Le Coran, âme de l’univers (1/2)
Le Saint Coran représente la source primordiale d’où proviennent les principes fondamentaux de la foi, de la pratique et de la législation musulmanes. Les croyants y puisent également les bases de leur éthique, cultivant ainsi la noblesse de caractère pour une meilleure vie sociale.
Mais quelle est la véritable nature de ce Livre Saint ? Comment l’homme doit-il interagir avec lui ? Que peut-il en tirer ? Les réponses à ces questions essentielles permettront à l’être humain de trouver sa place sur Terre, mais aussi auprès de Dieu.
Définitions
Au niveau étymologique, le mot Coran vient du mot arabe « Qor’âne » qui découle lui-même du verbe « qara’a » « réciter » ou « lire à haute voix ». Le « Qor’âne » fait donc référence à une récitation, une communication orale.
Au niveau traditionnel, on définit le Coran comme suit : « C’est le contenu transcrit des révélations de Dieu au Prophète Mouhammad par l’intermédiaire de l’ange Gabriel durant à peu près 23 années. » Le Coran est donc le texte original de la révélation divine et non un récit du message divin, comme c’est le cas pour les Livres Saints auxquels se réfèrent aujourd’hui les fidèles des autres religions monothéistes. Le christianisme ou le judaïsme disposent pour l’instant de livres religieux qui ont été écrits par des êtres humains, et qui ne sont qu’un pâle reflet du message divin. Le Coran, à l’opposé, constitue en lui-même le message divin, il est la source qui vient directement d’Allâh , et l’homme n’intervient aucunement dans son contenu. Le Prophète a transmis les paroles divines aussi bien dans leur signification que dans leur forme, l’homme n’a fait que transcrire ces paroles telles qu’elles ont été révélées par l‘ange Jibrîl (Gabriel) .
Un message qui n’arrive pas systématiquement à destination
Le Coran est donc un message véridique, authentique et définitif qu’Allâh a envoyé à l’humanité. La véridicité et l’authenticité de cette communication divine renvoient directement à sa force probante, unique parmi les Livres Saints actuels. L’adjectif « définitif » signifie qu’il n’y a pas d’autre message après lui.Parler de message d’une manière générale, revient à prendre en compte un expéditeur, un messager, un énoncé précis et enfin un destinataire.
L’Expéditeur ou La Source du message n’est autre qu’Allâh , le Messager s’incarne en la personne du Prophète Mouhammad et l’énoncé proprement dit dans le Coran, tandis que le destinataire regroupe l’ensemble de l’humanité. Sur les trois premiers points, à savoir la source du message, le Messager et le message lui-même, aucun problème ne se pose puisque tout se passe de manière explicite, claire et véridique. Si problème il y a, celui-ci va se poser au niveau du récepteur, celui qui va lire ce Coran (ou l’écouter), qui va réagir ou non à ses paroles. Allâh dit à cet égard : « Des preuves évidentes vous sont parvenues de la part de votre Seigneur. Quiconque se montre clairvoyant le fera à son propre avantage et quiconque demeure aveugle, le sera à son propre détriment. Je ne suis nullement chargé de votre sauvegarde. », s. 6 Al-An’âm (Les Bestiaux), v. 104.
Autrement dit, le message en lui-même est incontestable et le transmetteur du message n’est pas responsable de la sauvegarde des hommes. Le problème réside donc bien au niveau du destinataire qui est soit « clairvoyant », c’est-à-dire qu’« il lit ce message avec le cœur », soit « aveugle », à savoir qu’« il ne voit pas avec la lumière du cœur ».
Dans un autre verset, Allâh dit : « C’est une lumière émanant de Dieu qui est venue vous éclairer ainsi qu’un livre explicite par lequel Dieu met sur les sentiers du salut ceux qui aspirent à Sa grâce par Sa volonté, les arrache des ténèbres vers la lumière et les dirige dans le droit chemin. », s. 5 Al-Mâ’idah (La Table servie), v. 15-16. Ce Livre formel représente une lumière qui peut guider l’humanité dans le droit chemin et la sauver des ténèbres.
Allâh confirme le problème qui peut résider chez le récepteur dans le verset suivant : « S’ils se détournent de toi, sache que Nous ne t’avons pas envoyé pour assurer leur sauvegarde, tu n’es chargé que d’annoncer. », s. 42 Ach-Choûrâ (La Délibération), v. 48. L’interaction entre la vision et la lumière demeure nécessaire pour pouvoir trouver son chemin. Allâh dit : « Si tu les invites à suivre la bonne voie, ils ne t’entendent pas. Ils semblent te fixer du regard sans te voir », s. 7 Al-A’râf Les Murailles), v. 198. Même s’ils regardent avec leurs propres yeux, ils ne regardent pas avec le cœur et ne lisent pas avec leurs membres (jawârih), qui ne sont pas prêts à recevoir le message transmis par ce Coran. L’homme a besoin de la clairvoyance du cœur et de l’âme pour interagir avec le Coran. Allâh dit : « En vérité, ce ne sont pas les yeux qui se trouvent atteints de cécité, mais ce sont les cœurs qui battent dans les poitrines qui s’aveuglent », s. 22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v. 46.
Pour pouvoir lire le Coran avec clairvoyance, il est nécessaire pour la raison d’entreprendre un cheminement qui l’aidera à ressentir la grandeur et l’immensité des paroles divines par rapport à la petitesse de l’existence de l’homme dans l’Univers. Plusieurs étapes sont essentielles.
Première étape : se situer dans l’Univers
En tant que créature, l’homme doit impérativement commencer par se positionner dans le monde dans lequel il évolue.
Les êtres humains viennent d’un monde inconnu, invisible appelé « ‘âlamou-l-ghayb » qu’ils ne peuvent appréhender avec leur entendement. Ils évoluent dans un monde plus ou moins connu et visible sur Terre dénommé « ‘âlamou ach-chahâdah ».
Avec le temps, le monde d’ici-bas commence à voiler la réalité de l’existence humaine, et fait oublier à l’homme qu’il se compose de deux sphères bien distinctes gérées par la raison : le corps et l’âme. C’est cette dernière qu’il occulte le plus souvent, donnant au corps une importance excessive. Certes, d’après la conception musulmane, une grande partie de l’Univers existe pour servir en priorité le corps humain : le soleil, la lune, les nuages, les montagnes, les océans, les arbres, les rivières, les animaux, la terre… mais que reste-t-il pour nourrir l’âme humaine si tous ces éléments de cet Univers se consacrent au service du corps ?
L’homme a donc besoin d’une source, autre que l’Univers, qui alimente son âme afin qu’il ne l’oublie pas dans le vacarme de ce monde temporel. C’est dans cette optique que le Saint Coran, à l’instar des révélations antérieures et authentiques, fut transmis à l’homme : revivifier son âme, instaurer un équilibre le spirituel et le corporel.
Ainsi, le Coran revêt une identité assez particulière. Si l’Univers qui entoure l’homme représente le corps de la vie, le Coran, lui, devient l’âme de cette existence, il est l’âme de l’Univers. Allâh dit au Prophète au sujet du Coran : « C’est ainsi que Nous t’avons révélé une âme [le Coran] par un effet de Notre ordre. Tu n’avais aucune connaissance du Livre ou de la foi, Nous en avons fait une lumière par laquelle Nous guidons qui Nous voulons parmi Nos serviteurs. En vérité tu guides vers un chemin droit, le chemin d’Allâh à Qui appartient ce qui est dans les Cieux et sur la Terre. Oui, c’est vers Allâh qu’inéluctablement tout fera retour. », s. 42 Ach-Choûrâ (La Délibération), v. 52-53.
Le Prophète se retirait souvent dans la grotte de Hîrâ où il méditait sur l’existence. Il considérait cet Univers, mais sentait qu’il manquait un élément important dans la vie. C’est justement lors d’une de ses retraites que le message divin lui fut révélé. Ce verset est très important, car il regroupe le secret de la nature du Coran et celui de la guidance vers Allâh . Dieu Seul décide qui mérite d’être guidé sur Sa voie. Il parle dans le verset suscité d’âme, de lumière et de guidance : trois notions qui appartiennent au domaine spirituel. Puis, Il fait référence aux cieux et à la Terre, qui relèvent plus de la sphère temporelle : les deux aspects de l’être humain se rejoignent dans ce verset. Lorsqu’Allâh explique que le Coran est une âme, le musulman fait automatiquement la comparaison entre l’âme représentée par le Coran et la sienne qui est une réalité, même s’il ne la touche pas et ne la voit pas :
● la première caractéristique que partagent ces deux âmes figure dans ce verset : « Ils t’interrogent sur l’âme, dis-leur : « L’âme relève de l’ordre exclusif de mon Seigneur et en fait de science, vous n’avez reçu que bien peu de choses. » », s. 17 Al-Isrâ (Le Voyage nocturne), v. 85. Allâh a donné les mêmes caractéristiques à l’âme humaine et à l’âme de l’Univers, dans l’autre verset, Il dit aussi que cela provient de Son Ordre.
● La deuxième caractéristique concerne l’entité de l’âme, « jawharou-r-roûh » : elle restera inconnue par l’être humain, néanmoins, ce dernier ne peut nier son existence et son rôle. Les polémiques stériles pour essayer de déterminer exactement ce qu’est l’âme ou comment le Coran peut en représenter une sont à bannir car elles ne mènent à rien.
● La troisième caractéristique d’une âme est qu’elle représente la raison de vie, car la vie ne peut exister sans âme. Un corps sans âme est un corps qui ne peut jouer aucun rôle même si sa survie physique est maintenue par des moyens matériels. Il est possible aujourd’hui de perpétuer par assistance médicale une respiration artificielle, des battements cardiaques, la circulation sanguine, mais si l’âme a quitté le corps, on ne pourra jamais la récupérer.
Par analogie, un homme qui n’est pas en contact avec le Coran est un homme dont le corps, certes peut vivre, mais dont l’existence n’a aucune utilité apparente parce que son âme ne puise pas sa force de l’âme de l’Univers, le Coran. Le Livre d’Allâh devient donc l’âme de la communauté musulmane sans lequel le cœur de la Oumma cesserait de battre. La force des musulmans se mesure par rapport à l’intérêt et à l’engagement qu’ils entretiennent avec le Coran. L’âme de la communauté se vigorifie grâce à l’âme de l’Univers. Et pour puiser cette force du Coran, nous n’avons qu’un seul moyen, c’est de le méditer…