(11) Ibrâhîm (3/3) : Sa relation avec son fils Ismâ‘îl

L’épisode de l’immolation

   Ibrâhîm avait donc laissé Hâjar et Ismâ‘îl (paix sur eux) à la Mecque désertique où ils furent adoptés par des Arabes venus s’installer sur les lieux en raison de la présence de la source Zam-Zam.

   De temps à autre, Ibrâhîm visitait son épouse et son fils : il constatait les progrès de l’enfant dans la langue arabe.

   Aux environs de l’adolescence d’Ismâ‘îl , Ibrâhîm vit en songe qu’il devait immoler celui-ci par ordre de Dieu. Cet épisode est rapporté dans le Saint Coran pour la postérité et jusqu’à la fin des temps : « Et lorsque l’enfant fut en âge d’accompagner son père, celui-ci lui dit : “Mon cher fils ! J’ai vu en songe que je t’immolais. Vois ce qu’il y a lieu de faire !” – “Père, dit l’enfant, fais ce qui t’es ordonné. Tu verras, s’il plaît à Dieu, que je suis de ceux qui savent s’armer de patience dans l’épreuve.” Tous deux s’étaient résignés à la volonté divine. Et déjà le père avait couché le front de son fils contre terre, lorsque Nous l’appelâmes : “Ô Ibrâhîm ! Tu as ajouté foi à ta vision ! C’est ainsi que Nous récompensons ceux qui font le bien.” En vérité, ce fut là une bien rude épreuve. Nous rachetâmes l’enfant par une offrande de grande valeur. Et nous perpétuâmes son renom dans les générations ultérieures. Paix sur Ibrâhîm ! C’est ainsi que Nous récompensons les gens de bien ; Ibrahîm était un de Nos fidèles serviteurs. », s.37 Aç-Çâffât (Les Rangs), v.102-111.

   Il est remarquable de constater à quel point Ismâ‘îl avait hérité du caractère commun de ses parents, à savoir une soumission totale au décret divin. Pouvait-il en être autrement alors qu’Ibrâhîm avait invoqué Son Seigneur pour l’obtention d’une descendance pieuse et que la réponse de Dieu est telle que le rapporte le Coran ? : « “Seigneur, supplia-t-il, veuille m’accorder une vertueuse postérité ! ” Nous lui annonçâmes alors que son foyer sera égayé par la naissance d’un garçon plein de sagesse. », s.37 Aç-Çâffât (Les Rangs), v.100-101.

   De quelle manière Allâh délivra Son prophète de cette rude épreuve ? Au moment où Ibrâhîm allait donner le coup fatal à son enfant, la voix de Dieu le stoppa et un superbe bélier fut offert en immolation à la place d’Ismâ‘îl .En souvenir de cet acte d’abandon intégral à la volonté divine de la part du prophète Ibrâhîm , les musulmans du monde entier perpétuent le sacrifice du mouton le jour de la fête du sacrifice (‘îd al-Adhâ, « la fête du sacrifice»).

Les épouses d’Ismâ‘îl

   Ismâ‘îl parvint à l’âge du mariage. Les Arabes, craignant qu’il ne s’établît maritalement hors de leur tribu et que la source de Zam-Zam ne se tarît, lui proposèrent une fille des leurs.

   Al-Boukhârî rapporte qu’un jour, le prophète Ibrâhîm visita son fils, mais il ne trouva que son épouse : Ismâ‘îl était à la chasse. Ibrâhîm s’informa alors de leur vie :
« Nous sommes malheureux et vivons dans la plus grande gêne, dit-elle sans offrir l’hospitalité au vieil homme ; et elle ne cessa de se plaindre.

—   Quand ton mari rentrera, donne-lui le salâm de ma part et dis-lui de changer le seuil de sa porte ! », dit Ibrâhîm .
À son retour, Ismâ‘îl demanda à sa femme si elle avait reçu de la visite. Elle l’informa de la venue d’un vieillard, le décrivit et relata le contenu de leurs échanges. L’époux demanda alors :« Est-ce qu’il t’a laissé un message pour moi ?—   Oui, il m’a demandé de te transmettre le salâm et de te dire de changer le seuil de ta porte, répondit-elle.—   Ce vieillard est mon père et il m’ordonne de te quitter. Rejoins donc ta famille ! » répliqua-t-il. Puis il épousa une autre fille dans la tribu.

   Lors d’une autre visite, Ibrâhîm fut accueilli par la seconde épouse de son fils, car celui-ci était de nouveau à la chasse. Il interrogea sa bru qui se montra fort agréable et lui offrit l’hospitalité :
« Comment allez-vous ?
—   Nous allons très bien et vivons à l’aise, répondit-elle en louant Allâh .
—   Que mangez-vous ? poursuivit Ibrâhîm .
—   De la viande, dit-elle.
—   Que buvez-vous ?
—   De l’eau.
—   Ô Allâh, bénis-leur la viande et l’eau ! Quand ton mari sera de retour, donne-lui le salâm et dis-lui de consolider le seuil de sa porte. »De retour au domicile, Ismâ‘îl dit :
« As-tu reçu de la visite pendant mon absence ?
—   Oui, il est venu un vieillard de belle apparence (et elle se mit à dire du bien de lui). Il m’a interrogée sur toi et je l’ai informé. Il m’a demandé comment était notre vie. Je lui ai dit que nous allions bien.
—   T’a-t-il chargée de me dire quelque chose ?
—   Oui, il te transmet le salâm et t’ordonne de consolider le seuil de ta porte.
—   C’était mon père et le seuil c’est toi. Il m’ordonne ainsi de te garder. »

La reconstruction de la Ka’ba

   Toujours selon Al-Boukhârî, Ibrâhîm vint une autre fois s’enquérir des nouvelles de son fils. Il le trouva près d’un arbre à proximité de la source Zam-Zam, et l’étreignit longuement :
« Ô Ismâ‘îl ! Allâh m’a ordonné d’entreprendre quelque chose.
—   Fais ce que ton Seigneur t’a ordonné !
—   Est-ce que tu m’y aideras ?
—   Je t’y aiderai.
—   Allâh m’a ordonné de construire une maison (temple) là-bas. » Et Ibrâhîm désigna une colline proéminente.

   Le père et le fils s’attelèrent à la noble tâche. Cet épisode est raconté dans le Coran : « Rappelle-toi que, lorsque Nous avons installé Ibrâhîm sur l’emplacement du temple, Nous lui dîmes : “Ne me donne aucun associé ! Veille à conserver mon temple en état de pureté pour ceux qui viennent y accomplir les tours rituels, ou y faire leurs dévotions, debout, agenouillés ou prosternés ! ” », s.22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v.26.

   « Et pendant qu’Ibrâhîm et Ismâ‘îl élevaient les assises de la Ka’ba, ils disaient : “Seigneur, daigne accepter de nous cet ouvrage ! Tu es l’Audient, Tu es l’Omniscient ! Seigneur, fais de nous des croyants entièrement soumis à Ta volonté, et de notre postérité, un peuple également soumis à Tes lois ! Fais-nous connaître les rites que nous devons observer et accepte notre repentir, car Tu es Le Miséricordieux, Tu es Le Clément ! Seigneur, envoie-leur un prophète issu d’eux-mêmes, qui leur récitera Tes versets, leur enseignera l’Ecriture et la sagesse, et les purifiera de leurs fausses croyances ! Tu es, en vérité, Le Puissant et Le sage ! ” », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.127-129.

   Lorsque la bâtisse atteignit une certaine hauteur, ils placèrent la pierre noire dans le mur et continuèrent à construire au-dessus d’elle.

   La mission achevée, Dieu ordonna à Ibrâhîm d’appeler les gens à effectuer le pèlerinage autour de la Ka’ba. Selon Ibnou ‘Abbâs, Moujâhid, ‘Ikrima, Sa‘îd Ibnou Joubayr et autres (que Dieu les agrée), Ibrâhîm  dit : « Ô Maître ! comment transmettre [Ton ordre] aux gens alors que ma voix ne peut pas leur parvenir ? » Le Seigneur lui dit : « Lance ton appel et c’est à Nous de la faire parvenir [aux destinataires]. » Ibrâhîm monta sur sa station ou sur la pierre ou sur Aç-Çafa ou sur le mont Aboû Qoubays, selon les versions, et clama : « Ô humains ! Votre Seigneur s’est donné une maison. Venez-y entreprendre le pèlerinage ! »Les montagnes s’affaissèrent et laissèrent passer la voix d’Ibrâhîm , si bien qu’elle parvint aux confins de la terre et fut même entendue par les âmes pas encore nées. Tous ceux qui l’entendaient, y compris les pierres, les arbres, la terre et plus particulièrement ceux pour qui Allâh a décrété le pèlerinage répondirent en disant : « Labbayka Allâhoumma labbayk ! (Nous répondons à Ton appel, ô Seigneur, nous répondons à Ton appel ! )
Ibrâhîm invoqua Dieu pour qu’Il assure la sécurité de la Mecque, qu’Il préserve sa descendance de l’adoration des idoles et qu’il fasse parvenir des fruits aux croyants.

La fin d’Ibrâhîm

   Allâh a doté Son serviteur de nombreuses qualités : il était soumis à Allâh et fut le premier à être surnommé « musulman » ; il était véridique, longanime, très implorant, repentant, et reconnaissant à l’égard des bienfaits d’Allâh. « Certes, Allâh a élu Âdam, Noûh, la famille d’Ibrâhîm et la famille d’Imrâne au-dessus de tout le monde. », s.3 Âli Al-Imrâne (La famille Imrâne), v.33.

   Le Prophète Mouhammad (pbDsl) dira d’Ibrâhîm (psl) : « De ses descendants, c’est moi qui lui ressemble le plus [physiquement]. » [Rapporté par Mouslim.]

   Allâh cite les paroles d’Ibrâhîm au moment où il allait rendre l’âme : « Et c’est ce qu’Ibrâhîm recommanda à ses fils, de même que Ya‘qoûb : “Ô mes fils, certes Allâh vous a choisi la religion, ne mourrez point, donc, autrement qu’en étant soumis [à Allâh]” », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.132.
Puis, l’ange de la mort retira l’âme à Ibrâhîm .

   Selon Ibnou ‘Abbâs , le Prophète a déclaré : « La première créature à être vêtue le jour de la Résurrection sera Ibrâhîm. » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.]

   Paix à l’âme d’Ibrâhîm, l’ami intime d’Allâh et le père des musulmans dont la renommée perdura au-delà de la mort ici-bas et dans l’au-delà.