Sourate 90 Al-Balad (La Cité) (3/3)

Tafsir du Saint Coran (articles)

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   Mais il ne s’est pas engagé dans la voie ascendante !

فَلَا ٱقۡتَحَمَ ٱلۡعَقَبَةَ

Une fois de plus, les exégètes se sont intéressés de près au mot « لا : lâ » qui peut se comprendre de différentes manières :
– pour certains d’entre eux, il s’agit d’un élément de négation. D’habitude, « لا : lâ » précède un verbe au présent comme dans : « لا تذهب : lâ tadhhab » (ne pars pas) ; ce terme ne précède que très rarement un verbe au passé et lorsque c’est le cas, il se répète à deux reprises comme dans le verset : « Mais il n’a ni cru, ni fait la çalāt », s.75 Al-Qiyâma (La Résurrection), v.31.

فَلَا صَدَّقَ وَلَا صَلَّىٰ

   En l’occurrence, « لا : lâ » n’est utilisé qu’une seule fois : c’est un cas exceptionnel dans la langue arabe, c’est pourquoi certains avancent qu’on ne peut considérer « لا : lâ » comme un élément de négation.

   Pour d’autres exégètes, l’absence de répétition se justifie par l’énumération qui caractérise les versets suivants 13 à 16 : « C’est délier un joug [affranchir un esclave] ou nourrir, en un jour de famine, un proche parent orphelin ou un pauvre dans le dénuement. » Le personnage qui se vante d’avoir dilapidé son argent ne s’engage pas dans la voie ascendante parce qu’il n’a ni affranchi un esclave ni nourri un proche orphelin ou un nécessiteux. Même si le « لا : lâ » de négation n’est pas mentionné deux fois, ce passage véhicule un sens négatif généralisé.
Quelques érudits expliquent que la répétition du « لا : lâ » de négation est courante, mais pas obligatoire ; il est exceptionnellement possible de ne pas répéter « لا : lâ » deux fois. Cette particularité est néanmoins récurrente dans le Coran.

– Certains affirment que « لا : lâ » est une particule d’invocation comme par exemple lorsque l’on demande à Dieu de ne pas guérir une personne que l’on déteste ( لا عافاه الله  : que Dieu ne le guérisse pas). « لا : lâ » précède également un verbe au passé et n’est employé qu’une fois. D’après cette explication, le verset 11 serait donc une invocation contre toute personne qui se détourne de la voie ascendante qui mène au paradis : « Malheur à lui ! Qu’il ne s’engage pas dans la voie ascendante ! »

– Un autre avis énonce que même si le verbe est au passé, il est employé pour signifier l’avenir. L’utilisation du passé dans ce but est en effet courante dans la littérature arabe :  « حَسْبُ المُحِبّين في الدّنيا عذابهم، تالله لا عَذّبَتهم بَعْدَها سقَرُ» « Hasbou-l-mouhibîna fî-d-douniya ‘adhâbouhoum, tallâhi lâ ‘adhabathoum ba‘dahâ saqarou » (il suffit aux amoureux [de Dieu] la souffrance de la vie, par Dieu, Saqar ne les châtiera pas dans l’au-delà). Dans ce passage, le prosateur a fait suivre « لا : lâ » d’un verbe au passé, mais sa répétition n’est pas envisagée, comme lorsque l’on atteste formellement par un serment qu’une personne n’agira pas de telle ou telle manière (والله لا فعلت كذا). Selon cette compréhension, Dieu garantit que ce type de personnage ne s’engagera pas dans la voie ascendante.

– Enfin, quelques savants soutiennent que « لا : lâ » est un élément de questionnement : « Pourquoi ne s’engagerait-il pas dans la voie ascendante ? » Dans ce cas « فلا : falâ » prend la valeur de « أفلا : afalâ » qui perd sa première lettre « أ : alif ». La comparaison de deux versets presque identiques démontre parfaitement l’équivalence sémantique d’une particule interrogative qui perd son « أ : alif » :
« Et les magiciens vinrent à Pharaon en disant : “Y aura-t-il vraiment une récompense pour nous, si nous sommes les vainqueurs?” », s.7 Al-A‘râf (Les Murailles), v.113.

وَجَآءَ ٱلسَّحَرَةُ فِرۡعَوۡنَ قَالُوٓاْ إِنَّ لَنَا لَأَجۡرًا إِن ڪُنَّا نَحۡنُ ٱلۡغَـٰلِبِينَ

   « Puis, lorsque les magiciens arrivèrent, ils dirent à Pharaon : “Y aura-t-il vraiment une récompense pour nous, si nous sommes les vainqueurs?” », s.26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), v.41.

فَلَمَّا جَآءَ ٱلسَّحَرَةُ قَالُواْ لِفِرۡعَوۡنَ أَٮِٕنَّ لَنَا لَأَجۡرًا إِن كُنَّا نَحۡنُ ٱلۡغَـٰلِبِينَ

   Les petites différences qui distinguent un verset d’un autre sont très importantes, car elles permettent de tirer des règles élémentaires facilitant la compréhension d’autres passages coraniques.

   Même si les quatre significations de « لا : lâ » sont différentes, elles restent néanmoins correctes.

   Le verbe « إقتحم : iqtahama » a le sens de « s’engager contre vents et marées ». L’on dit en arabe « قحم في الأمور قحوما » « qahama fî-l-oumoûri qouhoûmâ : il s’est engagé dans les affaires sans tenir compte des risques ».

   Le mot « العقبة : al-‘aqaba » désigne un sentier montagneux difficile à emprunter ou une montagne qui obstrue une route.

   Composé de mots renvoyant aux obstacles et à l’adversité en général, ce verset constitue une métaphore claire : celui qui dilapide son argent dans des superfluités en tout genre choisit sans conteste la voie de l’insouciance, refusant catégoriquement de suivre la direction la plus ardue qui est en même temps l’unique chemin vers la réussite éternelle. L’accès au paradis est certes difficile mais ce qu’il renferme en vaut réellement la peine.

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   L’utilisation de « النجدين : an-najdayn » (v.10) puis de « العقبة : al-‘aqaba » (v.11) présente une corrélation intéressante : les chemins hauts (najd) mènent vers les sentiers difficiles des montagnes (‘aqaba). Allâh  a de nouveau recours à une image pour transmettre un message à son Prophète  : « Ne t’attends pas à ce que les choses s’apaisent dans l’immédiat, d’autres obstacles peuvent émerger. » Tout comme le Messager de Dieu traversa maintes adversités au cours de sa vie, le musulman doit s’attendre à être éprouvé sur terre jusqu’à sa mort ; la véritable quiétude se trouvant au paradis.

12. Et qu’est-ce qui te dira ce qu’est la voie ascendante ?

وَمَآ أَدۡرَٮٰكَ مَا ٱلۡعَقَبَةُ

    De manière générale, la situation d’un orphelin est souvent plus pénible que celle d’un pauvre. Celui à qui il manque un parent (ou les deux) au cours de sa jeunesse peut facilement tomber dans la misère du fait qu’il n’est pas capable de subvenir lui-même à ses besoins, à moins qu’il ait hérité d’un riche patrimoine.

   Le Coran précise « proche parent », car donner à un orphelin qui fait partie de la famille constitue une double bonne action : le croyant fait une aumône et préserve en même temps les liens du sang, évitant ainsi toute déchirure familiale. Un orphelin ne doit tout simplement pas être abandonné par les siens.

     Répéter le terme « العقبة : al-‘aqaba », est une manière de lui donner une grande valeur et indique une glorification « التّعظيم : at-ta‘dhîm » de la notion qu’il transmet. C’est également un moyen de susciter l’effroi chez le lecteur.

13. C’est délier un joug [affranchir un esclave],

فَكُّ رَقَبَةٍ

   Deux mots seulement composent ce verset ô combien significatif : le verbe « فكّ : fakka » équivaut à « dénouer, détacher » et le nom « رقبة : raqaba » veut dire « nuque ». Littéralement, ce verset signifie donc « détacher une nuque ». Il est une image éloquente traduisant la position avant-gardiste de l’Islam par rapport à l’esclavage. L’esclave est considéré comme un individu à part entière qui a été privé de sa liberté. Les chaînes qu’il porte autour du cou représentent une abomination dont l’Islam encourage l’éradication. Ainsi, l’affranchissement d’un esclave est une œuvre bénie qui fait mériter le paradis.

   Cette noble action méritoire est citée avant le fait de nourrir l’orphelin ou le pauvre, ce qui sous-entend que l’esclavage est la pire des afflictions que connaît l’homme sur terre : la privation de liberté empêche l’être subordonné de subvenir à ses besoins. Cette idée est en rapport avec le verset 4 : non seulement l’existence humaine sur terre est inévitablement marquée par les épreuves, mais à cela s’ajoute l’esclavage instauré par l’homme lui-même.

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14. ou nourrir, en un jour de famine,

أَوۡ إِطۡعَـٰمٌ۬ فِى يَوۡمٍ۬ ذِى مَسۡغَبَةٍ۬

   Le terme « المسغبة : al-masghaba », peu usité en arabe, indique une disette généralisée qui touche l’ensemble d’une population. Lorsqu’il s’agit d’une famine personnelle, c’est le mot « السّغب : as-saghab » qu’il convient d’employer.

   La différence est immense entre nourrir un pauvre lorsque les aliments sont abondants et lorsqu’ils ne le sont pas. Le Prophète a dit : « La meilleure aumône (que tu peux faire), c’est quand tu es en bonne santé, radin, que tu espères la richesse et que tu as peur de la pauvreté… » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.] En effet, la récompense relative à une bonne action dépend toujours de la situation morale ou physique de la personne qui l’accomplit.

15. un proche parent orphelin

16. ou un pauvre dans le dénuement.

يَتِيمً۬ا ذَا مَقۡرَبَةٍ (١٥) أَوۡ مِسۡكِينً۬ا ذَا مَتۡرَبَةٍ۬

   De manière générale, la situation d’un orphelin est souvent plus pénible que celle d’un pauvre. Celui à qui il manque un parent (ou les deux) au cours de sa jeunesse peut facilement tomber dans la misère du fait qu’il n’est pas capable de subvenir lui-même à ses besoins, à moins qu’il ait hérité d’un riche patrimoine.

   Le Coran précise « proche parent », car donner à un orphelin qui fait partie de la famille constitue une double bonne action : le croyant fait une aumône et préserve en même temps les liens du sang, évitant ainsi toute déchirure familiale. Un orphelin ne doit tout simplement pas être abandonné par les siens.

    Le mot « متربة : matraba » provient du verbe « تَرُبَ : tarouba » qui veut dire « s’appauvrir ». Sa racine se retrouve dans le terme « التُّراب : at-tourâb » qui signifie « le sol, la terre ». La pauvreté s’illustre donc par une image éloquente : le visage de l’indigent à fleur de sol, tant son dénuement est complet ; la terre est le seul élément qu’il puisse posséder. L’expression « يتوسّد التُّراب » « yatawassadou at-tourâb : il dort à même le sol » s’applique à celui qui n’a pas de demeure.

   Dans les versets décrivant ce qu’est la voie ascendante (13 à 16), Dieu emploie la conjonction « أو : aw » (ou). S’il avait utilisé « و : wa » (et), l’accomplissement des trois actions aurait été nécessaire pour s’engager dans cette pente. L’emploi de « أو : aw » (ou) révèle un allègement pour les musulmans qui n’ont pas tous les moyens d’effectuer l’ensemble de ces trois bonnes œuvres (d’autant plus que l’esclavage a disparu).

   L’esclave, l’orphelin et le pauvre sont parmi les individus qui subissent le plus d’afflictions sur terre : la liberté est ôtée au premier, le second est privé de son père ou sa mère (ou les deux) et le troisième ne possède aucun bien.

17. Puis, c’est être de ceux qui croient et s’enjoignent mutuellement l’endurance et s’enjoignent mutuellement la miséricorde.

ثُمَّ كَانَ مِنَ ٱلَّذِينَ ءَامَنُواْ وَتَوَاصَوۡاْ بِٱلصَّبۡرِ وَتَوَاصَوۡاْ بِٱلۡمَرۡحَمَةِ

    Celui qui accomplit une des actions menant à la voie ascendante est une personne encline à la mansuétude, et les individus qui reçoivent l’aide suscitée par un élan de miséricorde (l’esclave, l’orphelin et le pauvre) sont ceux qui ont le plus besoin de patience. Ces deux grandes qualités se rejoignent dans le verset tout comme elles sont liées dans la vie à travers les deux catégories de personnes citées.

D’habitude, le mot « ثمّ : thoumma » exprime une progressivité lente, tandis que la lettre « فَ : fa » traduit une progression rapide. Mais dans ce verset, « ثمّ : thoumma » ne sous-entend pas une évolution lente dans la succession des événements, il indique plutôt une distinction entre les œuvres citées et celles qui vont l’être. Affranchir un esclave, parrainer un orphelin de la famille ou nourrir un pauvre sont des actions d’ordre secondaire, car croire en Dieu est l’acte le plus important. En effet, aucune œuvre ― aussi noble qu’elle puisse être ― n’est acceptée si elle n’est pas motivée par la foi en Dieu. Celle-ci est primordiale, puisqu’elle valide l’acceptation des différents actes par Dieu. Ceux qui accomplissent le bien sans croire en Dieu sont soit récompensés sur terre (belle vie, bonne santé, etc.), soit ils verront le châtiment de la tombe voire de l’enfer allégé.

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   L’ensemble de sourate Al-Balad est fondé sur ces deux qualités essentielles que sont la patience et la mansuétude. Concernant la patience :
– le Prophète fut endurant face au mal qui lui fut fait à la Mecque ;
– tout géniteur doit être patient pour engendrer ou s’occuper de sa progéniture ;
– l’être humain a besoin de constance pour surmonter les épreuves de la vie ;
– celui qui s’engage dans la voie ascendante doit faire montre de persévérance ;
– les situations de l’esclave, de l’orphelin et du pauvre requièrent une patience inlassable.
Quant à la mansuétude :
–  le Prophète devait manifester une magnanimité à toute épreuve pour appeler et guider les gens à l’Islam. Le jour de la conquête de la Mecque, il demanda aux Qoraychites leur avis sur ce qu’il allait faire d’eux. Ces derniers, conscients de la longanimité légendaire du Messager, répondirent : « Tu es un frère clément et un cousin généreux » ; la réplique de leur concitoyen (« Allez-y, vous êtes libres ! ») confirma l’opinion qu’ils avaient de lui ;
– la relation qui lie le géniteur à sa progéniture est grandement empreinte de miséricorde ;
– ce sont les personnes dont le cœur regorge de mansuétude qui viennent en aide à l’esclave, à l’orphelin et au pauvre.

    Ce verset présente une répétition du verbe et de la lettre « بِ : bi » (harf al-jarr). La phrase « و تواصوا بالصّبر و تواصوا بالمرحمة : wa tawâçaw bi-ç-çabri wa tawâçaw bi-l-marhama » est ainsi plus éloquente que « و تواصوا بالصّبر و بالمرحمة : wa tawâçaw bi-ç-çabri wa bi-l-marhama » ou que « و تواصوا بالصّبر و المرحمة : wa tawâçaw bi-ç-çabri wa-l-marhama ».

En répétant le verbe et la préposition, Dieu indique que ces deux qualités essentielles (la patience et la mansuétude) sont à pied d’égalité et qu’elles sont complémentaires.

Pourquoi Dieu a-t-Il cité « aç-çabr » (la patience) avant « al-marhama » (la mansuétude) ?

    En relisant la sourate, le lecteur s’aperçoit que Dieu cite ce qui nécessite la patience en premier : les difficultés vécues par le Prophète à la Mecque, l’affliction comme caractéristique intrinsèque à l’existence humaine, le géniteur attendant puis s’occupant de sa progéniture ; Il évoque ensuite ce qui requiert la mansuétude.

   Ce verset se rapproche du verset 3 de sourate 103 Al-‘Açr (Le Temps) : « […] s’enjoignent mutuellement la vérité et s’enjoignent mutuellement l’endurance. »

وَتَوَاصَوۡاْ بِٱلۡحَقِّ وَتَوَاصَوۡاْ بِٱلصَّبۡرِ   […]

   Allâh mentionne la vérité à la place de la mansuétude et la cite avant l’endurance. Cette combinaison est liée au contexte de cette sourate, où il est question de la perdition générale de l’homme si celui-ci ne s’attache pas à la vérité et à la patience. Aucun détail n’y est précisé, alors que sourate Al-Balad donne des précisions à ce sujet. Les trois actions bénies mentionnées dans les versets 13 à 16 constituent des exemples de cette vérité ; la mansuétude en fait donc partie. La vérité est citée avant l’endurance car patienter pour une autre cause que la vérité ne présente aucun mérite.

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18. Ceux-là sont les compagnons de la droite ;
19. alors que ceux qui ne croient pas en Nos versets sont les compagnons de la gauche.

أُوْلَـٰٓٮِٕكَ أَصۡحَـٰبُ ٱلۡمَيۡمَنَةِ (١٨) وَٱلَّذِينَ كَفَرُواْ بِـَٔايَـٰتِنَا هُمۡ أَصۡحَـٰبُ ٱلۡمَشۡـَٔمَةِ

    Le terme « الميمنة : al-maymana » est un mot général qui a plusieurs sens. Il provient du mot « اليمن : al-youmn » qui signifie « le bien, la bénédiction », donc on pourrait traduire par « les gens de la bénédiction ». Il dérive également du mot « اليمين : al-yamîn » qui veut dire « le côté droit », endroit où se trouveront les heureux le Jour du Jugement. Ce terme désigne aussi la main droite par laquelle les gens du paradis recevront leur livre.

   Tout comme « الميمنة : al-maymana », le vocable « المشأمة : al-mach’ama » véhicule un sens général. Il vient du mot «الشؤم : ach-chou’m » qui signifie « la malédiction » (« les gens de la malédiction »). Il découle également du mot « الشأم : ach-cha’m » signifiant « le côté gauche », emplacement qu’occuperont les malheureux le Jour du Jugement. Enfin, il désigne également la main gauche (« الشمال : ach-chimâl ») qui recevra le livre des gens de l’enfer.
Une fois de plus, Allâh a employé des termes polysémiques.

Pourquoi le pronom « هم : houm » a été utilisé pour les gens de la gauche et non pour les gens de la droite ?

Le verset 18 « Ceux-là sont les compagnons de la droite » désigne les personnes qui ont affranchi des esclaves ou parrainé des orphelins de leur famille ou nourri des pauvres. Ces gens ne représentent qu’une partie des croyants qui iront au paradis ; d’autres individus qui ont accompli d’autres œuvres s’y rendront également. L’emploi du pronom « هم : houm » qui traduit l’exclusivité est donc inapproprié dans ce verset.

Quant au verset 19 « alors que ceux qui ne croient pas en Nos versets, (ceux-là) sont les compagnons de la gauche », il sous-entend que toutes les personnes qui démentent les signes envoyés par Dieu seront les hôtes de l’enfer, sans exception.
Il est vrai néanmoins que certains musulmans séjourneront momentanément en enfer avant d’accéder enfin au paradis ; cette distinction parmi les gens de l’enfer est traduite dans le dernier verset qui les mentionne de manière nuancée.

20. Le Feu se refermera sur eux !

عَلَيۡہِمۡ نَارٌ۬ مُّؤۡصَدَةُۢ

   Selon les lectures, le croyant lira « moûçada » ou « mou’çada ». Cette dernière possibilité avec la hamza (ء) était la version utilisée par les Qoraychites dont l’arabe comptait certains mots difficiles à prononcer ; cette dureté phonétique s’associe particulièrement bien au sens véhiculé par le terme « mou’çada » (qui entoure, étouffe).

   Étant donné que le feu se refermera sur eux, les malheureux n’auront ni échappatoire, ni lumière : le décret éternel est définitif. Qu’en est-il alors des musulmans qui séjourneront provisoirement en enfer ? C’est en fait la syntaxe qui éclaire le lecteur à ce sujet.

   La forme syntaxique la plus usuelle pour cette phrase est « نار مؤصدة عليهم : nâroun mou’çadatoun ‘alayhim », mais Dieu a permuté le substantif (al-maçdar) et le complément (al-jar wa-l-majroûr). Cette inversion ― à l’instar de toutes celles présentes dans le Coran ―  véhicule un sens particulier : c’est sur ces gens particulièrement que le feu se refermera éternellement ; pour les autres résidents de l’enfer qui croient aux signes d’Allâh (les musulmans), ce décret sera temporaire et l’enfer s’ouvrira pour les laisser sortir.
Dans sourate 104 Al-Houmaza (Les Calomniateurs), Dieu dit : « Il se refermera sur eux, en colonnes (de flammes) étendues. », v.8-9.

إِنَّہَا عَلَيۡہِم مُّؤۡصَدَةٌ۬ (٨) فِى عَمَدٍ۬ مُّمَدَّدَةِۭ

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Pourquoi Dieu n’a-t-Il pas ajouté « في عمد ممدّدة : fî ‘amadim-moumaddada » dans sourate Al-Balad ?

    Dans sourate Al-Houmaza, plusieurs détails se rapportent à ceux qui agissent mal et au feu qui leur est destiné, ce qui n’apparaît pas dans sourate Al-Balad. Le type de mécréant cité dans sourate Al-Houmaza est celui qui calomnie, qui ne donne pas de son argent aux nécessiteux et qui croit que ses richesses vont le rendre éternel. A contrario, les précisions apportées dans sourate Al-Balad se rapportent aux bonnes actions ; les mécréants ne sont pas décrits en détails, seule leur incrédulité est mentionnée.Al-Balad est finalement une sourate extrêmement riche en enseignements. À travers ses nombreux mots polysémiques, elle permet plusieurs compréhensions qui éclairent le lecteur sur la situation du Prophète lors de sa révélation, et qui le renseignent sur sa propre existence. L’affliction, qui touche inéluctablement chaque être humain, exige une patience infatigable pour qui désire gagner la quiétude éternelle. Le croyant doit également s’engager sur la voie du salut en accomplissant des œuvres bénies et soulager ceux qui traversent les épreuves les plus pénibles. Il est épaulé en cela par ses coreligionnaires, car leur encouragement mutuel à la patience et à la bienveillance envers autrui constitue une force intarissable. Que Dieu aide chaque musulman à donner le meilleur de lui-même dans cette vie pour être parmi les compagnons de la droite dans l’au-delà !

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