Commentaire de l’aphorisme 8 (article)

Sagesses d'Assakandarî (articles)

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إذا فتحَ لكَ وِجْهةً من التَّعرُّفِ فلا تبالِ معها أن قلَّ عملُكَ فإنه ما فَتَحَها لك إلا وهو يريد أن يتعرَّفَ إليكَ. ألم تعلم أن التَّعَرُّفَ هو مُورِدُهُ عليك والأعمال أنت مهديها إليه وأين ما تُهديه إليه مما هو مُورِدُهُ عليكَ

« S’Il t’ouvre une voie vers la connaissance, qu’importe si tes œuvres sont minimes ? Cette voie, Il ne te l’a ouverte que parce qu’Il veut se faire connaître à toi.

Ne sais-tu pas que la connaissance est Son don, tandis que les œuvres sont ton offrande ? Quelle commune mesure entre ce qu’Il te donne et les offrandes que tu Lui présentes ? »

   Lorsque l’aspirant vit une épreuve difficile et que celle-ci perdure malgré ses supplications et ses bonnes œuvres, il ne doit douter de la promesse d’Allâh à aucun moment. Cette présente sentence apporte une idée nouvelle qui complète les enseignements de l’aphorisme précédent : quelle que soit la nature de son affliction, le fidèle doit considérer cette dernière comme une clé qui lui ouvre les voies de la connaissance de Dieu, même si les œuvres qu’il accomplit s’avèrent minimes.

   Seuls deux moyens mènent à la connaissance de Dieu et à l’épanouissement spirituel recherchés par les croyants sincères :

1. L’aspirant finira par découvrir son Seigneur en manifestant un effort d’adoration diversifié et soutenu dans le temps. Sa volonté lui permettra de progresser et d’accéder à la connaissance de Dieu. Cette voie est celle qu’emprunte la majorité des musulmans en se conformant aux préceptes de l’Islam : s’acquitter des obligations adoratives et lutter contre les péchés et l’inconscience. La vitalité spirituelle du croyant lui permettra de maintenir sa vigilance et sa ferveur à un degré optimal, car de nombreuses difficultés l’attendent :

– cette voie est longue et exige beaucoup de patience et d’assiduité. Étant donné que la nature humaine privilégie la fainéantise, le fidèle doit passer outre pour avancer.

– Il doit également combattre les instincts qui le poussent constamment vers l’excès, voire l’interdit.

– Il doit s’opposer à Satan qui donne son maximum pour enjoliver le mal et diaboliser le bien.

2. La seconde voie qu’évoque Ibnou ‘Attâ’i Allâh dans cet aphorisme est particulière puisqu’elle n’est réservée qu’à une minorité choisie par Dieu.

   Ce chemin est rapide et mène à une connaissance inestimable de Dieu, mais le croyant ne s’y engage pas de son propre choix. C’est Allâh  qui ouvre les portes de cette voie à ceux qu’Il choisit parmi Ses serviteurs. La sélection de Dieu ne dépend pas forcément de la quantité d’actes adoratifs de Ses élus, mais c’est plutôt Sa sagesse infinie et Sa connaissance générale de ce que contient leur cœur qui les élit parmi tant d’aspirants. Ne dit-Il pas dans le Coran : « Dieu élit et rapproche de Lui qui Il veut et guide vers Lui celui qui se repent. », s.42 Ach-Choûra (La Consultation), v.13. Ce verset résume avec justesse ces deux voies : la voie de Al-ijtibâ’ (الإجتباء) qui correspond au rapprochement décidé par Dieu, et la voie du repentir qui est un cheminement engagé par le serviteur.

    L’histoire de l’Islam mentionne le cas de plusieurs personnes ayant expérimenté cette guidance subite. Elles ont rapidement basculé d’une situation d’égarement manifeste à un état de piété et de rectitude exceptionnel. Ainsi, du vivant du Prophète , plusieurs individus s’approchèrent de lui pour lui nuire, mais à sa vue, leur cœur s’attendrit et ils embrassèrent l’Islam avec une conviction qui ne relevait certainement pas d’un cheminement personnel. Certains Compagnons disaient justement : « L’homme avide de la vie venait voir le Prophète  et après sa rencontre, il repartait avec un cœur uniquement attaché à la religion de Dieu et au paradis. »

    De grandes personnalités musulmanes dotées d’une vaste érudition et faisant preuve d’une immense piété se trouvaient bien loin de la religion avant que la volonté divine ne les fasse basculer vers le droit chemin. Ce fut le cas d’Al-Foudayl Ibnou ‘Iyâd, ‘Abdoullâh Ibnou Al-Moubârak, Mâlik Ibnou Dînâr, Bichr Ibnou Al-Hârith Al-Hâfî et bien d’autres. Ces gens n’accomplissaient pas beaucoup d’adorations avant leur repentir, il s’agissait parfois même d’égarés ou de pervers. Malgré cela, Allâh  a voulu les sauver de la vie qu’ils menaient et leur a ouvert les portes d’une voie privée qui mène directement vers Lui.

   Il est ainsi plus aisé de comprendre la première partie de l’aphorisme d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh As-Sakandarî : « S’Il t’ouvre une voie vers la connaissance, qu’importe si tes œuvres sont minimes ? Cette voie, Il ne te l’a ouverte que parce qu’Il veut se faire connaître à toi. »

   Il se peut qu’à la lecture de cet aphorisme, certains protestent en disant : « Comment Dieu peut-Il accorder ce privilège à des gens qui n’accomplissent que peu d’adorations, alors qu’il existe tellement de croyants qui se rapprochent de Lui par des actes de dévotion quotidiens sans bénéficier de cet avantage ? »

   Le premier enseignement à tirer de cet aphorisme se trouve dans ce qu’il n’évoque pas : à aucun moment il est spécifié qu’il n’est pas intéressant de multiplier les actes de dévotion. Il parle en effet de ceux qui n’accomplissaient que peu d’actes de dévotions avant que la lumière de la guidance ne vienne leur illuminer le chemin du repentir. Mais dès que ces privilégiés découvrent Dieu, ils s’engagent à pratiquer, deviennent de grands adorateurs et ne cessent de se rapprocher de leur Seigneur par les prières, le jeûne, l’aumône, la lecture du Coran ou toute autre œuvre de bienfaisance.

   Tandis que ceux qui prétendent avoir découvert la voie du salut sans pour autant respecter ensuite les actes rituels que Dieu a prescrits ou en se contentant du minimum d’adorations, ceux-là sont tombés dans une ruse satanique.

   Le musulman peut avoir de belles inspirations qui lui laissent croire que Dieu lui a ouvert les portes de la connaissance, suite à quoi il ressent un privilège par rapport aux autres. Ce sentiment le pousse inexorablement à l’orgueil en le positionnant toujours au dessus des autres. C’est ainsi qu’il gagne en assurance, ce qui le laisse croire qu’il est à l’abri de la colère de Dieu. Il se permet ainsi de commettre des péchés ou de se contenter d’un minimum d’adorations dénuées de tout recueillement. Ses actes rituels deviennent une simple carapace qui cache une personnalité dont le cœur est vide et dont la foi se situe au plus bas des degrés. Pourtant il croit faire partie des élus de Dieu et entrer dans la catégorie de ceux qui ont trouvé la voie privée dont parle Ibnou ‘Atâ’i Allâh.

   Allâh  dit dans le Coran : « Pour ceux qui traitent de mensonges Nos enseignements et qui s’en écartent par orgueil, les portes du ciel ne leur seront pas ouvertes, et ils n’entreront au Paradis que quand le chameau pénètre dans le chas de l’aiguille. Ainsi rétribuons-Nous les criminels. L’Enfer leur servira de lit et, comme couverture, ils auront des voiles de ténèbres. Ainsi rétribuons-Nous les injustes. »,  s.7 Al-A‘râf (Les Murailles), v.40.

   Ce verset concerne entre autres ceux qui pensent que l’adoration de Dieu ne passe pas par les actes rituels qu’accomplissent les musulmans tels que la prière, le jeûne, la lecture du Coran etc. Ils prétendent que l’adoration mentale telle que la méditation ou le fait d’accomplir le bien avec les autres suffisent.

   Quant à ceux qui sont véritablement concernés par l’aphorisme, il s’agit d’hommes et de femmes qui, malgré le peu d’actes rituels qu’ils accomplissent ou en dépit des péchés qu’ils commettent, ont un cœur tendre habité par cette humilité qui les pousse à se remettre en cause, à vivre un enfer intérieur parce qu’ils pêchent. Alors qu’ils baignent dans l’égarement, il leur arrive souvent de s’adresser à Dieu avec sincérité en Lui demandant pardon, ils pleurent par regret et l’espoir en la miséricorde divine ne les quitte jamais. Ahmad Ar-Rifâ‘î a constaté : « J’ai examiné toutes les routes qui mènent à Dieu et je les ai toutes trouvées envahies par une foule de gens, et j’ai observé la voie de l’humilité et je l’ai trouvée vide, empruntée par peu de personnes. »

   Accomplir les actes rituels et d’autres adorations apparentes comme se former en sciences religieuses, appeler à Dieu, effectuer la ‘omra ou le pèlerinage (hajj), etc. sont certes des voies qui mènent à Dieu. Cependant, il est souvent difficile à l’itinérant de garder sa sincérité intacte et de ne jamais être pénétré par la surestime ou l’ostentation.

   En revanche, la voie de l’humilité ou celle de l’endurance devant les épreuves de la vie sont les chemins les plus susceptibles de mener l’itinérant vers le privilège divin dont parle Ibnou ‘Atâ’i Allâh. En effet, Dieu sait qu’en guidant certaines personnes vers le chemin de la connaissance, celles-ci y demeureront à jamais, animées par une ferveur constante et observant la rectitude en toutes circonstances. Allâh  mentionne ces individus dans le Coran : « Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Dieu va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier de Dieu, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. Telle est la grâce de Dieu. Il la donne à qui Il veut. Dieu est Immense et Omniscient. », s.5 Al-Mâ’ida (La Table servie), v.54.

   Le Prophète  a précisé concernant cette catégorie de privilégiés : « Les gens sont comme des métaux, les meilleurs dans la jâhiliya (la période préislamique) sont les meilleurs dans l’Islam s’ils comprennent. » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.]

   En effet, parmi ceux qui ont découvert Dieu alors qu’ils étaient dans l’égarement, certains se sont investis corps et âme et sont devenus de grands bienfaiteurs aussi bien dans le domaine matériel que dans le domaine spirituel. Les qualités et les atouts dont ils jouissaient pendant leur ignorance leur ont permis de contribuer grandement à l’épanouissement des musulmans lorsqu’ils ont découvert la voie de la connaissance.

   Quant à la deuxième partie de l’aphorisme : « Ne sais-tu pas que la connaissance est Son don, tandis que les œuvres sont ton offrande ? Quelle commune mesure entre ce qu’Il te donne et les offrandes que tu Lui présentes ? », elle explique que parmi les deux voies qui mènent à la connaissance du Créateur, celle qu’Allâh  offre à Son serviteur est de loin la meilleure. Dieu exploite diverses circonstances pour guider Son adorateur à Lui. En effet, Il peut lui ouvrir cette voie par l’épreuve en lui imposant des tribulations difficiles qui le font désespérer si bien qu’il finit par chercher refuge auprès de Dieu avec sincérité pour retrouver le véritable espoir.

   Il est également possible que Dieu mène Son serviteur à Lui par l’intermédiaire d’un autre adorateur qui l’aidera à réformer sa vision des choses, à l’instar de Moïse – Messager de grande envergure – qui révisa son raisonnement après avoir rencontré Al-Khadir.

   Mais sachant que l’accès à cette voie privée est l’apanage des privilégiés, les autres ne doivent en aucun cas renoncer à cheminer vers Allâh  par le biais des actes adoratifs. L’itinérant finira par atteindre son but, et cette nouvelle découverte de Dieu lui procurera une sensation jamais ressentie auparavant. Pour éclaircissement, les paroles d’un fervent adorateur illustrent parfaitement son aboutissement : « J’ai lutté pour respecter la prière et son accomplissement à l’heure, et ce n’est qu’après plusieurs années de rectitude que j’ai commencé à sentir le plaisir de l’accomplir. »

   Finalement, le musulman doit s’engager sans relâche dans la voie de la repentance, de l’effort et de la pratique. S’il fait partie des privilégiés, Dieu lui offrira une connaissance qui lui permettra de gravir rapidement les échelons et d’accéder à une adoration au goût exquis ; son plaisir n’en sera que décuplé. Il considérera ses œuvres pies différemment et chacune d’entre elles entretiendra son rapprochement vers Dieu.

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