La santé et le temps libre
Définitions
Ce hadîth figure dans le recueil « Sahîh Al-Boukhârî », au chapitre d’« Ar-Riqâq », nom verbal qui veut dire « Celles qui attendrissent les cœurs », et non pas « Ar-Raqâ’iq » (« Les choses tendres »), substantif utilisé par beaucoup de compilateurs de hadîths.
Ces deux termes ont pour origine l’adjectif « raqîq » qui a plusieurs significations selon le contexte : mince, pudique, tendre. Ses contraires sont : épais, ingrat, dur.
L’adjectif « maghboûnoun » (« dupé ») découle des mots « al-ghaban » ou « al-ghoubn », issus du jargon commercial. Il peut être utilisé dans deux situations : soit à l’occasion de la vente d’un bien en deçà de sa valeur, ou lors de l’achat d’un produit à un prix exorbitant par rapport à son estimation réelle. D’ailleurs, Allâh se sert souvent de la parabole du commerce dans le Coran : « Ô vous qui avez cru, voulez-vous que Je vous désigne un commerce qui va vous épargner d’un châtiment douloureux ? Vous croyez en Dieu et en Son Messager. », s. 61 As-Saff (Les Rangs), v. 10. Attester de l’existence de Dieu et de Son Prophète apparaît par conséquent comme le bien le plus considérable d’un négoce fructueux, car il est la garantie de la félicité éternelle.
De l’utilisation de ces deux bienfaits
La santé et le temps libre représentent un trésor inestimable, un capital qui mérite par conséquent un placement approprié, afin d’en tirer le maximum de bénéfices. Imaginez l’heureux propriétaire d’une vaste demeure pourvue de plusieurs pièces ! : va-t-il se contenter de jouir d’une seule pièce ! Ce serait manquer de discernement dans son investissement.
Allâh annonce dans le Coran qu’Il a accordé une multitude de bénédictions à l’Homme : « …Si vous essayez de compter les bienfaits de Dieu, vous ne sauriez les énumérer… », s. 14 (Ibrâhîm), v. 34. La santé et le temps libre en font indéniablement partie. Le Prophète , également, a attiré l’attention des croyants sur ces deux faveurs : ceci rehausse leur importance, mais sous-entend aussi que ces dons sont sous estimés et mal employés. En effet, nul doute que la vue, précieuse grâce divine, est usitée comme il faut, car personne ne refuserait de voir ; idem pour le savoir, sinon quel serait l’intérêt d’en être doté ?
L’évidence porte à penser que la santé et le temps libre sont des bénédictions divines dont il faut profiter avant leur amenuisement, et ce, avec lucidité.
Ibnou Al-Jawzî (que Dieu lui accorde Sa miséricorde) a déclaré : « L’homme peut être sain mais ne pas avoir de temps libre à cause du travail qui assure sa subsistance, il peut être libre mais pas sain. Si ces deux bienfaits se réunissent mais que la fainéantise devant l’obéissance s’empare de lui, alors il est dupé. En effet, la vie d’ici-bas est un champ de labour pour l’au-delà, elle est le marché où se déroule le commerce dont le gain n’apparaît que dans l’au-delà. Celui qui use donc de son temps libre et de sa santé dans l’obéissance de Dieu, il est (l’) envié (« al-maghboût »), et celui qui les utilise dans la désobéissance à Dieu, il est (le) dupé (« al-maghboûn »). » C’est la combinaison de ces deux richesses qui permet à l’Homme d’œuvrer au mieux dans la conscience éclairée de son Créateur. L’absence d’une des deux privilèges entrave une telle entreprise, et l’indolence annihile tout effort vers le bien…
Comment profiter au mieux de sa santé et de son temps libre ?
Malheureusement, beaucoup oublient la valeur des faveurs divines ou ne se remémorent leur importance qu’après les avoir perdues. Toutes les bonnes grâces que Dieu a octroyées à Son serviteur sont des outils lui permettant d’agir pour lui-même, mais aussi de rendre service à autrui, toujours dans les limites fixées par l’islâm. Travailler honnêtement en vue de subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, et dépenser son argent dans des domaines licites constituent des actes de dévotion, de bienfaisance, et la manifestation du minimum de gratitude vis-à-vis de Dieu.
Le commerce le plus rentable pour le fils d’Adam auprès de Dieu est indubitablement Son adoration. Celle-ci ne se limite pas aux actes cultuels, tels que la prière, le jeûne et la zakât, mais elle s’étend à d’autres domaines, tels que la quête du savoir, l’apprentissage de la religion et la lecture et l‘étude du Coran. Le Prophète dit : « A chaque fois que des gens se réunissent dans une des demeures de Dieu, récitent le Livre de Dieu et l’étudient ensemble, la miséricorde de Dieu les enveloppe, les anges les entourent et Allâh vante leurs mérites auprès de ceux qui sont dans le ciel. ». Les moments conviviaux passés avec sa famille, dont le jeu avec les enfants ou le divertissement avec son (sa) conjoint(e) font aussi partie de ces actes pieux que Dieu rétribue.
La reconnaissance des dons divins se concrétise en investissant sa santé et son temps libre avec clairvoyance. Malheureusement, peu nombreux sont les serviteurs de Dieu qui s’y efforcent. Ils sont ceux que Dieu mentionne dans le verset 13 de sourate 34 (Sabâ) : «… peu de Mes serviteurs sont reconnaissants. »
La finalité de la création humaine étant la découverte et l’adoration du Seigneur, l’homme se doit de consacrer quotidiennement un minimum de temps pour Dieu : le gain obtenu peut être personnel, tout comme il peut profiter à l’humanité. La valeur de la vie de quelqu’un se mesure à l’aune de ses actes avantageux pour la création.
La santé et le temps libre sont donc deux biens immenses que le musulman ne peut se permettre de gaspiller. Sa foi l’engage à reconnaître la grandeur de son Créateur et donc faire preuve de gratitude vis-à-vis de Lui. Visant toujours la Face divine, le croyant ne manque aucune action, aussi minime soit-elle, pour satisfaire Allâh , tant qu’il a le loisir et la possibilité physique de l’entreprendre.