(1) Mâlik Ibnou Anas : Les débuts

École Malikite

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   Médine l’illuminée, année 93H. Mâlik Ibnou Anas pousse son premier cri dans la maison familiale. Les femmes s’affairent autour de dame Al-‛Aliya Bint Charîk Al-Azdiya, lui prodiguant soins, félicitations et mots affectueux.

L’honorable époux, Anas Ibnou Ibnou Mâlik Ibnou Abî ‘Âmir Ibnou ‘Amr Ibnou Al-Hârith Ibnou Ghaymâne Ibnou Khoutayl Ibnou ‘Amr, louant son Seigneur, se réjouit qu’Allâh lui ait une seconde fois accordé un fils. Lui et sa femme, tous deux Arabes originaires du Yémen , espèrent leur enfant bien guidé par le Très-Haut et plein de savoir, suivant en cela le modèle de ses ascendants.

   Mâlik vit à Al-‘Aqîq, une vallée dans les alentours de Médine, puis s’installe à Médine. La voie est aisée et toute tracée pour lui, au regard de son histoire familiale. Son arrière grand-père s’est installé à Médine après la mort du Prophète et son fils Mâlik Aboû ‛Amir a laissé une fameuse réputation de pieux suivant (as-salaf assâlih), rapportant des hadîths de la part de grands Compagnons comme ‛Omar Ibnou Al-Khattâb, Talhah, Aboû Hourayra, Hassân Ibnou Thâbit et ‘Âïcha la « Mère des croyants » (que Dieu les agrée tous). Il fut l’un des quatre hommes ayant porté en terre ‘Othmâne Ibnou ‘Affâne ; également un des scribes du Coran lorsque ‘Othmâne Ibnou ‘Affâne assembla le Livre de Dieu en un codex. Il est rapporté que le cinquième calife bien guidé, ‘Omar Ibnou ‘Abd Al-‘Azîz , le consultait pour ses avis judicieux. Aboû ‘Amir éduqua ses fils Anas et Nâfi‘ dans la plus pure tradition musulmane, une éducation orientée vers la piété et le savoir. Néanmoins, c’était Nâfi‘ dit « Aboû Souhayl » qui présenta réellement des prédispositions pour les sciences religieuses, accédant au statut d’illustre docte. Des membres de sa famille, il était le plus versé dans le savoir, c’est pourquoi les savants dans leur majorité accréditent son témoignage sur les origines de son clan : « Nous venons des Dhoû Asbah, notre grand-père est arrivé à Médine et s’est marié à une fille des Banoû Taym, dont nous descendons donc. »Quant à Anas, le paternel de Mâlik, l’histoire retient qu’il vécut à Dhoû Al-Marwa, une oasis située dans le désert au nord de Médine. Il gagnait sa vie en fabriquant des arcs.

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   Mâlik Ibnou Anas connaît sa chance d’appartenir à une lignée de traditionnistes : il grandit dans une atmosphère empreinte de religiosité et de sciences islamiques. Il marquera un point honneur à préserver la réputation de sa famille en apprenant le Coran et les hadîths par cœur, et manifeste bientôt son envie d’assister aux leçons dispensées par de remarquables doctes ; et ce, pour étudier et consigner la science religieuse. Sa brave mère l’encourage dans cette voie. Elle le pare de ses plus beaux vêtements, le coiffe de son turban et le conseille : « Va auprès de Rabî‘a , et étudie sa science religieuse avant sa science profane ! ». Dieu, comme il est encore tout petit, ce garçonnet ! Pour preuve de sa jeunesse, la boucle qui orne son oreille ! Et quel sérieux ! quand il se pose à l’ombre des arbres pour réviser ses écrits. Sa sœur le voyant ainsi, absorbé, les lèvres remuantes, se rend auprès de son père et l’interroge :
« Ô père ! Que fait-il ?
– Ma fille, il apprend le hadîth par cœur. »

   Mâlik est redevable à son père, alors commerçant, de lui procurer une enfance tranquille en lui facilitant son existence matérielle. Comme beaucoup de garçonnets de son âge, Mâlik aime jouer et gambader hors de son foyer. Par-dessus tout, il raffole de la chasse aux pigeons… trop au goût de son paternel qui veille au grain. Ce père bien aimé, pieux et sage, subvenant aux besoins des siens, a conservé intact son amour pour le savoir. Réflexe d’un fin négociant, qui sait comment et où placer ses biens pour tirer bénéfice de ses investissements, l’homme a d’autres visées pour sa progéniture mâle et femelle. Mâlik et son frère Nadar sont semblables à deux champs de connaissances prometteurs, que des soins appropriés suffiraient à rendre prolifiques. Jusqu’à présent et pour longtemps, Nadar donne entière satisfaction à Anas : il assiste assidûment et brillamment aux cercles des savants, au point où Mâlik est connu sous le surnom de « frère de Nadar ».

   En père responsable et attentif, Anas , parfait connaisseur du tempérament de ses enfants, les réunit un jour…Mais laissons Mâlik nous narrer lui-même l’anecdote : « J’avais un frère de l’âge d’Ibnou Chihâb, et mon père nous posa à tous deux une question. Mon frère répondit juste, et moi je me trompai. Alors mon père me dit : « La chasse aux pigeons t’a détourné de l’étude ».

   Je me mis en colère et recherchai la fréquentation d’Ibnou Hourmouz ; très réputé érudit], de façon exclusive. J’emportai avec moi des dattes que je donnais à ses jeunes serviteurs en leur disant :  » Si quelqu’un vous interroge sur le maître, dîtes qu’il est occupé ! » ».

   Qu’il y a-t-il de pire pour un enfant que de vivre le sentiment d’avoir déçu un être cher ? Notre ingénieux héro, précocement, comprend l’importance et le prestige du savoir, au point de s’accaparer pour lui seul Ibnou Hourmouz. On ne le reprendra pas deux fois à négliger la religion. Très tôt, Mâlik fait preuve d’un éclatant sens du discernement sur le genre humain – il conservera cette qualité toute sa vie – en choisissant la crème des savants. Il demeurera fidèlement aux côtés d’Ibnou Hourmouz durant sept à huit années studieuses (certains évaluent même ce nombre d’années à treize).

   Une fois, quelqu’un se présente à la demeure d’Ibnou Houmouz . La servante ouvre la porte, quand la voix de son noble maître s’élève derrière elle :
« Qui est à la porte ?
N’apercevant personne outre Mâlik , elle retourne sur ses pas et dit :
– Il n’y a que ce blond [rouquin].
– Fais-le entrer, car c’est un grand savant ! », lui rétorque Ibnou Hourmouz.

   Le Prophète avait prédit l’avènement du savant. D’après des hadîths recueillis par l’imâm At-tirmidhî, le Prophète a dit : « Il va y avoir un afflux de visiteurs vers le savant de Médine » ; « Souvent, les hommes entreprennent de longs voyages à dos de chameaux à la recherche d’un savant, mais ils ne trouvent jamais un savant plus doué et plus éclairé que celui de Médine. »
Soufyân Ibnou ‘Ouyayna, compagnon de Mâlik rapporte le hadîth suivant du Prophète : « Par amour de la science, les gens peuvent voyager aux quatre coins de la terre, mais ils ne trouveront pas plus savant que le savant de Médine. Médine ira à sa perte après sa mort. »

   Une page de l’existence de Mâlik Ibnou Anas vient d’être tournée irrémédiablement, maintenant commence sa véritable vocation…

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