De la parole de bien, du respect des droits du voisin et de l’hôte

Commentaire du Hadith

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   Aboû Hourayra mentionne ces paroles du Prophète  : « Que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier ne dise que du bien ou qu’il se taise : que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier se montre généreux envers son voisin. Et que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier reçoive généreusement son hôte. »

Caractéristique du hadîth :

   Ibnou Hajar soulignait très justement dans son commentaire du recueil authentique d’Al-Boukhârî la spécificité de l’éloquence du Prophète  : une tournure concise mais substantielle des sentences. Le hadîth susmentionné en est la preuve.

   Outre qu’il soit bref et percutant, le discours de Mouhammad est une mine d’enseignements.D’abord dans sa  forme : le Messager avait l’habitude de solliciter l’intelligence de sa communauté, et de ne pas tout lui apporter sur un plateau d’argent, donc de s’adresser à elle en tant qu’entité adulte et responsable. En clair, la formulation de ses recommandations, de ses exhortations, laisse toujours une ouverture à la réflexion pour qui se donne la peine de méditer sur le contenu.

   Ensuite dans son fond : précisément, dans ce présent hadith, qu’est-ce la croyance en Dieu, le Jour Dernier, le bien, le silence ? Qu’est-ce la générosité et le voisin ? Qu’est-ce un hôte et comment le recevoir ? Autant de questionnements qui obligent les croyants à se poser un instant, puis à cogiter jusqu’à devoir bousculer leurs intimes convictions.

Substantifique moelle du hadîth :

Voici les préceptes pouvant s’extraire de la parole du bien-aimé Prophète  :

1.            Les hommes vivent en interaction, ne pouvant se passer les uns des autres dans leurs relations. Les élégantes convenances, le beau parler, la délicatesse et la générosité sont autant d’aptitudes à développer, à renforcer ; et ce, dans l’optique de la mise en place d’une cohabitation harmonieuse et solidaire entre les humains. Ce hadîth y incite cordialement les croyants.

2.             « La parole est d’argent, le silence est d’or », et ne peuvent prétendre à une foi parfaite que ceux qui éludent sciemment les paroles insensées, nuisibles, futiles, sans bénéfice pour leur existence en ce bas monde et dans l’au-delà. Cette attitude éloigne sans conteste la corruption de la société, lui assure indéniablement bonheur et félicité, et confère absolument à ceux qui l’adoptent la satisfaction du Très Haut.

Deux autres hadîths complètent la parole prophétique examinée :

  « La foi de l’homme ne se consolidera que lorsque son cœur se raffermira. Et son cœur ne se raffermira que lorsque ses paroles seront bien mesurées. » (rapporté par Anas et consigné dans le « Mousnad » de Ahmad)
« L’homme n’atteindra la véritable foi que lorsqu’il retiendra sa langue. » (rapporté par Anas et mentionné par At-Tabarânî).

   La loquacité et l’indiscrétion réduisent à néant les bonnes œuvres et interdisent l’entrée au paradis ; c’est la voie de la perdition. Le mutisme est la voie du salut. Les croyants se doivent de scruter le bien fondé de leur verbe, de réfléchir à ses conséquences : ils s’imposent le silence quand la parole pourrait n’apporter que désagrément et réprobation divine. Allâh dit en substance : « Nous avons créé l’homme et Nous connaissons les plus intimes secrets de son âme, car Nous sommes plus près de lui que de sa jugulaire. En effet, deux anges se tiennent l’un à droite et l’autre à gauche de l’homme pour enregistrer tous ses faits et gestes, en sorte qu’il ne prononce aucune parole sans qu’il n’y ait à ses côtés un observateur prêt à l’enregistrer. », s. 50 Qâf, v.16-18.

   Et le Prophète d’informer : «Il en est qui prononce une parole satisfaisant Allâh sans pour autant qu’il ait conscience de sa véritable portée, et Allâh le Très Haut l’élève d’un certain nombre de degrés. Et il en est qui prononce une parole mécontentant Allâh sans pour autant qu’il en ait conscience et cela le précipite en enfer.» (rapporté par Aboû Hourayra et mentionné dans le sahîh d’Al-Boukhârî).

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    Le verbiage est réprouvé en Islâm, et entrent dans cette catégorie de parole le mensonge, la calomnie, la médisance, etc. Allâh annonce : « Bienheureux, en vérité, les croyants qui prient avec humilité, qui dédaignent toute futilité. », s. 23 Al-Mu’minoûn (Les Croyants), v.1-3.Même sans tomber dans l’illicite, les croyants évitent l’excès de parole, car ils se préservent ainsi du dérapage. At-Tirmidhî rapporte ce hadîth transmis par Ibnou ‘Omar  : « Ne parlez pas avec excès si ce n’est pour évoquer Dieu. Quiconque parlera avec excès verra s’endurcir son cœur. Or, la dureté du cœur éloigne les gens de Dieu. »

   ‘Omar Ibnou Al-Khattâb mettait en garde : « Quiconque parle avec excès multipliera ses erreurs, et quiconque multiplie ses erreurs verra le nombre de ses péchés augmenter, et quiconque accroît le nombre de ses péchés méritera par excellence d’avoir l’enfer pour demeure. » Dire du bien c’est commander le séant et blâmer l’inconvenant, et c’est là incontestablement un haut degré de foi. S’abstenir d’agir ainsi relève du péché : « qui tait la vérité n’est autre qu’un démon muet ».

3.            L’Islâm a accordé une importance sans précédent au droit du voisin dans les relations   sociales. Dieu déclare : « Adorez Dieu et ne Lui associez rien. Faîtes du bien aux deux géniteurs, au proche, aux orphelins, aux miséreux, au voisin proche, au voisin d’à côté, au compagnon permanent, à l’étranger de passage et ce que vous possédez par la voie légale. Dieu n’aime certainement pas celui qui est plein de vanité et de vantardise. », s. 4 An-Nissâ’ (Les Femmes), v. 36. « Le voisin d’à côté » désigne celui qui est éloigné ou le parent par alliance. « Le compagnon permanent » est soit celui du voyage, soit l’épouse, soit l’employé permanent.

   Aîcha rapportait ces mots du Prophète  : « Gabriel ne cessait de me recommander (la sollicitude à l’égard du) voisin, à tel point que j’ai cru qu’il allait lui donner droit à une part de l’héritage.» (authentifié par Al-Boukhârî). L’Islâm recommande aux croyants de soutenir le voisin, de répondre à ses besoins et de faire preuve d’abnégation à son endroit s’il le faut : «Le croyant n’a pas le droit de se rassasier tout en sachant que son voisin est affamé.» (rapporté par ‘Omar Ibnou Al-Khattâb et authentifié par l’imâm Ahmad).

   Bien traiter le voisin est donc une exigence de la religion, tout comme il est formellement  prohibé de porter atteinte à son honneur, à ses biens : compte parmi les très graves péchés « le fait de séduire l’épouse de ton voisin afin qu’elle consente à forniquer avec toi. », dixit le Prophète (hadîth unanimement reconnu et rapporté par Ibnou Mas‘oûd, ).

   D’autre part, le Messager d’Allâh déclarait : « Par Dieu, il ne croira pas ! » [C’est-à-dire qu’il n’aura pas une foi parfaite] On lui demanda : « Qui donc ne croira pas, ô Messager de Dieu ? » Il répondit : « Quiconque dont le voisin ne se sent pas à l’abri de ses méfaits. » (cité par Al-Boukhârî et transmis par Aboû Charîh).

   Un jour on le questionna : «Ô messager de Dieu ! Telle femme prie la nuit, jeûne le jour, mais elle profère des paroles nuisibles à l’égard de ses voisins. Il répondit : « Elle est destinée au feu. » on dit : « Telle femme accomplit les prières prescrites, jeûne le mois de Ramadan, fait don du peu de lait caillé qu’elle possède, et elle ne porte pas atteinte à ses voisins. » Il dit : « Elle fait partie des gens du paradis. »

4.            Le dernier thème évoqué dans le hadîth considéré est l’accueil réservé à l’hôte. Il est des habitudes des musulmans de recevoir généreusement les visiteurs, soit parce qu’ils estiment que cela est une obligation : en cela, ils suivent l’opinion des imâms Ahmad et Al-Layth Ibnou Sa’d ; soit parce que cette bienséance est un acte de foi, de bienfaisance, un trait du noble caractère, et par conséquent elle ne revêt pas le caractère obligatoire, elle est une recommandation : en cela, ils adoptent l’avis de la majorité des savants.

Quels sont les droits et devoirs respectifs de l’hôte et de celui qui le reçoit ?

   En ce qui concerne celui qui accueille, il est affable et attentionné, il s’empresse de nourrir durant trois jours son convive (pour le voyageur), de la même manière qu’il sustente sa famille. Au-delà de ce délai, tout ce qu’il offrira relève de l’aumône de sa part : « Le droit à l’hospitalité est de trois jours » (hadîth cité par Mouslim). La réception doit être particulièrement soignée le premier jour, car l’invité a droit à un traitement de faveur.

   L’hôte s’oblige à se conformer aux paroles du Prophète  : « Il n’est pas permis au musulman de séjourner chez son frère jusqu’à le pousser à commettre un péché. » Ils dirent : « Comment peut-il le contraindre à commettre un péché, ô Messager de Dieu ?! » Il dit : « Il reste chez lui alors qu’il n’a plus rien à lui servir. » (rapporté par Mouslim). Celui qui reçoit, dans ce cas précis, est en droit de congédier son hôte, car il a rempli son devoir envers lui pour l’amour de Dieu.

Conclusion :

   Les humains sont tous les voisins des uns et des autres : certains accueillent, d’autres sont des convives. En comprenant et en traduisant dans leur comportement ce hadîth, les croyants contribuent à l’épanouissement d’une société saine :ils établissent l’entente cordiale entre les individus, bannissent les rancunes et les haines.

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