(13) La prière (6/11) : les actes réprouvés de la prière et ceux qui l’annulent

Jurisprudence malikite

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   Tout comme le fidèle doit être capable de distinguer les actes obligatoires de ceux qui sont recommandés lors de l’accomplissement de la çalât, il est également tenu de connaître les gestes blâmables et ceux qui invalident ce culte quotidien, afin de l’effectuer au mieux.


Comportement réprouvé lors de la prièrePlusieurs éléments entrent dans cette catégorie :

● prononcer l’invocation du ta‘awwoudh « التَّعَوُّذ » (le fait de dire « Je me réfugie auprès de Dieu contre Satan le lapidé : أعوذ بالله من الشيطان الرجيم ») avant de réciter sourate Al-Fâtiha ou la sourate qui suit lors d’une prière obligatoire. S’il s’agit d’une prière surérogatoire, cela est autorisé sans être recommandé ;

● formuler la basmala « البسملة » (« Au nom de Dieu, Le Tout-Miséricordieux, Le Très-Miséricordieux : بسم الله الرحمان الرحيم ») avant la lecture de la Fâtiha ou de l’autre sourate au cours d’une prière canonique. Cela dit, prononcer cette formule dans une prière surérogatoire est un acte neutre ;

● selon l’avis de plus répandu de l’école, réciter la formule du tawajjouh « التّوَجُّه »(« J’ai tourné ma face vers Celui qui a conçu les cieux et la terre, en musulmans soumis, et je ne suis pas du nombre de ceux qui admettent plusieurs divinités. Ma prière, mes dévotions, ma vie, ma mort sont consacrés à Dieu, Le Seigneur des mondes, qui est sans associé. Tel est l’ordre qui m’a été assigné et je suis de ceux qui se soumettent à Dieu en toute confiance. ») avant la récitation de la Fâtiha dans une prière obligatoire ;

● prononcer des invocations :

– durant la récitation d’une sourate (Fâtiha ou autre) lors d’une prière canonique.

– au moment de l’inclinaison (« roukou’ : الركوع ») ;

– après le premier tachahhoud « التشهد »;

– après la salutation finale de l’imâm et avant de saluer soi-même ;

● formuler les diverses invocations de la çalât à voix haute, y compris les deux tachahhoud ;

● appliquer son front sur une partie de son vêtement (manche, foulard) lors de la prosternation ;

● se prosterner sur un tapis (ou autre) doux ou moelleux, car son confort empêche l’orant d’oublier les affaires de ce monde et de se concentrer ;

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● prononcer toujours les mêmes invocations dans les mêmes postures et répéter les tasbîh de l’inclinaison et de la prosternation un nombre précis de fois ; les textes divergent à ce sujet ;

● énoncer les invocations dans une langue autre que l’arabe pour celui qui peut utiliser celle-ci ;

● tourner sa tête ou son tronc vers l’arrière sans motif valable en ayant les pieds dirigés vers la qibla. En effet, tourner les talons annule la çalât, comme l’explique un hadîth prophétique rapporté par Anas  : « Mon garçon ! Ne te retourne jamais dans la prière, car le faire, c’est causer ta perte ; si toutefois tu y étais contraint, alors que cela soit dans une prière surérogatoire et non dans une prière canonique. » [Rapporté par At-Tirmidhî.] ;

● entrelacer les doigts (« tachbîk al-açâbi’ : تَشْبِيك الأصَابِع ») ou les claquer (« farqa‘at al-açâbi’ : فَرقَعة الأصَابِع »). Ka‘b Ibnou ‘Oujra  en témoigne : « Le Prophète  ayant vu un homme croiser les doigts dans la prière, les lui décroisa. » [Rapporté par Ibnou Mâjah.] ;

● en position assise, ramasser les deux pieds sous les cuisses, la partie inférieure des orteils au sol (« iq‘â’ : إقْعاء ») ;

● fermer les yeux, sauf si l’orant craint d’être distrait dans sa çalât en les gardant ouverts ;

● ne s’appuyer que sur une seule jambe, sauf s’il y a une raison valable à cela (être resté longtemps debout) ;

● poser un pied sur l’autre ou les joindre durant toute la prière ;

● être distrait par des préoccupations mondaines. Si cela amène l’orant à ne plus savoir ce qu’il fait, il doit recommencer sa çalât ;

● introduire quoi que ce soit dans la bouche. Le cas échéant, si cela l’empêche d’articuler convenablement les paroles coraniques, sa prière est caduque ;

● toucher son vêtement, ses cheveux ou autre (al-‘abath : « العَبَث ») sans raison valable. Cela dit, si cela est nécessaire, ce n’est pas réprouvé ;

● se gratter sans raison. Si l’orant ne cesse de le faire, il doit recommencer sa çalât ;

● esquisser un sourire. Si le fidèle sourit tout le long de la prière, volontairement ou non, celle-ci est invalidée ;

● pour l’homme, attacher ses cheveux derrière la tête. Aboû Râfî‘  atteste de cette vérité dans ces paroles : « Le Messager  a interdit à un homme de prier en retenant ses cheveux derrière la tête. » [Rapporté par Ibnou Mâjah.] ;

● dire « Alhamdoulillâh ! » après avoir éternué, ou de répondre par un signe à celui qui formule le vœu : « Dieu te fasse miséricorde ! ». Si l’orant répond verbalement à ce souhait, sa çalât est nulle. Ce n’est néanmoins pas le cas pour la salutation « Assalâmou ‘alaykoum » que le croyant est obligé de rendre par un léger signe de la main, même s’il est en prière ;

● lire un verset ou une sourate en plus de la Fâtiha dans les deux derniers cycles des prières obligatoires ;

● ne pas respecter l’ordre coranique concernant les sourates récitées après la Fâtiha dans les deux premiers cycles de la çalât (on parle alors d’at-tankîs : التَّنكيس);

● frapper des mains, même pour la femme qui souhaite signaler une erreur à l’imâm. Il est préférable de dire « SoubhânAllâh ! » (« Transcendance de Dieu ! ») comme le rapporte Sahl Ibnou Sa‘d As-Sâ‘idî  dans le recueil d’Al-Boukhârî ;

● accomplir la prière derrière une rangée d’orants incomplète ;

● prier devant un four ou une cheminée car cela s’apparente au culte des adorateurs du feu ;

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   D’autres pratiques, indirectement liées à la çalât sont aussi réprouvées :

● orner les niches, les murs et les plafonds des mosquées avec des calligraphies, des dorures ou autres décorations ;

● édifier une mosquée selon un plan autre que le carré, car cela ne facilite pas l’alignement des orants. Cependant, donner une forme carrée à une mosquée dont la niche se trouve dans un de ses angles est également réprouvé pour la même raison ;

● effectuer sa çalât dans une mosquée bâtie avec de l’argent illicite.

Les actions qui invalident la prière

●Le fidèle doit impérativement connaître les actes qui annulent la çalât :

● formuler l’intention de l’interrompre ;

● délaisser un des actes obligatoires de la prière. Si cela arrive par inadvertance et que l’orant s’en rend compte rapidement, sa prière est toujours valide. Il lui suffira de reprendre son adoration au niveau du cycle incomplet et de l’achever convenablement ;

● effectuer de manière volontaire une composante de la prière en supplément de ce qui est prescrit dans celle-ci. Si cela se produit accidentellement et que le nombre d’ajouts est minime, la prière pourra être corrigée en effectuant les prosternations de l’oubli ;

● s’asseoir volontairement pour formuler le tachahhoud après le premier ou le troisième cycle de prière ;

● manger ou se désaltérer délibérément, sauf s’il s’agit d’un morceau d’aliment coincé entre les dents (même après mastication). Dans ce dernier cas, la prière ne sera pas caduque ; il suffira pour la réparer d’effectuer les prosternations de l’oubli après le salâm ;

● produire à dessein un son porteur de sens, à moins qu’il ne s’agisse d’un tasbîh destiné à indiquer une erreur à l’imâm. En témoignent ces paroles du Prophète  rapportées par Mou‘âwiya Ibnou-l-Hakam As-Soulamî  : « La parole des Hommes n’a pas sa place dans la prière ; celle-ci n’est que tasbîh, takbîr et récitation du Coran. » [Authentifié par Mouslim.] ;

● émettre un bruit non porteur de sens volontairement comme souffler par la bouche. En revanche, si l’orant est sujet à une petite quinte de toux, ou qu’il manifeste une souffrance ou une tristesse par des gémissements légers, sa çalât est toujours valide ;

● vomir délibérément ;

● perdre les petites ablutions. Cela dit, si l’imâm qui dirige l’office est concerné par cette perte, la prière de ceux qui le suivent est toujours valable ;

● avoir les parties du corps dites ‘awra moughalladha découvertes (cf. Les conditions requises avant l’accomplissement de la prière) ;

● être touché par une impureté (sur le corps ou les vêtements), en prendre conscience et avoir assez de temps pour s’en défaire ;

● rire bruyamment ;

● faire beaucoup de gestes qui n’appartiennent pas à la prière. N’annule cependant pas la çalât le fait de se déplacer sur une longueur équivalente à deux rangées en avant, en arrière ou sur les côtés pour combler un vide ou se mettre derrière une soutra ; le fidèle doit cependant veiller à toujours garder les pieds en direction de la qibla lorsqu’il se déplace au cours de la prière.

   En ce qui concerne les petits gestes comme mettre sa main devant la bouche pour bayer, bouger la main ou la tête pour répondre au salut ou encore se gratter, ils n’annulent pas la prière ;

● avoir une envie pressante d’aller aux toilettes et que celle-ci détourne l’orant de l’accomplissement d’un acte obligatoire de la çalât.

   Ainsi, les comportements énumérés ci-dessous peuvent paraître anodins aux yeux du musulman, mais leurs conséquences sont parfois irréversibles. Être conscient de leur statut respectif permet à l’orant de s’appliquer au maximum et de présenter la meilleure prière possible à son Seigneur.

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