Commentaire de l’aphorisme 1 (article)

Sagesses d'Assakandarî (articles)

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« من عَلامة الإعتماد على العمل، نُقْصانُ الرّجاءِ عنْد وُجود الزَّلَل »

« Le signe que l’on compte sur l’action, c’est la diminution de l’espérance quand il y a chute »

   Chaque musulman recherche la satisfaction d’Allâh. Pour ce faire, il donne son maximum pour se soumettre à Ses injonctions et s’écarter de Ses proscriptions.

   Ainsi le fidèle commence par pratiquer sa religion en s’attelant à appliquer ce qui est obligatoire (cinq prières quotidiennes, jeûne du mois de Ramadan, zakât, pèlerinage, respect des parents, véracité des propos, etc.), puis il ajoute à cela des pratiques surérogatoires (prier les nawâfil, jeûner les lundis et les jeudis, lire le Coran, donner l’aumône, etc.). Un hadith qodsî confirme la primauté des actes obligatoires sur les surérogatoires. Allâh énonce : « Celui qui sera hostile à un de mes élus, je lui déclarerai la guerre. Rien ne fera rapprocher un esclave de Moi mieux que l’accomplissement de ce que Je lui ai prescrit. Mon esclave ne cesse de se rapprocher de Moi par des actes surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Et quand Je l’aime Je suis son oreille avec laquelle il entend, son œil avec lequel il voit, sa main avec laquelle il frappe et son pied avec lequel il marche. S’il me demande protection, Je le protègerai. » [Rapporté par Al-Boukhârî.]

   Lorsque l’itinérant commence à bien adorer et à bien cheminer vers son Seigneur, il développe un état d’esprit qui correspond à un des deux cas de figure suivants :

– soit il ne donne aucune valeur à ses bonnes actions, aussi nombreuses soient-elles, et continue de manifester de la modestie tout en sachant que ces œuvres n’équivalent pas le prix du paradis et l’agrément de Dieu ;

– ou alors il pense que grâce à l’accomplissement de ces œuvres et au cheminement effectué, il est sauvé ; qu’il a payé le prix du paradis et s’est garanti l’agrément de Dieu.

    Au lieu de miser sur la miséricorde de Dieu et sur Son pardon, il compte plus sur ses actions et ses bonnes œuvres, croyant qu’ils le mèneront au salut éternel.

   Or, le Prophète a dit : « Aucun de vous n’entrera au Paradis par ses bonnes œuvres. »  Ses compagnons demandèrent : « Pas même toi, Messager de Dieu ? » Il répondit : «  Non, pas même moi, sauf si Dieu me couvre de Sa grâce et de Sa miséricorde. » [Rapporté par Mouslim.]

   Si cette question était posée à chaque fidèle : « Es-tu de ceux qui s’en remettent à la grâce d’Allâh ou parmi ceux qui comptent sur leurs bonnes œuvres ? » Chacun répondra certainement qu’il fait partie de la première catégorie.

   Si cela était vrai, la mise en garde du Prophète à travers ce hadîth n’aurait plus lieu d’être. Or, Dieu et Son Prophète savent qu’une grande majorité de musulmans appartient à la deuxième catégorie !

   Plusieurs signes confirment cette vérité. Parmi ces preuves, Ibnou ‘Atâ’i Allâh en cite une seule dans son premier aphorisme : « la diminution de l’espérance quand il y a chute ».

   Lorsque certains adorateurs tombent dans l’erreur ou dans le péché ― ce qui est fréquent ―, ils perdent confiance en eux-mêmes et pensent qu’ils ne mériteront plus le pardon de Dieu puisque leurs œuvres adoratives ont été entachées par le péché. Cette attitude prouve qu’ils comptaient plus sur leurs adorations pour mériter le paradis que sur la miséricorde divine.

   Le Prophète a bien dit : « Aucun de vous n’entrera au Paradis par ses bonnes œuvres. » et non : « Vous n’entrerez pas au paradis grâce à vos œuvres. »
Ce hadîth paraît contradictoire avec des versets coraniques tels que : « Aucun être ne sait ce qu’on a réservé pour eux comme réjouissance pour les yeux, en récompense de ce qu’ils œuvraient. », s.32 As-Sajda (La Prosternation), v.17.

فَلَا تَعۡلَمُ نَفۡسٌ۬ مَّآ أُخۡفِىَ لَهُم مِّن قُرَّةِ أَعۡيُنٍ۬ جَزَآءَۢ بِمَا كَانُواْ يَعۡمَلُونَ

   En fait, les actions sont une cause pour obtenir la satisfaction d’Allâh et elles sont à l’origine de la miséricorde de Dieu, grâce à laquelle le musulman peut entrer au paradis. Mais sans la miséricorde divine, les actions ne peuvent en aucun cas être le prix du paradis.

   Qui peut prétendre que ses actions équivalent le prix du paradis ? Celui qui pense correspondre à ce profil se ment à lui-même. Trois raisons corroborent cet état de fait :

1 – la valeur du paradis est inestimable et aucun des biens de ce monde ni leur somme ne peuvent valoir le paradis, y compris les bonnes actions du musulman ;

2 – celui qui vend un bien, reçoit en contrepartie une somme d’argent qui va l’enrichir et de laquelle il va profiter. Or Allâh n’a pas besoin des actions de Ses serviteurs, et celles-ci n’augmentent pas la valeur de Sa royauté, de même que la désobéissance de l’homme ne la réduit pas. Dieu confirme cette vérité dans le hadîth qodsî rapporté par Mouslim d’Aboû Dharr Al-Ghifârî :

● « Ô Mes serviteurs, Je me suis interdit l’injustice à Moi-même et je l’ai rendue interdite entre vous : ne soyez donc pas injustes les uns avec les autres. »

Plus loin Il dit :

● « Ô Mes serviteurs, si le premier et le dernier d’entre vous, si les hommes et les djinns parmi vous avaient dans le cœur toute la piété du plus pieux d’entre vous, cela n’ajouterait rien à Mon royaume. » ;

● « Ô Mes serviteurs, si le premier et le dernier d’entre vous, si les hommes et les djinns parmi vous avaient dans le cœur, toute l’impiété du plus impie parmi vous, cela ne diminuerait rien de Mon royaume. »

● « Ô Mes serviteurs, si le premier et le dernier d’entre vous, si les hommes et les djinns parmi vous se tenaient tous sur une même terre, si tous Me demandaient quelque faveur et si Je la donnais à tous ceux qui la demandent, cela ne diminuerait en rien ce que J’ai, pas plus que la mer dans laquelle on plonge une aiguille n’est diminuée de cela. »

3 – Les bonnes actions du musulman sont le résultat de la guidance de Dieu ; donc dans l’absolu, le fidèle n’a aucun mérite à les avoir accomplies : « Alors que c’est Allâh Qui vous a créés, vous et ce que vous faites. », s.37 Aç-Çâffât (Les Rangs), v. 96.

وَٱللَّهُ خَلَقَكُمۡ وَمَا تَعۡمَلُونَ

    Dieu blâme dans le Coran ceux qui croient que leur appartenance à l’Islam est une faveur provenant d’eux-mêmes : « Ils te rappellent leurs conversion à l’Islam comme si c’était une faveur de leur part. Dis : “Ne me rappelez pas votre conversion à l‘Islam comme une faveur. C’est tout au contraire une faveur dont Allâh vous a comblés en vous dirigeant vers la foi. Si toutefois vous êtes véridiques.” », s.49 Al-Houjourât (Les Appartements), v.17.

يَمُنُّونَ عَلَيۡكَ أَنۡ أَسۡلَمُواْ‌ۖ قُل لَّا تَمُنُّواْ عَلَىَّ إِسۡلَـٰمَكُم‌ۖ بَلِ ٱللَّهُ يَمُنُّ عَلَيۡكُمۡ أَنۡ هَدَٮٰكُمۡ لِلۡإِيمَـٰنِ إِن كُنتُمۡ صَـٰدِقِينَ

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   C’est en effet Allâh  Qui guide les cœurs vers Lui : « […] Allâh élit et rapproche de Lui qui Il veut et guide vers Lui celui qui se repent. », s.42 Ach-Choûrâ (La Consultation), v.13.

ٱللَّهُ يَجۡتَبِىٓ إِلَيۡهِ مَن يَشَآءُ وَيَہۡدِىٓ إِلَيۡهِ مَن يُنِيبُ   […]

De même, c’est Lui Qui guide vers les bonnes œuvres. Il est Le Créateur du corps, des membres et de l’esprit qui les accomplissent. Il a envoyé aux hommes un Prophète et un Livre, en l’occurrence le Coran, pour leur faciliter la découverte de leur Seigneur et leur donner les moyens les plus efficaces pour entrer en communion avec Lui. Quel est donc le mérite du musulman ? Lorsque le fidèle accomplit sa prière, n’est-ce pas Dieu Qui lui a donné le courage, la force et la volonté de l’effectuer ? La volonté de l’homme est minime devant la Sienne. Le repentir de l’être humain n’est que le résultat de la volonté divine.

   Un homme pieux a fait un rêve dans lequel il vit son ami défunt, un adorateur plein de dévotion. Il lui demanda : « Qu’est-ce qu’a fait Dieu de toi ? » Le mort lui répondit : « Il m’a mit devant Lui et m’a demandé :

“Que m’as-tu ramené comme œuvre?

― Je ne suis qu’un serviteur ! Lui répondis-je.

― Et que peut apporter un serviteur à son Seigneur ?

― Je suis venu avec l’espoir de bénéficier de Ton pardon et le désir de recevoir de Ta générosité. »

   Avec cet aphorisme, Ibnou ‘Atâ’i Allâh s’adresse aux aspirants qui débutent leur cheminement spirituel vers Dieu et les avertit : qu’ils ne soient pas fiers des œuvres apparentes qu’ils accomplissent et s’ils rejoignent un groupe qui chemine vers Dieu, qu’ils ne croient pas avoir atteint l’objectif absolu d’être parmi les méritant du paradis.

   Outre ces mises en garde, un autre type d’œuvres doit être développé par le croyant : les œuvres du cœur comme la crainte révérencielle, l’espérance en Allâh, la pudeur, l’humilité, la patience, etc.

   Dans son aphorisme, Ibnou ‘Atâ’i Allâh choisit d’aborder l’espérance : « Parmi les signes que l’on compte sur l’action, la diminution de l’espérance quand il y a chute. » Il s’agit d’espérer la guidance de Dieu, Sa miséricorde, Ses bénédictions, Sa clémence et Son pardon, mais aussi Sa récompense.

   Si ce genre de sensations qui relèvent du cœur ne sont pas atteintes, le croyant finit par tout perdre, même les œuvres apparentes. Celui qui chemine vers Dieu doit en effet emprunter une voie semée d’embuches : « Or, il ne s’engage pas dans la voie difficulté ! Et qui te dira ce qu’est la voie difficile ? », s.90 Al-Balad (La Cité), v.11-12.

فَلَا ٱقۡتَحَمَ ٱلۡعَقَبَةَ (١١) وَمَآ أَدۡرَٮٰكَ مَا ٱلۡعَقَبَةُ

   Cette voie présente énormément d’épreuves et de tribulations. Le Coran ne manque pas de le spécifier : « Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fait la bonne annonce aux endurants qui disent, quand un malheur les atteint : “Certes nous sommes à Allâh, et c’est à Lui que nous retournerons”. », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.155-156.

وَلَنَبۡلُوَنَّكُم بِشَىۡءٍ۬ مِّنَ ٱلۡخَوۡفِ وَٱلۡجُوعِ وَنَقۡصٍ۬ مِّنَ ٱلۡأَمۡوَٲلِ وَٱلۡأَنفُسِ وَٱلثَّمَرَٲتِ‌ۗ وَبَشِّرِ ٱلصَّـٰبِرِينَ (١٥٥) ٱلَّذِينَ إِذَآ أَصَـٰبَتۡهُم مُّصِيبَةٌ۬ قَالُوٓاْ إِنَّا لِلَّهِ وَإِنَّآ إِلَيۡهِ رَٲجِعُونَ

   Le Prophète  le confirme en disant : « Les plus éprouvés parmi les gens, les prophètes, ensuite les meilleurs. Les gens sont éprouvés selon leur religiosité, celui dont la pratique est forte, l’épreuve sera forte, celui dont la pratique est faible, l’épreuve sera faible. L’homme est touché par l’épreuve au point de marcher parmi les gens sans avoir de péché. » [Rapporté par At-Tirmidhî.]

   S’ils affirment leur retour à Dieu pendant les tribulations, c’est que leur espérance en Sa miséricorde et en Sa récompense est sincère : ceux-ci ont accompli les vraies œuvres, celles du corps et celles du cœur.

   Quant à ceux qui se basaient sur l’apparence et sur les actions visibles, leur pratique s’altère face à l’épreuve comme le dit si bien Ibnou ’Atâ’i Allâh : « Le signe que l’on compte sur l’action, c’est la diminution de l’espérance quand il y a chute. ». Ces individus délaissent une grande partie, voire la totalité de leurs bonnes œuvres. En réalité, l’espoir qu’ils manifestent n’est pas authentique, ou du moins n’est pas à la hauteur des actes apparents qu’ils accomplissent. L’espérance de ces gens-là est donc tronquée, falsifiée, voire hypocrite.

   Nombreuses sont les personnes qui manifestent une grande ferveur religieuse à un moment de leur vie. Que ce zèle concerne leur pratique ou leur volonté de suivre la voie qui mène à Dieu, pour beaucoup il ne dure que le temps d’une épreuve. C’est également une manière pour certains de se valoriser auprès des autres et de camoufler ainsi leurs faiblesses ou leurs incompétences. Ceux-là chutent rapidement dès les premières tribulations et perdent cette ferveur dès qu’ils sont séduits par les jouissances de la vie ou dès qu’ils ne peuvent plus supporter une épreuve entravant leur cheminement. En revanche, ceux qui ont développé les œuvres du cœur acquièrent la véritable espérance qui ne fléchit jamais malgré les épreuves et leur rudesse.

   Avec cet aphorisme, Ibnou ‘Ata’i Allâh met en garde ceux qui aspirent à un cheminement spirituel particulier, mais aussi le commun des musulmans au sujet d’une confiance aveugle accordée aux bonnes œuvres accomplies. Le fidèle doit accorder autant d’importance aux œuvres du cœur qu’à celles du corps et de la raison. En outre, une préparation spirituelle est nécessaire pour affronter les difficultés liées au cheminement vers Dieu. En choisissant cette voie, le croyant doit vouer toutes ses actions exclusivement à Allâh. Enfin, l’espoir qu’il place en Dieu doit être immense, car c’est par la miséricorde divine que le musulman atteindra le paradis.

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