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   Après avoir formulé l’iqâma, le fidèle commence sa prière. Celle-ci se constitue de plusieurs éléments appelés « أركان الصّلاة : arkânou-ç-çalât » qui, s’ils font défaut, annulent la prière. Ces piliers sont au nombre de quatorze.

1. Formuler l’intention d’accomplir la çalât

   Debout et face à la qibla, le fidèle conçoit intérieurement son intention d’effectuer telle ou telle prière. La prononcer oralement est acceptable, mais il est préférable de le faire en soi-même. Le fameux hadîth prophétique rapporté par ‘Omar Ibnou-l-Khattâb démontre que l’intention est la première étape obligatoire de toute action : « Les actes ne valent que par l’intention qui les motive. […] » [Rapporté par Mouslim.]

   Aucun blâme ne sera fait au croyant qui émet son intention avant d’entrer dans la mosquée, elle sera valable même si elle n’est pas directement suivie du takbîr de sacralisation.

   Concernant les prières canoniques, celles qui sont fortement recommandées (sounan mou’akkada) et la prière surérogatoire du fajr, il est impératif de spécifier leur caractère non obligatoire ou canonique, et de les spécifier (maghrib ou çobh ; witr ou prière de l’Aïd, etc.).

   Quant aux prières surérogatoires simplement recommandées (nawâfil), il n’est pas nécessaire de les préciser, le fidèle se contentera de formuler uniquement leur caractère surérogatoire.

   Pour toute prière dont la validité exige d’être accomplie en groupe, l’imâm doit formuler l’intention de la diriger. C’est le cas de la prière du vendredi, la prière de la crainte (çalât al-khawf), la prière reprise par un autre imâm (istikhlâf) et les prières du ‘ichâ’ et du maghrib lorsqu’elles sont accomplies l’une à la suite de l’autre (jam‘ taqdîm) dans le temps du maghrib en cas de pluie.

   Celui qui prie en assemblée doit également émettre l’intention d’être dirigé par l’imâm (نِيَّةُ الإقْتِداء : niyyatou-l-iqtidâ’). S’il ne le fait pas et qu’il suit tout de même la prière derrière l’imâm (et ne récite pas la Fâtiha par exemple), alors sa prière serait caduque.

   Dans tous les cas, l’intention doit être formulée avant le deuxième pilier de la prière, jamais après.

2. Prononcer le takbîr de sacralisation (تَكْبيرَةُ الإحْرام)

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   La formule consacrée est «اللَّهُ أكْبَرْ : Allâhou akbar » (Dieu est Le plus Grand). Seul cet énoncé est valable. Ce takbîr constitue une obligation pour toutes les prières (canoniques ou surérogatoires), concerne celui qui la dirige (l’imâm) autant que celui qui le suit (l’orant) et doit être également prononcé par celui qui prie seul. ‘Alî ibnou Abî Tâlib rapporte ces propos du Prophète  : « La clé de la prière, c’est la pureté ; sa sacralisation, c’est le takbîr ; sa désacralisation, c’est le taslîm (salut final). » [Rapporté par Aboû Dâwoûd.]

Certaines règles importantes doivent être respectées :

– prononcer le takbîr en langue arabe ;

– ne pas prolonger intentionnellement le premier « a » de Allâh de sorte que la formule ne devienne pas interrogative ;

– ne pas allonger le second « a » de « akbar » et ne pas élider le « hou » de « Allâhou » ;

– faire bouger sa langue en formulant le takbîr ;

– prononcer le takbîr en étant debout et dirigé vers la qibla ;

– ne pas marquer de pause entre les deux mots ;

– si le fidèle prie derrière un imâm, il doit prononcer son takbîr après celui de l’imâm ;

– s’il est muet ou ne peut prononcer le takbîr, il peut le formuler en son for intérieur ;

3. Être debout pour formuler le takbîr de sacralisation

Prononcer le takbîr en position debout est une obligation pour tout fidèle qui en est capable. Cet impératif concerne toutes les prières obligatoires. Le takbîr perd toute sa validité si le fidèle le prononce en étant appuyé sur ou contre quelque chose, s’il est assis ou s’il ne se tient pas droit.

En ce qui concerne les prières surérogatoires vivement recommandées, prononcer le takbîr de sacralisation en étant debout est vivement recommandé. Quant aux prières surérogatoires simplement recommandées, formuler le takbîr debout est seulement recommandé.

Pour toutes ces prières non obligatoires, il est permis de formuler le takbîr en position assise. S’asseoir en tailleur (تربيع : tarbî‘) sera alors la posture recommandée pour marquer une distinction claire entre les positions propres à la çalât (comme être assis sur la jambe gauche lors du salut final) et celles qui ne le sont pas.

4. Réciter la Fâtiha

   Lire la Fâtiha est une obligation pour tout croyant qui dirige la prière ou qui prie seul. Cette exigence s’applique à toutes les prières, qu’elles soient canoniques ― accomplies à voix haute ou à voix basse ― ou surérogatoires, et dans chacun de ses cycles. ‘Oûbâda Ibnou-ç-Çâmit a rapporté ces propos du Prophète  : « N’a pas prié celui qui ne récite pas l’Ouverture du Livre (la Fâtiha) dans la prière. » [Rapporté par Al-Boukhârî.]

   Cette lecture requiert de mouvoir la langue ; il n’est pas nécessaire de s’entendre réciter. Quant à celui qui accomplit une prière à voix haute derrière un imâm, il lui est recommandé d’écouter (lors des deux premiers cycles) ; si la prière est à voix basse ou qu’il s’agit du troisième ou quatrième cycle, il pourra réciter la Fâtiha à voix basse (acte méritoire). Dans tous les cas, il la lira sans la faire précéder de la basmala.

   Dans le cas où l’orant oublie de réciter toute la Fâtiha ou une partie de celle-ci, et qu’il s’en rappelle avant la génuflexion ( الركوع : ar-roukoû‘), il devra la lire à ce moment-là et accomplira les prosternations de réparation de l’oubli (soujoûd as-sahou) après le taslîm ; par contre s’il s’en souvient après la génuflexion, il terminera cette rak‘a mais n’en tiendra pas compte. Il se lèvera ensuite pour effectuer une autre unité de prière qui remplacera celle qui était incomplète et terminera sa çalât. Il devra enfin effectuer deux prosternations de réparation de l’oubli (soujoûd as-sahou) juste après la salutation finale.

    Il est indispensable de respecter au mieux les règles de prononciation de cette sourate, car la réciter avec des erreurs entraine sa nullité. Celui qui rencontre des difficultés (non arabophone ou ne connaît pas encore assez bien la sourate) doit s’efforcer de perfectionner sa lecture. Si par contre il lui est impossible d’apprendre la Fâtiha pour une raison ou une autre, il doit effectuer sa prière derrière un imâm qui sait la réciter en bonne et due forme. Dans l’éventualité qu’il ne trouve personne pour le diriger, lire la Fâtiha n’est plus une obligation pour lui. Il devra néanmoins veiller à laisser s’écouler un laps de temps entre le takbîr de sacralisation et l’inclinaison (c’est recommandé).

5. Réciter la Fâtiha en étant debout

   Concernant les prières obligatoires, l’orant doit ― dans la mesure de ses capacités ― être debout pour réciter la Fâtiha, qu’il prie seul ou qu’il dirige la prière. Allâh dit en effet : « […] et tenez-vous debout pour Dieu en dévotion […] », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.238. Par contre, celui qui prie derrière l’imâm est dispensé de respecter cet impératif, tout comme il n’est pas tenu de réciter la Fâtiha dans ce cas précis. Il pourra alors s’appuyer sur ou contre quelque chose.

   En revanche, lors des prières surérogatoires, l’orant pourra réciter la Fâtiha en étant assis. Il lui est alors recommandé de s’asseoir en tailleur pour bien distinguer les postures assises propres à la prière de celles qui ne le sont pas. Part ailleurs, la récompense liée à son acte d’adoration sera diminuée de moitié.

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6. S’incliner (la génuflexion : ar-roukoû‘)

   Procéder à l’inclinaison (الرُّكوع : ar-roukoû‘) est un acte obligatoire dans tous les cycles des prières obligatoires et surérogatoires. Il s’agit de pencher le buste de manière à poser les paumes des mains sur le dessus des genoux respectifs. La meilleure posture consiste à positionner la tête et le dos perpendiculairement aux jambes.

   L’obligation de s’incliner est énoncée dans le Coran : « Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. […] », s.22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v.77.

    La durée de l’inclinaison n’est pas particulièrement limitée, excepté pour l’imâm, lors d’une prière obligatoire, qui ne doit pas s’attarder pour ne pas gêner les orants derrière lui.

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7. Se redresser de l’inclinaison

L’obligation de se relever de l’inclinaison consiste à retrouver la station debout et le dos bien droit. C’est le Prophète qui a enseigné cette posture en s’adressant à un fidèle : « […] puis incline-toi jusqu’à ce que tu sois parfaitement immobile, puis relève-toi jusqu’à ce que tu sois complètement debout. » [Rapporté par Al-Boukhârî.]

8. Se prosterner

La prosternation (as-soujoûd : السُّجود) est une composante essentielle de la prière du musulman, comme il est dit dans le Coran : « Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. […] », s.22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v.77. Elle consiste à poser les mains, les genoux puis la tête au sol le temps de garder une immobilité parfaite. Huit parties du corps doivent toucher le sol : le front, le nez, les deux mains, les deux genoux et les pieds (le dessous des orteils). Au final, les mains doivent être proches des oreilles ou en deçà, les doigts dirigés vers la qibla et les coudes relevés.

En ce qui concerne le reste du corps, sa posture dépend du fait que l’on soit un homme ou une femme. L’homme doit écarter les cuisses du ventre et les bras du corps en écartant les coudes. La femme au contraire doit rassembler ses membres en se recroquevillant.

Certains impératifs précis doivent être respectés pour que la prosternation soit valable :

– toucher le sol avec le front. Si l’orant pose le front sur le dos de ses mains, sa prosternation n’est pas valide. En revanche, il lui est possible ― bien que réprouvé ― d’appliquer son front sur son vêtement ou tout autre chose qu’il porte sur lui (comme un turban) si celui-ci épouse les formes de son corps ;

– se prosterner sur un sol ferme ou sur un élément en contact direct avec le sol. Si l’orant pose sa tête sur un matelas ou une étoffe épaisse dans laquelle son front s’enfonce, sa prosternation est invalidée ;

– appuyer légèrement son front sur le sol ;

– se prosterner sur un endroit qui n’est pas trop surélevé.

9. Se redresser de la prosternation

Se relever de la prosternation consiste à lever la tête du sol pour se retrouver en position assise, les mains sur les genoux (pour certains, les mains peuvent rester au sol). Le Prophète a enseigné : « […] puis prosterne-toi jusqu’à ce que tu sois parfaitement immobile, puis redresse-toi jusqu’à ce que tu sois complètement assis […] » [Rapporté par Al-Boukhârî.]

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10. S’asseoir pour le salut final

La seule position assise obligatoire de la prière correspond au moment où le fidèle prononce le salut final. En effet, la posture assise correspondant à la récitation du tachahhoud est un acte vivement recommandé et celle au cours de laquelle est prononcée la prière sur le Prophète est recommandée, mais sans insistance.

11. Formuler le salut final

   L’obligation concerne la formulation du premier salut. Concevoir intérieurement l’intention de quitter la çalât est invalide. ‘Ali Ibnou Abî Tâlib rapporte ces paroles du Messager : « La clé de la prière, c’est la pureté ; sa sacralisation, c’est le takbîr ; sa désacralisation, c’est le taslîm (salut final). » [Rapporté par Aboû Dâwoûd.]

   L’expression consacrée est « As-salâmou ‘alaykoum ». Il n’y a aucun mal à ajouter « wa rahmatoullâh », mais ne pas le faire est préférable pour la majorité des mâlikites. L’essentiel est de prononcer cette formule en arabe, bien déterminer le mot « salâm » précédé par l’article défini « as ».

12. Respecter un temps de quiétude à chaque posture (الإطْمئنان)

Il s’agit pour l’orant de rester immobile après avoir changé de position au cours de sa prière. Deux passages du hadîth dans lequel le Prophète apprenait la prière à un fidèle prouvent cette obligation : « […] puis incline-toi jusqu’à ce que tu sois parfaitement immobile, puis relève-toi jusqu’à ce que tu sois complètement debout » et : « […] puis prosterne-toi jusqu’à ce que tu sois parfaitement immobile, puis redresse-toi jusqu’à ce que tu sois complètement assis […] » [Rapportés par Al-Boukhârî.]

13. Se tenir bien droit

L’orant doit maintenir son corps à la verticale durant sa prière, qu’il soit en position debout ou assise. Ainsi, il ne peut se soustraire à cette obligation lorsqu’il formule le takbîr de sacralisation, après s’être relevé de l’inclinaison ou de la prosternation et quand il prononce le taslîm. S’il oublie de se tenir droit, sa prière n’est pas valide.

14. Accomplir les actes obligatoires de la çalât du mieux possible et dans l’ordre fixé

   Il s’agit d’effectuer chaque acte complètement et en le distinguant bien du précédent. Le fidèle doit obligatoirement respecter l’ordre des piliers de la prière tels qu’ils ont été énumérés dans cette liste. Négliger cette combinaison harmonieuse entraîne la nullité de la prière.

Quelles sont les dérogations accordées à ceux qui ne peuvent respecter un de ces piliers ?

   Plusieurs cas de figure doivent être considérés dans ce domaine. Le respect de l’ordre d’énonciation des facilités est très important : le fidèle ne peut choisir un allègement ou un autre, c’est son état corporel qui déterminera l’action à suivre. Si l’orant est dans l’incapacité physique :

– de rester debout à cause des vertiges, des évanouissements, des incontinences ou autres soucis que cette position peut susciter, il devra prier en s’appuyant sur quelque chose ou quelqu’un, ou bien prier assis. La personne qui sert de soutien ne doit pas être en état d’impureté majeure ou de menstrues, sinon, l’orant devra recommencer sa çalât au cours de son temps daroûrî. En revanche, s’il ne trouve personne sur qui s’appuyer, sa prière reste valable.

   Si la position assise sans appui ne lui convient pas, il pourra s’appuyer sur quelque chose ou quelqu’un (préférable). S’asseoir en tailleur est alors recommandé.

Dans le cas où il ne peut s’asseoir, il pourra prier allongé sur le côté droit (préférable) ou gauche. Si cela n’est pas possible, il priera couché sur le dos en orientant ses pieds vers la qibla. Autrement, il priera sur le ventre en dirigeant sa tête vers la qibla. ‘Imrâne Ibnou Houçayn rapporte : « J’avais des hémorroïdes, j’interrogeai le Prophète concernant la prière et il me répondit : “Prie debout ; si tu ne peux pas, prie assis ; si tu ne peux assis, prie sur le côté.” » [Rapporté par Al-Boukhârî.] ;

– de s’incliner, de se prosterner et de s’asseoir, l’orant se maintiendra debout et reproduira les gestes de l’inclinaison et de la prosternation en baissant le buste de manière plus marquée pour distinguer le prosternement de la génuflexion ;

– de s’incliner et de se prosterner : il mimera l’inclinaison en étant debout et s’assoira pour imiter la prosternation ;

– de se remettre debout après la deuxième prosternation d’un cycle, il pourra effectuer le reste de sa prière en position assise ;

– de rester debout pour réciter la Fâtiha, il la lira assis puis se relèvera pour accomplir le reste de sa çalât normalement.

   En réalité, si le fidèle ne peut accomplir aucun des actes obligatoires de la prière, il énoncera en son for intérieur l’intention d’entrer en prière et imitera ce qu’il peut des gestes propres à la çalât. Il prononcera le salut final s’il en est capable, l’important étant qu’il applique ce dont il est capable. Aboû Hourayra rapporte ces propos du Prophète  : « Quand je vous donne un ordre, faites-en ce que vous pouvez. » [Rapporté par Al-Boukhârî.]