(16) Ayyoub (Job), la patience personnifiée

Vie des prophètes

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   Le prophète Ayyoub (Job)  appartient à la lignée des élus de Dieu dont l’évocation rime immédiatement avec patience. Aucun être humain ne vécut et n’endura ce que subit cet homme exceptionnel. Son destin reflète à grande échelle ce à quoi chaque individu pourrait être soumis selon son degré de résignation.

Un modèle de constance et d’espoir pour tous…

Origines

   Le prophète Ayyoub  – plus précisément appelé  Ayyoub fils de Môç fils de Zârih fils d’Al-‘Îç fils d’Ishâq fils d’Ibrâhîm (selon Ibnou Ishâq) – est issu d’une famille d’origine romaine, elle-même descendante du prophète Ibrâhîm, comme le confirme le Coran : « […] et parmi sa descendance (d’Abraham) (ou de Noé), David, Salomon, Job, Joseph, Moïse et Aaron. […] », s.6 Al-An‘âm (Les Bestiaux), v.84.

[…]  وَمِن ذُرِّيَّتِهِۦ دَاوُۥدَ وَسُلَيۡمَـٰنَ وَأَيُّوبَ وَيُوسُفَ وَمُوسَىٰ وَهَـٰرُونَ‌ۚ  […]

   Allâh  cite également ce noble personnage dans la liste des prophètes qui reçurent une révélation divine : « […] Et Nous avons fait révélation à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob aux Tribus, à Jésus, à Job, à Jonas, à Aaron et à Salomon, et Nous avons donné le Zabour à David. », s.4 An-Nissâ’ (Les Femmes), v.163.

[…]وَأَوۡحَيۡنَآ إِلَىٰٓ إِبۡرَٲهِيمَ وَإِسۡمَـٰعِيلَ وَإِسۡحَـٰقَ وَيَعۡقُوبَ وَٱلۡأَسۡبَاطِ وَعِيسَىٰ وَأَيُّوبَ وَيُونُسَ وَهَـٰرُونَ وَسُلَيۡمَـٰنَ‌ۚ وَءَاتَيۡنَا دَاوُ ۥدَ زَبُورً۬ا

   Ayyoub  fut envoyé pour réformer le peuple vivant au nord-est de la Palestine (région désertique). Lorsqu’il reçut la révélation, il se mit à parler d’Allâh et à prêcher la religion monothéiste. Il conseillait aux gens d’accomplir le bien et de s’écarter du mal. Comme ce fut le cas pour tous les prophètes, très peu de personnes suivirent ses enseignements au début, mais il touchait de plus en plus de cœurs au fil du temps.

Des privilèges au service d’Allâh

   Le Coran ne mentionne pas l’histoire du prophète Ayyoub  en détails, si ce n’est pour insister sur sa bravoure et sa patience exemplaires. Les récits d’autres religions ont apporté plus de précisions sur la vie de ce prophète commun, mais le degré d’authenticité de leur narration étant dubitable, cette présentation se basera essentiellement sur les éléments produits par les exégètes et les historiens tels qu’Ibnou Kathîr dans son ouvrage Histoires des Prophètes.

   Le prophète Ayyoub  était un homme opulent qui possédait d’immenses parcelles de terre. Mais sa richesse se déclinait sous plusieurs formes : bétail, récoltes, biens immobiliers, servants et même progéniture. Sa prospérité n’affecta en aucun cas la fermeté de sa foi ; il s’en servit plutôt comme un moyen de gagner l’agrément d’Allâh . Sa constante recherche du repentir, son souvenir du Divin empreint de reconnaissance et sa patience indéfectible constituèrent les causes de son salut et le secret des éloges de Dieu à son égard. D’ailleurs, les louanges ne provenaient pas uniquement d’Allâh, d’autres créatures évoquèrent le comportement exemplaire d’Ayyoub . Ainsi, alors qu’un groupe d’anges s’entretenaient sur les humains et la logique qui veut que les plus humbles méritent la grâce de Dieu, tandis que les arrogants encourent Son courroux, l’un d’entre eux évoqua le prophète Ayyoub  : « Aujourd’hui, la meilleure créature sur terre est Ayyoub, un homme au noble caractère qui fait preuve d’une patience inépuisable et qui se remémore toujours son Généreux Seigneur. Il constitue un excellent exemple pour les adorateurs d’Allâh. En récompense, Dieu l’a gratifié d’une longue vie et d’une multitude de richesses, pourtant il n’est jamais arrogant ni égoïste. Sa famille, ses servants, ainsi que tous les nécessiteux et les pauvres partagent sa fortune ; il nourrit et habille les malheureux et achète des esclaves pour les libérer. Sa bienveillance envers les heureux bénéficiaires de sa charité laisse ces derniers penser qu’ils lui rendent service, tant il est doux et affable. »

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Des épreuves difficiles

   Le prophète Ayyoub  fut éprouvé dans tous les domaines imaginables : ses biens, sa famille et sa santé.

   Les troupeaux d’Ayyoub  furent anéantis, ses fermes détruites et il perdit tous ses domestiques. Mais toutes ces pertes matérielles n’entachèrent aucunement la foi profondément ancrée dans le cœur du noble élu d’Allâh . Fidèle à son crédo, Ayyoub  tenait un discours des plus pieux : « Ce qu’Allâh m’a retiré Lui appartient. Je ne fus Son intendant que pour un certain temps. Il donne à qui Il veut et Il dépossède qui Il veut. »

   Ayyoub  perdit également toute sa descendance sans exception. Il demeurait néanmoins toujours aussi ferme dans sa croyance et témoignait autant de reconnaissance envers son Seigneur pour Ses bienfaits.

   La maladie se greffa en outre à ces tribulations, si bien qu’Ayyoub PSL se résuma à un tas d’os recouvert de peau, le tout agrémenté de terribles douleurs. Mais même avec toute cette souffrance, la constance du prophète ne s’ébranla jamais : il supportait patiemment son malheur sans se plaindre et évoquait continuellement son Seigneur. À aucun moment il ne fut gagné par le désespoir, et ne chercha nullement l’aide d’un tiers ; son espoir en la miséricorde divine demeurait inchangé. Sa maladie se prolongea au point qu’il fut délaissé de tous, même par ses proches et ses amis tant elle suscitait l’aversion et le dégoût. Seule sa fervente femme Rahma resta auprès de lui, reconnaissante pour la bonté qu’il lui témoigna durant ses années de bonne santé. Elle fut sa seule compagnie et son unique réconfort humain durant toutes ces années d’afflictions : rester à ses côtés, le nourrir, le soigner et l’aider à faire ses besoins étaient tous les actes quotidiens qu’elle accomplissait de bonne grâce.

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   La résignation de son épouse face aux vicissitudes de leur vie ne fit qu’encourager Ayyoub à l’endurance. D’ailleurs, le Prophète Mouhammad  s’exprima au sujet des tribulations de l’homme et l’aptitude de ce dernier à les supporter : « Les êtres les plus exposés aux épreuves sont les prophètes, puis les saints ; puis viennent ceux qui sont à leur exemple et ainsi de suite. L’homme est éprouvé selon le degré de sa religiosité. S’il est ferme dans sa religion, son épreuve augmente. » [Rapporté par At-Tirmidhî, Ibnou Mâja et Ahmad.]

   Selon Moujâhid, Ayyoub fut le premier à souffrir de la variole. Quant à la durée de son affection, les érudits ont divergé sur la question : certains, comme Wahb, la fixent à trois ans, tandis que d’autres, tel que Anas, évoquent un peu plus de sept années de souffrance ; Hamîd, lui, l’évalue à dix-huit ans. As-Souddî précise que la chair d’Ayyoub s’était tellement atrophiée qu’il ne lui restait que les os et les nerfs ; sa femme disposait des cendres froides sous son corps pour amortir le contact avec le sol. Quoi qu’il en soit, la maladie se prolongea tant que la répugnance et l’écœurement des gens eurent raison du pauvre Ayyoub PSL qui fut relégué dans un dépotoir, isolé du reste de la population et exclu de sa ville. Sa maladie n’était pourtant pas contagieuse puisque son épouse – qui resta auprès de lui durant toutes ces années – ne fut pas contaminée.

   Le comportement exemplaire de Rahma restera un modèle pour toute épouse dévouée à la cause divine. Son admirable courage et son irréprochable résignation parachèvent sa conduite envers son époux. Certains historiens lui attribuent cependant une fausse note qui pourrait être la cause d’un serment formulé par Ayyoub PSL. Satan se serait présenté à elle sous les traits d’un médecin et lui aurait prescrit un remède pour son mari. Partageant cette information avec Ayyoub PSL, celui-ci compris aussitôt qu’Iblîs avait réussi à dévoyer sa bien-aimée. C’est ainsi qu’il fit le serment d’allonger cent coups à sa femme pour avoir écouté ce charlatan.

Le plus Miséricordieux des miséricordieux

   Rahma travaillait alors au service des gens pour pouvoir acheter de quoi alimenter son époux égrotant. Mais au fil des années, plus personne ne voulut l’employer, de peur qu’elle ne leur transmette la maladie d’Ayyoub. À cours de ressources pour subvenir aux besoins de son mari, Rahma n’eut d’autre choix que de vendre une de ses tresses en échange de nourriture. Ayyoub s’enquit sur la provenance de cette subsistance, mais sans réellement insister dans sa démarche. Le lendemain, elle ne trouva rien à lui donner et fut contrainte de troquer son autre tresse contre la pitance quotidienne. Mais cette fois-ci, Ayyoub refusa d’y goûter tant qu’elle ne lui indiquât pas comment elle se l’était procurée. Comprenant la situation lorsque Rahma découvrit ses cheveux coupés, Ayyoub  invoqua alors son Seigneur : « […] Le mal m’a touché. Mais Toi, Tu es Le plus Miséricordieux des miséricordieux. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.83.

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   Cette glorification s’apparente à une invocation d’un grand respect. Pour preuve, Ayyoub PSL fut exaucé comme le confirme le verset suivant : « Nous l’exauçâmes, enlevâmes le mal qu’il avait, lui rendîmes les siens et autant qu’eux avec eux, par miséricorde de Notre part et en tant que rappel aux adorateurs. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.84.

فَٱسۡتَجَبۡنَا لَهُ ۥ فَكَشَفۡنَا مَا بِهِۦ مِن ضُرٍّ۬‌ۖ وَءَاتَيۡنَـٰهُ أَهۡلَهُ ۥ وَمِثۡلَهُم مَّعَهُمۡ رَحۡمَةً۬ مِّنۡ عِندِنَا وَذِڪۡرَىٰ لِلۡعَـٰبِدِينَ

   Dieu sauva également le prophète Yoûnous  sans que celui-ci ne formule d’invocation directe : « Et Dhou-Noûn [Jonas] quand il partit, irrité. Il pensa que Nous n’allions pas l’éprouver. Puis il fit, dans les ténèbres, l’appel que voici : “Pas de divinité à part Toi ! Pureté à Toi ! J’ai été vraiment du nombre des injustes”. Nous l’exauçâmes et le sauvâmes de son angoisse. Et c’est ainsi que Nous sauvons les croyants. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.87-88.

وَذَا ٱلنُّونِ إِذ ذَّهَبَ مُغَـٰضِبً۬ا فَظَنَّ أَن لَّن نَّقۡدِرَ عَلَيۡهِ فَنَادَىٰ فِى ٱلظُّلُمَـٰتِ أَن لَّآ إِلَـٰهَ إِلَّآ أَنتَ سُبۡحَـٰنَكَ إِنِّى ڪُنتُ مِنَ ٱلظَّـٰلِمِينَ (٨٧) فَٱسۡتَجَبۡنَا لَهُ ۥ وَنَجَّيۡنَـٰهُ مِنَ ٱلۡغَمِّ‌ۚ وَكَذَٲلِكَ نُـۨجِى ٱلۡمُؤۡمِنِينَ

   La délicatesse qui caractérise ces invocations implicites montre le respect infini de la créature vis-à-vis de son Créateur. Aussi, cette révérence significative, et somme toute légitime, empêche le croyant touché par le mal d’attribuer son malheur à son Guérisseur. Le prophète Ibrâhîm s’est exprimé dans ce sens : « Ils sont tous pour moi des ennemis sauf le Seigneur de l’univers, qui m’a créé, et c’est Lui qui me guide ; et c’est Lui qui me nourrit et me donne à boire ; et quand je suis malade, c’est Lui qui me guérit, et qui me fera mourir, puis me redonnera la vie », s.26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), v.77-81.

فَإِنَّہُمۡ عَدُوٌّ۬ لِّىٓ إِلَّا رَبَّ ٱلۡعَـٰلَمِينَ (٧٧) ٱلَّذِى خَلَقَنِى فَهُوَ يَہۡدِينِ (٧٨) وَٱلَّذِى هُوَ يُطۡعِمُنِى وَيَسۡقِينِ (٧٩) وَإِذَا مَرِضۡتُ فَهُوَ يَشۡفِينِ (٨٠) وَٱلَّذِى يُمِيتُنِى ثُمَّ يُحۡيِينِ

   Par déférence, Ibrâhîm  affecte chaque aspect positif de son existence à son Seigneur, mais dès qu’il s’agit d’un mal, il l’attribue à sa propre personne.

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    Ayyoub  se faisait accompagner par sa femme jusqu’aux lieux d’aisance ; lorsqu’il terminait, elle lui donnait la main pour l’aider à regagner sa place. Un jour, Rahma tarda à venir, Allâh  lui révéla alors : « Frappe [la terre] de ton pied : voici une eau fraîche pour te laver et voici de quoi boire. », s.38 Çâd, v.42.

ٱرۡكُضۡ بِرِجۡلِكَ‌ۖ هَـٰذَا مُغۡتَسَلُۢ بَارِدٌ۬ وَشَرَابٌ۬

   Ayyoub s’exécuta et pendant qu’il se lavait, des criquets en or tombèrent sur son corps dénudé. Il les ramassa sans attendre, veillant à n’en oublier aucun. Dieu l’interpella alors : « Ô Ayyoub, ne t’ai-Je pas enrichi plus que tu ne vois ? » Il lui répondit : « Oui, ô mon Seigneur, mais je ne peux me passer de Tes bénédictions. »

   Revenant récupérer son époux, Rahma trouva un homme robuste et resplendissant de santé à qui elle demanda : « Qu’Allâh te bénisse, n’as-tu pas vu le prophète d’Allâh qui est éprouvé par les malheurs ? Par Allâh, je n’ai jamais vu un homme qui lui ressemble autant que toi ! » Il lui répondit : « Je suis ton époux ! »

   Rahma retrouva également une nouvelle jeunesse et Dieu reconstitua leur famille. Le Coran en témoigne : « Et Nous lui rendîmes sa famille et la fîmes deux fois plus nombreuse, comme une miséricorde de Notre part et comme un rappel pour les gens doués d’intelligence. », s.38 Çâd, v.43.

وَوَهَبۡنَا لَهُ ۥۤ أَهۡلَهُ ۥ وَمِثۡلَهُم مَّعَهُمۡ رَحۡمَةً۬ مِّنَّا وَذِكۡرَىٰ لِأُوْلِى ٱلۡأَلۡبَـٰبِ

   Quant au verset qui suit : « Et prends dans ta main un faisceau de brindilles, puis frappe avec cela. Et ne viole pas ton serment […] », s.38 Çâd, v.44, il permet à Ayyoub d’honorer le serment qu’il prêta devant Dieu, à savoir de donner cent coups de trique à sa femme s’il recouvrait la santé. La raison de ce châtiment n’étant pas clairement établie, deux possibilités sont évoquées par les exégètes : soit pour la sanctionner d’avoir coupé ses tresses, soit pour avoir écouté les conseils de Satan. Quel que fût le motif réel, la vertueuse épouse d’Ayyoub ne méritait pas de souffrir, c’est pourquoi Dieu proposa à Son prophète d’utiliser une centaine de brindilles pour porter un coup unique et éviter ainsi le parjure.

   Le prophète Ayyoub  vécut encore de belles années en famille et quitta ce monde à l’âge de quatre-vingt-treize ans.

   Évoquée régulièrement, l’histoire du prophète Ayyoub  devrait être un rappel efficace et durable pour tous ceux qui se plaignent des futilités liées à leur condition – somme toute fort satisfaisante au regard de ce que vécut cet homme de grande piété. Les épreuves auxquelles Dieu soumit Son prophète se rapportent à des situations qui concernent tout à chacun : biens, famille et santé. Le musulman sincère doit essayer de s’imprégner de la foi et de la patience d’Ayyoub  à chaque fois qu’Allâh  le teste dans ces domaines.

   Satan guette sans relâche toute faiblesse humaine et ne rate jamais une occasion de dévoyer le fils d’Adam en jouant sur ses émotions. D’ailleurs, durant ces moments difficiles, le croyant devrait davantage se rappeler son Seigneur, prier avec plus de piété et se satisfaire de sa condition. Louer Dieu et Le remercier doit faire partie intégrante des activités journalières du musulman, quelles que soient les vicissitudes de sa vie. Allâh  n’omet jamais de récompenser Son serviteur pour sa constance, comme Il le fit pour Ayyoub . Que Dieu accorde une belle patience à tous les éprouvés, elle est la clé de la délivrance !

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