Sourate 92 Al-Layl (La Nuit)

Tafsir du Saint Coran (articles)

x32

بِسۡمِ ٱللهِ ٱلرَّحۡمَـٰنِ ٱلرَّحِيمِ

وَٱلَّيۡلِ إِذَا يَغۡشَىٰ ١ وَٱلنَّہَارِ إِذَا تَجَلَّىٰ ٢ وَمَا خَلَقَ ٱلذَّكَرَ وَٱلۡأُنثَىٰٓ ٣ إِنَّ سَعۡيَكُمۡ لَشَتَّىٰ ٤ فَأَمَّا مَنۡ أَعۡطَىٰ وَٱتَّقَىٰ ٥ وَصَدَّقَ بِٱلۡحُسۡنَىٰ ٦ فَسَنُيَسِّرُهُ ۥ لِلۡيُسۡرَىٰ ٧ وَأَمَّا مَنۢ بَخِلَ وَٱسۡتَغۡنَىٰ ٨ وَكَذَّبَ بِٱلۡحُسۡنَىٰ ٩ فَسَنُيَسِّرُهُ ۥ لِلۡعُسۡرَىٰ ١٠ وَمَا يُغۡنِى عَنۡهُ مَالُهُ ۥۤ إِذَا تَرَدَّىٰٓ ١١ إِنَّ عَلَيۡنَا لَلۡهُدَىٰ ١٢ وَإِنَّ لَنَا لَلۡأَخِرَةَ وَٱلۡأُولَىٰ ١٣ فَأَنذَرۡتُكُمۡ نَارً۬ا تَلَظَّىٰ ١٤ لَا يَصۡلَٮٰهَآ إِلَّا ٱلۡأَشۡقَى ١٥ ٱلَّذِى كَذَّبَ وَتَوَلَّىٰ ١٦ وَسَيُجَنَّبُہَا ٱلۡأَتۡقَى ١٧ ٱلَّذِى يُؤۡتِى مَالَهُ ۥ يَتَزَكَّىٰ ١٨ وَمَا لِأَحَدٍ عِندَهُ ۥ مِن نِّعۡمَةٍ۬ تُجۡزَىٰٓ ١٩ إِلَّا ٱبۡتِغَآءَ وَجۡهِ رَبِّهِ ٱلۡأَعۡلَىٰ ٢٠ وَلَسَوۡفَ يَرۡضَىٰ ٢١

   Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

1. « Par la nuit quand elle enveloppe !
2. Par le jour quand il a éclairé !
3. Et par ce qu’Il a créé, mâle et femelle !
4. Vos efforts sont divergents.5. Quant à celui qui a donné et craint
6. et a déclaré véridique la plus belle récompense
7. Nous lui faciliterons la voie à la plus grande facilité.
8. Et quant à celui qui était avare et s’est dispensé [de l’adoration d’Allâh],
9. et a traité de mensonge la plus belle récompense,
10. Nous lui faciliterons la voie à la plus grande difficulté,
11. et à rien ne lui serviront ses richesses quand il sera jeté (au Feu).
12. C’est à Nous, certes, de guider ;
13. à Nous appartiennent, certes, la vie dernière et la vie présente.
14. Je vous ai donc avertis d’un Feu qui flambe
15. où ne brûlera que le plus malheureux,
16. qui a démenti et tourné le dos ;
17. alors qu’en sera écarté le pieux,
18. qui donne ses biens pour se purifier
19. et auprès de qui personne ne profite d’un bienfait intéressé,
20. mais seulement pour la recherche de La Face de son Seigneur le Très-Haut.
21. Et certes, il sera bientôt satisfait ! »

Thème

   Sourate « Al-Layl » est une sourate mecquoise de 21 versets révélée après sourate « Al-A‘lâ ». Elle tire son nom du mot « al-layl » cité dans le premier verset.Cette sourate concerne les activités et les objectifs des hommes, puis se focalise sur l’issue finale de chacun d’entre eux conformément aux œuvres effectuées dans la vie présente. Tout comme les actions des uns et des autres sont diverses sur Terre, leur rétribution dans l’au-delà le sera également.

Contexte de la révélation

   Ibnou ‘Abbâs rapporte qu’à l’époque du Prophète , vivait un homme qui possédait dans son jardin un palmier-dattier qui penchait vers la propriété d’un modeste père de famille. De temps à autre, le détenteur du palmier grimpait sur son arbre pour y cueillir quelques dattes. Parfois, une datte tombait par accident sur le sol du pauvre homme, les enfants de ce dernier n’hésitaient pas à se régaler. Mais le propriétaire de l’arbre fruitier ne l’entendait pas de cette oreille et descendait reprendre son fruit en allant même jusqu’à le retirer de la bouche de l’enfant.

   Le père s’en plaignit un jour auprès du Prophète qui lui dit : « Tu peux disposer », et qui s’adressa ensuite au propriétaire du palmier :

« Veux-tu me donner ton palmier incliné, celui qui penche vers la maison d’un tel ? Tu auras à sa place un palmier au paradis.
― Je possède beaucoup de palmiers, mais les fruits de celui-là me plaisent le plus », rétorqua l’homme avant de s’en aller.
Un homme nommé Ibnou Ad-Dahdâh avait assisté à cet échange, et demanda alors à l’Envoyé de Dieu : « Ô Messager de Dieu ! si j’achète le palmier de cet homme [pour te le remettre], me donneras-tu ce que tu viens de lui proposer : un palmier au paradis ? ― Oui », répondit le Prophète .
Le Compagnon alla de ce pas trouver le possesseur du palmier pour lui proposer d’acheter son arbre. Mais celui-ci de répondre à la proposition :
« N’as-tu pas entendu Mouhammad me proposer un palmier au paradis en échange du mien, et que je lui ai dit que ses dattes me plaisaient beaucoup ?
― Veux-tu le vendre oui ou non ? lui demanda le Compagnon.
― Non… sauf si on me donne à sa place ce que je souhaite.
― Et quel est ton souhait ?
― Quarante palmiers.
― Tu exagères ! Tu demandes quarante palmiers pour ton dattier incliné ! » protesta Ibnou Ad-Dahdâh qui se tut puis reprit : « Soit, je te donne ces quarante palmiers. »
Les deux hommes appelèrent quelques témoins et conclurent la vente. Le Compagnon offrit alors le palmier au Prophète qui le céda au père de famille et à ses enfants.
C’est suite à cet événement que furent révélés les quatre premiers versets.

‘Abdour-Rahmâne Ibnou Hamdân a rapporté qu’Aboû Qouhâfa avait dit un jour à son fils Aboû Bakr :
« Ô mon fils ! Je remarque que tu n’affranchis que des hommes faibles. Pourquoi, si tu es obligé de faire cela, n’affranchis-tu pas des hommes robustes qui peuvent te protéger et te servir ?
― Ô père ! répliqua Aboû Bakr, je ne fais cela que parce que je vise la satisfaction de Dieu. »
Cette circonstance fut la raison de la révélation du reste de la sourate, des versets 5 à 21.

Champ lexical et définitions
1. « Par la nuit quand elle enveloppe !
والليل إذا يغشى

2. Par le jour quand il a éclairé ! »
والنهار إذا تجلى

   Dieu débute cette sourate en jurant par deux éléments naturels, la nuit et le jour, qui montrent la toute puissance du Créateur. L’alternance de la nuit et du jour ― de la période de repos et du temps de travail ― s’avère être un bienfait incommensurable de la part du Seigneur des mondes : « Dis : “Que diriez-vous si Allâh vous assignait la nuit en permanence jusqu’au jour de la Résurrection, quelle divinité autre qu’Allâh pourrait vous apporter une lumière ? N’entendez-vous donc pas”. Dis : “Que diriez-vous si Allâh vous assignait le jour en permanence jusqu’au jour de la Résurrection, quelle divinité autre qu’Allâh pourrait vous apporter une nuit durant laquelle vous vous reposeriez ? N’observez-vous donc pas ?” C’est de par Sa miséricorde qu’Il vous a donné la nuit et le jour pour que vous vous y reposiez et cherchiez Sa grâce, et afin que vous soyez reconnaissants. », s.28 Al-Qaçaç (Le Récit), v.71-73.

Pourquoi Dieu utilise-t-Il le verbe « envelopper » au présent pour la nuit et le verbe « éclairer » au passé pour le jour, comme dans sourate Ach-Chams ?

   « Et par le jour quand il l’a [le soleil] rendu visible ! Et par la nuit quand elle l’enveloppe ! », s.91 Ach-Chams (Le Soleil), v.3-4.

   Tout simplement parce que la nuit tombe progressivement et l’obscurité enveloppe la lumière lentement. En revanche, lorsque le jour pointe, il suffit d’un peu de lumière pour que l’obscurité se dissipe rapidement. L’utilisation du présent de l’indicatif montre la progressivité de l’action, tandis que le passé indique la rapidité de l’action.

Pourquoi le complément d’objet n’est pas cité dans ces deux versets, alors qu’il l’est pour les versets de sourate Ach-Chams ?

   La raison est que sourate Al-Layl ne se focalise pas sur les détails, elle privilégie la généralité dans tous ses versets. Contrairement à sourate Ach-Chams, sourate Al-Layl révèle la dualité des éléments de la création (nuit/jour, mâle/femelle, le bien/le mal).

3. « Et par ce qu’Il a créé, mâle et femelle !
وما خلق الذكر والأنثى

4. Vos efforts sont divergents. »
إن سعيكم لشتى

   La création des éléments en couple se constate au niveau des végétaux, des animaux et des êtres humains, ce qui en fait une généralité propre à l’ensemble de la création. Seul Le Créateur est Unique.

   Le verset 4 est l’objet du serment : les actes des uns sont honorables tandis que ceux des autres sont infâmes. Nul doute que chacun sera rétribué selon la valeur de ses actions. Allâh énonce dans le Coran : « Quiconque vient en criminel à son Seigneur aura certes l’enfer où il ne meurt ni ne vit. Et quiconque vient auprès de Lui en croyant, après avoir fait de bonnes œuvres, voilà donc ceux qui occuperont les plus hauts rangs. », s.20 Tâ-hâ, v.74-75.

  D’habitude le terme « ما : mâ » est utilisé pour un être qui ne raisonne pas et le mot « من : man » est utilisé pour celui qui raisonne. Or dans ce verset ce mot fait référence à Allâh . Dans le Coran, « ما : mâ » est utilisé dans les deux sens :

« يأكل مما تأكلون منه ويشرب مما تشربون […] »
« […] Il mange de ce que vous mangez et boit de ce que vous buvez », s.23 Al-Mou’minoûn (Les Croyants), v.33.
Dans ce cas il est utilisé pour ce qui ne raisonne pas.

«فانكحوا ما طاب لكم من النساء»
« […] mariez-vous avec celles qui vous plaisent parmi les femmes […] », s.4 An-Nissâ’ (Les Femmes), v.3.

«ونفس وما سواها»
« Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée. », s.91 Ach-Chams (Le Soleil), v.7.
Dans ces deux derniers cas, elle est utilisée pour un être qui raisonne : cela permet d’insister sur la grandeur de Dieu. L’utilisation de la lettre « ما : mâ » dans ce troisième verset donne lieu à deux interprétations :
– « Par Celui qui a créé le mâle et la femelle » (والذي خلق الذكر والأنثى) : Il jure par Lui-même.
– « Il a créé le mâle et la femelle » (وخلق الذكر والأنثى) : Il jure par le mâle et la femelle.
Allâh jure donc par le Créateur et la création. Le mâle et la femelle concernent toutes les sphères de la création et pas seulement l’être humain, puisque la sourate privilégie la généralité.
Dieu a juré par des éléments qui s’opposent : la nuit et le jour puis le mâle et la femelle. Ces premières parties de serment annoncent donc un objet qui leur est similaire : « Vos efforts sont divergents ». Il faut par conséquent considérer les êtres humains qui œuvrent pour le bien et ceux qui agissent pour le mal.

Pourquoi Allâh a-t-Il commencé par la nuit puis a terminé par le jour alors que dans sourate Ach-Chams Il a débuté par le jour puis a fini par la nuit ?

Dans sourate Al-Layl, Dieu place les choses dans l’ordre de la création : la nuit a précédé le jour, et l’homme a été créé avant la femme.

Pourquoi Allâh , dans d’autres sourates, cite-t-Il le mot « couple » lorsqu’Il parle du mâle et de la femelle, mais pas dans cette sourate ?

«وأنه خلق الزوجين الذكر والانثى »
« C’est Lui qui a créé les deux éléments du couple, le mâle et la femelle », s.53 An-Najm (L’Etoile), v.45.

«فجعل منه الزوجين الذكر والانثى »
« Puis Il en a fait les deux éléments du couple, le mâle et la femelle », s.75 Al-Qiyâma (La Résurrection), v.39.

   Dans ces versets, Allâh met en exergue Son pouvoir ou les étapes de la création de l’homme. De plus, le mot « couple » fait plutôt référence à l’accord et au rapprochement, son utilisation est donc inappropriée dans sourate Al-Layl, puisque celle-ci traite de la divergence.

5. « Celui qui a donné et a craint
فأما من أعطى واتقى

6. et a déclaré véridique la plus belle récompense
وصدق بالحسنى

7. Nous lui faciliterons la voie au plus grand bonheur. »
فسنيسره لليسرى

   Dieu a juré par trois choses, puis Il a cité trois caractéristiques des gens du paradis : la générosité, la crainte et la croyance.

   Le verset 5 concerne ceux qui dépensent de leurs biens ― octroyés par Allâh ― pour aider les pauvres et les nécessiteux, tout en craignant leur Seigneur. Ils se détournent des péchés et recherchent l’agrément de Dieu en toutes circonstances, convaincus de Le rencontrer un jour.

   Le don peut se concrétiser en argent, en temps, en science, en notoriété, etc. L’appréhension citée dans le verset 5 concerne la crainte de Dieu ou la protection contre l’avarice.

   Dans cette sourate les compléments d’objet ne sont pas mentionnés clairement contrairement à sourate Ach-Chams. Il est fréquent de trouver ces deux constructions dans le Coran :
«ولسوف يعطيك ربك فترضى : Ton Seigneur t’accordera certes [Ses faveurs], et alors tu seras satisfait. «, s.93 Ad-Dohâ (Le Jour montant), v.5. Dans ce verset, le complément n’est pas cité, alors que dans celui de sourate Al-Kawthar, il l’est :
«إنا اعطيناك الكوثر : Nous t’avons certes accordé l’Abondance. », s.108 Al-Kawthar (L’Abondance), v.1.

   Le mot « الحسنى : al-housnâ » est un nom de préférence (اسم تفضيل), c’est le féminin du terme «الأحسن  : al-ahsan » qui veut dire « le meilleur ». La relation est la même entre «العليا : al-‘oulyâ » et «الأعلى  : al-a‘lâ », ainsi qu’entre «الدنيا  : ad-dounyâ » et « الأدنى : al-adnâ ».
« Déclarer quelque chose véridique » signifie qu’il faut croire au monde invisible dans sa globalité : au Créateur, aux créatures et aux événements.

Pourquoi Dieu a-t-Il commencé par le don, a poursuivi avec la crainte et a fini avec la croyance ?

   Celui qui croit ne craint pas forcément Dieu, et celui qui Le craint ne donne pas forcément pour Sa face. Dieu a donc établi un ordre de citation qui va de celui qui a le plus cheminé vers Lui à celui qui débute son cheminement. Le don accompagné de la crainte révérentielle du Créateur est le garant de la cohésion sociale et la force de la religion, vient ensuite la crainte de Dieu qui empêche la transgression, enfin la croyance ne fait que caractériser l’individu au niveau spirituel.

   « اليسرى : al-yousrâ » est le féminin de « الأيسر : al-aysar » qui est le nom de préférence (اسم تفضيل) de « اليسير : al-yasîr » (même forme que «الحسنى  : al-housnâ). Lorsque Dieu dit : « ونيسرك لليسرى : Et Nous faciliterons ta tâche en te mettant sur la voie la plus aisée. », s.87 Al-A‘lâ (Le Très-Haut), v.8, c’est qu’Il s’adresse au Prophète qui a déjà rempli les trois conditions énoncées dans la sourate. Dieu n’a pas précisé de quelle facilité il s’agit : c’est un sens général qui englobe l’aisance ici-bas et dans l’au-delà. Dieu simplifie la tâche à ceux qui rendent service aux nécessiteux, Il ne complique pas la vie de ceux qui œuvrent pour Lui. D’autres versets coraniques vont également dans ce sens ; Dieu dit :
« ومن يتق الله يجعل له من أمره يسرا : Quiconque craint Allâh, trouvera une grande facilité dans ce qu’il entreprend », s.65 At-Talâq (La Répudiation), v.4. Ce verset parle des personnes qui ont divorcé.

   Enfin, Dieu facilite l’entrée au paradis aux croyants :
«للذين استجابوا لربهم الحسنى : À ceux qui répondent à l’appel de leur Seigneur sera offerte la félicité », s.13 Ar-Ra‘d (Le Tonnerre), v.18.

8. « Et quand à celui qui était avare et s’est dispensé [de l’adoration d’Allâh],
وأما من  بخل واستغنى

9. et a traité de mensonge la plus belle récompense,
وكذب  بالحسنى

10. Nous lui faciliterons la voie à la plus grande difficulté…»

فسنيسره للعسرى

   Les versets 8 et 9 exposent trois caractéristiques des gens de l’enfer : l’avarice, la dispense d’adoration et l’incrédulité. Ils concernent ceux qui refusent de dépenser de leurs biens pour secourir les plus démunis, ne cherchent aucunement l’agrément divin et se détournent de Dieu. Ces versets sont en opposition avec les versets 5 et 6 : l’avarice est le contraire de la générosité ; la dispense de l’adoration de Dieu renvoie à l’absence de crainte ; démentir s’oppose à croire. Ainsi, l’issue est également divergente, puisque la difficulté est l’antonyme de la facilité.

11. « … et à rien ne lui servira son argent quand il sera déchu. »
وما يغني عنه ماله إذا تردى
Ce verset insiste sur l’inutilité des richesses accumulées au cours d’une vie : l’homme n’en bénéficiera aucunement le jour de la Résurrection. C’est plutôt l’usage qu’il en fera au cours de son existence qui est déterminant pour sa fin.L’utilisation de «ما  : mâ » permet de donner deux significations au verset :
1 – La négation : « son argent ne lui servira à rien. »
2 – Le questionnement qui suscite la réprimande : « à quoi pourra lui servir son argent ? »

   Cette polysémie est un exemple parmi d’autres témoignant de l’éloquence du Coran.

Pourquoi l’utilisation de « إذا : idhâ » plutôt que « إن : in » ?
Le mot « إذا : idhâ » s’utilise dans deux circonstances :

1 – Pour ce qui est certain de survenir (للمقطوع بحصوله)
« […] إذا حضر أحدكم الموت […] »
«  […] quand la mort se présente à l’un de vous […] », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.180.

« […]فإذا انسلخ الأشهر الحرم »
« À l’expiration des mois sacrés, […] », s.9 At-Tawba (Le Repentir), v.5.

« […] فإذا قضيت الصلاة »
« Une fois la prière achevée, […] », s.62 Al-Joumou‘a (Le Vendredi), v.10.

2 – Pour ce qui survient souvent (للكثير الحصول )

« […] إذا قمتم إلى الصلاة »
« Ô croyants, lorsque vous vous disposez à faire la çalât […] », s.5 Al-Mâ’ida (La Table servie), v.6.

« وإذا حييتم بتحية فحيوا بأحسن منها أو ردوها »
« Lorsqu’on vous adresse un salut, rendez-le de façon plus courtoise ou tout au moins rendez-le ! », s.4 An-Nissâ (Les Femmes), v.86.
Le terme « إن : in » s’utilise pour ce qui est possible, douteux, rare ou impossible :

«[…] أرايتم إن جعل الله عليكم الليل سرمدا […]»
« […] Que diriez-vous si Dieu vous avait plongés dans une nuit sans fin […] », s.28 Al-Qaçaç (Le Récit), v.71. Dans ce cas, il s’agit d’une possibilité.

« […] وإن يروا كسفا من السماء ساقطا »
« Et s’ils voient tomber des fragments du ciel, […] », s. 52 At-Toûr (Le Mont Sinaï), v.44. Dans ce cas, il est question d’un évènement rare.

وَلَمَّا جَاءَ مُوسَى لِمِيقَاتِنَا وَكَلَّمَهُ رَبُّهُ قَالَ رَبّ  أَرِنِي أَنظُرْ إِلَيْكَ قَالَ لَن تَرَانِي وَلَكِنِ انظُرْ إِلَى الْجَبَلِ فَإِنِ اسْتَقَرَّ مَكَانَهُ فَسَوْفَ تَرَانِي

   « Lorsque Moïse vint à Notre rencontre et que son Seigneur lui eut laissé la parole, il dit : “Seigneur, montre-Toi à moi pour que je te voie !” ― “Non, tu ne Me verras pas, répliqua le Seigneur. Mais regarde plutôt la montagne. Si elle reste immobile à sa place, tu pourras alors Me voir.” […] », s.7 Al-A‘râf (Les Murailles), v.143. Il s’agit ici d’une impossibilité : si Dieu se dévoile à la montagne, celle-ci ne peut invraisemblablement pas demeurer telle quelle.

   Il arrive que ces deux mots apparaissent dans un même passage coranique :

يَـٰٓأَيُّہَا ٱلَّذِينَ ءَامَنُوٓاْ إِذَا قُمۡتُمۡ إِلَى ٱلصَّلَوٰةِ فَٱغۡسِلُواْ وُجُوهَكُمۡ وَأَيۡدِيَكُمۡ إِلَى ٱلۡمَرَافِقِ وَٱمۡسَحُواْ بِرُءُوسِكُمۡ وَأَرۡجُلَڪُمۡ إِلَى ٱلۡكَعۡبَيۡنِ‌ۚ وَإِن كُنتُمۡ جُنُبً۬ا فَٱطَّهَّرُواْ‌ْ  […]

   « Ô croyants ! Lorsque vous vous disposez à faire la salât, faites d’abord vos ablutions en vous lavant le visage et les mains jusqu’aux coudes, en vous passant les mains mouillées sur la tête et en vous lavant les pieds jusqu’aux chevilles. Mais si vous êtes souillés par un acte sexuel, lavez-vous tout le corps ; […] », s.5 Al-Mâ‛ida (La Table servie), v.6.
L’utilisation du mot « إذا : lorsque » montre que le fidèle est fréquemment disposé à effectuer la prière, tandis que l’emploi du mot « إن : in » indique que le croyant accomplit moins souvent l’acte sexuel que la prière.

12. « C’est à Nous, certes, de guider ;

إن علينا للهدى

13. à Nous appartient, certes, la dernière et la première.

وإن لنا للآخرة والأولى

Pourquoi la phrase est-elle inversée : pourquoi Il n’a pas dit : « Certes, la guidance Nous revient, la dernière et la première Nous appartiennent » ?

   Le fait de commencer par le sujet dans ces verset indique l’exclusivité de l’appartenance des éléments cités comme compléments d’objet directs : la guidance relève exclusivement de Dieu, l’au-delà et l’ici-bas reviennent à Lui Seul. C’est par l’intermédiaire de Ses prophètes qu’Il a communiqué aux hommes le chemin du salut, ainsi que celui de la perdition. Chaque être humain choisit donc en connaissance de cause la voie qu’il désire emprunter.

Pourquoi mentionner d’abord la « dernière » puis la « première » ?

  Dans d’autres versets, c’est plutôt l’inverse :

وهو الله لا إله إلا هو له الحمد في الأولى والآخرة وله الحكم واليه ترجعون، قل أرأيتم إن جعل الله عليكم الليل سرمداً إلى يوم القيامة من إله غير الله يأتيكم بضياء أفلا تسمعون، قل أرأيتم إن جعل الله عليكم النهار سرمداً إلى يوم القيامة من إله غير الله يأتيكم بليل تسكنون فيه أفلا تبصرون، ومن رحمته جعل لكم الليل والنهار لتسكنوا فيه ولتبتغوا من فضله ولعلكم تشكرون

   « Il est Dieu ! Il n’est point de divinité en dehors de Lui ! A Lui la louange en ce monde et dans la vie future ! C’est à Lui qu’appartient le Jugement suprême et c’est à Lui que vous ferez retour. Dis-leur : “Que diriez-vous si Dieu vous avait plongés dans une nuit sans fin jusqu’au Jour du Jugement dernier ? Quelle divinité autre que Dieu aurait pu vous redonner la lumière ? Quand pourrez-vous le comprendre ?” Dis-leur : “Et que diriez-vous si Dieu avait étendu sur vous un jour sans fin jusqu’au Jugement dernier ? Quelle divinité autre que Dieu aurait pu vous ramener la nuit pour votre repos ? Ne le voyez-vous donc pas ?” Mais Dieu, par un effet de Sa miséricorde, a institué la nuit et le jour, pour vous permettre à la fois de vous reposer et d’aller à la recherche de Ses faveurs. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants. », s.28 Al-Qaçaç (Le Récit), v.70-73.
Dans ce passage coranique, Dieu parle de la nuit, du jour et de la recherche de Ses faveurs terrestres : ces éléments relèvent de la vie mondaine ; d’où la citation de l’ici-bas en premier lieu. En revanche, dans sourate Al-Layl, versets 5 et 6, Dieu parle de la donation, de la crainte et de la foi : ces œuvres se rattachent à la recherche de la rétribution de l’au-delà, l’ordre de citation fait donc apparaître la priorité donnée à l’au-delà dans le verset 13.

فأما من أعطى واتقى وصدق بالحسنى

« Quant à celui qui a donné et craint et a déclaré véridique la plus belle récompense », s.92 Al-Layl (La Nuit), v.5-6.

Pourquoi utiliser « la première » (الأولى) plutôt que « la vie d’ici-bas » (الدنيا) ?

   Le mot « الدنيا : le plus bas » se rapporte à la dimension matérielle de l’ici-bas : richesses, enfants, pouvoir, notoriété, divers moyens de jouissance, etc. Plusieurs versets dans le Coran en témoignent :

[…] ربنا آتنا في الدنيا حسنة […]« […] Seigneur, accorde-nous une belle part ici-bas […] », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.201.

اشتروا الحياة الدنيا بالآخرة
« [Ils] ont échangé la vie présente contre la vie future », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.86.

[…] متاع الدنيا قليل […]« […] La jouissance d’ici-bas est éphémère […] », s.4 An-Nissâ’ (Les Femmes), v.77.
En revanche, le mot « الأولى : la première » englobe la dimension matérielle, visible et palpable, ainsi que la dimension invisible qui entoure l’être humain : l’existence de Dieu, des anges, du destin, etc.

14. « Je vous ai donc avertis d’un Feu qui flambe

فأنذرتكم ناراً تلظى

15. où ne brûlera que le plus malheureux,

لا يصلاها إلا الأشقى

16. qui a démenti et tourné le dos ; »

الذي كذب وتولى

   Allâh prévient les hommes de ce qui les attend s’ils refusent de croire. La mise en garde dans ces versets est plus forte et plus manifeste que celle des versets précédents. Le mot « al-achqâ : الأشقى » (le plus malheureux) est un superlatif du mot « ach-chaqiyyou : الشَّقِيُّ » (le malheureux). Ce verset est plein d’espoir pour le musulman qui était « chaqiyy : شَّقِيّ » à cause des petits péchés qu’il a commis, mais qui gardait tout de même sa foi en Dieu et ne tournait pas le dos aux injonctions divines. En revanche, l’enfer ne sera la destination que de « al-achqâ : الأشقى » qui a démenti le message divin et lui a tourné le dos.

Démentir et tourner le dos sont deux péchés plus graves que d’être cupide, tout comme se dispenser de craindre Dieu et traiter de mensonge la belle récompense (al-housnâ : الحسنى) (voir sourate Al-Qiyâma).

17. « alors qu’en sera écarté le pieux,

وسيجنبها الأتقى

18. qui donne ses biens pour se purifier »

الذي يؤتي ماله يتزكى

   Dans Son infinie bonté, Allâh explique ce qu’il faut entreprendre pour mériter la belle récompense. Le mot « al-atqâ : الأتقى » est le superlatif du mot « at-taqiyyou : التَّقِيُّ ». Le verset 17 n’utilise pas la forme d’exclusivité comme c’est le cas du verset 15. En effet, Il n’a pas dit : « alors n’en sera écarté que le pieux : ولا يجنبها إلا الأتقى ». Les affres du châtiment ne concernent qu’une catégorie bien précise de personnes, alors que, par la miséricorde divine, « le pieux » en général en sera épargné.
« Sayoujannabouhâ : سيجنبها » est un verbe construit au passif (l’inconnu) alors que « yaçlâhâ : يصلاها » est un verbe construit à la forme active (le connu) : on ne s’écarte pas de l’enfer par sa propre volonté, mais par la grâce d’Allâh  ; en revanche, on séjourne en enfer à cause de ses péchés :
« […] فمن زحزح عن النار وأدخل الجنة فقد فاز […] : […] Quiconque échappera alors à l’enfer et entrera au paradis aura trouvé la félicité. […] », s.3 Âl ‘Imrân (La Famille d’Imrân), v.185.

Quelle est la différence entre la mise à l’écart et la sauvegarde ( التجنيب والتنجية ) ?

   La sauvegarde peut survenir après avoir subi l’épreuve. C’est ainsi que Dieu sauva les enfants d’Israël :

وَإِذْ نَجَّيْنَاكُم مِّنْ آلِ فِرْعَوْنَ يَسُومُونَكُمْ سُوَءَ الْعَذَابِ يُذَبِّحُونَ أَبْنَاءكُمْ وَيَسْتَحْيُونَ نِسَاءكُمْ وَفِي ذَلِكُم بَلاء مِّن رَّبِّكُمْ عَظِيمٌ

   « Et [rappelez-vous], lorsque Nous vous avons délivrés des gens de Pharaon, qui vous infligeaient le pire châtiment en égorgeant vos fils et épargnant vos femmes. C’était là une grande épreuve de la part de votre Seigneur. », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.49.
Allâh intervint également pour délivrer le prophète Yoûnous (Jonas) de son tourment :
« فَاسْتَجَبْنَا لَهُ وَنَجَّيْنَاهُ مِنَ الْغَمِّ وَكَذَلِكَ نُنجِي الْمُؤْمِنِينَ »
« Nous l’exauçâmes et le sauvâmes de son angoisse. Et c’est ainsi que Nous sauvons les croyants. », s.21 Al-Anbiyâ (Les Prophètes), v.88.
En revanche, la mise à l’écart empêche de tomber dans l’épreuve.

19. « et auprès de qui personne ne profite d’un bienfait intéressé,

وما لأحد عنده من نعمة تجزى

20. mais seulement pour la recherche de La Face de son Seigneur le Très-Haut.

إلاّ ابتغاء وجه ربه الأعلى

21. Et certes, il sera bientôt satisfait ! »

ولسوف يرضى

   Celui qui donne n’a aucun mérite en réalité puisqu’il ne donne que de ce qu’Allâh lui a attribué. Mais c’est son intention de rechercher la Face de son Seigneur qui lui fait mériter la récompense. « Il sera bientôt satisfait » permet deux interprétations :

   l’obéissant sera satisfait de la rétribution de Dieu.
Dieu sera satisfait de l’obéissance de Son serviteur.

   La recherche de l’agrément divin doit être le but ultime du croyant dans toutes les actions qu’il entreprend. En effet, il a été rapporté dans les traditions que le Prophète a dit : « Vous aurez besoin de vos savants dans le paradis comme vous en aviez besoin ici-bas. » Ils demandèrent au Prophète  : « Comment ? » Il répondit : « Dieu apparaîtra au gens du paradis et leur dira :  » Demandez-Moi, demandez-Moi « . Ils ne sauront pas quoi demander, c’est alors qu’ils iront voir leurs savants qui leur diront : « Demandez-Lui Sa satisfaction, c’est la plus grande des récompenses. »

وقالوا في الأثر: تحتاجون علمائكم في الجنة كما كنتم تحتاجون إليهم في الدنيا قالوا كيف يا رسول الله قال يطلع الله على أهل الجنة فيقول سلوني سلوني ولا يعرفون ما يسألونه فيذهبون إلى علمائهم فيقولون ماذا نسأل ربنا فقالوا اسألوه رضوانه وهو أعلى شيء

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