Ibnou ‘Atâ’i Allâh As-Sakandarî

Sagesses d'Assakandarî (articles)

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Sa jeunesse

   Il est né à Alexandrie au milieu du 7ème siècle de l’Hégire (13ème siècle après J.-C.). Il est décédé en l’an 709 de l’Hégire.

   Certains membres de sa famille s’adonnaient aux sciences légales. Son grand-père ‘Abdelkarîm était un faqîh (jurisconsulte) et avait composé plusieurs ouvrages dont un résumé de Mouhaççal Az-Zamakhcharî et un livre intitulé Al-bayânou wat-taqrîb fî charhi at-tahdhîb en sept volumes.

   Son grand-père suivait l’école mâlikite et était hostile au soufisme. L’imâm Ach-Châdhilî et ses disciples ont longtemps souffert de ses critiques.

   Ibnou ‘Atâ’i-Allâh reçut toute sa formation intellectuelle à Alexandrie. Son principal maître était Naçrou Ad-Dîn Ibnou Al-Mounayyir (m. 683 H) duquel il apprit l’arabe et le fiqh. D’ailleurs, l’imâm ‘Izz Ad-Dîn Ibnou ‘Abdessalâm avait dit : « L’Egypte se vante de deux hommes situés à ses deux extrémités géographiques : Ibnou Daqîqi Al-‘Îd à Qoûs et Ibnou Al-Mounayyir à Alexandrie ».

   Quant au hadîth et ses sciences, il les reçut de l’érudit Charafou Ad-Dîn Ad-Dimyâtî.

   Plus tard, il sera le discipline de Chamsou Ad-Dîn Al-Isfahânî (m. 688 H) qui enseignait les sciences spéculatives comme le kalâm et la philosophie ; il n’admettait à ses cours que ceux qui étaient déjà bien instruits en religion.

La critique du soufisme

   Cette formation solide et diversifiée en sciences légales (‘ouloûm adh-dhâhir) le poussa au départ à être anti-soufisme. Il s’en confesse lui-même dans son livre Latâ’ifou al-minan où il écrit : « J’étais de ceux qui critiquaient sa conduite [en parlant d’Abou Al-‘Abbâs Al-Moursî] et soulevaient des objections contre lui, non pas à cause de quelques paroles que j’aurais entendues de lui ou que l’on m’aurait rapportées. Il y eut une discussion entre ses compagnons et moi, avant même que je le fréquente et j’affirmais [à l’un d’eux] : “Il n’y a de vrais que les gens qui s’occupent de la science exotérique, tandis que le groupe des soufis s’attribue des choses extraordinaires que la loi de Dieu ne peut admettre.” »

   Ce sentiment anti-soufisme de la part des fouqahâ’ et de leurs disciples était profond, particulièrement contre les écrits d’Ibnou ‘Arabî qui sont très équivoques. Mais la curiosité, et surtout, l’équité d’Ibnou ‘Atâ’i-Allâh l’ont poussé à aller à la rencontre de Abou Al-‘Abbâs Al-Moursî pour mieux le juger.

   Il expliqua lui-même ses motivations : « La raison de ma rencontre avec lui fut la suivante : après la discussion que j’ai eue avec l’un de ses disciples,  je me dis pourquoi n’irais-je pas voir l’homme lui-même ? Celui qui possède la vérité présente des signes qui en témoignent. Je me rendis donc à l’une de ses réunions et le trouvai parlant des souffles (anfâs) que recommande Le Législateur, disant : “Le premier souffle c’est la soumission (Al-Islâm), le deuxième la foi (Al-Îmâne), le troisième l’œuvre excellente (Al-Ihsâne). Et si tu veux tu peux encore dire : le premier c’est la loi, le deuxième c’est la vérité et le troisième la réalisation de la vérité”. Et il poursuivait : “Si tu veux, tu peux dire, si tu veux encore, tu peux dire aussi, etc.” De sorte qu’il éblouit mon esprit. Je compris enfin que cet homme ne faisait que puiser ses inspirations d’un océan divin. »

f40Vers le soufisme

   Après avoir assisté à cette allocution d’Al-Moursî, Ibnou ‘Atâ’i-Allâh revint chez lui troublé « par quelque chose d’étrange » dit-il, dont il ne connaissait pas la nature. Il se réfugia ce soir-là dans la solitude « contemplant le ciel, les étoiles et toutes les merveilles que la puissance de Dieu a créées ».

   Le trouble intérieur était si grand qu’il revint voir le maître une seconde fois : « La première parole que je lui dis fut : “Par Dieu, maître, je t’aime !”. Ce à quoi il répondit : “Que Dieu t’aime comme tu m’aimes”. Puis je lui exposai mes préoccupations et la tristesse que je ressentais. »

   Le maître lui expliqua : « Les états psychologiques (al-ahwâl) du fidèle sont au nombre de quatre et il n’y en a pas un cinquième : ou bien il bénéficie de la faveur divine (an-ni’ma), ou bien il est soumis à l’épreuve, soit il est dans l’obéissance, soit il baigne dans  la désobéissance. Si tu es dans la faveur, Dieu exige de toi l’action de grâce ; si tu es dans la tribulation, Il exige de toi de l’endurance. Es-tu dans l’obéissance ? Dieu exige que tu reconnaisses Son bienfait à ton égard. Es-tu dans la désobéissance ? Il exige que tu Lui demandes pardon ».

   Si ces précisions sont formulées avec des mots simples, elles indiquent une analyse poussée des états d’âmes de l’être humain. Ibnou ‘Atâ’i-Allâh dit : « En le quittant, ce fut comme si mon trouble et ma tristesse étaient un habit dont je me dévêtis ».

   Ibnou ‘Atâ’i-Allâh devait avoir entre dix-huit et vingt ans lorsqu’il commença à fréquenter Aboû Al-‘Abbâs Al-Moursî. Mais certains condisciples qu’il rencontra aux cercles des fouqahâ’ semèrent de nouveau le trouble en lui : « J’entendais les étudiants dire : “Celui qui fréquente les cheikhs soufis ne donnera rien de bon en science légale ! ” La pensée que la science m’échapperait me fut très pénible, mais l’idée de renoncer à fréquenter le cheikh me pesait également » Il vint alors se confier à Al-Moursî qui lui confia : « Quand un commerçant veut devenir notre compagnon, nous ne lui demandons pas d’abandonner son commerce pour venir nous fréquenter ; si c’est un homme à métier, nous n’exigeons pas de lui de quitter son métier pour se joindre à nous ; et si c’est quelqu’un qui cherche la science, nous ne lui imposons pas de renoncer à sa recherche pour nous fréquenter. Nous laissons chacun s’adonner aux occupations que Dieu a choisies pour lui, et pourtant il recevra ce que Dieu a décidé de lui donner par notre médiation ». Ensuite, il lui dit : « Les justes ne quittent pas un état, tant que Dieu Lui-même ne se charge de les en sortir ».

f40   Ces paroles aidèrent Ibnou ‘Atâ’i-Allâh à dépasser ses conflits intérieurs, ce qui lui permit de se livrer à l’étude des sciences légales et à la pratique du soufisme. Il deviendra maître dans les deux sciences.

   En peu de temps, Ibnou ‘Atâ’i-Allâh As-Sakandarî acquit un statut important au sein de la confrérie chadhilite, sachant que le leader n’était autre que le fondateur Aboû Al-Hassan Ach-Châdhilî, lui-même élève du marocain ‘Abdessalâm Ibn Mchîch qu’il avait rencontré à Tunis. Ce fut ensuite Aboû Al-‘Abbâs Al-Moursî qui prit la direction de la confrérie avant que son disciple Ibnou ‘Atâ’i-Allâh ne devînt la troisième grande référence de cette confrérie.

   Ibnou ‘Atâ’i-Allâh composa peu de livres, l’on peut tout de même citer Latâ’ifou al-minan et At-tanwîr fî Isqâti At-tadbîr. Il doit sa renommée à ses célèbres hikam.

   Parmi ses élèves, on peut citer l’imâm Taqiyy Ad-Dîn As-Soubkî et l’imâm Al-Qarâfî, une grande référence mâlikite.

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