Vie génitale féminine (2/4) : l’incidence des menstrues sur la pratique cultuelle
Les menstrues sont directement liées à la responsabilité religieuse et juridique (« at-taklîf : التَّكْليف »). Tout(e) croyant(e) est dit(e) responsable lorsqu’il (elle) possède ces qualités :
● l’Islam (le fait d’appartenir à cette religion en reconnaissant l’unicité de Dieu et Mouhammad comme Son Messager).
● La raison (être sain d’esprit).
● La puberté (à cet instant, l’individu n’est plus un enfant et devient responsable de ses actes).
● La liberté (l’individu ne doit subir aucune contrainte).
Les menstrues marquent le passage de la fillette à la puberté.
Quel est l’âge minimal fixé par la loi islamique pour que le flux sanguin soit considéré comme menstrues et que la jeune fille soit pubère ?
Les hanafites admettent qu’une fille peut être réglée à partir de 7-9 ans. Si les menstrues tardent à venir, l’âge de la puberté est fixé à 13-15 ans.
Les mâlikites situent l’apparition des règles de la fille entre 9-13 ans. Toutefois, l’avis d’une femme expérimentée ou d’une doctoresse est nécessaire pour confirmer cela.
Les chafi’îtes et les hanbalites estiment l’âge minimal de la survenue du sang menstruel à 9 ans.
La puberté physique confère-t-elle forcément à la fille (ou au jeune homme) la responsabilité juridique ?
Une fille (ou un garçon) pubère physiquement ne peut pas d’emblée supporter toutes les conséquences juridiques de ses actes et se conformer à toutes les prescriptions divines. Les savants fixent donc l’âge de la responsabilité juridique à 15 ans pour les deux sexes. Seul Aboû Hanîfa porte à 17 ans la responsabilité juridique pour la fille, et à 18 ans pour le garçon. Néanmoins, ces limites d’âge ne sont que des indications servant de base de décision, car les individus diffèrent entre eux sur le plan de la maturité.
Quel est l’impact des menstrues sur la pratique cultuelle de la gent féminine ?
Les règles invalident l’état de purification cyclique de la femme. Par conséquent, celle-ci ne peut s’adonner à certaines pratiques cultuelles telles que la prière, le jeûne, les circumambulations autour de la Ka‘ba ou la lecture du Coran (volet détaillé plus bas).
La femme réglée peut-elle entrer et prendre place dans une mosquée, ou simplement la traverser ?
Pour les écoles hanâfite et mâlikite, cela est prohibé (« harâm : حَرام »), sauf en cas de nécessité absolue (demander du secours, chercher de l’eau ou un refuge) conditionnée par une purification pulvérale (« tayammoum : تَيَمُّم ») préalable.
Selon l’école châfi’îte, il est interdit à la femme réglée de s’installer à l’intérieur de la mosquée. Mais elle peut juste passer pour une quelconque affaire, conformément à ce que rapporte ‘Aïcha : « Le Messager de Dieu me demanda de lui apporter la natte qui se trouvait à l’intérieur de la mosquée. Je lui dis : ʺ Je suis réglée ! ʺ. Il répondit : ʺ Tes règles ne sont pas dans tes mains ! ʺ », [Rapporté par Mouslim, Aboû Dâwoûd, Nassâ’î, Ibnou Mâjah et At-Tirmidhî.]
La position des châfi’îtes rejoint les écoles précédentes en cas de nécessité absolue.
Quant à l’école hanbalite, elle permet à la femme réglée d’entrer et de passer dans la mosquée pour une affaire, mais elle n’est pas autorisée à y rester ou à s’y installer.
Quels sont les actes adoratifs également interdits à la femme indisposée ? Qu’en est-il pour la lecture du Coran ?
La femme réglée ne peut pratiquer :
● les prières obligatoires et surérogatoires (volet détaillé plus bas) ;
● la prosternation de glorification associée à certains passages du Coran ;
● le jeûne (volet détaillé plus bas) ;
● certains rites du hajj (volet détaillé plus bas) ;
● le toucher et la lecture du Coran : la divergence des savants découle du sens général du hadîth rapporté par Aboû Bakr Ibnou Mouhammad Ibnou ‘Omar Ibnou Hazm qui le tenait de son père, lui-même le tenant de son paternel : « Ne peut toucher le Coran que celui qui est en état de pureté. » [Rapporté par Mâlik, An-Nasâ’î, Ibnou Hibbân et Al-Bayhaqî.]
– les hanâfites : ils autorisent la femme réglée à toucher et à transporter le Livre Saint, à condition qu’il soit emballé, c’est-à-dire pas en contact direct avec l’indisposée. Ils lui interdisent de réciter le Coran excepté la « basmala » (« Bismillâhi Ar-Rahmâne Ar-Rahîm » : « Au Nom de Dieu, Le Tout-Clément, Le Très-Miséricordieux ») lorsqu’elle débute une action, ou encore quand elle récite un verset sous forme d’invocations ou de demande de protection auprès de Dieu. La femme qui enseigne ou qui étudie le Coran est autorisée à réciter quelques versets à la fois, mais pas à effectuer une lecture continue du Livre.
– les châfi‘ites : la femme réglée ne peut lire ne serait-ce qu’une lettre du Coran quand il s’agit de la récitation ; en revanche, elle peut réciter des versets dans le cadre des invocations.
– les mâlikites : l’indisposée peut réciter par cœur quelques versets ou un passage du Coran, mais dès que ses menstrues cessent, elle n’a plus ce droit et doit absolument se purifier avant de le faire. Toutefois, l’indisposée n’a pas le droit de toucher le moçhaf directement avec ses mains, exception faite pour celle qui enseigne ou étudie le Coran. Elle peut en effet le toucher et en écrire des versets dans la mesure où elle est dans l’obligation de le faire. Saisir le Coran avec des gants ou tourner ses pages à l’aide d’un crayon ou d’un bâton est également autorisé par la majorité des savants.
Est-il permis à la femme indisposée de pratiquer le rappel de Dieu (« dhikr ») et l’invocation (« tasbîh ») ?
Oui, tout à fait, elle peut demander pardon à Dieu, Le remercier et Le glorifier, prier sur le Prophète également : l’unanimité des doctes ne considère pas la pureté rituelle comme une condition pour effectuer ces actes pieux
La prière et le jeûne
Une fois purifiée de ses règles, la femme doit-elle refaire les prières non effectuées ?
La réponse est bien entendu non, car les menstrues dégagent la femme de l’obligation de pratiquer la prière, et ceci est un allègement de la part du Très-Miséricordieux : ce serait fastidieux pour la femme qui subit déjà la fatigue des variations du cycle menstruel.
Que doit faire la femme si elle constate que ses règles ont cessé, mais qu’il ne lui reste pas assez de temps pour se purifier et s’acquitter de la prière du moment ?
Les mâlikites et d’autres tel Al-Awza‘î n’enjoignent la femme de faire cette prière que dans la mesure où, une fois purifiée de ses menstrues, il lui reste du temps pour se laver et prier avant que l’intervalle imparti à cette prière ne soit achevé. Sinon, elle n’est pas tenue de la récupérer.
Les châfi‘îtes et les hanbalites préconisent l’accomplissement de cette prière même après la sortie de son temps, dès lors que les règles ont cessé avant la fin de l’intervalle imparti à la prière.
Comment doit agir la femme qui a des raisons de croire que ses menstrues vont cesser au cours de son sommeil nocturne, mais ignorant si le flux sanguin s’arrêtera pendant le temps de la prière de la nuit ou pendant celui de la prière de l’aube ?
Les mâlikites sont d’avis que si elle se réveille avant çobh et qu’elle a des raisons de penser que l’écoulement sanguin a pris fin au cours du temps daroûrî de la prière du ‘ichâ (juste avant le lever de l’aube : cf. « Les temps des prières »), elle doit se purifier, s’acquitter de la prière du ‘ichâ puis accomplir la prière surérogatoire du fajr ensuite la prière du çobh tant qu’elle peut le faire avant le lever du soleil. S’il ne lui reste que peu de temps, elle en profite pour se purifier et accomplir la prière de çobh.
La femme doit-elle effectuer la prière du çobh si le flux menstruel a cessé après l’aube et avant le lever du soleil ?
Oui, si le temps dont elle dispose lui permet de se purifier et d’accomplir au moins une unité de cette prière.
Les règles surviennent dans le temps d’une prière que la femme n’a pas encore accomplie : que fait-elle ?
Elle n’a pas à s’acquitter de cette prière après la purification d’après l’opinion d’Aboû Hanîfa et d’Al-Awzâ‘î.
En revanche, elle doit la rattraper après la fin de ses menstrues et sa purification selon Ach-Châfi‘î et Mâlik.
Comment se comporte la femme qui constate une interruption plus ou moins longue de son flux menstruel ?
Les châfi‘îtes lui demandent de se purifier et de prier pendant l’interruption de l’écoulement menstruel.
Pour les autres savants, cet arrêt provisoire fait partie de la période des règles : dès lors, la femme ne doit se purifier qu’à la fin de la durée habituelle de ses menstrues, ou à la fin de la durée maximale légale [cf. « Les menstrues (« al-hayd ») (1)]. Au-delà de ce dernier délai, il s’agit du sang maladif (« al-istihâda : الإِسْتِحاضَة »), la femme doit donc se purifier et prier.
Quelle est la conduite de la femme qui constate l’arrivée précoce de ses règles à cause de la prise de médicaments ?
Selon les mâlikites, ce flux sanguin n’est pas celui des règles, la femme continue donc de prier. Toutefois, si elle a des doutes et pense que ce sang pourrait être celui des menstrues, alors elle rattrapera les jours de jeûne manqués mais pas les prières.
Pendant le mois de ramadan, que fait la femme qui se réveille après le lever du soleil et qui ne sait pas si ses règles ont cessé avant ou après la prière du fajr (l’aube)?
Pour les mâlikites, le doute relatif au jeûne dispense de sa pratique, mais pas de son rattrapage (al-qadâ’) : la femme ne jeûne donc pas, mais doit rattraper ce jour plus tard.
Pendant le mois de Ramadan, une femme encore réglée le soir se réveille avant le lever du soleil et constate l’arrêt de ses menstrues. Elle ne sait pas si les règles ont cessé avant ou après le début du temps du fajr. Que fait-elle ?
De l’opinion des mâlikites, elle doit s’acquitter de deux devoirs : jeûner le jour en cours, puis le rattraper plus tard, car il est fort possible que le flux menstruel ait pris fin avant le fajr.
Quelle doit être la réaction de la femme qui remarque que ses règles ont cessé après le début du temps de fajr mais avant le lever du soleil ?
Les mâlikites lui enjoignent de jeûner ce jour, puis de le reprendre plus tard.
Le pèlerinage
Pour répondre aux questions se rapportant aux menstrues et au pèlerinage, il est indispensable de préciser quelques notions au préalable.
Il existe trois types de « hajj » (pèlerinage) :
1 – « Hajj al-ifrâd : حَجُّ الإِفْراد » : les croyants formulent l’intention d’effectuer le pèlerinage et ses rites, puis, après les trois jours de la fête du sacrifice (jours d’« at-tachrîq »), d’accomplir le petit pèlerinage (« al-‘oumra : العُمْرة ») : le hajj et la ‘omra s’entreprennent successivement et indépendamment.
2 – « Al-qirâne : القِران » : le hajj et la ‘oumra sont liés ; les croyants procèdent à la ‘oumra et entame aussitôt après le hajj sans rompre leur état de sacralisation.
3 – « At-tamattou‘ : التَّمَتُّع » : la ‘oumra et le hajj sont exécutés successivement et indépendamment. Les croyants effectuent d’abord la ‘oumra, ensuite ils quittent leur état de sacralisation (« al-ihrâm : الإِحْرام »), et accomplissent enfin le hajj en formulant une intention distincte de celle de la ‘oumra.
Les circumambulations (« at-tawâf : الطَّواف ») autour de la Ka‘ba représentent un élément fondamental du hajj. Pour les entreprendre, l’état de pureté majeure (obtenue après un lavage corporel complet ou « ghousl ») et mineure (effective suite aux petites ablutions ou « woudou’ ») est exigé. Des trois tawâfs, seul celui qui est effectué après la fête du sacrifice (« tawâf al-ifâda : طَواف الإِفَاضَة »), à la fin de l’état de sacralisation, est obligatoire. Les deux autres, « tawâf al-qoudoûm : طَواف القُدوم » (circumambulations de l’arrivée) et « tawâf al-wadâ‘ : طَواف الوَداع » (circumambulations de l’adieu) sont des traditions recommandées (sounnan).
La femme réglée peut-elle entreprendre le pèlerinage ?
‘Aïcha rapporte : « Nous sommes partis avec le Prophète de Dieu [au pèlerinage]. Lorsque nous sommes arrivés à Sarifa [lieu situé à presque 10 km de la Mecque], j’ai eu mes règles. Le Prophète de Dieu est entré alors que je pleurais. Il me dit alors :
« Tu as sans doute eu tes règles ?
― Oui ! répondis-je.
― C’est une chose que Dieu a prescrite aux filles d’Adam ! dit-il. Accomplis tout ce que fait le pèlerin, sans toutefois effectuer les circumambulations autour de la Ka‘ba, jusqu’à ce que tu sois purifiée. » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.]
Après sa purification, la femme doit-elle rattraper tous les tawâfs ?
Unanimement, les juristes musulmans enjoignent à la femme d’effectuer tawâf al-ifâda, même après les jours d’at-tachrîq. Elle n’est pas tenue d’accomplir les circumambulations de l’arrivée si ses règles apparaissent avant d’entrer à la Mecque. De même, elle n’est pas obligée d’accomplir les circumambulations de l’adieu si ses règles surviennent avant son départ de la Mecque.
Quelle est la conduite de la femme indisposée qui a l’intention d’entamer soit hajj al-ifrâd, soit celui d’al-qirâne, et qui craint que ses menstrues ne cessent pas avant la fin du pèlerinage ?
Elle n’exécute ni les circumambulations de l’arrivée, ni celles de la ‘oumra, ni celles de l’adieu, mais est tenu de rattraper tawâf al-ifâda une fois purifiée.
Comment doit agir la femme dont les menstrues surviennent juste avant le jour de ‘Arafat (9ème jour de dhoû-l-hijja) ?
Elle participe au rituel de la station de ‘Arafa comme tout le monde et aux rituels des jours suivants à l’exception des circumambulations, puis attend que ses règles cessent, se purifie et accomplit tawâf al-ifâda, celui de la ‘oumra si son intention était d’effectuer hajj al-ifrâd, et tawâf al-wadâ’.
Quels sont les autres rites du hajj qu’une femme indisposée est autorisée à accomplir ?
Mâlik, Ach-Châfi’îî, Ahmad Ibnou Hanbal et Aboû Dâwoûd (qui se réfère à Ahmad Ibnou Hanbal) affirment que la femme peut, au cours du hajj : réciter l’invocation du pèlerin (« at-talbiyya : التَّلْبِيَة »), effectuer les va-et-vient (« as-sa‘y : السَّعْي ») entre les monticules de Safâ et Marwâ (bien que ce soit un pilier essentiel du hajj), se tenir sur le mont ‘Arafa, y réciter des invocations et formuler du dhikr.
Que fait la femme, dont l’intention est d’effectuer hajj at-tamatou‘, qui constate l’apparition de ses règles avant les circumambulations de la ‘oumra précédant le hajj, et qui est persuadée à raison que ses menstrues vont durer au point de lui faire manquer son hajj ?
Mâlik, Ach-Châfi’î et d’autres juristes sont d’avis qu’elle peut modifier son intention et opter pour celle d’accomplir hajj al-ifrâd ou al-qirâne, elle n’aura alors plus qu’à rattraper tawâf al-ifâda.
Une femme peut-elle prendre des pilules pour retarder ses menstrues afin d’accomplir tous les rituels du pèlerinage ?
Même si les savants restent dubitatifs concernant la prise de substances qui retardent les règles dans le but de jeûner le Ramadan ou une partie de ses jours (surtout les dix derniers jours), une majorité d’entre eux l’autorise pour une femme qui souhaite accomplir le pèlerinage. En effet, les pèlerins organisent leur voyage selon un calendrier fixé à l’avance, dont le retour se situe généralement à la suite des jours d’at-tachrîq. Une femme dont la menstruation apparaît juste avant le jour de l’Aïd risque de ne pas disposer d’assez de temps à la Mecque pour attendre l’arrêt du flux sanguin afin de rattraper tawâf al-ifâda. La prise de certaines pilules – ou tout autre moyen licite qui diffère les règles et ne présente aucun risque pour la santé – permet à la femme d’accomplir tous les rites du pèlerinage normalement sans avoir à rattraper l’un d’eux.
Quelle est la sentence pour la femme réglée qui exécute tout de même les circumambulations ?
Elle a commis un péché en ne respectant pas la sacralité du temple de la Ka‘ba : elle doit demander pardon à Allâh جل جلاله et expier sa faute par le sacrifice d’une chamelle âgée de cinq ans.