescrite par Dieu. Il (elle) tombe alors dans le piège de la négligence et son adoration envers Allâh l’Unique s’en trouve entachée, car la véritable unicité de Dieu veut que le musulman ne cherche que Sa force, et elle seule. Elle exige du serviteur qu’il distingue les moyens de l’objectif final.
Lorsque le fidèle lit ou entend des ahâdîth qui encouragent le musulman à lire certaines sourates ou certains versets, ou formuler certaines phrases et invocations pour bénéficier de telle ou telle récompense, il doit s’efforcer de comprendre le sens profond de ceux-ci. Par exemple : « Celui qui récite sourate Al-Wâqi‘a chaque nuit, Dieu le protège de toute pauvreté. » En entendant ce genre de ahâdîth, certains musulmans choisissent la facilité et les utilisent pour obtenir des avantages et des récompenses de manière simple et détournée. Or, il est nécessaire pour le fidèle de chercher la validité de ces ahâdîth et d’en comprendre le sens véritable, ce qui augmentera sa foi et sa connaissance de Dieu.
L’exemple du hadîth précité est d’autant plus frappant, puisque ce dernier est en réalité un hadîth da’if (faible). Il a été affaibli par Aboû Hâtim, Ad-Daraqoutnî et plusieurs autres savants (c’est d’ailleurs le cas de plusieurs ahâdîth de ce genre). Pourquoi le musulman donne-t-il une telle importance à ces ahâdîth au lieu de s’appliquer à pratiquer ce qui est explicitement et authentiquement prescrit ? Tout simplement parce que le musulman cherche un moyen plus facile pour parvenir au Paradis, alors même qu’il est négligeant face à ce qui a été décrété !
Dans le commentaire de cette partie de l’aphorisme, certains savants vont jusqu’à affirmer qu’il ne faut pas adorer Dieu pour bénéficier du Paradis, mais L’adorer parce qu’Il est notre Seigneur. Ils renforcent leurs argumentations par la parole attribuée à Rabi’a Al-‘Adawiyya qui aurait dit : « Seigneur, si je T’ai adoré pour bénéficier du Paradis, alors démunis-moi de lui, et si je T’ai adoré par amour envers Toi, alors accorde-moi la vue de Ta Face ». Si cette parole laisse entendre, à sa première lecture, que son auteur adore Dieu parce qu’Il est le Seigneur et non pour profiter de Sa récompense ou échapper à Sa punition, elle présente toutefois plusieurs contradictions notoires :
1 – Allâh, en parlant de Ses bons serviteurs, dit : « Ils s’arrachent de leurs lits pour invoquer leur Seigneur, par crainte et espoir […] », s.32 As-Sajda (La Prosternation), v.16.
« Et ne semez pas la corruption sur la terre après qu’elle ait été réformée. Et invoquez-Le avec crainte et espoir, car la miséricorde d’Allâh est proche des bienfaisants. », s.7 Al-A’râf, v.56.
De plus, le Prophète disait dans ses invocations : « Seigneur, je Te demande le Paradis et ce qui peut m’en approcher parmi les paroles et les œuvres, et je me protège auprès de Toi contre l’Enfer et ce qui peut y mener parmi les paroles et les œuvres. » [Rapporté par Ibnou Mâja].
Plusieurs autres invocations prophétiques vont dans le même sens.
2 – Voir la Face de Dieu ne peut avoir lieu que dans le Paradis. Donc, si le croyant adore Dieu par espoir d’entrer au Paradis, c’est qu’il espère aussi y voir Sa face.
3 – Cette formule n’a pas été authentifiée comme étant formulée par Rabi’a Al-’Adawiyya.
Néanmoins, il ne faut pas tomber dans l’extrême en taxant ces commentateurs de mécréants ou d’ignorants. Certains poussent leur interprétation jusqu’à proclamer :
« Celui qui adore Dieu rien que pour mériter le Paradis est un khârijite » ;
« Celui qui adore Dieu rien que pour éviter l’Enfer est un mourji’ite » ;
« Celui qui adore Dieu uniquement par amour est un hérétique » ;
« Celui qui adore Dieu par crainte de l’Enfer, avec espoir d’entrer au Paradis et par amour de Dieu est le vrai unificateur. »
Ces diverses allégations relèvent plus de philosophie, et d’une certaine incapacité à expliquer les sentiments éprouvés par chacun des itinérants dans son for intérieur. D’où l’importance d’adopter le juste milieu et d’éviter les paroles équivoques, sans pour autant stigmatiser ceux qui les ont prononcées ; le musulman doit toujours choisir la meilleure interprétation de la parole de son frère, tant que celle-ci est possible. Ces interprétateurs sous-entendaient simplement que même sans l’existence du Paradis et de l’Enfer, ils continueraient à adorer Dieu, parce qu’Il mérite d’être adoré. L’amour de Dieu est l’unique motivation de leur soumission à Lui.
Toutefois, celui qui aime Dieu doit réagir positivement à ses attributs. Le Paradis, récompense destinée à Ses loyaux serviteurs, rend compte de la miséricorde de Dieu, à laquelle tout musulman doit aspirer ; et l’Enfer, punition réservée aux désobéissants, est l’une des manifestations de certains attributs relatifs à la vengeance et au courroux divins, des caractéristiques à craindre sans modération. Toutes les motivations citées sont donc liées entre elles.
4ème partie : « Demander à quelqu’un d’autre que Lui, c’est être loin de Lui »
Cette quatrième et dernière partie de l’aphorisme confirme qu’Ibnou ‘Atâ’i Allâh invite le croyant à invoquer Dieu, contrairement au sens apparent de la première partie (« Lui demander quelque chose, c’est Le suspecter »).
Dans la vie d’ici-bas, les êtres humains ne sont pas prédestinés à vivre seuls, et ont besoin des autres pour subsister, car Allâh a créé les hommes interdépendants. Cette dépendance réciproque est naturelle et fait partie de l’ordre établi par Allâh ; aucun reproche n’est adressé à ce sujet. Ibnou ‘Atâ’i Allâh s’intéresse plutôt à ceux qui oublient de se tourner vers Dieu dans leurs besoins, et qui pensent que l’affranchissement des épreuves qu’ils vivent dépend exclusivement de l’action de certaines personnes ou de certains moyens.
Ainsi lorsque le musulman est malade, il consulte son médecin et utilise le médicament prescrit comme traitement. Cependant sa guérison ne dépend réellement que d’Allâh, car Seul Lui peut guérir les corps. Le prophète Ibrâhîm le disait déjà : « et lorsque je tombe malade, c’est Lui qui me guérit », s.26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), v.80.
Par ailleurs, le croyant en situation de chômage demande à Allâh de le sortir de cette épreuve tout en utilisant les moyens légaux pour trouver un travail, mais dans son intime conviction, il est convaincu que c’est Allâh qui solutionnera son problème ; tous les moyens résultent en effet de Son soutien.
C’est Allâh qui est à l’origine de toute chose. User des moyens qu’Il a mis à la disposition des hommes revient à respecter l’ordre qu’Il a établi. Mais, il est primordial de ne jamais Lui désobéir, de ne jamais perdre sa fierté ou sa foi pour parvenir à ses fins. Malheureusement, beaucoup choisissent de travailler dans l’illicite ou s’adonnent à des pratiques douteuses pour guérir d’une maladie, et oublient cette chose essentielle qui est la foi en Allâh, car Lui Seul est en mesure d’aider Ses créatures. Le Coran explique justement cet état de fait ancré dans la connaissance absolue de Dieu : « Nul malheur n’atteint la terre ni vos personnes, qui ne soit enregistré dans un Livre avant que Nous ne l’ayons créé ; et cela est certes facile à Allâh, afin que vous ne vous tourmentiez pas au sujet de ce qui vous a échappé, ni n’exultiez pour ce qu’Il vous a donné. […] », s.57 Al-Hadîd (Le Fer), v.22-23.
Ces précieux enseignements d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh renvoient le croyant à ses réflexions les plus intimes, et réajustent salutairement ses pensées dans une optique de réformisme intellectuel et spirituel indispensable pour vivre sainement ici-bas et espérer la félicité dans l’au-delà.