(3) Aboû Hanîfa An-Nou’mâne : Cercle d’étude original et pionnier

École Hanafite

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   Au décès de Hammâd Ibnou Abî Soulaymâne Al-Ach’arî , Aboû Hanîfa An-Nou’mâne lui succède dans son cercle d’étude, mais très rapidement il répand ses vues en toute indépendance —  trait caractéristique de sa personnalité : le docte ne fonde pas à proprement parler son école de pensée, ce sont ses élèves Aboû Yoûssouf, Mouhammad Ach-Chaybânî, Zafar, etc.

qui s’en chargeront après son décès pour perpétuer son enseignement. Il n’a pas non plus écrit de livre sur le fiqh, la rédaction d’ouvrages en la matière se répandra vers la fin de sa vie et après sa mort.

    En revanche, il écrit quelques épîtres comme Al-fiqh al-akbar, Al-‘âlim wal-mouta’allim , un autre où il répond à al-qadariyya et une lettre envoyée à ‘Othmâne Al-Battî.

   Ce sont ses étudiants qui ont consigné et enregistré ses opinions, souvent sous forme de notes personnelles. Quelques fois, Aboû Hanîfa  leur demande de lire ce qu’ils ont écrit, ensuite il confirme ou corrige la note.

   La plupart des données consignées par Mouhammad Ibnou Al-Hassan Ach-Chaybânî proviennent d’Aboû Yoûssouf puisque Ach-Chaybânî et les autres étudiants ne resteront pas assez longtemps avec Aboû Hanîfa  pour acquérir une telle somme de connaissance.Le mousnad qu’on attribue à Aboû Hanîfa n’est pas son œuvre : apparemment ce sont Aboû Yoûssouf et Ach-Chaybânî qui ont compilé et classé ce qui est rapporté.
Les notes des compagnons d’Aboû Hanîfa n’excluent pas qu’il ait pu enregistrer son fiqh lui-même.

    Aboû Hanîfa est parmi les premières sommités qui établissent les fondements des écoles de jurisprudence islamique. L’imâm Ach-Châfi’î   dit : « Les gens sont des enfants dans le fiqh devant Aboû Hanîfa. La communauté musulmane est redevable à Aboû Hanîfa An-Nou’mâne d’avoir empêché l’apparition d’un fossé entre la religion et les diverses réalités de la société ; ce qui aurait pu pousser les croyants faibles à s’éloigner de leur pratique religieuse et donner un prétexte aux détracteurs de l’Islam de pointer du doigt les prétendues insuffisances de la religion pour répondre efficacement aux sollicitations d’une société en évolution.

    Aboû Hanîfa considère que l’Islam est valable en tout lieu et à toute époque. Les versets coraniques et les paroles du Prophète sont en nombre arrêté, alors que les besoins d’une société progressent constamment, d’où la nécessité même d’anticiper la déduction des lois : la jurisprudence prévisionnelle est une autre originalité de son cercle d’étude.

    Contrairement à la société du Hidjâz, où l’application de la sunna prophétique telle quelle suffit en matière de jurisprudence, la société irakienne, pénétrée par de nombreuses influences, évolue sans cesse et rapidement. Des lois concrètes répondant aux nécessités de la société s’avèrent incontournables. Par l’étude des besoins de sa société et d’après sa conception très claire du caractère universel de l’Islam, Aboû Hanîfa consacre une place majeure à la réflexion personnelle (ar-ra’y) et au raisonnement par analogie (al-qiyâs) ; la première étant une application étendue du second. Il n’en fait néanmoins l’usage qu’en l’absence de texte explicite dans le Coran ou la sunna. Selon lui, ar-ra’y découle naturellement de la notion d’ijtihâd. Or, l’ijtihâd, recommandé par les textes islamiques, se fonde sur la liberté de réflexion et de déduction.  Aboû Hanîfa apporte sa touche personnelle : alors qu’al-qiyâs se limite à l’analogie stricte avec les précédents issus de la tradition prophétique, son raisonnement personnel se base sur la spéculation et l’analyse rationnelle, non pour se substituer à la révélation, mais bien pour mettre en exergue les preuves révélées.
Aboû Hanîfa soumet chaque question à une étude approfondie, puis la subdivise ; ce qui le mène à poser plusieurs situations hypothétiques susceptibles de se produire et d’y apporter des réponses.
La méthode employée par l’érudit suit une hiérarchisation de la preuve juridique : il considère d’abord le Coran, puis la sunna, puis les affirmations des Compagnons, puis le consensus, puis l’analogie, ensuite l’istihsâne, et enfin l’usage.

ee104·        Le Coran : les fouqahâ de l’école hanafite s’accordent à dire que le Coran est un ensemble de textes et de sens. Aboû Hanîfa n’a pas donné un avis clair sur le sujet, mais le fait qu’il autorise aux non arabophones la récitation du Coran en persan pour la prière laisse penser qu’il privilégie le sens du message coranique (à ce propos, lire plus loin). Le Coran contient les éléments de la chari’a dans son ensemble. Des règles générales immuables y sont définies. La chari’a est donc éternelle et s’adresse à toute l’humanité.La sunna du Prophète y puise sa force, elle clarifie et détaille ce qui doit l’être, et ce suivant trois façons :
–       la clarification par confirmation : la sunna renforce la signification d’un verset.
–       La clarification par explication : la sunna clarifie une information implicite dans un verset lorsque le texte est général. Par exemple, les détails de la prière, de la zakât et du pèlerinage.
–       La clarification par abrogation : l’abrogation d’un verset coranique par un autre est acceptée par les hanafites, tout comme l’abrogation d’un verset par la sunna notoire (moutawâtira).

·         La sunna : elle représente la deuxième source de la chari’a. Elle appuie et explique le Coran. Le Prophète a demandé à Mou’âdh Ibnou Jabal, son émissaire au Yémen : « Sur quoi vas-tu baser ton jugement ? ». Il répondit : « Sur le Livre d’Allâh. » Il demanda : « Et si tu ne trouves pas ? ». « Sur la sunna du Messager d’Allâh », répondit-il. Il demanda : « Et si tu ne trouves pas ? » Il répondit : « Alors j’exercerai ma raison. »‘Omar écrivit à Chourayh le qâdî : « Quand un cas se présente à toi, juge par ce qui est mentionné dans le Coran. En l’absence de texte, alors juge par ce qui est mentionné dans la sunna du Messager d’Allâh. »

    Les hanafites distinguent un cas établi par un texte coranique formel et un cas établi par une sunna authentifiée. Les prescriptions coraniques sont obligatoires (fard) et celles qui découlent de la sunna sont impératives (wâjiba).
Il en va de même pour les interdictions. Tout interdit coranique formel implique l’illicite (harâm) ; et toute prohibition issue d’une sunna authentifiée englobe le réprouvé (makroûh) dans le sens de l’interdit (degré légèrement inférieur à celui de l’interdit coranique).
Aboû Hanîfa est accusé de placer l’analogie avant la sunna. Il réfutait énergiquement ces  accusations et répète souvent : « Par Allâh, c’est mentir à notre propos que de dire que nous plaçons l’analogie avant un texte. A-t-on besoin d’analogie en présence d’un texte ? »
Aboû Hanîfa est l’un des premiers fouqahâ’ à accepter les hadîths singuliers (al-âhâd) comme preuves. Ceux-ci servent de base à ses points de vue, y compris lorsqu’ils contredisaient son opinion. Toutefois, il y a un désaccord sur sa position quand des récits singuliers contredisent l’analogie.
Ibnou ‘Abd Al Barr dit : « Beaucoup de savants du hadîth critiquent Aboû Hanîfa pour avoir rejeté de nombreux hadîths singuliers, vu que sa méthode consistait à les comparer avec les hadîths qu’il avait réunis et les significations du Coran. Si le hadîth en question dérogeait à ce corpus, il le rejetait.» Toutefois, selon Al-Bazdawî, si une tradition provenait d’un Compagnon notoire, réputé pour son fiqh et sa perspicacité, tels que les quatre califes, il le préférait à l’analogie. Sinon il le considère à l’aune de l’analogie, et pouvait soit l’accepter soit l’ignorer.
Aboû Hanîfa avait l’habitude d’accepter les hadîths moursal des trois premières générations, mais pas nécessairement des suivantes. Il accepte par exemple les moursal d’Ibrâhîm An-Nakh’î (maître de son cheikh) et d’Al-Hassan Al-Basrî. A l’époque d’Aboû Hanîfa, on accepte encore les hadîths moursal ; mais lorsqu’un grand nombre de hadîths forgés sont apparus, les savants exigent dorénavant les isnâd (chaînes de transmetteurs) ininterrompus.

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·        L’avis des Compagnons : Aboû Hanîfa affirme : « Nous considérons d’abord le Coran, puis la sunna, puis les décisions des Compagnons, et nous appliquons leur consensus. S’ils divergent, nous utilisons l’analogie en comparant les divers jugements lorsqu’ils présentent le même fondement afin d’éclaircir le sens. » ; ou encore : « Lorsque je ne trouve pas de solution dans le Livre d’Allâh ou dans la sunna de Son Prophète, je me tourne vers les paroles des Compagnons et je ne les néglige pas pour les paroles d’autres personnes. Mais si je me trouve obligé de me référer à Ibrâhîm An-Nakh’î, à Ach-Cha’bî, à Ibnou Sîrîne, à Al-Hassan, à ‘Atâ’, à Sa’îd Ibnou Al-Mouçayyib ou à d’autres, ce sont des hommes qui ont entrepris un effort d’interprétation, et moi je fais un effort d’interprétation » ; et encore : « Ce qui nous parvient du Messager d’Allâh, nous l’acceptons sans aucune objection ; ce qui nous parvient des Compagnons — qu’Allâh leur accorde Sa miséricorde —, nous choisissons ce qui nous convient sans sortir de leurs paroles, mais ce qui nous parvient des tabi’înes [les successeurs], nous sommes en droit de l’accepter ou de le refuser, car ils sont des hommes ordinaires et nous sommes des hommes ordinaires ; en dehors de cela, nous ne sommes pas tenus de suivre ce qui nous parvient d’une autre personne. »

·        Le consensus : c’est l’accord des moujtahidîn de la communauté musulmane sur n’importe quel sujet à l’époque du jugement.
Plusieurs sources affirment qu’Aboû Hanîfa suivait fermement ce qui faisait l’unanimité parmi les gens de son pays. Il n’a pas pour malheureuse habitude d’imposer sa volonté. Il n’hésite pas non plus à revenir sur ses positions lorsqu’un argument plus probant lui est exposé. Pour illustration, une fois, il autorise la récitation d’« Al-Fatiha » dans une autre langue que l’arabe, et lorsqu’on lui émet l’idée que cette facilité peut entraîner la perte de la langue coranique, il remet la discussion à l’ordre du jour, et décide collégialement que cela sera autorisé au non-arabophone jusqu’à ce que celui-ci ait appris l’arabe.

·        L’analogie : lorsqu’il n’y a pas de texte coranique ou prophétique sur une affaire et en l’absence d’avis des Compagnons, Aboû Hanîfa recourt à son opinion afin de s’assurer l’examen des différents aspects de la question à étudier.
Il suivait l’analogie, sauf si cela le menait à quelque chose d’indécent et d’étranger aux habitudes populaires, dans ce cas il recourt à l’istihsâne (choix préférentiel entre deux interprétations d’un texte selon le contexte pour favoriser la justice).
L’analogie a été définie, après Aboû Hanîfa , comme suit : le fait d’étendre une décision relative à une affaire dont le jugement est établi par le Coran, la sunna ou le consensus à un autre cas partageant la même cause (‘illa).
Aboû Hanîfa ne se limite pas au sens apparent du texte, mais en recherche les objectifs premiers à la lumière de son contexte et de sa raison d’être. Il divise les textes en deux catégories : ceux traitant de l’adoration pour lesquels l’analogie ne sont pas applicables, et ceux traitant des affaires de ce monde pour lesquels il essaie de déduire la raison fondamentale qui pourrait ensuite être calquée à d’autres cas.
Le fait qu’il n’y ait pas un grand nombre de hadîths en Irak l’oblige à user fréquemment de l’analogie.

·        L’istihsâne : l’istihsâne est considéré par l’imâm Mâlik comme les neuf-dixièmes du savoir. L’imâm Aboû Hanîfa l’utilise, contrairement à l’imâm Ach-Châfi’î qui dit : « Quiconque utilise l’istihsâne a légiféré pour lui-même. » D’ailleurs il consacre un chapitre sur l’invalidation de l’istihsâne dans son livre Al-Oumm.
Certains savants définissent l’istihsâne comme le fait de déroger à ce qu’entraîne l’analogie au profit d’une décision plus forte qu’elle.
L’imâm Al-Karkhî le définit ainsi : « C’est le fait qu’un moujtahid se détache d’un précédent établi en faveur d’une autre décision motivée par une raison plus forte qui nécessite de se détacher de la précédente. »

·        L’usage (al-‘ourf) : lorsque l’analogie ou l’Istihsâne son impossibles, Aboû Hanîfa observe le comportement des gens qui constitue la coutume normative.

   Les sources islamiques indiquent que les us et coutumes sont une des sources de déduction et un des principes pouvant être utilisés en dernier recours.
Ibnou ‘Âbidîne dit à propos du mouftî : « La personne qui émet des jugements doit connaître le fiqh relatif aux décisions liées aux faits courants et doit connaître et comprendre la réalité et le contexte des gens afin de pouvoir différencier entre le véridique et le menteur, entre le vrai et le faux. Ainsi, lorsqu’un mouftî donne une fatwa basée sur la coutume, il doit connaître les circonstances de l’époque et savoir si cette coutume est d’ordre général ou spécifique.

    Aboû Hanîfa est un précurseur courageux dans maints domaines —  quitte à heurter les sensibilités sclérosées de son époque et à essuyer de violentes oppositions : il est le premier à mettre par écrit la science islamique ; à diviser en chapitres la jurisprudence ; à émettre l’idée de la traduction du Coran ; à aborder les thèmes tels la population et l’économie, rendant ainsi bien service aux gouvernants qui s’y réfèrent. Au sein de son cercle, il met en place un comité de quarante experts auxquels sont exposés divers sujets de débat touchant de multiples domaines, y compris l’actualité de sa ville. Très ouvert d’esprit, le docte affectionne le dialogue, la liberté de réflexion, de parole, et le travail d’équipe : ces éléments concourent à une bonne ambiance de travail, aux échanges fructueux et édifiants. Le déroulement et le contenu de chaque séance du comité est consignée dans un rapport.

    Dans ses fatâwâs (avis religieux), l’érudit met l’accent sur la reconnaissance de la liberté et de la responsabilité des actes à tout individu adulte et sensé, du moment qu’Allâh Lui-même a consigné cette notion dans le Coran. Il n’est pas nécessaire, ici, de s’étaler dans une longue explication argumentée, qui est du ressort des spécialistes de la jurisprudence, pour dire qu’Aboû Hanîfa admet, conformément aux sources coraniques et aux paroles prophétiques, ainsi qu’à son raisonnement personnel, que la femme adulte, mûre et en pleine possession de ses facultés intellectuelles a le droit de gérer à sa guise ses biens, mais qu’en outre, elle peut se marier sans la présence d’un tuteur ; que l’homme mûr et sensé, avant ses vingt-cinq ans, peut disposer librement de ses biens : au-delà de cet âge, aucune éducation n’est possible, et l’individu subira les conséquences bonnes ou néfastes de ses choix personnels.

   Le scrupule et la droiture de l’éminent savant l’incitent à émettre des fatâwas conformes à la religion et non à la passion des créatures. Voici une anecdote très instructive : le calife Al-Mansoûr désire prendre une seconde épouse, ce qui fâche sa conjointe. Fort de son droit octroyé par Dieu, il consulte Aboû Hanîfa An-Nou’mâne sur la question. L’érudit lui dit : « En vérité, Allâh a permis cela pour ceux qui font preuve d’équité entre leurs épouses. Pour celui qui ne peut pas être équitable, une seule femme suffit. Le Très-Haut a déclaré : ʺ  Si vous craignez de ne pas être équitables, alors contentez-vous d’une seule femme. ʺ, [s.4 An-Nissa (Les Femmes), v.3]. Il nous importe donc de nous imprégner du comportement qu’Allâh nous ordonne d’adopter et d’accepter Ses préceptes. »

    Contrarié, le calife (!) se soumet néanmoins à l’avis du docte. Son épouse dépêche de luxueux cadeaux à l’adresse d’Aboû Hanîfa An-Nou’mâne , mais l’incorruptible les refuse poliment en ordonnant à son domestique : « Dîtes-lui que ce que j’ai fait, je l’ai fait pour ma religion et pour avoir la satisfaction d’Allâh ; je ne cherche nullement l’agrément de telle ou telle personne, ni ne convoite les biens de ce bas monde. »

    Savant et jurisconsulte réputé, le pieux et ascète Aboû Hanîfa An-Nou’mâne est également un pédagogue hors pair. Beaucoup de ses disciples deviendront des sommités en sciences religieuses et occuperont de hautes fonctions dans la société musulmane. Aboû Yoûssouf sera pendant longtemps qâdî al-qodât (garde des sceaux) et Mouhammad Ibnou Al-Hassan Ach-Chaybânî un imâm tant pour le fiqh d’opinion que pour le fiqh du hadîth. Il transmit également Al-mouwatta’ de l’imâm Mâlik .
Aboû Hanîfa mentionne souvent ses compagnons qui sont restés avec lui : « Ils sont au nombre de trente-six : vingt-huit sont aptes à devenir des qâdî, six sont capables de donner des fatâwâ et deux — Aboû Yoûssouf et Zafar — sont aptes à enseigner aux qâdî et aux mouftî ». En raison de son jeune âge Mouhammad Ibnou Al-Hassan Ach-Chaybânî n’est pas cité.
Aboû Yoûssouf et Mouhammad Ibnou Al-Hassan Ach-Chaybânî, s’assoient respectivement à droite et à gauche d’Aboû Hanîfa lors des réunions d’experts ; Zafar est le plus ancien élève.
Ces trois disciples vont propager la pensée hanafite et faire des émules, mais ce ne sera que sous le califat ottoman que l’école et le rite hanafite recevront la reconnaissance officielle de leur statut. Un petit mot à leur propos s’impose :

·        Aboû Yoûssouf : son véritable nom est Ya’qoûb Ibnou Ibrâhîm Ibnou Habîb Al-Ançârî Al-Koûfî. Il est arabe. Il est né en 113 H et meurt en 182 H.
Il grandit dans la pauvreté et le besoin. Il est l’élève d’Ibnou Abî Laylâ pendant neuf ans avant de rejoindre Aboû Hanîfa qui le soutient financièrement. Après la mort de son maître, il étudie également avec des savants du hadîth.
Il devient qâdî (juge) sous trois califes : Al-Mahdî, Al-Hâdî et Ar-Rachîd. Sa position profite à l’école hanafite en matière d’influence. L’analogie et l’istihsâne lui permettent de juger avec justesse les affaires courantes.
Aboû Yoûssouf écrit de nombreux livres contenant ses opinions et celles de son cheikh.Parmi ses ouvrages les plus connus, Kitâb al-kharâj traite des affaires financières de l’Etat et  a été écrit pour Hâroûn Ar-Rachîd.
Il transmet Kitâb al-âthâr qui contient un nombre de fatâwâ qu’Aboû Hanîfa a sélectionnées des Tâbi’în ou qui sont opposées aux positions existantes à Koûfa. Il écrit aussi un livre traitant des désaccords d’Ibnou Abî Laylâ avec Aboû Hanîfa, et soutient celui-ci même si les deux ont été ses enseignants.

·      Mouhammad Ibnou Al-Hassan Ach-Chaybânî : il fait partie des mawâlî (c’est-à-dire des convertis non arabes du début de l’Islam, souvent d’anciens esclaves affranchis par leur conversion et restés attachés à leur ancien maître arabe par un lien de dépendance appelé al-wala’). Il est né en 132 H et meurt en 189 H.
Il n’a que dix-huit ans au décès d’Aboû Hanîfa, pourtant il compile une étude du fiqh d’Irak plus complète que celle d’Aboû Yoûssouf.
Après avoir appris le fiqh d’opinion des Iraquiens, il se rend auprès de Mâlik et apprend le fiqh du hadîth, les transmissions et opinions de l’imâm Mâlik . Il reste auprès de celui-ci pendant  trois années. Il est nommé qâdî sous Ar-Rachîd. Il reste auprès d’Al-Awzâ’î, autre érudit, en Syrie.
Il est considéré comme le préservateur du fiqh d’Irak à la postérité. Il transmet le savoir d’Aboû Hanîfa et d’Aboû Yoûssouf et également Al-mouwatta’ de Mâlik.Son apparence compte beaucoup, à tel point qu’Ach-Châfi’î dit de lui : « Mouhammad Ibnou Al-Hassan ravit autant l’œil que le cœur ».
Les livres d’Ach-Chaybânî constituent la première source du fiqh hanafite : Al-mabsoût (appelé parfois Al-açl) et Al-Jâmi’ Aç-çaghîr, Al-jâmi’ Al-kabîr, Kitâb assiyar aç-çaghîr et Kitâb assiyar al-kabîr. Ses livres nommés Aç-çaghîr ont pu être révisés par son maître Aboû Yoûssouf, ce qui n’est pas le cas des livres nommés Al-Kabîr.

·      Zafar Ibnou Houdhayl : il accompagne Aboû Hanîfa avant les deux précédents disciples. Son père est arabe et sa mère perse. Il meurt en 158 H à l’âge de 84 ans.Il est très précis dans l’analogie. On ne lui connait aucun ouvrage, il transmet oralement les enseignements d’Aboû Hanîfa.
Il devient le qâdî de Bassora du vivant d’Aboû Hanîfa. Lors de sa nomination, Aboû Hanîfa lui dit : « Tu connais l’animosité, l’envie et la rivalité qui existent entre nous et les gens de Bassora. Je ne pense pas qu’ils t’épargneront. » Lorsqu’il se rend à Bassora, les savants se rassemblent autour de lui et se mettent à débattre avec lui sur le fiqh, jour après jour. Quand il constate qu’ils acceptent ses arguments, il leur dit : « C’est la position d’Aboû Hanîfa. » Il persévère ainsi jusqu’à ce qu’ils finissent par l’accepter complètement et que leur haine se transforme en affection.
Il remplace Aboû Hanîfa dans son cercle après sa mort (150H) et Aboû Yoûssouf lui succède après.

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