Commentaire de l’aphorisme 14 (article)

Sagesses d'Assakandarî (articles)

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الكونُ كلُّه ظُلمة، وإنما أناره ظهور الحق فيه. فمن رأى الكونَ ولم يشهده فيه أو عنده أو قبله أو بعده، فقد أعْوزَه وجود الأنوار، وحُجِبت عنه شموس المعارف بسُحُب الآثار

   « Ténèbres est le monde entier : seule l’illumine l’épiphanie de Dieu. Quiconque contemple le monde sans y discerner Dieu ou Le percevoir à proximité, avant ou après lui [ce monde], n’a pas encore de lumière en lui-même.

Entre lui et les astres de la gnose se dresse le voile des nuages des créatures. »

    Cette sentence s’inspire du verset 35 de la sourate 24 An-Noûr (La Lumière) où Dieu explique : « Allâh est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un récipient de cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat, son combustible vient d’un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu ne la touche. Lumière sur Lumière. Allâh guide vers Sa lumière qui Il veut ; Allâh propose aux hommes des paraboles et Allâh est Omniscient. »

   Largement commenté par les exégètes, ce verset connait plusieurs interprétations inspirées du Coran lui-même et de la sunna du Prophète . Un grand nombre considère que la lumière dont parle Allâh  représente Sa guidance, certains pensent qu’il s’agit du Coran, tandis que d’autres affirment qu’il s’agit du Prophète .

   En réalité, ces interprétations se valent toutes, d’autant plus qu’elles convergent vers une explication incontestable, à savoir la guidance d’Allâh . Plusieurs versets confirment cette idée de lumière révélatrice :

   « […] Et Nous avons fait descendre vers vous une lumière éclatante. », s.4 An-Nissâ’ (Les Femmes), v.174 ;

   « Et c’est aussi que Nous t’avons révélé une âme provenant de Notre Ordre. Tu n’avais aucune connaissance du Livre ni de la foi, Mais Nous en avons fait une lumière par laquelle Nous guidons qui nous voulons parmi Nos serviteurs […] », s.42 Ach-Choûrâ (La Consultation), v.52 ;

   « Ô gens du Livre ! Notre Messager vous est certes venu, vous exposant beaucoup de ce que vous cachiez du Livre et passant sur bien d’autres choses. Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus d’Allâh ! », s.5 Al-Mâ’ida (La Table servie), v.15 ;

   « Dis qui a fait descendre le Livre que Moise a apporté comme lumière et guide pour les gens ? », s.6 Al-An’âm (Les Bestiaux), v.91.

   Cette liste non exhaustive traduit parfaitement la nature plurielle de la guidance divine. Qu’il s’agisse en effet des livres révélés aux différents messagers ou du Coran transmis à Mouhammad  ; qu’il s’agisse de l’inspiration que recevait le Prophète  et qu’il exprimait par des mots, ou de celle qu’insuffle Dieu dans le cœur d’un croyant, toutes ces influences relèvent de la guidance de Dieu.

   Mais cette guidance ne s’applique pas seulement aux êtres humains, elle concerne tout ce qu’Allâh a créé. Tout ce qui existe dans les cieux et sur ou dans la terre est guidé par Dieu, comme le confirme le Coran : « […] Celui qui a donné à toute chose sa propre nature puis l’a guidée. », s.20 Taha, v.50. Inspirés par le Livre Saint, plusieurs éminents érudits ont explicité la nature gestionnaire de Dieu en se référant directement à Son attribut de lumière. Ainsi, l’imâm Al-Ghazzâlî a affirmé dans son épître Michkâtou Al-Anwâr (La niche des lumières) : « An-Noûr : La Lumière c’est le nom de L’Apparent grâce à Qui il y a toute apparence, Celui par Qui les choses se découvrent, à Qui les choses se découvrent et de Qui les choses se découvrent. Il est la vraie Lumière au dessus de laquelle il n’y a aucune lumière. Il a fait, exalté soit-Il, de Son nom An-Noûr (la Lumière) une preuve qu’Il n’est pas un néant et que c’est Lui Qui a sorti toute chose des ténèbres du néant vers l’apparence et l’existence. »

   L’imâm Al-Qortobî a déclaré : « Il convient de dire de Dieu – exalté soit-Il – qu’Il est une Lumière, dans le sens des louanges puisque c’est Lui qui fait exister les choses et qu’Il illumine toute chose. C’est de Lui qu’elles ont débuté et de Lui qu’elles ont existé. »

   Moujâhid a tout simplement énoncé : « C’est Lui Le Gérant des choses dans les cieux et la terre. »

   Quant à Ibnou ‘Abbâs, il s’et exprimé dans le même sens : « La signification… c’est Qu’Il est Le Guide des habitants des cieux et de la terre. »

   À partir des explications données à cette première partie du verset : « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre », le lecteur comprend mieux le sens de la première phrase de l’aphorisme d’Ibnou ‘Atâ’i Allâh As-Sakandarî : « Ténèbres est le monde entier : seule l’illumine l’épiphanie de Dieu ».

   Le monde n’existe effectivement pas par lui-même. Sans la volonté de Dieu, cet univers – avec tout ce qu’il contient comme créatures (des constituants de l’atome aux galaxies) – serait dans les ténèbres de l’inexistant, bref le néant. C’est évidemment grâce à la création de Dieu que ce monde est devenu ce qu’il est, qu’il est sorti de l’ombre pour gagner la lumière. C’est également grâce à Dieu que les hommes sont capables de percevoir et de contempler cet univers.

   Dieu a inondé ce monde de Sa lumière pour que celui-ci existe ; Il a illuminé l’être humain pour lui donner vie et lui a accordé la lumière de la raison pour qu’il prenne conscience de son existence et de celle du monde qui l’englobe. Cette lumière est de fait fondamentale, car la simple présence d’organes ne permet pas à l’homme de s’en servir, quand bien même ceux-ci seraient sains. L’exemple d’une personne bien portante profondément endormie illustre parfaitement cette idée : elle ne peut observer la présence d’autrui ou entendre ses paroles et encore moins comprendre ce qu’il dit, malgré sa bonne santé. Il manque tout simplement l’élément essentiel et incontournable au fonctionnement de ces organes : la lumière d’Allâh .

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C’est cette même lumière qui fait briller le soleil et qui maintient les astres en orbite ; c’est elle qui permet à l’ADN d’un œuf fécondé d’assurer ses fonctions : fabriquer les éléments essentiels à la production des cellules et à leur différenciation. En effet, chaque cellule embryonnaire est programmée pour la formation d’un organe, d’un tissu ou d’une autre cellule spécialisée dans une tâche bien précise.

Mais comment s’opère cette différenciation ? Comment les électrons tournent-ils autour des protons ? Comment les planètes gravitent-elles autour des astres ? Il est inconcevable d’avancer que les créatures s’animent grâce à une énergie intrinsèque ! Et en supposant la présence de cette énergie, d’où vient-elle ? Et qui en a doté toutes ces créatures ? Il s’agit évidemment d’Allâh  Le créateur, Al-Bari’, Celui qui a façonné les créatures sans modèle et sans élément précurseur. Le Coran est clair à ce sujet : « Celui à qui appartient la royauté des cieux et de la terre, qui ne s’est point attribué d’enfant, qui n’a point d’associé en Sa royauté et qui a créé toute chose en lui donnant ses justes proportions. », s.25 Al-Fourqân (Le Discernement), v.2.

ٱلَّذِى لَهُ ۥ مُلۡكُ ٱلسَّمَـٰوَٲتِ وَٱلۡأَرۡضِ وَلَمۡ يَتَّخِذۡ وَلَدً۬ا وَلَمۡ يَكُن لَّهُ ۥ شَرِيكٌ۬ فِى ٱلۡمُلۡكِ وَخَلَقَ ڪُلَّ شَىۡءٍ۬ فَقَدَّرَهُ ۥ تَقۡدِيرً۬ا

Bien évidemment, lorsque la lumière de Dieu se dissocie d’une créature quelle qu’elle soit, cette dernière quitte le champ illuminé de la création pour retomber dans les ténèbres du néant.

Dieu s’est décrit d’une manière bien précise dans le Coran : « Allâh est la lumière [Noûr] des cieux et de la terre », s.24 An-Noûr (La Lumière) v.35. Il est légitime de se demander pourquoi Il n’a pas dit : « Allâh est la clarté (diyâ’) ». Force est de constater que ces deux descriptions ne sont pas équivalentes, compte tenu de la définition de chaque terme principal :

– la clarté (ad-diyâ’) se rapporte à une entité qui dégage sa propre lumière (intrinsèque) ;

– quant à la lumière (an-noûr), elle s’applique à tout corps qui reflète les rayons d’une autre source de lumière ou de clarté.

Le Coran emploie ces mots à bon escient : « C’est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière […] », s.10 Yoûnous, v.5. Le soleil illumine effectivement la Terre de ses rayons, alors que la lune ne fait que réfléchir la clarté de cet astre incandescent. Un autre verset rend compte de l’importance de chacun d’entre eux : « Que soit béni Celui qui a placé au ciel des constellations et y a placé une source de lumière [le soleil] et aussi une lune éclairante ! », s.25 Al-Fourqân (Le Discernement), v.61.

Avec le début du verset 25 de sourate An-Noûr « Allâh est la lumière des cieux et de la terre », Dieu précise que les cieux et la terre ne rayonnent pas d’eux-mêmes et que leur visibilité ne dépend pas d’eux ; leur lumière – lire leur existence et leur évolution – n’est que le reflet de La source qui insuffle en eux la capacité d’exister. Car en effet, la lumière dont il est question dans cet aphorisme prend un sens métaphorique explicité par le Coran : « […] l’exemple de sa lumière ressemble à une niche où se trouve une lampe… »

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Ensuite Ibnou ‘Atâ’i Allâh dit : « Quiconque contemple le monde sans y discerner Dieu ou Le percevoir à proximité, avant ou après lui [ce monde], n’a pas encore de lumière en lui-même. Entre lui et les astres de la gnose se dresse le voile des nuages des créatures. »

Ibnou ‘Atâ’i Allâh utilise deux verbes synonymes, auxquels il donne deux sens différents, il s’agit des verbes « ra’â : رَءَى » et « chahida : شَهِدَ », respectivement traduits par « contempler » et « discerner ».

Contempler le monde est une action réalisable par tout être humain jouissant du sens de la vue. Cette capacité est une lumière divine octroyée et partagée par tous les voyants. Quant au discernement dont parle Ibnou ‘Atâ’i Allâh, il fait référence au fait de ressentir la présence de Dieu, aptitude à laquelle parvient le croyant à travers la contemplation des créatures. Il s’agit là d’une autre lumière accordée par Le Divin à ceux qui la méritent : la lumière de la guidance mentionnée en amont. Celui à qui cette lumière fait défaut sera privé de guidance. N’importe quel humain peut contempler le monde, observer sa beauté, comprendre les petits détails de son fonctionnement, mais il ne parviendra pas systématiquement à découvrir Dieu simplement par la contemplation. En effet, la lumière de la guidance attribuée par Allâh  est fondamentale ; sans elle, l’homme demeure dans les ténèbres. Dieu déclare en toute connaissance de cause : « […] Celui qu’Allâh prive de lumière n’a aucune lumière. », s.24 An-Noûr (La Lumière), v.40.

C’est le cas d’un bon nombre de chercheurs ayant sanctionné leurs connaissances par les diplômes les plus prestigieux du monde ! Ils parviennent à des découvertes et à des observations relatives à la création inaccessibles pour le commun des mortels. Le ciel, les océans, les animaux, les végétaux, les montagnes, les volcans, etc. n’ont plus aucun secret pour eux. Mais malgré leur capacité à observer et à contempler, il leur manque la lumière de la guidance : la lumière qui affermit la certitude de l’existence d’un Créateur méticuleux et cohérent. Le Coran n’omet pas d’interpeller les hommes quant aux harmonieuses proportions qui parachèvent la création d’Allâh  : « Celui qui a créé sept cieux superposés sans que tu voies de disproportion en la création du Tout Miséricordieux. Ramène [sur elle] le regard. Y vois-tu une brèche quelconque ? Puis, retourne ton regard à deux fois : le regard te reviendra humilié et frustré. », s.67 Al-Moulk (La Royauté), v.3-4.

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Mais à vrai dire, qu’est-ce qui empêche ces gens de découvrir Dieu à travers la contemplation de la création ? La réponse se trouve dans l’aphorisme précédent : « Comment recevrait-il l’illumination, le cœur dont le miroir reflète l’image des créatures ? Ou comment s’en irait-il vers Dieu enchaîné par ses pulsions ? Peut-il désirer entrer en présence de Dieu s’il ne s’est pas d’abord purifié de ses négligences ? Ou comment souhaiter l’intelligence intime des mystères, s’il ne s’est pas repenti de ses moindres chutes ? »

« L’intelligence intime des mystères » fait justement référence à cette lumière divine qui guide celui qui contemple l’Univers à voir Le Créateur dans la création. En bénéficiera celui qui s’est purifié de ses péchés, qui s’est écarté de ses mauvais penchants et qui a traversé, par la lumière de son cœur, le voile des créatures afin de saisir la beauté du Créateur. Ces éléments d’analyse sont tirés des paroles divines qui font suite au verset 35 de sourate An-Noûr, dans lesquels Allâh  répond à certaines interrogations légitimes.

Où trouver la lumière en question ?

« Dans des maisons [des mosquées] qu’Allâh a permis que l’on élève et où Son Nom est invoqué, Le glorifient en elles matin et après-midi des hommes… », s.24 An-Noûr (La Lumière), v.36-37.

Quelles sont leurs caractéristiques hormis la glorification et l’invocation ?

« Des hommes que ni le négoce, ni le troc ne distraient de l’invocation d’Allâh, de l’accomplissement de la çalât et de l’acquittement de la zakât, et qui redoutent un jour où les cœurs seront bouleversés ainsi que les regards. », s.24 An-Noûr (La Lumière), v.37.

Qu’arrive-t-il à ceux qui ne présentent pas ces caractéristiques ?

   « Quant à ceux qui ont mécru, leurs actions sont comme un mirage dans une plaine désertique que l’assoiffé prend pour de l’eau. Puis quand il arrive, il s’aperçoit que ce n’était rien, mais y trouve Allâh qui lui règle son compte en entier, car Allâh est prompt à compter. [Les actions des mécréants] sont encore semblables à des ténèbres sur une mer profonde. Des vagues la couvrent, [vagues] au dessus desquelles s’élèvent [d’autres] vagues, sur lesquelles il y a d’épais nuages. Ténèbres entassées les uns au dessus des autres. Quand quelqu’un étend la main, il ne la distingue presque pas. Celui qu’Allâh prive de lumière n’a aucune lumière. », s.24 An-Noûr (La Lumière), v.39-40.

Que devons-nous contempler pour discerner la présence de Dieu ?

   « C’est à Allâh qu’appartient la royauté des cieux et de la terre. Et vers Allâh sera le retour final. N’as-tu pas vu qu’Allâh pousse les nuages ? Ensuite Il les réunit et Il en fait un amas et tu vois la pluie sortir de son sein. Et il fait descendre du ciel, de la grêle [provenant] des nuages [comparables] à des montagnes. Il en frappe qui Il veut et l’écarte de qui Il veut. Peu s’en faut que l’éclat de Son éclair ne ravisse la vue. Allâh fait alterner la nuit et le jour. Il y a là un sujet de réflexion pour ceux qui ont des yeux. Et Allâh a créé d’eau tout animal. Il y en a qui marche sur le ventre, d’autres marchent sur deux pattes, et d’autres encore marchent sur quatre. Allâh crée ce qu’Il veut et Allâh est Omnipotent. Nous avons certes fait descendre des versets explicites. Et Allâh guide qui Il veut vers un droit chemin. », s.24 An-Noûr (La Lumière), v.42-46.

   Ceux qui observent tous ces signes au quotidien, sans les contempler ou sans y voir le cachet divin demeurent dans les ténèbres : tous les éléments de la création prennent en effet l’aspect d’un nuage qui les empêche de voir les astres de la gnose, comme l’indique Ibnou ‘Atâ’i Allâh As-Sakandarî. Deux raisons expliquent cet état de fait : soit leur cœur est aveuglé par une course effrénée derrière les richesses ou derrière l’assouvissement de leurs instincts débridés, soit ils sont submergés de péchés qui les empêchent d’ouvrir leur cœur à la lumière de la guidance divine.

   Quant à ceux dont les cœurs sont imprégnés de la lumière de Dieu, Ibnou ‘Atâ’i Allâh les regroupe en trois catégories :

1- ceux qui découvrent Dieu ou tendent vers cette perception en contemplant le monde ;

2 – ceux qui se rendent compte de Son existence après la contemplation du monde ;

3 – ceux pour qui la réalité divine se révèle avant la contemplation du monde.

1 – La première catégorie réunit les hommes qui observent les créatures tout en méditant. Ce type de personnes étudie l’équilibre de la création et la beauté du monde à l’instar d’un artiste averti qui contemple la toile d’un peintre chevronné. Il examine minutieusement chaque détail de l’œuvre : l’agencement des couleurs, l’harmonie et la superposition des éléments peints, etc. À chaque fois qu’il se rend compte de son incapacité à reproduire la même toile ou à l’imaginer sans s’appuyer sur une production artistique préexistante, il vouera toujours plus d’estime et de respect à l’autre artiste, reconnaitra sa suprématie par rapport à lui-même et lui réservera des éloges dignes de son talent.

   Mais c’est à Dieu qu’appartient le meilleur exemple. Lorsque l’aspirant contemple le monde et voyage par son regard dans sa diversité, subjugué par la beauté de ses éléments, il découvre l’omnipotence du Créateur sans se limiter à la création.

   Allâh  s’est exprimé sur ce groupe de croyants : « En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour il y a certes des signes pour les doués d’intelligence qui debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allâh et méditent sur la création des cieux et de la terre (disant) : “Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi ! Garde-nous du châtiment du Feu” », s.3 ‘Ali Imrâne (La Famille de ‘Imrâne), v.190-191.

2 – la deuxième catégorie rassemble des hommes qui ont contemplé l’ensemble de l’Univers, un élément ou une partie de celui-ci sans pour autant être conduits à Dieu sur le moment. Cependant, en revenant sur cette première contemplation, ces aspirants s’appuient sur des découvertes scientifiques et d’autres études probantes qui concordent parfaitement avec ce que Dieu a révélé et/ou a créé pour reconnaître la grandeur et la suprématie du Créateur. Ils ont donc besoin de rassembler des paramètres intelligibles au préalable, de les analyser et de raisonner pour parvenir à ce résultat.

3 – Quant à la dernière classe de croyants, elle concerne les fidèles qui ont découvert Dieu en méditant sur leur propre personne avant de s’attarder sur les autres créatures. Il s’agit de ceux qui répondent promptement à l’appel de Dieu : « Il y a sur terre des preuves pour ceux qui croient avec certitude, ainsi qu’en vous-mêmes, n’observez-vous donc pas ? », s.51 Adh-Dhâriyât (Qui éparpillent), v.20.

   Appartiennent également à cette catégorie les croyants qui ont pleinement compris la portée de ce verset : « […] Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit Témoin de toute chose ? », s.41 Fouççilat (Les Versets détaillés), v.53.

   D’ailleurs, cette question rhétorique fait suite à d’autres paroles divines qui se rapportent aux deux groupes précédents : « Nous leur montrerons Nos signes dans l’Univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’ils leur deviennent évident que c’est cela la vérité [….] », s.41 Fouççilat (Les Versets détaillés), v.53.

   Une anecdote du 12ème siècle illustre tout-à-fait l’état d’esprit des individus appartenant à cette troisième catégorie. Un jour, l’imâm Ar-Râzî entra dans un quartier de Baghdâd et une foule de gens s’amassa autour de lui pour manifester son respect et sa considération à l’illustre savant qu’il était. C’est alors que fut bousculée une vieille dame qui passait droit son chemin ; elle demanda alors : « Qui est cet homme autour duquel vous vous êtes rassemblés et qui suscite en vous autant d’amour et de considération ? »

   « Il s’agit de l’imâm Ar-Râzî répondirent les concernés, c’est lui qui a mentionné des centaines de preuves tangibles sur l’existence de Dieu ! »

   Le commentaire que lança cette personne âgée en dit long concernant son opinion sur le sujet : « S’il n’avait pas été éprouvé par des centaines de doutes, il n’aurait pas eu besoin de les écarter par des centaines de preuves ! » Et lorsque la sagace remarque fut rapportée à l’imâm An-Râzî, celui-ci répliqua : « Seigneur je te demande une foi comme celle des vielles dames. »

   En effet, cette femme entretenait une foi inébranlable, si bien qu’elle ressentait la présence et l’omnipotence de son Créateur dans toute la création. Elle n’avait pas besoin de chercher des preuves relatives à l’existence de Dieu.

   L’aspirant doit progresser dans sa connaissance de Dieu en passant graduellement d’une catégorie à une autre. Il y parviendra après des efforts profitables en matière de méditation, d’invocation et d’évocation de Dieu. Il finira par ressentir la présence de Dieu dans sa vie et atteindra ainsi le degré de la bienfaisance qui lui permettra de goûter à l’agréable saveur de sa servitude à Dieu.

   Cette démarche progressive représente précisément ce que certains éducateurs soufis appelaient « l’unicité de l’observation » : en contemplant l’Univers, l’itinérant observe la majesté et la puissance du Créateur en tout lieu. Cette idée diffère catégoriquement de la notion de « l’unicité de l’être » à laquelle ont fait référence certaines personnes qui ont dévié momentanément de leur cheminement vers Dieu. Ils prétendaient que ce que voit l’œil n’est qu’illusion et que c’est Dieu qui s’est incarné dans tous les éléments de ce que l’on considère comme étant une création ! C’est dire que Satan n’épargne personne et que le guidé est celui que Seul Dieu a guidé…

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