Commentaire de l’aphorisme 13 (article)

Sagesses d'Assakandarî (articles)

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كيفَ يُشرق قلبٌ صُوَرُ الأكوان مُنْطبعة في مِرآته ؟

‏أم كيف يرحلُ إلى الله وهو مُكَبَّلٌ بشهواته؟

أم كيف يطمعُ أن يَدخل حضرة الله وهو لم يتطهَّر من جنابة غفلاته‏ ؟

‏أم كيف يرجو أن يَفهم دقائق الأسرارِ وهو لم يَتُب من هفواته ‏؟

   « Comment recevrait-il l’illumination, le cœur dont le miroir reflète l’image des créatures ? Ou comment s’en irait-il vers Dieu enchaîné par ses pulsions ?

Peut-il désirer entrer en présence de Dieu s’il ne s’est pas d’abord purifié de ses négligences ? Ou comment souhaiter l’intelligence intime des mystères, s’il ne s’est pas repenti de ses moindres chutes ? »

Cet aphorisme est en rapport étroit avec celui qui le précède : « Rien n’est utile au cœur autant qu’une solitude qui le fait entrer dans le domaine de la méditation »

En effet, ces deux sagesses traitent du cœur. L’aphorisme 12 montre que la solitude qui mène à la méditation est le meilleur moyen de préserver le cœur des maladies spirituelles qui sont les causes incontestables de l’égarement et de la déviance. L’aphorisme 13 complète cette idée en expliquant que cette méditation ne peut s’opérer efficacement tant que le cœur est sous l’emprise de quatre éléments :

1- l’image des créatures ;

2- les passions néfastes ;

3- les négligences ;

4- les chutes.

Ce n’est que lorsque le méditant se libère de ces quatre obstacles que son cœur peut s’illuminer par la guidance de Dieu et qu’il peut s’élancer vers Lui pour s’En rapprocher. Il pourra alors bénéficier de Sa protection et comprendre les mystères de l’existence.

Ces obstacles sont évidemment liés ; il suffit d’éradiquer le plus influent d’entre eux pour que les autres s’effondrent un à un, laissant la voie libre au cœur pour cheminer vers la lumière divine.

De quel cœur parle Ibnou ‘Atâ’i Allâh ?

L’être humain est composé de trois sphères : le corps, l’esprit (la raison) et le cœur.

Le corps ne peut être animé de vie que lorsque l’âme y est insufflée. L’âme reste bien entendu un mystère dont Seul Dieu connait le secret : « Et ils t’interrogent au sujet de l’âme. Dis l’âme relève de l’Ordre de mon Seigneur. Et on ne nous a donné que peu de connaissance. », s.17 Al-Isrâ’ (Le Voyage nocturne), 85.

Le corps et l’âme qui anime celui-ci sont communs à tous les animaux, c’est pourquoi cette âme est qualifiée de « bestiale ». Elle se distingue de l’âme qui caractérise l’humain et dont les autres créatures sont dépourvues. Cette âme typiquement humaine regroupe justement les deux composantes citées en amont : l’esprit (la raison) et le cœur.

Ces deux constituants sont à l’origine du privilège dont jouit l’homme et justifient le choix divin de lui confier la responsabilité de l’intendance (al-khilâfa : الخِلافَة) sur terre. C’est aussi grâce à ces deux éléments que l’homme a pu développer des civilisations prestigieuses, des sciences inépuisables et des cultures diversifiées : l’esprit (la raison) renferme la perception et la prise de conscience, tandis que le cœur recèle les sentiments et les passions.

Ibnou ‘Atâ’i Allâh As-Sakandarî ne fait en aucun cas référence au cœur en tant qu’organe musculaire assurant le rôle de pompe à sang protégée par le thorax. Il parle plutôt du cœur comme étant la source des sentiments qui motivent, des intuitions qui dissuadent et des émotions qui suscitent la glorification. Les premiers incitent l’être humain à aimer, apprécier et estimer avec justesse la valeur de chaque chose ; les seconds l’appellent à craindre, détester et à repousser le mal, tandis que les troisièmes provoquent en lui la fascination, l’admiration et le respect.

Le cœur est donc le centre de tous les sentiments qui animent l’homme dans son quotidien : c’est avec ce cœur que l’être humain glorifie son Seigneur, qu’il L’aime et qu’il L’exalte ; c’est avec ce cœur qu’il aime le Prophète , ses parents, son conjoint, ses enfants, ses amis et ses proches ; enfin c’est avec ce cœur qu’il aime le luxe, les biens matériels et la notoriété.

C’est avec cette même entité qu’il déteste Satan, ses ennemis, la mécréance, la pauvreté, etc.

Ibnou ‘Atâ’i Allâh considère même le cœur comme étant une véritable centrale productrice de sentiments. Cette usine fonctionne à l’aide d’un grand miroir qui réceptionne les images de la réalité perçues par le cœur. Leur réflexion produit alors les divers sentiments : chacun d’entre eux concorde avec l’image réfléchie par le miroir.

Si l’homme est témoin d’une situation qui correspond à ses désirs ou à ses aspirations, le miroir de son cœur la détectera comme telle et donnera ainsi naissance au sentiment d’amour. Si ce qu’il voit est diamétralement opposé à ses attentes ou à ses rêves, il ressentira de l’aversion ou de la haine. En revanche, s’il remarque que certains de ses pairs ont réalisé leur rêve avant lui sur cette terre, son cœur sera le berceau de l’envie et de la jalousie. Enfin, si l’être humain ne se sent pas estimé tel qu’il aimerait l’être, c’est la colère qui emplira son cœur.

Le cœur est véritablement un organe de détection et de production : il décèle l’impact de ce qui entoure l’être humain et produit les sentiments relatifs à l’évaluation de la situation.

Maintenant que la nature et la fonction du cœur présenté par Ibnou ‘Atâ’i Allâh ont été définis, une légitime question se profile : qu’est-ce qui gère le comportement et les actes de l’être humain ? L’homme agit-il en accord avec les prises de conscience de son esprit ou se laisse-t-il mener par les différents sentiments produits par son cœur ?

Les psychologues affirment que la part d’intervention des sentiments dans le comportement de l’homo sapiens représente 70%, tandis que la participation de sa raison ne correspond qu’à 30%. Si le comportement de l’homme se basait uniquement sur la perception cognitive, les sociétés humaines vivraient dans l’harmonie la plus totale : plus d’injustice, plus de guerre, plus de différenciation sociale, plus de mécréance, etc.. La raison veut que l’homme aime pour autrui ce qu’il aime pour lui-même ; elle exige que l’altruisme triomphe sur l’égoïsme et l’équité sur l’iniquité ; elle cherche à enrayer la haine pour privilégier l’amour. La jalousie, l’envie ou l’orgueil n’auraient ainsi plus de place dans la vie de l’être humain.

Mais en réalité, Dieu a voulu que l’homme soit jugé sur sa capacité à équilibrer l’influence de la raison et l’emprise des sentiments. Une juste dose entre ces deux éléments de décision permettra à l’être humain d’adopter un comportement conforme à la législation islamique. L’homme doit gouverner ses sentiments par la raison, qui s’inspire elle-même de la révélation divine. C’est dans cette optique qu’intervient l’éducation ; son rôle est essentiel puisque son action vise à soumettre les sentiments et les instincts à la gouvernance de la raison en usant de moyens divers. L’éducation islamique a un impact encore plus important, car elle alimente l’esprit avec des ingrédients issus du Coran et de la sunna pour aboutir au même résultat. En effet, celui qui ne se régénère pas dans la source de la révélation divine verra sa raison fléchir inexorablement devant le poids des sentiments et des instincts ; et celui qui ne donne pas la primauté à la raison croulera sous la charge de ses envahissantes passions.

La raison, le cœur et la révélation divine sont finalement à l’image des trois sommets d’un triangle. Ils interagissent tous les trois pour maintenir un équilibre permettant à l’homme de concrétiser sa fonction première – ce pour quoi il fut créé –, à savoir adorer Dieu et exploiter la terre.

La Révélation joue trois rôles capitaux :

– elle oriente la raison pour maintenir la lucidité et l’équilibre ;

– elle dompte et sélectionne les sentiments pour protéger l’homme et ce qui l’entoure ;

– elle tient compte de la relativité de la raison humaine et de la force des sentiments bestiaux de l’homme en instaurant le pardon, la magnanimité ou la miséricorde, des vertus relatives aux attributs divins.

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La jouissance éphémère des créatures

Grâce aux explications fondamentales apportées en amont, l’aspirant comprend plus facilement le sens de l’aphorisme d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh As-Sakandarî : « Comment recevrait-il l’illumination le cœur dont le miroir reflète l’image des créatures ? Ou comment s’en irait-il vers Dieu enchaîné par ses passions ? Peut-il désirer entrer en la présence de Dieu s’il ne s’est pas d’abord purifié de ses négligences ? Ou comment souhaiter l’intelligence intime des mystères, s’il ne s’est pas repenti de ses moindres chutes ? »

Si l’homme est continuellement à l’affût des biens matériels, des jouissances de la vie terrestre et qu’il accorde trop d’importance aux apparences et à la notoriété, il ne pourra jamais se transcender pour se rapprocher de son Créateur. Le luxe et l’abondance tant convoités finiront par occuper toute la surface du miroir de son cœur, ne laissant aucune place à la réflexion de la lumière de Dieu. Le cœur qui est dans cet état ne peut être touché par l’exhortation, ni par la lecture ou l’écoute du Coran, ni par un hadîth du Prophète, ni par un prêche du vendredi, ni par la mort d’un proche, etc. Allâh  évoque ce problème plusieurs fois dans le Coran : « Pas du tout, mais ce qu’ils ont acquis a couvert leurs cœurs. », s.83 Al-Moutaffifîn (Les Fraudeurs), v.14 ; « Pourquoi ne méditent-ils pas sur le Coran ? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs ? », s.47 Mouhammad, v.24 ; « Ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent. », s.22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v.46.

Malheureusement, un grand nombre de musulmans se trouvent dans cet état. Ils vivent une sorte de schizophrénie. Ce type de croyants est convaincu de l’existence de Dieu et du jour du jugement, mais aussi du caractère éphémère de la vie d’ici-bas et de ses jouissances. Ils reconnaissent la véracité et la pertinence des messages d’exhortation issus du Coran et de la sunna, le bien-fondé de ceux que délivrent les savants et les prêcheurs, mais dès qu’ils quittent le contexte dans lequel ils ont écouté ces rappels, leurs passions reprennent le dessus et saisissent le gouvernail de leur personne.

Si le musulman est convaincu des vérités coraniques, pourquoi son corps et son comportement ne se plient-ils pas à leurs exigences ? La réponse d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh est sans équivoque : « Comment recevrait-il l’illumination celui dont le miroir reflète l’image des créatures ? » En effet, si son cœur ne se préoccupe que des créatures, comment pourrait-il se soumettre au Créateur ? Si le miroir de son cœur n’est sensible qu’aux jouissances terrestres et éphémères, comment pourrait-il découvrir les délectations célestes et éternelles ?

Son cœur est incapable de produire des sentiments sains et équilibrés, puisqu’il se consacre à la production de sensations issues de ses instincts bestiaux et de ses pernicieux penchants.

Lorsque cupidité, avarice, jalousie, égoïsme et rivalité dans cette vie emplissent le champ de son cœur, comment espérer trouver une place où planter les semences de la guidance pour les voir germer et fructifier ?

En réalité, le cœur est colonisé par les images des créatures alors qu’il devrait se sentir concerné par l’appel de Dieu : « Le moment n’est-il pas venu pour ceux qui ont cru, que leurs cœurs s’humilient à l’évocation d’Allâh et devant ce qui est descendu de la vérité [le Coran] ? Et de ne point être pareils à ceux qui ont reçu le Livre avant eux. Ceux-ci trouvèrent le temps assez long et leurs cœurs s’endurcissent et beaucoup d’entre eux sont pervers. », s.57 Al-Hadîd (Le Fer) v.16.

La raison transmet régulièrement des messages au cœur, surtout lorsqu’elle n’a pas encore été asservie par les passions et qu’elle dispose d’une marge de liberté. Mais ces informations relatives à la connaissance de Dieu ne peuvent s’inscrire dans le cœur si celui-ci est pollué par de mauvaises dispositions. Un cœur fertile est la clé d’une réceptivité optimale qui permettra l’application de ces enseignements bienfaisants dans la réalité de l’individu. Autant dire que le savoir ne suffit pas au croyant pour cheminer vers Dieu, bien qu’il soit nécessaire.

Bal‘am Ibnou Bâ‘oûrâ, un croyant des Banoû Isrâ’îl, n’échappa pas à son destin. Allâh l’avait doté d’un vaste savoir. Certains exégètes parlent de sa connaissance du Nom glorieux de Dieu : celui qui supplie Dieu avec ce nom verra son invocation exaucée. Mais au lieu de profiter de cette science et de libérer son cœur des attractions terrestres pour se soumettre à Dieu, il a préféré suivre ses passions, qui l’ont fatalement traîné dans les filets de Satan. Allâh  retrace son funeste parcours dans le Coran : « Et raconte-leur l’histoire de celui à qui Nous avions donné Nos signes et qui s’en écarta. Le Diable, donc, l’entraîna dans sa suite et il devint ainsi du nombre des égarés. Et si Nous avions voulu, Nous l’aurions élevé par ces mêmes enseignements, mais il s’inclina vers la terre et suivit sa propre passion. Il est semblable à un chien qui halète si tu l’attaques, et qui halète aussi si tu le laisses. Tel est l’exemple des gens qui traitent de mensonges Nos signes. Eh bien raconte le récit. Peut-être réfléchiront-ils ! », s.7 Al-A‘râf, v.175-176.

Cet homme s’égara tellement qu’il termina son existence à la merci du diable. Le conseil ou l’exhortation ne lui étaient plus d’aucune utilité et Satan n’avait plus besoin d’intervenir puisqu’il l’avait tout simplement conditionné à sa cause. Bal‘am Ibnou Bâ‘oûrâ s’apparentait alors au chien haletant en toutes circonstances. La parabole qu’utilise Dieu dans le Coran se rapporte également à l’homme qui court derrière les jouissances terrestres, pantelant même lorsqu’il s’arrête, désespéré d’atteindre ce qu’il convoitait.

Les chaînes de la passion

Dans la deuxième phrase de l’aphorisme, Ibnou ‘Atâ’i Allâh dit : « Comment s’en irait-il vers Dieu enchaîné par ses passions ? ». Cette question rhétorique reprend les paroles rapportées sur le Prophète  : « L’un de vous ne peut être croyant que lorsque sa passion suit ce [la législation] qui m’a été révélé. » [Hadîth jugé bon par An-Nawawî et faible par d’autres.]

L’être humain tend naturellement vers des penchants irrésistibles qui sont à l’origine d’un amour irréfrénable, comme il est précisé dans le Coran : « On a enjolivé aux gens l’amour des choses qu’ils désirent : femmes, enfants, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux marqués, bétail et champs ; tout cela est l’objet de jouissance pour la vie présente […] », s.3 Âli ‘Imrâne (La Famille de ‘Imrâne), v.14.

L’Islam a pour objectif de dompter ces penchants naturels, d’une part pour empêcher le croyant de tomber dans l’illicite et d’autre part pour que l’amour de Dieu domine le tout de sorte que le croyant n’assouvisse ses désirs qu’en se contentant de ce qu’Allâh lui autorise de faire.

Dieu dit : « Si vos pères, vos enfants, vos frères, vos épouses, vos clans, les biens que vous gagnez, le négoce dont vous craignez le déclin et les demeures qui vous sont agréables, vous sont plus chers qu’Allâh, Son messager et la lutte dans le sentier d’Allâh, alors attendez qu’Allâh fasse venir Son ordre. Et Allâh ne guide pas les gens pervers. », s.9 At-Tawba (Le Repentir), v.24.

Ainsi, lorsque le verset interdisant la consommation de vin fut révélé, les musulmans n’ont pas hésité à déverser leurs réserves d’alcool dans les ruelles de Médine, malgré l’amour qu’ils portaient à cette boisson. De même, Anas  rapporta que les Compagnons s’étaient mis à cuisiner la viande des ânes domestiques pendant la bataille de Khaybar, quand quelqu’un leur apprit que le Prophète  leur en avait interdit la consommation ; tous vidèrent alors leurs marmites sans même poser de question. Idem quand les Compagnons furent sommés de combattre les polythéistes, ils s’exécutèrent malgré la présence de leurs pères, leurs frères et leurs proches incrédules dans le clan ennemi.

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Les Compagnons avaient su dompter leurs passions pour les conformer à l’Islam. La liberté qu’ils accordaient à leurs penchants naturels se limitait au cadre licite agréé par Dieu. Leurs cœurs réceptionnaient ainsi facilement les messages de l’Islam, ce qui se reflétait directement sur leur pratique et leur comportement.

Se libérer de la négligence et se repentir des chutes

Une fois les passions domptées, le croyant a besoin de se purifier de ses négligences. C’est ce qui préoccupe Ibnou ‘Atâ’i Allâh dans la troisième phrase de son aphorisme : « Comment peut-il désirer entrer en présence de Dieu s’il ne s’est pas d’abord purifié de ses négligences ? »

L’aspirant doit donc s’efforcer de respecter ses obligations envers Dieu, envers son prochain et vis-à-vis de tout ce qui l’entoure sans laisser la moindre place à la négligence. C’est en ce sens que Dieu dit dans le hadîth qodsî : « … Et le meilleur moyen pour Mon serviteur de se rapprocher de Moi, c’est de se conformer à ce que Je lui ai prescrit … » [Rapporté par Al-Boukhârî]. Une scrupuleuse obéissance aux prescriptions divines reste la clé d’un rapprochement certain du serviteur en direction d’Allâh .

Enfin, Ibnou ‘Atâ’i Allâh termine son aphorisme en interpellant son lectorat : « Ou comment souhaiter l’intelligence intime des mystères, s’il ne s’est pas repenti de ses moindres chutes ? »

En effet, les péchés mènent à la négligence, et celle-ci est la cause de la soumission de l’être humain aux mauvais penchants. Laisser les passions guider la vie de l’homme revient à ouvrir la porte de la colonisation du cœur par l’image des créatures.

Selon Ibnou ‘Atâ’i Allâh, la délivrance de l’être humain et la purification de son cœur commencent par le repentir et l’éloignement des péchés. Le commun des mortels n’est pas immunisé contre les transgressions comme le sont les prophètes ; il doit par conséquent se repentir dès qu’il enfreint les règles de conduite. Dieu annonce dans le Coran : « Et pour ceux qui, s’ils ont commis quelque turpitude ou causé quelque préjudice à leurs propres âmes [en désobéissant à Dieu], se souviennent d’Allâh et demandent pardon pour leurs péchés – et qui est-ce qui pardonne les péchés sinon Allâh ? – et qui ne persistent pas sciemment dans le mal qu’ils ont fait, ceux-là ont pour récompense le pardon de leur Seigneur, ainsi que les jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, pour y demeurer éternellement. Comme est beau le salaire de ceux qui font le bien ! », s.3 Âli ‘Imrâne (La Famille de ‘Imrâne), v.135-136.

Le repentir est à l’image d’une gomme ou d’un effaceur qui nettoie le miroir du cœur de ce qui l’entache. Ce dernier ainsi purifié peut alors réfléchir la lumière divine et permettre au cœur de produire des sentiments nobles tels que l’amour de Dieu et de Son Prophète , l’amour du sacrifice pour le triomphe de l’Islam, une fraternité solide qui lie les croyants entre eux, l’attachement aux mosquées et aux pratiques rituelles, l’amour du Coran, etc. Ce n’est qu’à partir du moment où le croyant sous-estime les étourdissantes jouissances de l’ici-bas qu’il pourra cheminer progressivement vers son Seigneur. Sa foi évoluera alors jusqu’à atteindre le degré de la bienfaisance : il sera possible pour le fidèle de ressentir la présence de Dieu et de L’adorer comme s’il Le voyait.

Ce processus spirituel est le seul moyen de garantir un enracinement durable de l’amour de Dieu dans le cœur du croyant et d’éradiquer définitivement tout péché ou négligence laissant place aux mauvaises passions. Même si l’image des créatures peut toujours se refléter dans le miroir du cœur, c’est la beauté du Créateur que voit le croyant à travers la beauté des créatures. Tous les privilèges dont il jouit – biens matériels, notoriété, plaisirs terrestres –, sont d’une part obtenus de manière licite, et permettent d’autre part au croyant de se rapprocher davantage de son Seigneur puisqu’Allâh  est son Pourvoyeur, son Enrichisseur, celui qui l’a comblé des Ses bienfaits. N’est-ce pas Dieu qui dit : « […] Mangez de ce que votre Seigneur vous a attribué, et soyez-Lui reconnaissants, une bonne contrée et un Seigneur Absoluteur. », s.34 Saba’, v.15 ?

Si l’amour de Dieu n’est pas préalablement ancré dans le cœur, l’image des créatures et de leur beauté voilera la découverte de Dieu. En revanche celui qui aime Dieu, l’amour qu’il porte aux créatures terrestres n’est qu’une manifestation de l’amour qu’il porte à leur Créateur. Il sera alors à l’instar de Qays qui clamait son amour à Laylâ : « Je traverse les habitations de la cité de Laylâ en embrassant ce mur et ce mur. Ce n’est pas l’amour des habitations qui a rempli mon cœur, mais c’est plutôt l’amour de celle qui a résidé dans ces habitations. »

L’amour d’Allâh  passe donc également par la contemplation de Sa création, comme le précise le Coran : « Certes la création des cieux et de la terre, dans l’alternance de la nuit et du jour, dans le navire qui vogue en mer chargé de choses profitables aux gens, dans l’eau qu’Allâh fait descendre du ciel, par laquelle Il rend la vie à la terre une fois morte et y répand des bêtes de toute espèce dans la variation des vents et dans les nuages soumis entre le ciel et la terre, en tout cela il y a des signes pour un peuple qui raisonne. », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.164.

Cet aphorisme et son précédent tracent la feuille de route du cheminement vers Dieu. Le parcours commence par une solitude qui mène le cœur à une méditation ayant pour but de mieux comprendre les secrets de l’existence. L’itinérant en sortira avec la solide volonté de se repentir sincèrement des négligences causées par l’emprise de ses mauvaises passions sur lui-même. Il libérera ainsi son cœur des cadenas de la vie délusoire et lui permettra de refléter la lumière divine qui emplit son quotidien.

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