Moi, la figue…
Je suis reconnaissante à l’équipe de rédaction d’« Al-Wassat » de m’avoir invitée : dans l’article, je vais me présenter et vous démontrer, à vous fidèles ou nouveaux lecteurs et lectrices du site, ô combien je suis un fruit intéressant, une bénédiction divine digne de vos tables.
Vous verrez, à la fin de l’exposé, si je ne deviens pas l’amie de votre palais et de votre estomac, du moins j’aurai progressé dans votre estime.
J’étais déjà connue dans les Ecritures Saintes précédant le Coran, mais l’ultime Livre de Dieu me consacre dans sourate 95 « At-Tîne » (« Le figuier » ; cf. rubrique Exégèse)
Mes origines et ma famille
L’Asie mineure fut mon berceau, mais très vite, j’ai eu l’heur de plaire aux Romains et aux Phéniciens qui m’introduisirent dans tout le bassin méditerranéen. Mon faible prix incita les Corinthiens à me mélanger subrepticement à leur raisin qu’ils exportaient vers Venise : cette ruse donna naissance à l’expression « mi-figue, mi-raisin » pour désigner l’ambiguïté d’une expression, d’une personne, etc.
Ma famille peut se targuer de 700 variétés de mes semblables, dispersées en Turquie, en Italie, en Grèce et en Californie. En France, mes ancêtres s’implantèrent d’abord dans la région parisienne ; actuellement, mes congénères se concentrent dans le Sud du pays — Var, Vaucluse et Languedoc-Roussillon — ainsi qu’en Bretagne.
De juin à septembre, on nous cueille délicatement à maturité, car prélevées vertes, nous ne poursuivons point notre maturation dans les plateaux à fruits. Notre arbre fructifie deux fois l’année et autorise la récolte des figues-fleurs, relativement grosses, début juillet, et celles d’automne, en août et septembre.
Deux espèces essentielles se pavanent sur les étales de France :
– la blanche (marseillaise) : sa robe est vert pâle, sa pulpe rouge et bien sucrée. Très goûteuse, elle est néanmoins rare car sa fragilité empêche son transport.
– La violette (la Noire de Caromb, la Solliès, qui représente 80% du marché, ou encore la Goutte d’Or de Nice) : sa peau est violacée, sa pulpe rouge plus ou moins grenat.
Nous ne prendrons pas toutes en même temps le chemin du marché et des grandes surfaces : profitant du répit que les producteurs nous accordent, dès juillet nous entamons notre dessication, brunissant et gonflant. A l’approche de décembre, nous devenons plus sèches et plus claires. Notre provenance est principalement la Turquie : après notre bain de soleil et notre nettoyage à l’eau de mer, on nous étuve.
Mes qualités intrinsèques
Entre vous et moi, point de secret, le tableau ci-dessus résume la composition de mon être intime. Je ne suis pas aussi calorifique que certains le prétendent, 74 kcal pour 100 g (d’autres sources affirment moins : 57 kcal ; soit autant qu’une pomme ou une prune). Un fruit moyen de 45 g fournit environ 25 kcal, ce serait bien dommage de vous priver de moi ! Attention toutefois, séchée, je grimpe aisément à 249 kcal, alors si vous êtes au régime…modérez votre penchant pour ma chair.
Très riche en minéraux je rétablis efficacement l’équilibre alimentaire. Comme la plupart des végétaux, je présente une teneur en potassium élevée (232 mg pour 100 g de fruit), mais ce sont surtout mes taux de calcium (deuxième position derrière l’orange), de magnésium et de phosphore qui sont appréciables. Dieu m’a dotée d’autres avantages : je suis une source intéressante en oligo-éléments, dont le fer (0,4 mg/100 g) ; en vitamine B (souvent déficitaire chez l’humain) ; en pigments (également appelés vitamine P) qui protègent les petits vaisseaux.
Maintenant que vous me connaissez un peu mieux, j’ose lever un peu plus le mystère : en toute modestie, je suis un fruit exceptionnel en terme de fibres, de tous les fruits et légumes, je possède le meilleur taux (2,3 g/100 g), soit 20% de la ration quotidienne recommandée. Tandis que certains sont des aliments fibreux soit solubles, soit insolubles, personnellement je présente les deux caractéristiques. Vous allez dès maintenant comprendre quelle merveilleuse alliée je puis devenir pour votre santé.
Mes propriétés bienfaitrices pour la santé humaine
Les nutritionnistes reconnaissent eux-mêmes que les fibres participent au bon fonctionnement du système digestif, elles régulent la satiété et subséquemment limitent l’apport énergétique ; elles diminuent le risque du développement de certaines formes du cancer. Or, toute figue que je suis, je possède un taux en fibres très élevé : leur efficacité est accrue du fait de leur nature à la fois soluble et insoluble (oui je sais, je me répète).
Les fibres insolubles facilitent le passage du bol alimentaire à travers l’intestin et en accélèrent la digestion, elles luttent contre la constipation et protègent du cancer du côlon. Pour une digestibilité parfaite, choisissez-moi mûre, tendre, moelleuse à souhait ! Je vous laisse imaginer et saliver !…
Les fibres solubles participent à la réduction des risques d’accidents cardiovasculaires — première cause de mortalité en France — en diminuant de 2O% le taux du cholestérol sanguin. L’excès du mauvais cholestérol, véhiculé par le sang, s’agglutine autour des artères coronaires, entraine leur durcissement, le rétrécissement de leur diamètre, le cœur reçoit ainsi insuffisamment ou plus du tout l’oxygène transporté par le sang, l’infarctus du myocarde devient inévitable… foudroyant, fatal lorsque les secours interviennent tardivement… moins d’une heure après l’apparition des symptômes d’une déficience cardiaque !
Artère coronaire saine Artère coronaire malade
Infarctus du myocarde Symptômes : violente douleur dans la poitrine ; irradiations dans le bras gauche, le dos, les mâchoires, sueurs, nausées, vomissements, fatigue et malaises intenses.
Le trop de cholestérol autour des vaisseaux irriguant les reins provoque de l’hypertension ou une insuffisance rénale. D’autres organes ou parties du corps humain peuvent être atteints, mais ne brossons pas un sombre tableau, parlons de mes bienfaits !
Quel intérêt l’homme a-t-il à me laisser me défraîchir ? C’est tout simplement parce qu’il a compris que je lui tiendrai compagnie toute l’année. L’anémie n’a qu’à bien se tenir, je constitue dès lors une excellente source de fer, surtout pour les femmes qui en manquent fréquemment, notamment au cours de leur grossesse ou en cas de régime végétalien. J’apporte en outre du calcium pour le capital osseux, mais également du potassium.
Saviez-vous que les acides gras essentiels oméga-3 et oméga-6 ne peuvent être synthétisés par le corps humain, et que c’est l’alimentation seule qui peut les lui fournir ? Eh bien, moi la figue sèche, je lui en apporte, et j’assure ainsi le bon fonctionnement du cœur, du cerveau et du système nerveux. A l’instar de ces éléments plus qu’indispensables, le phytostérol qui me constitue, lui aussi, contribue à l’évacuation du cholestérol issu des produits d’origine animale.
Fraîche ou sèche, ma valeur nutritive est grande, et je conviens parfaitement aux personnes âgées, aux malades de longue durée, aux accouchées, aux enfants et aux sportifs. J’élimine les troubles physiques et mentaux et revigore le corps affaibli. Pensez-vous que cela soit tout ? Non ! Je suis le plus souvent usitée pour mes vertus médicinales dans le traitement des affections pulmonaires, la toux, l’asthme, les états d’anorexie, les problèmes de circulation sanguine, les varices, les hémorroïdes, les affections urinaires, l’irritation de la trachée et de la gorge, mes propriétés laxatives et émollientes servent le transit intestinal, je réduis l’acidité du tube digestif. Prenez exemple sur les populations rurales, pleines de bons sens et de vivaces traditions alimentaires : en hiver, à jeûn, pour contrecarrer le coup de froid, ou lui résister, elles consomment des figues sèches associées souvent à l’huile d’olive.
Et cerise sur le gâteau : même la sève de mon arbre est bénéfique puisqu’elle soigne les verrues. C’est donc décidé ? Dès maintenant, vous m’invitez dans votre alimentation et vos menus épatants ? Laissez-vous séduire ! Et surtout, rendez grâce à Allâh , mesurez bien Ses grâces à chacune de vos bouchées en vous souvenant de l’ampleur de mes vertus !