(10) Ibrâhîm (2/3) : L’émigration

Vie des prophètes

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   Ibrâhîm quitta Babylone et entreprit son exode vers l’Egypte en compagnie de son épouse Sârah  et de quelques compagnons. N’ayant point d’enfant, il prit sous son aile son neveu et prophète Loth .

   Loth s’installa à Sodome, tandis que le reste de la caravane traversa la Syrie pour parvenir en Palestine.
Au bout de quelque temps, une sécheresse s’abattit sur la région où s’était établi Ibrâhîm. Il émigra alors avec son épouse en Égypte.

   Sârah était la plus belle femme de son époque, et cette beauté causa sa convocation chez le pharaon. En effet, ce dernier avait ordonné à ses sbires de lui amener toute belle femme du pays. Un des hommes de main du monarque remarqua l’éclat de Sârah , et pour s’attirer les grâces du pharaon, il informa celui-ci : « Il est venu chez toi une femme qui ne doit appartenir qu’à toi seul ! Envoie-la donc quérir ! »

   La crainte de Sârah d’être entachée par un impie était grande, mais Ibrâhîm la rassura et lui conseilla : « Si l’on dit à ce tyran que tu es mon épouse, il me forcerait à te laisser. Dis-lui plutôt, s’il t’interroge, que tu es ma sœur. »

   Et ce conseil ne relevait point d’un mensonge : Sârah est véritablement la sœur en Dieu de son époux, elle suit la même religion que lui.

    Lorsque les serviteurs du pharaon vinrent chercher Sârah , Ibrâhîm se tourna vers Allâh et se consacra à la prière.

   Sârah fut introduite au palais du pharaon. Elle fit ses ablutions et entra en prière. Elle invoqua Allâh en ces termes : « Mon Dieu, du moment que Tu sais que je crois en Toi et en Ton prophète, et que je préserve ma chasteté si ce n’est avec mon époux, ne rends pas l’impie maître de moi ! »

   Venant à la rencontre de la captive, le pharaon perdit connaissance et convulsa. Sârah s’effraya et s’écria : « Mon Dieu, s’il meurt, on dira que c’est moi qui l’ai tué ! »

    Dieu délivra l’incrédule du mal qui l’avait atteint. A son réveil, le monarque voulut s’approcher de Sârah , mais une force invisible paralysait ses mains et l’empêchait d’atteindre l’objet de ses désirs. Et le pharaon de supplier : « Invoque Allâh pour moi ! Je ne te ferai aucun mal. » Sârah invoqua Allâh et il fut délivré. Le tyran revint cependant à la charge une seconde fois : il fut pris d’une paralysie encore plus forte que la première et fit à Sârah  la même demande. Elle pria Allâh à nouveau. Mais à peine fut-il délivré, le pharaon retenta de la saisir : sa main fut retenue encore plus violemment que les deux précédentes fois.

   « Invoque Allâh pour moi, implora-t-il, et par Allâh, je ne te ferai aucun mal ! » Et il lui promit en sus de lui offrir tout ce dont elle désire pourvu qu’il soit libéré. Elle invoqua Allâh et il fut délivré.

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    Le tyran convoqua l’homme de main qui lui avait recommandé Sârah et lui dit : « Ce n’est pas un être humain que vous m’avez amené, mais un démon ! Fais-la sortir de mon bourg et donne-lui Hâjar ! »

   Quand Sârah s’en revint paisiblement chez son époux, celui-ci achevait sa prière. Il s’enquit auprès d’elle de ce qui s’est passé au palais. Et elle de répondre : « Tout va bien ! Allâh a refoulé la perfidie de l’impie et ce dernier nous a donné une jeune fille comme servante. » [Rapporté par Mouslim.]

   Le couple vécut encore quelques temps en Egypte, puis il émigra vers la Palestine, à Jérusalem.

   Ibrâhîm implora Dieu de le gratifier d’une descendance vertueuse, et Dieu le lui promit. Or, stérile et faute de pouvoir donner un héritier à Ibrâhîm , Sârah  offrit Hâjar à son époux. Et quelques temps plus tard, Hâjar donna naissance à Ismâ‘îl comme le confirme le Coran : « Nous lui fîmes donc la bonne annonce d’un garçon [Ismâ’ïl] longanime. », s.37 As-Sâffât (Les Rangs), v.101.

   La maternité avait rendu Hâjar plus insolente à l’égard de Sârah  : elle toisait désormais sa maîtresse. Celle-ci, jalouse, ne souffrit plus la présence de la mère et de l’enfant. Elle se plaignit à Ibrâhîm et lui demanda de les éloigner loin d’elle. C’est ce que fit l’époux aimant, mais non pas par obéissance à sa femme, mais parce qu’il reçut l’ordre de Dieu d’emmener Hâjar et Ismâ‘îl sur une autre terre, en Arabie.

   Le voyage fut long, éprouvant… et pour seule consolation, la Mecque leur offrit un accueil désertique et inhabité. Plus inattendue, peut-être, fut l’attitude du prophète Ibrâhîm : il laissa sa compagne et son enfant en bas âge sur place, avec pour seules provisions un sac de dattes et une outre d’eau, puis il rebroussa chemin. Le voyant ainsi partir, Hâjar courut derrière sa monture et lui demanda :
« Ô Ibrâhîm ! Où vas-tu ainsi en nous laissant dans cette vallée où il n’y a pas âme qui vive ?Seul le silence lui répondit. Elle réitéra plusieurs fois sa question… en vain. Interprétant le mutisme de son époux, elle se hasarda :
—   Est-ce Dieu qui t’a ordonné d’agir ainsi ?
—   Oui.
—   Donc Allâh ne nous perdra pas. »

   Lorsqu’il fut hors de vue de Hâjar , le mari aimant se tourna vers La Maison Antique (la Ka’ba), et invoqua Le Tout-Miséricordieux, Le Dispensateur de toutes les grâces : « Seigneur, j’ai installé une partie de ma descendance dans une vallée stérile, proche de ton oratoire sacré. Seigneur, fais qu’ils observent la prière. Rends-les sympathiques aux autres hommes. Procure-leur des aliments en vue de T’attirer leurs grâces. » Cette supplique est consignée dans le noble Coran jusqu’à la fin des temps, dans sourate 14 Ibrâhîm, verset 37.

   En une si délicate situation, comme est piure la soumission de cette femme, et comme est forte sa foi en Le Créateur !

   Hâjar demeura là, allaitant son nourrisson, s’alimentant de dattes et buvant l’eau de l’outre jusqu’à son épuisement…

   Quand la soif se fit sentir, et qu’Ismâ’îl commençait à s’agiter, son cœur de mère souffrit, et elle ne put rester en place : il lui fallait trouver rapidement une solution de survie. Elle posa son fils sur le sol, et commença à entreprendre sept trajets entre deux monticules nommés As-Safâ et Al-Marwah, à la recherche d’eau ou de quelque aide… Exténuée, elle revint bredouille auprès de son enfant, et invoqua Allâh .

   Dieu lui dépêcha l’archange Jibrîl , qui frappa de son aile le sol à proximité d’Ismâ‘îl . Le miracle se produisit, une eau douce jaillit des profondeurs de la terre. La source au nom de Zam-Zam sauva la mère et l’enfant d’une mort certaine, et leur permirent un sursis de vie.

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   A la même époque, les Arabes que l’on qualifiait de Al-‘Arab Al-‘Âribah (vrais Arabes) vivaient d’agriculture au Yémen, grâce au barrage « Ma’rib ». Or, ce dernier céda sous l’effet des intempéries et de la sécheresse. La famine s’ensuivit, provoquant l’exode de plusieurs tribus vers la péninsule arabique, où elles espéraient démarrer une nouvelle existence dans une terre plus hospitalière. Ainsi, le clan de Thaqîf s’établit à At-Tâ’if au sud de la Mecque ; celui des Ghassâssinah s’installa au sud du Châm (Syrie et Palestine) ; et la tribu des Manâdhirah se fixa aux frontières de l’Irak. Quant au groupe de Jourhoum, il se déplaçait non loin de la Mecque, lorsqu’il aperçut  à l’horizon des oiseaux planant au dessus d’un endroit précis. La région étant réputée aride, la présence des volatiles étonna les émigrants.

   Ils envoyèrent un éclaireur, et celui-ci découvrit  Hâjar et Ismâ’îl (psl) près de la source Zam-Zam avec leurs maigres provisions. Habités de nobles qualités, dont l’honnêteté et la bienséance, les gens de Jourhoum sollicitèrent la permission à Hâjar pour se maintenir sur les lieux et profiter des bienfaits de Zam-Zam. En contrepartie de cela, la mère et l’enfant furent adoptés par la tribu, et une rente leur fut allouée…

   Un jour, des anges se présentèrent chez Ibrâhîm sous une apparence humaine. Discrètement, le prophète ordonna de rôtir un veau qu’il présenta aux visiteurs. Mais comme ces derniers ne portèrent point leurs mains vers la nourriture, Ibrâhîm en ressentit de la peur : refuser d’honorer le repas d’un hôte traduisait une hostilité. Cette anecdote est racontée dans le Coran : « T’est-il parvenu le récit des honorables visiteurs d’Ibrâhîm ? Quand ils entrèrent chez lui et dirent : « Paix ! », il [leur] dit : « Paix, visiteurs inconnus. » Puis il alla discrètement à sa famille et apporta un veau gras. Ensuite il l’approcha d’eux… « Ne mangez-vous pas ? » dit-il. Il ressentit alors de la peur vis-à-vis d’eux. Ils dirent: « N’aie pas peur. » Et ils lui annoncèrent [la naissance] d’un garçon plein de savoir. Alors sa femme s’avança en criant, se frappa le visage et dit : « Comment, une vieille femme stérile comme moi ? ! » Ils dirent : « Ainsi a dit ton Seigneur. C’est Lui vraiment le Sage, l’Omniscient. » », s.51 Adh-Dhariyât (Les Ouragans), v.24-30.

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   Les anges rassurèrent donc Ibrâhîm sur leurs intentions et lui annoncèrent la naissance d’Ishâq (Isaac, ). « Et vous m’annoncez cette bonne nouvelle, dit Ibrâhîm, au moment où je ne suis plus qu’un vieillard ? Quelle étrange annonce ! » – « Nous t’annonçons la vérité. Ne sois donc point de ceux qui désespèrent ! », dirent-ils. – « Mais qui désespérerait de la grâce de son Seigneur, reprit Ibrâhîm, hormis les égarés ? » Et il ajouta : « Quel est le but de votre visite, ô messagers ? » – « Nous sommes envoyés, dirent-ils, pour sévir contre un peuple criminel. Seule la famille de Loth sera épargnée tout entière, excepté sa femme. » Nous avons décidé, en effet, qu’elle serait du nombre des éprouvés. », s.15 Al-Hijr, v.54-60.
Ibrâhîm était connu pour son ineffable clémence, et il commença à plaider la cause du peuple de Loth pour lui éviter le châtiment divin. Mais rien n’y fit, les anges confirmèrent la destruction de Sodome.

   Sârah aussi, donc, s’étonna de l’annonce de la naissance d’un enfant alors qu’elle était stérile : « Elle dit : « Est-ce possible ? Moi, avoir un enfant à mon âge si avancé et alors que mon mari que voici est un vieillard ? Ce serait-là vraiment une chose étrange ! » », s.11 Hoûd, v.72.
Elle se mit à rire, et à cet instant précis, ses menstrues revinrent. Treize années environ après la naissance d’Ismâ‘îl , c’est Ishâq qui vit le jour : il sera un noble prophète parmi les nobles.

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