(7) La purification (5/5) : menstrues, lochies et métrorragies

Jurisprudence malikite

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1 – Les menstrues (al-hayd : الحَيْض)

   Les menstrues (ou règles) correspondent à une élimination naturelle de sang ou de sécrétions vaginales plus ou moins jaunâtres (aç-çoufra : الصُّفْرَة) qui survient chez la femme pubère de façon cyclique, en dehors de tout trouble physiologique ou accouchement.

   N’entre pas dans cette catégorie tout écoulement vaginal survenant chez la fille impubère de moins de neuf ans et chez la femme de plus de soixante-dix ans. Concernant les écoulements qui surviennent chez la demoiselle entre neuf et treize ans et chez la dame entre cinquante et soixante-dix ans (il existe en général une période transitoire avant la ménopause), le mieux est d’interroger une experte en la matière ou une doctoresse compétente pour s’assurer de leur qualité menstruelle ou non.
Si une femme constate un écoulement ― hors période menstruelle ― suite à un traitement, celui-ci n’est pas considéré comme étant des règles.

Combien de temps dure le flux menstruel ?

   Il n’existe pas de durée minimale. Cela signifie que si le flux coule à flots ne serait-ce qu’un court moment, il sera considéré comme menstrues, et la femme devra effectuer sa grande ablution pour s’en purifier dès qu’il aura tari.
En revanche, dans le cas de la femme répudiée, la durée minimale des menstrues dure une partie de la journée voire une journée.

   Concernant la durée maximale, on distingue la débutante qui observe ses premiers écoulements et dont le cycle menstruel n’est pas encore régulier (al-moubtadi‘a : المُبْتَدِئة) de celle qui a des cycles menstruels réguliers (al-mou‘tâda : المُعْتَادَة). Les cas de la femme enceinte et de celle qui voit son cycle se modifier sont également pris en compte.
● Pour la première, la durée maximale est de quinze jours. Au-delà de cette période, l’écoulement relève des métrorragies. Un autre avis de l’imâm Mâlik stipule qu’elle prenne en considération une durée menstruelle équivalente à celle des femmes qui lui sont proches, qu’elle y ajoute trois jours pour plus de certitude, puis qu’elle se considère en période de purification (at-tohr : الطُّهْر).
● Pour la seconde, la durée maximale des menstrues correspond à la durée du cycle précédent auquel on ajoute trois jours d’observation (al-istidhhâr : الإِستِظْهَار) si l’écoulement subsiste. Soit les menstrues cessent durant ce laps de temps, auquel cas la femme fera sa grande ablution pour prier et jeûner, et pourra avoir des rapports sexuels ; soit le flux persiste au-delà de ces trois jours : dans ce cas la femme devra obligatoirement, à l’issue des trois jours, effectuer sa grande ablution, prier, jeûner et pourra également avoir des rapports sexuels, car elle est considérée en fait en état de pureté cyclique.
Prenons l’exemple d’une femme dont les règles durent habituellement sept jours : si l’écoulement dépasse ce délai au cycle suivant, la femme attendra trois jours de plus (dix jours) avant de faire sa grande ablution. Si l’écoulement ne tarit pas au bout des dix jours, elle le considérera comme relevant de métrorragies. Au cycle suivant, elle prendra les dix jours comme repère et y ajoutera trois jours d’observation ― dans le cas où l’écoulement perdure ― avant d’effectuer sa grande ablution. Cette démarche s’applique jusqu’à ce que la durée d’écoulement atteigne les quinze jours ; passé ce délai, la femme considérera ces pertes comme étant des métrorragies.
● Dans le cas de la femme enceinte, la durée maximale de ses menstrues dépend de son stade de grossesse : elle est de vingt jours entre le troisième et le cinquième mois, et de trente du sixième mois à l’accouchement. Si les pertes subsistent au-delà de ces laps de temps, elles sont considérées comme du sang de maladie.

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● Quant au cas embarrassant de la femme qui avait un cycle menstruel régulier dont la durée et la fréquence se sont déréglées (al-mouhayyira : المُحَيِّرَة), trois cas de figure sont possibles :
– elle peut prévoir leur apparition mais pas leur durée : elle se considère alors indisposée durant un temps analogue à celui des femmes de son âge et de son entourage ;
– elle connaît la durée de ses règles mais ne peut en prévoir le début : la difficulté réside dans la détermination de la nature de l’écoulement sanguin. Il suffit pour la femme accoutumée de se référer à la durée habituelle de ses menstrues ; tout écoulement supplémentaire relève alors de métrorragie ;
– elle ne peut ni savoir quand les menstrues surviennent, ni leur durée : elle doit essayer de distinguer le sang menstruel du sang des métrorragies. Si elle ne peut le faire, elle doit se considérer indisposée pendant six ou sept jours au cours du mois, car tel est le laps de temps menstruel pour la majorité des femmes.

Qu’en est-il du cas de la femme dont le cycle menstruel est interrompu moins de quinze jours d’affilée ?

   La femme qui est dans ce cas de figure doit additionner les jours durant lesquels elle a eu un écoulement et se considérera comme indisposée tant que ce nombre ne dépassera pas la durée habituelle de ses menstrues : c’est ce qu’on appelle le talfîq (التَّلْفِيق). Si la somme des jours d’écoulement excède le nombre habituel de jours de menstrues, la femme attendra trois jours de plus avant d’effectuer la grande ablution. Elle procédera ainsi, les mois suivants, jusqu’à ce que le nombre total de jours d’écoulement égale quinze jours ; ce délai passé, les pertes seront considérées comme des métrorragies.

   Les jours durant lesquels le flux est interrompu seront considérés comme des jours de pureté ― bien qu’ils ne le soient pas réellement puisque l’arrêt est provisoire. La femme procèdera à la grande ablution, priera, jeûnera et pourra avoir des relations sexuelles. Si la disparition du flux dure quinze jours, ce laps de temps sera considéré comme un cycle de pureté complet. Par conséquent, tout écoulement qui survient après ce délai constituera un nouveau cycle menstruel.

Quelle est la durée d’un cycle de pureté ?

   Un cycle de pureté (qui se caractérise par l’absence d’écoulements) peut durer au minimum quinze jours, que ce soit entre deux cycles menstruels ou entre un cycle de menstrues et des lochies. Dès lors qu’une femme dont le cycle précédent a duré une quinzaine de jours observe des pertes avant la fin des deux semaines de pureté, elle les considèrera comme étant des métrorragies. En revanche, si son cycle menstruel précédent s’est accompli sur moins de quinze jours, elle l’ajoutera aux nombres de jours d’écoulement en cours ― comme pour le talfîq ― jusqu’à ce que le temps complet d’écoulement équivaille deux semaines. Bien sûr, si le flux subsiste au-delà de ce laps de temps, elle le considérera comme des métrorragies.
Aussi, tout écoulement qui survient après les quinze jours de pureté cyclique est considéré comme un nouveau cycle menstruel.

La période de pureté n’est pas limitée dans le temps. En effet, si une femme ne constate plus de pertes sanguines jusqu’à la fin de ses jours, elle se retrouve en état de pureté continue.

Comment déterminer la fin d’un cycle menstruel ?

Le début de la période de pureté se détermine selon deux critères :
1 – la sécheresse du vagin (al-joufoûf : الجُفُوف) : en introduisant un tissu (ou coton) blanc dans le vagin, la femme vérifie qu’il n’y subsiste aucune trace de pertes sanguines et que le tissu réapparaît sec ;
2 – l’émission d’un liquide blanchâtre appelé al-qaçça (القَصَّة). Ce critère est le plus significatif en ce qui concerne l’arrêt des menstrues.

   La femme qui n’en est pas à son premier cycle menstruel se considérera comme pure dès lors qu’elle constatera la présence de l’indice qu’elle a l’habitude d’observer.
Si le liquide blanchâtre est le signe qui confirme la cessation des menstrues chez une femme et que cette dernière constate la sécheresse du vagin, elle attendra l’apparition du liquide blanchâtre jusqu’à la fin du temps ikhtiyârî de la prière canonique en cours, après quoi son état de pureté s’imposera à elle. Par contre, si c’est la sécheresse vaginale qu’elle a l’habitude d’observer et qu’elle constate à sa place l’apparition du liquide blanchâtre, ce dernier signe suffit pour confirmer l’état de pureté.

   Quant à la femme qui a ses règles pour la première fois, elle se considérera en état de pureté dès lors qu’elle constatera un des deux signes, quel qu’il soit.

2 – Les lochies (an-nifâs : النِّفاس)

   Le terme « lochies » désigne tout écoulement vaginal de sang ou de pertes jaunâtres qui survient pendant ou après l’accouchement. Si un écoulement se manifeste avant l’accouchement, il est considéré comme des menstrues selon l’opinion la plus répandue dans l’école mâlikite.

Combien de temps durent les lochies ?

   Il n’y a pas de durée minimale concernant l’écoulement des lochies : un seul flux suffit pour être considéré comme tel. Les lochies peuvent cependant durer au maximum soixante jours. Si la femme constate une interruption d’un jour ou plus du flux sanguin, deux cas de figures sont possibles :
– soit la cessation des lochies s’étend sur quinze jours, ce qui constituera un cycle complet de pureté. L’écoulement qui apparaîtra après cette période sera donc des menstrues ;
– soit l’arrêt des lochies dure moins de deux semaines, auquel cas ce laps de temps relèvera toujours des lochies. La femme devra additionner les jours d’écoulement effectif jusqu’à atteindre soixante jours (talfîq). Au-delà de ce délai, les pertes évacuées seront considérées comme des métrorragies.

2 – Les métrorragies (al-istihâda : الإِسْتِحَاضَة)

Les métrorragies désignent l’écoulement de sang utérin qui survient en dehors de la période des menstrues et des lochies, ou encore l’écoulement qui se poursuit au-delà de la durée maximale des menstrues ou des lochies.

Comment différencier les métrorragies des menstrues ?

   Il arrive que certaines femmes aient des écoulements continus, de sorte que leur condition physique ne leur permet pas de déterminer facilement leur état de pureté ou non.
Quand les métrorragies durent plus qu’un cycle complet de pureté (deux semaines), et que la femme sait distinguer le sang des règles de celui des métrorragies en se référant à la couleur, à l’odeur, à la viscosité ou encore aux douleurs prémenstruelles (la quantité de sang n’est pas un indice admissible), alors elle se basera sur son expérience. Le sang qu’elle reconnaîtra comme étant des menstrues sera considéré comme tel.

   Si le sang des menstrues est le même que celui des métrorragies et que l’écoulement dépasse le délai habituel des menstrues, alors la femme ajoutera trois jours d’observation (la somme des jours de flux ne doit pas excéder quinze jours), après lesquels elle considérera le flux sanguin persistant comme étant de nouvelles métrorragies.
En revanche, si la distinction entre le sang menstruel et celui des métrorragies est impossible au-delà d’un cycle intégral de pureté (deux semaines), ou bien que la femme fait la différence entre les deux flux avant la fin du cycle complet de pureté, le sang qui s’écoule alors sera considéré comme du sang métrorragique.

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Les actes défendus pour la femme indisposée (menstrues ou lochies)

   Il est interdit pour la femme qui a ses menstrues ou ses lochies :
– d’effectuer une prière ou ce qui s’y apparente comme les prosternations de la récitation ou du remerciement, car « la prière n’est acceptée que si elle est accomplie en état de pureté » (hadîth prophétique rapporté par Al-Boukhârî d’après ‘Â’icha ) ;
– de jeûner. La femme doit toutefois récupérer les jours de jeûne obligatoire (mois de Ramadan) qu’elle a manqués à cause des menstrues ou des lochies, tandis qu’elle n’a pas à rattraper les prières non accomplies à cause de ces indispositions. En effet, ‘Â’icha explique : « Nous avions nos règles (du temps de l’Envoyé de Dieu , or il nous était ordonné de récupérer les jours de jeûne et non les prières manquées. » (Rapporté par Mouslim) ;
– de tourner autour de la Ka‘ba (circumambulations), que ce soit obligatoire ou surérogatoire. D’après ‘Â’icha , le Prophète a ordonné : « Fais tout ce que font les pèlerins, sauf les circumambulations dans la Maison sacrée, que tu accompliras seulement en état de pureté. » (Rapporté par Al-Boukhârî) ;
– de toucher une copie du Coran en arabe, comme il est dit dans le Coran lui-même : « Seuls le touchent les purifiés », s.56 Al-Wâqi‘a (L’Événement), v.79 ; sauf s’il s’agit de l’apprendre ou de l’enseigner. À noter toutefois que cette dérogation n’est plus valable dès lors que l’écoulement cesse, et ce jusqu’à l’accomplissement de la grande ablution ;
– de s’introduire dans une mosquée, ne serait-ce que de passage, car le Prophète a énoncé : « Je n’autorise pas les femmes en état de menstrues et les personnes en état d’impureté majeure pour cause de rapport sexuel, à pénétrer dans la mosquée. » (Rapporté par Aboû Dâwoûd d’après ‘Â’icha ) ;
– d’effectuer la grande ablution avec l’intention de faire cesser l’état d’impureté majeure qui découle de l’indisposition ;
– d’avoir un rapport sexuel ;
– d’être caressée du nombril aux genoux dans un contexte sexuel, même à travers un tissu, selon l’avis le plus répandu. Cette interdiction reste valable jusqu’à l’accomplissement de la grande ablution, non pas seulement jusqu’à l’arrêt de l’écoulement.

   Du reste, un mari ne peut répudier sa femme lorsqu’elle est indisposée, il doit attendre la cessation de ses menstrues. De même, la période de viduité d’une veuve débute durant un cycle de pureté.

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