(14) La prière (7/11) : comment corriger la prière

Jurisprudence malikite

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   Le Prophète  a enseigné à ses Compagnons la manière de rectifier une maladresse commise pendant la prière. Elle permet à l’orant de réparer sa çalât en cas d’erreur et lui évite ainsi de la refaire.Le fidèle doit cependant respecter certaines règles inhérentes à cette pratique afin de ne pas commettre de bévues supplémentaires et entrainer l’annulation définitive de sa prière.

Les prosternations de distraction (« soujoûd as-sahw : سُجُود السَّهْوِ »)

   Pour rétablir une étourderie commise lors de la prière, il suffit à l’orant d’effectuer soujoûd as-sahw qui se compose de deux prosternations suivies du tachahhoud. Le Prophète  eut recours à cette solution lorsqu’il avait prononcé les salutations finales après le deuxième cycle de prière dans une prière du dhohr (qui en compte quatre). C’est un Compagnon du nom de Dhoû-l-Yadayn qui lui en fit la remarque : « Ô Prophète, c’est la prière qui a été réduite ou as-tu oublié ? » Le Messager déclara : « Ni l’un ni l’autre » et vérifia auprès des autres orants l’exactitude de l’observation de Dhoû-l-Yadayn avant de réparer la çalât avec deux prosternations, la lecture du tachahhoud et de nouvelles salutations.

   Deux moments s’offrent à leur accomplissement : avant ou après les salutations finales selon la nature de l’inattention commise (respectivement « as-soujoûd al-qablî » et « as-soujoûd al-ba‘dî »). Si ces prosternations s’effectuent antérieurement aux salutations de clôture de la prière, nul besoin de formuler l’intention de les réaliser ; si au contraire elles sont pratiquées après les salutations finales, alors il est nécessaire de concevoir l’intention de les accomplir et les faire suivre d’une salutation qui leur est propre.

Les actes constitutifs de cette réparation propre à la prière mal accomplie sont vivement recommandés :

– prononcer l’expression « Allâhou akbar » avant de poser le front sur le sol et en le relevant ;

– formuler le tachahhoud après les deux prosternations, sans mentionner la prière sur le Prophète  (appelée aç-çalât al-ibrâhimiyya) ni faire d’invocation ;

– terminer par les salutations finales spécifiques aux prosternations de distraction si celles-ci sont effectuées après le salut final de la prière.

Différents statuts s’appliquent aux prosternations de distraction, elles sont :

– recommandées pour l’imâm qui mène la prière en groupe, pour l’orant qui prie individuellement, mais également pour celui qui commence sa prière en commun et la termine seul (l’oubli étant commis dans cette seconde partie en solitaire) ;

– obligatoires pour l’orant qui prie derrière un imâm durant un cycle de çalât ou davantage et qui constate que ce dernier effectue ces prosternations. En revanche, si l’oubli est commis par le fidèle qui prie derrière l’imâm, nul besoin pour lui de recourir aux prosternations de distraction, car la négligence est couverte par la prière de l’imâm. ‘Omar Ibnou-l-Khattâb  attribue ces paroles au Prophète  : « Celui qui prie derrière l’imâm n’a pas à effectuer les prosternations de distraction. Si c’est l’imâm qui commet un oubli, il doit accomplir, ainsi que celui qui prie derrière lui, les prosternations de réparation d’usage. » [Rapporté par Ad-Dâraqoutnî.]

ATTENTION : celui qui a prié au moins un cycle derrière l’imâm et qui effectue avec lui les prosternations de distraction alors qu’il n’a pas fini sa çalât n’a pas prié correctement ; sa prière est caduque.

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Avant ou après le salâm ?

   Les oublis justifiant l’accomplissement des prosternations de distraction avant les salutations finales (as-soujoûd al-qablî) sont au nombre de trois :

1- supposer ou être sûr d’avoir oublié d’accomplir une sounna mou’akkada (appuyée) dans la prière. C’est le cas de l’orant qui, par oubli :

– ne respecte pas la voix haute. Réciter le Coran à voix basse durant une prière obligatoire alors que la lecture devait se faire à voix haute requiert l’accomplissement des prosternations de distraction antérieures aux salutations finales. S’il ne s’agit que d’un verset, aucune réparation n’est nécessaire. En revanche, le remplacement de la lecture à voix basse par une récitation audible à tous entraine l’accomplissement du soujoûd al-ba‘dî, car il s’agit d’un ajout (voir plus bas) ;

– ne s’assoit pas après deux rak‘ât pour prononcer le tachahhoud ;

L’expression « Dieu entend ceux qui Le louent : sami‘a Allâhou liman hamidah » fait cependant office d’exception dans la catégorie des sounan appuyées : celui qui oublie de la prononcer une fois n’est pas tenu de réparer cette inattention. En revanche, si l’omission a lieu deux fois ou plus, la correction est nécessaire.

2- croire ou être certain d’avoir omis involontairement d’effectuer deux sounan simples ou plus dans la prière (si l’oubli ne porte que sur une seule sounna, aucune réparation n’est exigée ; ATTENTION, si trois sounan ou plus ont été omises, et qu’aucune réparation n’est faite immédiatement, alors la prière est invalide) ; il s’agit :

– d’oublier de lire une sourate (ou quelques versets) après la Fâtiha dans un des deux premiers cycles des prières obligatoires ;

– d’omettre deux « Allâhou akbar » ou plus, excepté celui de sacralisation qui annule la çalât ;

– de négliger la récitation du premier tachahhoud, et même oublier de s’asseoir pour ce tachahhoud ;

– d’omettre la lecture du deuxième tachahhoud.

3- penser ou être convaincu d’avoir manqué une sounna appuyée ou une sounna simple à la prière, et d’avoir allongé celle-ci d’un acte supplémentaire ; il s’agit par exemple d’oublier un takbîr et ajouter un cinquième cycle à une prière qui en compte quatre.

Quant aux ajouts qui induisent l’accomplissement des prosternations de distraction après les salutations finales (as-soujoûd al-ba‘dî), elles sont de deux sortes :

● supposer ou être sûr d’avoir effectué involontairement un élément supplémentaire n’appartenant pas à la prière, tant que cet ajout reste minime. C’est le cas de celui qui récite le Coran à voix haute pendant les prières de dhohr ou du ‘açr ;

● croire ou être certain d’avoir accompli un acte obligatoire en sus de ses éléments constitutifs.

Quelques cas précis

1-   Il peut arriver à l’orant de s’asseoir après un cycle et/ou de réciter un tachahhoud superflu. Le cas échéant, il est tenu de se relever dès qu’il se rend compte de son erreur, de continuer sa prière et d’effectuer les prosternations de distraction après les salutations finales.

2-   Si le fidèle récite par inadvertance le Coran à voix haute alors que celui-ci devait être lu à voix basse, il s’acquittera des prosternations de distraction après les salutations de clôture. En revanche, si l’orant remplace la lecture à voix haute par une lecture à voix basse, il y a omission : il devra accomplir les prosternations de distraction avant les salutations finales.

Mais si l’orant prend conscience d’avoir remplacé la lecture à voix haute par la voix basse ou vice-versa, et ce avant de s’incliner, il doit rectifier cette étourderie en récitant une nouvelle fois correctement. Quand il ne s’agit que d’une sourate, nul besoin d’effectuer les prosternations de distraction ; mais s’il est question de la Fâtiha, la réciter à nouveau ne suffit pas, il faut également réparer avec les prosternations postérieures aux salutations.

Dans le cas d’une prière surérogatoire, aucune rectification n’est exigée concernant  l’inversion entre voix haute et voix basse.

3-   Lorsque l’orant se tient debout, il se peut qu’il lise la sourate avant la Fâtiha, il lui suffit alors de recommencer en débutant par la Fâtiha, de la faire suivre par la sourate. Aucune réparation n’est requise dans ce cas.

4-   Celui qui, par mégarde, ajoute une sourate après la lecture de la Fâtiha dans le troisième ou quatrième cycle d’une prière obligatoire n’est pas tenu de réparer sa çalât.

Remarques essentielles

   L’orant n’est pas tenu de réparer sa prière par un soujoûd qablî s’il a oublié d’effectuer une sounna légère comme un takbîr ou dire « Rabbanâ laka-l-hamd » ou encore l’invocation du qounoût. Si ces prosternations sont tout de même effectuées, la prière est alors annulée et devra être recommencée.

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   Il faut également savoir qu’effectuer volontairement les prosternations de distraction ultérieures aux salutations finales avant ces dernières est interdit. Si l’orant agit tout de même ainsi, il commet un péché, mais sa prière reste valable. Quant au fait de les omettre intentionnellement ou non, cela est permis sans que la prière soit annulée. En réalité, le croyant peut effectuer ces prosternations dès lors qu’il se souvient de sa négligence, sans limitation de temps (même un an après).

   Concernant l’accomplissement délibéré des prosternations de distraction précédant les salutations finales après celles-ci, cela est réprouvé. Le fidèle n’est pas tenu d’effectuer ces prosternations si le souvenir de ses manquements lui revient trop tardivement. S’il s’en rappelle quand il est toujours à la mosquée ou très peu de temps après l’accomplissement de la çalât, il lui est alors recommandé de les effectuer.

   Dans le cas où l’orant commet à la fois un ajout et un oubli dans sa prière – comme effectuer un cinquième cycle et omettre une sourate dans un des deux premiers cycles –, il tiendra compte de ce dernier et accomplira les prosternations antérieures aux salutations.

   Dans une prière en commun, les inattentions de l’orant ne sont pas prises en considération puisque c’est la çalât de l’imâm qui compte, sauf si le fidèle omet un pilier de la prière (voir plus loin). S’il n’accomplit qu’une partie de la çalât derrière l’imâm, il doit rattraper les éventuelles erreurs qu’il commet dans le reste de sa prière en solitaire.

   Dans le cas où le fidèle effectue une prière en commun dans laquelle l’imâm a commis un oubli ou a ajouté un élément, il devra accomplir les prosternations antérieures aux salutations avec le groupe, mais il ne doit pas effectuer celles après le salut final : il se relèvera et terminera ce qui lui manquait de sa prière par « as-salâmou ‘alaykoum » avant de faire ces prosternations seul. Si l’orant prie moins d’un cycle (une rak‘a) derrière l’imâm, il n’aura pas à réparer l’erreur commise par ce dernier.

Comment réparer l’oubli d’un pilier dans la prière ?

   Les piliers sont des actes obligatoires de la prière, ils doivent être accomplis sans concession. Si l’oubli se rapporte à l’intention ou le takbîr de sacralisation, la prière doit être refaite entièrement. Concernant un autre pilier, la rectification correspondante sera différente selon le moment au cours duquel l’orant se rappellera sa négligence. Une mise en situation à travers quelques exemples permet une compréhension plus aisée.

● En considérant que l’orant se rend compte de son erreur (commise dans le premier cycle) avant l’inclinaison (roukoû’) du premier cycle de prière, il devra accomplir le pilier oublié et continuer sa prière normalement. Il effectuera ensuite les prosternations de distraction après le salut final. En revanche, s’il s’en souvient au moment de l’inclinaison du deuxième cycle, il considérera alors son premier cycle comme nul et le remplacera par le second cycle (qui devient donc premier) ; il terminera son culte normalement et effectuera les prosternations de distraction après les salutations finales.

● Dans le cas où le croyant omet une prosternation du premier cycle et qu’il s’en souvient avant de se redresser de l’inclinaison du second cycle, il doit effectuer ladite prosternation en respectant la position assise si celle-ci fut oubliée aussi. Il enchaine ensuite avec le deuxième cycle et finit sa prière normalement avant d’accomplir les prosternations de distraction après le salut final. Mais si son souvenir ne lui revient qu’après l’inclinaison, il considérera le premier cycle comme étant caduc et son deuxième cycle deviendra le premier ; à la fin de la prière, il accomplira les prosternations de distraction après le salut final à cause de l’ajout inutile.

● Si, de même, le fidèle omet une prosternation lors du deuxième cycle et qu’il s’en rappelle avant de se redresser de l’inclinaison du troisième cycle, il doit alors effectuer ce soujoûd manqué – en respectant éventuellement la position assise si celle-ci a également été oubliée – et terminer sa prière en la clôturant par l’accomplissement des prosternations de distraction après le salut final. Cependant, s’il ne s’en souvient qu’après s’être redressé de l’inclinaison du troisième cycle, il devra continuer à prier en considérant ce troisième cycle comme étant le deuxième. Étant donné que le troisième cycle ne se composait que de la Fâtiha, l’orant est tenu d’accomplir les prosternations de distraction avant les salutations finales, puisqu’il y aura eu à la fois ajout et oubli.

● Concernant la salutation finale (seul le premier salâm est un pilier), la réparation de son omission se décline en plusieurs cas de figure :

– si l’orant s’en rend compte rapidement alors qu’il est toujours assis, prononcer les salutations finales suffira à rétablir la validité de sa prière ;

– s’il s’en rappelle après s’être relevé et même détourné de la qibla, il devra effectuer le takbir de sacralisation debout en direction de la Mecque, se rasseoir pour réciter le tachahhoud et prononcer le salâm ; il est tenu, en outre, d’accomplir le soujoûd al-ba‘dî pour corriger sa prière ;

– s’il ne s’en souvient que longtemps après son inattention, toute sa prière sera à refaire.

Tous ces exemples concernent l’imâm qui guide la prière en groupe ou l’individu qui prie seul. Quant à celui qui effectue sa prière en commun, l’omission d’une inclinaison ou d’une prosternation liée à certaines contraintes (foule), à l’oubli ou au sommeil léger oblige l’orant à rattraper le cycle incorrect tel qu’il aurait dû être accompli après le salut de l’imâm.

Cas particulier de la Fâtiha

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    L’avis le plus répandu considère la Fâtiha comme étant une obligation de la prière pour celui qui prie seul et pour l’imâm ; quant à celui qui prie derrière celui-ci, cette sourate fait partie des actes recommandés (mandoubât), il n’a rien à rectifier s’il oublie de la réciter puisque l’imâm « absorbe » les erreurs des orants qui le suivent.

● Si le fidèle réalise qu’il a oublié de réciter la Fâtiha avant de se redresser de l’inclinaison (dans le même cycle), il devra se relever, la lire et continuer sa prière. Les prosternations de distraction devront être effectuées après les salutations de fin.

● S’il prend conscience de son oubli au moment de se prosterner (toujours au cours du même cycle), il accomplira malgré tout les prosternations, se relèvera pour effectuer un nouveau cycle qui remplacera le précédent (incomplet), terminera son culte normalement et finira par des prosternations de distraction après le salut final.

● Dans le cas où l’orant se remémore avoir oublié la Fâtiha avant de se relever de l’inclinaison (roukoû‘) du troisième cycle, ce cycle deviendra donc le deuxième et ainsi de suite. À la fin de la prière, le fidèle effectuera les prosternations de distraction après le salâm.

S’il ne s’en rappelle qu’après l’inclinaison du troisième cycle, il agira de même pour terminer sa prière, mais effectuera les prosternations de distraction avant les salutations de fin à cause de l’ajout du cycle incorrect et de l’absence de sourate dans le deuxième cycle.

Que faire en cas de doute ?

   Lorsqu’une hésitation concernant l’accomplissement d’un pilier ou d’un cycle (rak‘a) vient perturber l’orant au cours de sa prière, celui-ci se basera sur ses certitudes, refera le pilier ou le cycle qu’il croit manquant et effectuera les prosternations de distraction après le salâm. Si un doute relatif à l’accomplissement d’un pilier du premier cycle survient après l’inclinaison du troisième cycle, l’orant est dans un cas d’ajout et d’oubli à la fois. En effet, sa première rak‘a étant considérée comme nulle, elle sera remplacée par la deuxième, et la troisième devenant la deuxième, il y manquera la sourate. La présence du premier cycle présumé incomplet et l’absence de sourate dans la deuxième rak‘a amènent l’orant à effectuer les prosternations de distraction avant le salut final.

   Certains musulmans sont cependant gagnés par un doute incessant et maladif : « al-waswâs : الوسْوَاس ». Est considéré comme atteint de waswâs l’orant qui doute à chaque prière ou au moins deux fois dans la même journée. Si son hésitation porte sur le nombre de cycles (rak‘ât) effectués, le fidèle considérera qu’il en a accompli le nombre supérieur (exemple : s’il hésite entre 3 ou 4 rak‘ât, il considérera en avoir accompli 4) pour s’opposer aux insufflations de Satan qui cherche à le déstabiliser et terminera sa prière avec deux prosternations de distraction après le salâm.

   Si cette incertitude ne se produit qu’une fois tous les deux jours, il s’agit d’un doute ordinaire. Le meilleur moyen de se débarrasser de cette plaie est le rappel (« adh-dhikr : الذِّكْر »).

   L’islam est une religion qui facilite la pratique du culte à ses fidèles, il offre des solutions accessibles à tous pour réparer les négligences qui apparaissent dans certains moments de faiblesse. En tenant compte des diverses dispositions existantes en la matière, le croyant peut ainsi profiter pleinement de la récompense divine.

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