Commentaire des aphorismes 15 et 16 (2/2) (article)

Sagesses d'Assakandarî (articles)

f7

مِمّا يَدُلّك على وجود قهره سبحانه، أنْ حَجَبَك عنه بما ليس بموجبٍ معه

كيف يُتصور أن يَحجُبه شيء وهو الذي أظهرَ كُل شيء؟

كيف يتصور أن يَحجبَه شيء وهو الذي ظَهر بكل شيء؟

كيف يُتصور أن يحجبه شيء وهو الذي ظهر في كل شيء؟

كيف يتصور أن يحجبه شيء و هو الذي ظهر لكل شيء؟

كيف يتصور أن يحجبه شيء و هو الظاهر قبل كل شيء؟

كيف يتصور أن يحجبه شيء و هو أظهر من كل شيء؟

كيف يتصور أن يحجبه شيء ولَوْلاه ما كان وجود كل شيء؟

يا عَجَباً كيف يَظهر الوجود في العَدم، أم كيف يَثبُت الحادِثُ مع من له وصفُ القِدَم

Aphorisme 15

   « Ce qui prouve Sa toute puissance – exalté soit-il – c’est qu’il se voile à toi par ce qui n’a pas d’existence avec Lui. »

Aphorisme 16

   «  Est-il concevable que quelque chose Le voile, Lui qui dévoile toute chose et se dévoile par toute chose et en toute chose ?

Lui qui se dévoile à toute chose, avant toute chose ? Comment quelque chose Le voilerait ?

Par quoi penses-tu qu’Il serait voilé, Il est plus manifeste que toute chose.

Il est L’Unique et rien n’existe avec Lui ; quelle chose Le voilerait alors ?

De toi Il est plus proche que toute chose. Laquelle penses-tu Le voilerait ?

Sans Lui aucune n’est !

Ô mystère, comment l’être pourrait-il apparaître dans le néant ou comment peut subsister le temporel avec Celui qui a l’attribut de l’éternité ?»

   Ibnou ‘Atâ’i Allâh enchaine ensuite avec un autre questionnement : « Est-il concevable que quelque chose Le voile alors qu’Il se dévoile en toute chose ? »

   Cette phrase ne signifie en aucun cas que Dieu est contenu dans toute chose, soubhânAllâh ! Rien ne peut contenir ou limiter Dieu !

   En posant cette question, Ibnou ‘Atâ’i Allâh veut tout simplement signifier l’impossibilité de voiler Dieu, puisque Ses attributs apparaissent en toute chose. Tout ce qui existe dans cet Univers révèle un attribut de beauté, de sagesse, de puissance, de volonté ou tout autre caractéristique divine parmi Ses attributs de complétude. S’intéresser de près au processus de développement d’une graine peut s’avérer fascinant : dès que la semence est effleurée par quelques gouttes d’eau, elle s’ouvre à une vitesse indétectable par la vue humaine ; deux filaments poussent et s’allongent de cellule en cellule ; l’un s’oriente alors vers les profondeurs de la terre en perçant le sol, voire la roche, pour se ramifier et donner naissance aux racines nourricières, tandis que l’autre va pousser vers le ciel, défiant l’attraction terrestre, avant de croître et de s’élargir pour devenir une belle plante. Le déroulement de cette scène ne témoigne-t-il pas de la puissance, de la beauté, de l’omniscience et de l’omnipotence de Celui qui l’a aussi bien programmée ?

   De la même manière, les vents regroupent les nuages ou les dispersent, kilomètre après kilomètre avant de les condenser et les laisser s’essorer en pluies, en neige, ou en grêle. Ce scénario ne témoigne-t-il pas de la parfaite gestion de Dieu, ne témoigne-t-il pas de la redoutable force divine ?

   Allâh  dit dans le Coran : « C’est Lui qui vous fait voir l’éclair [qui vous inspire] crainte et espoir ; et Il crée les nuages lourds. Le tonnerre Le glorifie par Sa louange, et aussi les Anges, sous l’effet de Sa crainte. Et Il lance les foudres dont Il atteint qui Il veut. Or ils se disputent au sujet d’Allâh alors qu’Il est redoutable en Sa force. », s.13 Ar-Ra‘d (Le Tonnerre), v.12-13.

هُوَ ٱلَّذِى يُرِيڪُمُ ٱلۡبَرۡقَ خَوۡفً۬ا وَطَمَعً۬ا وَيُنشِئُ ٱلسَّحَابَ ٱلثِّقَالَ (١٢) وَيُسَبِّحُ ٱلرَّعۡدُ بِحَمۡدِهِۦ وَٱلۡمَلَـٰٓٮِٕكَةُ مِنۡ خِيفَتِهِۦ وَيُرۡسِلُ ٱلصَّوَٲعِقَ فَيُصِيبُ بِہَا مَن يَشَآءُ وَهُمۡ يُجَـٰدِلُونَ فِى ٱللَّهِ وَهُوَ شَدِيدُ ٱلۡمِحَالِ

   L’Univers entier évolue grâce à la volonté divine. En le gérant harmonieusement, Dieu dévoile du même coup Ses sublimes attributs. Par conséquent, comment peut-Il être voilé par les choses alors qu’Il se dévoile en toute chose ?

   À ce niveau de réflexion, une question s’impose malgré tout : même s’il est facilement concevable que les créatures douées d’intelligence telles que les anges, les djinns et les humains puissent découvrir Dieu grâce aux moyens d’y parvenir en théorie, qu’en est-il des autres créatures non pensantes ?

   Il est raisonnablement absurde de croire que seuls ces trois types de créatures peuvent saisir l’existence du Divin. Certes la raison produite par le cerveau humain sert de référence à l’homme, mais découvrir son Créateur reste une expérience unique et propre à chaque genre de créatures. Le cerveau angélique diffère par nature de celui des djinns et de celui des humains. Idem pour les autres créatures, Allâh les a naturellement dotées des outils menant à leur Créateur. Dieu dit : « Les sept cieux et la terre et ceux qui s’y trouvent, célèbrent Sa gloire. Et il n’existe rien qui ne célèbre Sa gloire et Ses louanges. Mais vous ne comprenez pas leur façon de Le glorifier […] », s.17 Al-Isrâ’ (Le Voyage nocturne), v.44.

تُسَبِّحُ لَهُ ٱلسَّمَـٰوَٲتُ ٱلسَّبۡعُ وَٱلۡأَرۡضُ وَمَن فِيہِنَّ‌ۚ وَإِن مِّن شَىۡءٍ إِلَّا يُسَبِّحُ بِحَمۡدِهِۦ وَلَـٰكِن لَّا تَفۡقَهُونَ تَسۡبِيحَهُمۡ‌ۗ

   Celui qui permit à la fourmi de détecter le passage de Salomon et de ses troupes et d’alerter ses congénères n’est-Il pas capable de doter l’insecte des moyens lui permettant de découvrir Dieu et de Le glorifier ?

   Celui qui fit de la huppe un agent secret hors pair – le volatile rapporta des informations cruciales sur le peuple de Balqis à Salomon –, n’est-Il pas en mesure de doter cet oiseau des outils nécessaires pour déceler l’existence de son Créateur et de L’adorer ?

   Celui qui permit à un tronc d’arbre déraciné de pleurer au point d’être entendu par les Compagnons – le Prophète  décida de le remplacer par une chair pour prêcher le sermon du vendredi –, n’est-Il pas assez puissant pour doter ce morceau de bois des ressources lui permettant de connaître son Créateur ?

f8

   En dévoilant ces quelques secrets, Allâh  révèle à Ses serviteurs pensants l’universalité dans laquelle s’inscrit Sa capacité à se faire connaître de Ses créatures. Chacune d’entre elles possède qualitativement cette faculté de Le découvrir.

   Une autre question alimente la suite de l’aphorisme : « Comment serait-il concevable que quelque chose Le voile alors qu’Il était apparent avant toute chose ? »

   Allâh  s’auto-décrit dans le Coran : « C’est Lui le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché et Il est Omniscient. », s.57 Al-Hadîd (Le Fer), v.3.

هُوَ ٱلۡأَوَّلُ وَٱلۡأَخِرُ وَٱلظَّـٰهِرُ وَٱلۡبَاطِنُ‌ۖ وَهُوَ بِكُلِّ شَىۡءٍ عَلِيمٌ

   La forme originelle du mot « al-awwal : الأوّل » est « al-aw’al : الأوأل » (selon la forme « af‘al : أفعل »). Cette forme est un superlatif véhiculant le sens de suprématie. Dieu existe donc avant toute chose, aucune créature ne Le précède dans le temps, puisque Il est Le Façonneur de l’ensemble de la création. Le Prophète  s’est prononcé dans ce sens : « Il y avait Allâh – exalté soit-Il – et il n’y avait aucune chose à part Lui. » [Rapporté par Al-Boukhârî.]

   Dans une autre version également authentifiée par Al-Boukhârî rapportée par ‘Imrâne Ibnou Houçayn, le Prophète  a dit : « Il y avait Dieu et rien n’était avant Lui et Son trône était sur l’eau. »

Comment le contingent pourrait-il voiler Celui qui lui a donné vie ?

   Une autre interrogation renforce et précise la réflexion du penseur : « Comment peut-Il être voilé par quelque chose, Lui qui est plus manifeste que toute chose ? »

   Non seulement Dieu se manifeste dans Sa création, mais Il n’omet pas de se montrer à chaque élément qui la compose. De fait, rien ne peut apparaître à Ses côtés, Il reste La source de lumière sans laquelle il n’y aurait aucune autre lueur. Dès lors que l’œil du cœur se concentre sur la clarté divine, les yeux proprement dits ne s’attardent sur la réverbération d’aucune créature !

   Ibnou ‘Atâ’i Allâh continue d’éveiller l’esprit du lecteur : « Comment quelque chose Le voilerait alors qu’Il est L’Unique et que rien n’existe avec Lui ? »

   Ce passage ne fait pas du tout référence à l’unicité de l’existence. En précisant que « rien n’existe avec Lui », Ibnou ‘Atâ’i Allâh distingue l’existence de Dieu (al-woujoûd : الوجود) de celle de la création. Certes Allâh  a créé les choses et leur a donné vie, mais cette existence ne peut être indépendante de Dieu. Les créatures ont constamment besoin de leur Créateur ; elles ne subsistent que par Sa maintenance. Allâh , au contraire, ne requiert aucune assistance, soubhânAllâh ! Le Coran est clair sur ce point : « Allâh ! Point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par lui-même […] », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.255.

ٱللَّهُ لَآ إِلَـٰهَ إِلَّا هُوَ ٱلۡحَىُّ ٱلۡقَيُّومُ‌ۚ

   Étant donné que les autres créatures ne peuvent subsister par elles-mêmes, leur existence diffère radicalement de celle de Dieu. En effet, elles se maintiennent en vie grâce à la subsistance que Dieu leur octroie gracieusement, sans compter tout le confort terrestre dont elles jouissent – au sens strict du terme – comme Dieu le précise si bien dans Son Livre Saint : « Allâh retient les cieux et la terre pour qu’ils ne s’affaissent pas. Et s’ils s’affaissaient, nul autre après Lui ne pourra les retenir. […] », s.35 Fâtir (Le Créateur), v.41.

إِنَّ ٱللَّهَ يُمۡسِكُ ٱلسَّمَـٰوَٲتِ وَٱلۡأَرۡضَ أَن تَزُولَاۚ وَلَٮِٕن زَالَتَآ إِنۡ أَمۡسَكَهُمَا مِنۡ أَحَدٍ۬ مِّنۢ بَعۡدِهِۚۦۤ

   Dans le Coran, Allâh  expose à plusieurs reprises la faiblesse de Ses créatures. Ainsi, lorsqu’Il mentionne Noé et son sauvetage en mer, Il relève certains détails : « Et Nous le portâmes sur un objet [fait] de planches et de clous [l’arche]. », s.54 Al-Qamar (La Lune), v.13.

وَحَمَلۡنَـٰهُ عَلَىٰ ذَاتِ أَلۡوَٲحٍ۬ وَدُسُرٍ۬

   Cette description indique l’insignifiance des composants de l’arche : cet objet – aussi grand qu’il puisse paraître aux yeux de l’homme – est incapable de protéger Noé et les autres passagers contre la force dévastatrice du déluge !

   Lorsque le musulman prononce : « Il n’y a de force et de puissance que par Dieu :

«  لا حول و لا قوّة إلا باللّه », il reconnaît l’absence de force et de puissance en toute chose si Dieu décide de suspendre les capacités qu’Il octroie aux créatures.

   La scène du père qui aide son jeune enfant à marcher en le tenant par les mains est grandement significatrice des facultés de l’un et de l’autre : le bébé ne marche pas à côté de son père, il marche grâce à lui (ou par lui). Mais c’est à Dieu qu’appartient le meilleur exemple, c’est pourquoi Ibnou ‘Atâ’i Allâh précise que « rien n’existe avec Lui » (ma‘ahou : معه) ; il pourrait très bien spécifier que « la chose existe par Lui » (bihi : به).

   Conséquemment les créatures témoignent de l’existence de Dieu et ne peuvent Le voiler.

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   Ibnou ‘Atâ’i Allâh introduit maintenant la notion de proximité : « De toi Il est plus proche que toute chose, laquelle penses-tu Le voilerait ? » Plusieurs passages coraniques montrent qu’à tout instant, Dieu est proche de Ses créatures :

– « […] et Il est avec vous où que vous soyez […] », s.57 Al-Hadîd (Le Fer), v.4.

[…]وَهُوَ مَعَكُمۡ أَيۡنَ مَا كُنتُمۡ‌ۚ  […]

– « Nous avons effectivement créé l’homme et Nous savons ce que son âme lui suggère et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire. », s.50 Qâf, v.16.

وَلَقَدۡ خَلَقۡنَا ٱلۡإِنسَـٰنَ وَنَعۡلَمُ مَا تُوَسۡوِسُ بِهِۦ نَفۡسُهُ ۥ‌ۖ وَنَحۡنُ أَقۡرَبُ إِلَيۡهِ مِنۡ حَبۡلِ ٱلۡوَرِيدِ

– « […] Pas de conversation secrète entre trois sans qu’Il ne soit leur quatrième, ni entre cinq sans qu’Il n’y ne soit leur sixième, ni moins ni plus que cela sans qu’Il ne soit avec eux, là où ils se trouvent. […] », s.58 Al-Moujâdala (La Discussion), v.7.

[…]مَا يَڪُونُ مِن نَّجۡوَىٰ ثَلَـٰثَةٍ إِلَّا هُوَ رَابِعُهُمۡ وَلَا خَمۡسَةٍ إِلَّا هُوَ سَادِسُہُمۡ وَلَآ أَدۡنَىٰ مِن ذَٲلِكَ وَلَآ أَڪۡثَرَ إِلَّا هُوَ مَعَهُمۡ أَيۡنَ مَا كَانُواْ‌ۖ  […]

   Allâh  est avec l’être humain sans que celui-ci ne sache comment et sans comparer Sa proximité à celle des créatures entre elles : tel sont les dires des pieux prédécesseurs.

   Donc, comment Celui qui est le plus proche de l’homme que toute autre chose peut-Il être voilé par quelque chose ? Et surtout : « Comment concevoir que quelque chose Le voile alors que sans Lui rien n’aurait existé ? »

   Après toutes ces questions somme toute fondamentales, Ibnou ‘Atâ’i Allâh s’étonne : « Ô mystère, comment l’être pourrait-il apparaître dans le néant ou comment peut subsister le temporel avec Celui qui a l’attribut de l’éternité ? » et s’interroge encore à travers deux questions qui résument sa pensée : la création existe par elle-même, alors qu’elle s’apparente à une ombre qui n’a pas d’existence intrinsèque ? L’éphémère peut-il voiler l’Eternel ?

   Mais c’est en revenant à l’aphorisme 15 qu’on comprend les choses « Ce qui prouve Sa toute puissance, c’est qu’Il se voile à toi par ce qui n’a pas d’être avec Lui. »

   Si l’homme écarte le voile de l’orgueil et qu’il se conforme à la réalité de son indigence et de sa faiblesse, Dieu se dévoilera à lui manifestement.

   En définitive, le véritable châtiment de l’homme sur Terre n’est autre que le voile obstruant son cœur ; quant à son bienfait le plus cher, il s’agit du lien qui l’attache à son Créateur.

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