Commentaire de l’aphorisme 7 (article)

Sagesses d'Assakandarî (articles)

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لا يُشَكِّكَنَّكَ في الوَعْد عَدَمُ وُقوعِ المَوْعودِ وإنْ تَعَيَّنَ زَمَنُهُ لِئَلاّ يَكونَ ذَلك قَدْحا في بَصيرَتِك وإخْمادا لِنورِ سَريرَتِك

   « De Sa promesse ne doute point si ce qui est promis n’arrive pas alors que l’échéance en était déterminée. Cela porterait atteinte à l’œil de ton cœur et ternirait l’éclat de ta conscience. »

   Allâh  a demandé à l’être humain de L’invoquer et de Le supplier. Il lui a promis d’exaucer ses vœux, mais en même temps, Il a donné des promesses conditionnées par des faits indépendants de nos invocations. Plusieurs versets coraniques en témoignent :

« […] Alors, leur Seigneur leur révéla : “Assurément Nous anéantirons les injustes, et vous établirons dans le pays après eux. Cela est pour celui qui craint Ma présence et craint Ma menace ” », s.14 Ibrâhîm (Abraham), v.13-14.

   « Quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne œuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie. Et Nous les récompenserons, certes, en fonction des meilleures de leurs actions. », s.16 An-Nahl (Les Abeilles), v.97.

   « Ô vous qui croyez ! Si vous faites triompher (la cause de) Dieu, Il vous fera triompher et raffermira vos pas. », s.47 Mouhammad, v.7.

   À la lecture de ces versets, il se peut que certains musulmans doutent un peu des promesses qu’ils contiennent et pensent probablement : « Allâh nous promet le triomphe, Son assistance, la puissance, la bonne vie, et pourtant la communauté musulmane n’a rien obtenu de ces promesses. Les musulmans sont nombreux ; les mosquées sont pleines ; le retour à la pratique religieuse est général ; le nombre de femmes portant l’habit préconisé par l’Islam est en augmentation continue ; la Mecque s’emplit pendant les périodes de pèlerinage au point que les États islamiques sont obligés de mettre des cotas pour limiter le nombre de candidats au voyage sacré ; pendant le mois de Ramadan, on ne trouve presque plus de place dans les mosquées pendant les prières de tarâwîh, étant donné le nombre de musulmans qui s’émulent pour écouter la psalmodie du Coran ; les banques islamiques commencent à concurrencer sérieusement les banques usuraires, etc. Et pourtant, avec toutes ces manifestations de pratique islamique, pourquoi Dieu ne respecte-Il pas l’engagement qu’Il a énoncé dans ce genre de verset pour apporter Son soutien aux musulmans ? Pour leur accorder le triomphe promis ? Pour les faire sortir de la misère ? Pour leur donner l’héritage de la terre ?… »

    À ces musulmans qui sont rongés par le doute, Ibnou ‘Attâi’ Allâh As-Sakandarî dit : « De Sa promesse ne doute point si ce qui est promis n’arrive pas alors que l’échéance en était déterminée. Cela porterait atteinte à l’œil de ton cœur et ternirait l’éclat de ta conscience. »

   En général, les personnes qui se posent ce genre de questions et expriment ce genre de doute ne respectent pas leurs engagements avec Dieu. Soit ils n’observent pas les prescriptions islamiques et utilisent ces questionnements pour justifier leur refus de pratiquer, soit leur adoration est rudimentaire et leur compréhension de l’Islam superficielle. Dans ce dernier cas, ils se comportent avec Dieu comme agit un client vis-à-vis d’un vendeur ou d’un prestataire de service : le premier paie un produit ou une tâche particulière et le deuxième se doit de livrer la marchandise ou d’accomplir ce pour quoi il a été payé.

   D’une part, il est nécessaire que ces personnes prennent d’abord conscience que leurs œuvres et leurs adorations ne sont pas le prix de la quiétude, de la richesse et du triomphe qu’ils sollicitent de Dieu dans la vie. D’autre part, la condition de l’être humain, loin d’égaler celle d’Allâh, ne permet pas à l’homme d’envisager un comportement d’égal à égal avec Son Créateur ; le Coran atteste clairement de cette vérité : « Il [Dieu] n’est pas interrogé sur ce qu’Il fait, mais ce sont eux qui devront rendre compte [de leurs actes]. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.23.

   Toujours est-il que le croyant sait pertinemment qu’Allâh  est Juste, qu’Il est Équitable et que personne n’est fidèle à son engagement autant que Lui. Il déclare Lui-même : « […] Il secourt qui Il veut et Il est le Tout-Puissant, le Tout-Miséricordieux. C’est [là] la promesse de Dieu. Dieu ne manque jamais à Sa promesse mais la plupart des gens ne savent pas. », s.30 Ar-Roûm (Les Romains), v.5-6.

   Il dit aussi : « […] Allâh ne manque pas à Sa promesse », s.39 Az-Zoumar (Les Groupes), v.20.

   Malgré ces certitudes, le fidèle lucide comprendra pourquoi ces promesses ne sont pas réalisées. Plusieurs éléments de réflexion entrent en jeu :

   1 – ces promesses sont conditionnées par un engagement sincère et sans faille de la part de chaque membre de la communauté des croyants. Lorsque Dieu dit dans sourate 14 Ibrâhim : « Et ceux qui ont mécru dirent à leurs messagers : « Nous vous expulserons certainement de notre territoire, à moins que vous ne réintégriez notre religion ! » Alors, leur Seigneur leur révéla : « Assurément Nous anéantirons les injustes, et vous établirons dans le pays après eux. Cela est pour celui qui craint Ma présence et craint Ma menace. » », v.13 et 14.

   Dans ce verset, la promesse de Dieu est dictée par la crainte révérencielle des fidèles. Or, aujourd’hui, la communauté musulmane craint-elle Allâh comme il se doit ?

   Vu l’injustice qui règne, l’attachement de la majorité des musulmans à la vie, l’importance des apparences, l’amplification de l’ignorance, de l’escroquerie, de l’usure, etc. Toutes ces marques de faiblesse ne feront certes pas profiter les musulmans de la promesse de Dieu.

   2 – Allâh dit dans le Coran : « Et craignez une calamité qui n’affligera pas exclusivement les injustes », s.8 Al-Anfâl (Le Butin), v.25. Zaynab  demanda au Prophète : « Pourrions-nous périr alors qu’il y a des pieux parmi nous ? » Ce à quoi il répondit : « Oui, lorsque la turpitude se répand. »

   Autrement dit, Dieu peut infliger son châtiment à un peuple dans lequel vivent des injustes, malgré la présence des croyants probes.

   Les musulmans doivent s’estimer heureux qu’aucune sanction exterminatrice ne se soit abattue sur eux à cause de leurs manquements et de toutes les insuffisances qui ponctuent leur vie en société. Comment oseraient-ils revendiquer un triomphe de la part de Dieu et oser remettre en cause la validité de Ses promesses alors qu’ils n’ont pas respecté leur engagement de foi ?

3 – Le fidèle qui se respecte et qui connait Dieu comme il se doit, commence par s’auto-juger et se demander s’il a accompli son devoir vis-à-vis de Son Seigneur sans pour autant revendiquer les promesses qui lui sont réservées. Il est conscient que ses efforts sont en deçà du minimum requis pour respecter les préceptes de l’Islam mais également du seuil nécessaire pour que la parole de Dieu se réalise pour lui et sa communauté.

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   Ce n’est nullement avec son peu de pratique, son peu de savoir, son peu de chaleur spirituelle qu’il peut percevoir la réalisation des promesses divines. La prise de conscience de son éloignement est un facteur d’amélioration certaine. En outre, se sentir partiellement responsable de l’égarement de la communauté en se demandant comment participer – selon ses compétences – à l’éradication de la décadence au sein de la société donne au fidèle le moyen d’agir concrètement. Plusieurs actions se complètent dans ce domaine :

● participer à la transmission de la parole de Dieu ;

● verser l’aumône pour alléger les souffrances induites par la pauvreté ;

● consacrer une partie de son temps à éduquer les ignorants et orienter les désemparés de sa communauté.

● mettre ses compétences au service de ceux qui en ont besoin.

   Ainsi, les meilleurs exemples à suivre sont ceux des premières générations de l’Islam. Ces musulmans ont bénéficié de l’aide divine malgré leur nombre limité et la modicité de leurs moyens matériels. La ferveur de leur foi, la sincérité de leur engagement, leur dépouillement de la vie et leur investissement à faire triompher la parole de Dieu étaient à la hauteur pour mériter l’aide divine. Malgré cela, ils ne cessaient de se remettre en cause et de se repentir.

   Le Prophète  était la personne qui connaissait le plus Allâh  et Lui vouait la meilleure adoration, caractérisée par une immense dévotion assortie au recueillement le plus profond. Cependant, il sentait que sa pratique paraissait en deçà des devoirs qu’il devait accomplir à l’égard de son Seigneur et que l’expression de sa reconnaissance était insuffisante. C’est la raison pour laquelle il ne cessait de demander pardon à Dieu, se recueillait en pleine nuit pour Le supplier, comme s’il avait commis le pire des crimes. Il disait : « Mon cœur s’attriste tellement que je demande pardon à Allâh cent fois par jour. »

   D’ailleurs, les pieux savants – dignes héritiers de l’Envoyé de Dieu – déclarent à ce sujet : « Les péchés des proches de Dieu sont les bienfaits des pieux. » En effet, celui qui se veut proche de Dieu considère la moindre erreur ou le moindre manquement comme un grand péché qui l’attriste et le pousse à redoubler d’efforts pour mériter le pardon de Dieu, malgré tous ses engagements adoratifs. S’il lui arrive de manquer une prière de l’aube à la mosquée sur une longue année, il ne pensera qu’à ce jour qui représentera toujours une tache noire dans sa vie. En revanche, si un musulman moyen était dans le même cas, il ne penserait qu’aux trois-cent-soixante-quatre jours où il a effectué sa prière de l’aube à la mosquée, sans prêter d’attention au jour manqué. Tout étant une question de points de vue, ce qui représente un péché pour le premier relève de l’exploit pour l’autre !

    Certains musulmans se contentent de pratiquer le minimum requis tout en s’écartant des grands péchés et de la turpitude : ceci pourrait, par la grâce d’Allâh, suffire pour accéder au Paradis. Mais pour mériter la suprématie dans l’ici-bas, cet engagement minimal reste insuffisant. Le croyant doit s’acquitter de plusieurs autres œuvres, déployer plus d’efforts, investir plus de son temps, de son corps et de ses biens matériels pour mériter la promesse divine. C’est elle qui permet à la communauté de faire régner la justice et la bienfaisance sur terre et fait mériter l’héritage que Dieu a promis dans le Coran lorsqu’Il dit : « Et Nous avons certes écrit dans le Zaboûr, après l’avoir mentionné (dans le Livre céleste), que la terre sera héritée par Mes bons serviteurs ». Il y a en cela [ces enseignements] une communication à un peuple d’adorateurs ! », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.105-106.   Malheureusement, les conditions qu’Allâh exige pour réaliser Ses promesses ne sont vues et considérées que par les aspirants qui ont parcouru un long chemin vers Allâh ; en revanche, ceux qui demandent des comptes à Dieu ou qui doutent de la véracité de Ses promesses sont aveugles devant cette vérité.« De Sa promesse ne doute point si ce qui est promis n’arrive pas alors que l’échéance en était déterminée. Cela porterait atteinte à l’œil de ton cœur et ternirait l’éclat de ta conscience. »
4 – Dieu éprouve Ses serviteurs et durcit l’épreuve progressivement pour tester leur foi et leur confiance en Lui. C’est lorsque l’adversité arrive à son paroxysme que la délivrance divine s’opère et que l’aide d’Allâh leur est accordée.

Dieu déclare dans le Coran : « À côté de la difficulté est, certes, une facilité ! À côté de la difficulté, est certes, une facilité ! », s.94 Ach-Charh (L’Ouverture), v.5-6. Puis Il ajoute : « Quand tu te libères, donc, lève-toi, et à ton Seigneur aspire. », idem, v.7-8.

   Dieu dit également : « Quand les messagers faillirent perdre espoir (et que leurs adeptes) eurent pensé qu’ils étaient dupés voilà que vint à eux Notre secours. Et furent sauvés ceux que Nous voulûmes. Mais Notre rigueur ne saurait être détournée des gens criminels. », s.12 Yoûssouf (Joseph), v.110.

   Donc parmi les lois que Dieu a instaurées dans ce monde, Il n’accorde Son soutien et Son aide que lorsque les croyants endurent et supportent l’épreuve malgré sa rudesse, tout en plaçant leur confiance en leur Seigneur. En général, pendant cette épreuve nombre de croyants dont la foi est faible et la confiance en Allâh est fragile finissent par céder au doute.

5 – En suivant la même logique, il est légitime de se demander pourquoi Dieu ne fait pas périr les transgresseurs comme Il le promet : « … Assurément Nous anéantirons les injustes… », s.14 Ibrâhîm (Abraham), v.13. Les peuples oppresseurs qui répandent la terreur, tuent les innocents, colonisent les terres et s’emparent des richesses des pauvres vivent dans l’égarement total : ils ont oublié Dieu et combattent la religion. L’attente prolongée de la survenue de leur châtiment fait douter certains de la véracité des promesses de Dieu. Or, à plusieurs reprises, le Coran traite du sort spécifique des criminels sur terre. Allâh  laisse ces derniers profiter de leur vie ici-bas comme ces versets le mentionnent :

● « [Le Jour du Jugement Dernier] les mécréants voudraient avoir été Musulmans [soumis]. Laisse-les manger, jouir (un temps), et être distraits par l’espoir ; car bientôt ils sauront ! », s.15 Al-Hijr, v.2-3.
● « Ceux qui traitent de mensonges Nos enseignements, Nous allons les conduire graduellement vers leur perte par des voies qu’ils ignorent. Et Je leur accorderai un délai, car Mon stratagème est solide ! », s.7 Al-A’râf (Les Murailles), v.182-183.

● « Et ne pense point que Dieu soit inattentif à ce que font les injustes. Il leur accordera un délai jusqu’au jour où leurs regards se figeront. », s.14 Ibrâhîm, v.42.

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   En lisant ces versets, le croyant doit comprendre que les lois de Dieu s’appliqueront tôt ou tard aux transgresseurs. La preuve indéniable des peuples précédents qui ont péri dès lors qu’ils ont basé leur civilisation sur l’injustice et la transgression corrobore cette vérité coranique.

   En conclusion, l’aspirant ne doit jamais désespérer ou remettre en cause les promesses que Dieu a avancées. Il doit continuer à œuvrer sincèrement et résister aux épreuves tout en étant certain qu’il bénéficiera des donations divines. De même, il doit comprendre que les jouissances terrestres dans lesquelles se pavanent les injustes ne correspondent qu’à un piège qui les entoure jusqu’à ce qu’Allâh leur fasse subir Son châtiment comme Il l’a promis. Et si ce n’est pas dans l’ici-bas, ce sera dans l’au-delà…

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