(8) Début de mission

Biographie du Messager

m37

L’appel secret

   Avant l’avènement de l’Islam, la Mecque était le centre religieux des Arabes caractérisé par le polythéisme. Venir prêcher l’unité de Dieu relevait de la prouesse.

Afin de ne pas offusquer les Mecquois et pour éviter une révolte de leur part,

le Prophète Mouhammad  a employé durant trois années des moyens secrets de propagation de la parole divine au début de son apostolat.

  Le Messager d’Allâh a commencé par délivrer le message divin à sa famille, à ses amis et aux gens les plus proches de lui ; ceux-là-mêmes qui sont les plus connaisseurs de sa probité, de ses nombreuses qualités humaines, dont la véridicité, pour accepter aisément son invitation à l’Islam.

  Les tout premiers convertis étaient appelés « les premiers devanciers », ils étaient au nombre de cinq à avoir embrassé l’Islam dès le premier jour de prêche du Messager d’Allâh : ce fut d’abord Khadîja, l’épouse du Prophète ; suivie de son affranchi, Zayd Ibnou Hâritha Ibnou Chourhabîl Al-Kalbî ; puis du jeune cousin et futur gendre du Prophète, ‘Alî Ibnou Abî Tâlib ; et enfin ‘Abdoullâh Ibnou Abî Qouhâfa surnommé Aboû Bakr Aç-Çiddîq. (Que Dieu les agrée tous !)

   Vertueux et doté d’un agréable tempérament, Aboû Bakr Aç-Çiddîq fit de ses compagnons les plus fiables des adeptes de l’Islam. Cinq en tout : ‘Othmâne Ibnou ‘Affâne Al-Oumawî, Az-Zoubayr Ibnou Al-‘Awwâm Al-Asdî, ‘Abd Ar-Rahmâne Ibnou ‘Awf Az-Zouhrî, Sâ’d Ibnou Abî Waqqâs Az-Zouhrî et Talha Ibnou ‘Oubaydi- Allâh At-Taymî (que Dieu les agrée tous).

   Le biographe Ibnou Ishâq liste une quarantaine d’autres premiers convertis – un certain doute persiste tout de même pour quelques uns d’entre eux -, appartenant tous aux différents clans qouraychites : l’Abyssinien Bilâl Ibnou Rabâh, Aboû ‘Oubayda ‘Âmir Ibnou Al-Jarrâh Ibnou Fahr des banî Al-Hârith (le secrétaire de l’Etat musulman), Aboû Salama Ibnou ‘Abdi-Al-Assad Al-Makhzoûmî, Al-Arqam Ibnou Abî Al-Arqam Al-Makhzoûmî, Othmâne Ibnou Madh‘oûn et ses deux frères Qoudâma et ‘Abdoullâh, ‘Oubayda Ibnou Al-Hârith Ibnou Al-Mouttalib Ibnou ‘Abdi Manâf, Sa’îd Ibnou Zayd Al-‘Adawî et son épouse Fâtima Al-‘Adawiyya, fille d’Al-Khattâb (la sœur de ‘Omar Ibnou Al-Khattâb), Al-Khabbâb Ibnou Al-Aratt, ‘Abdoullâh Ibnou Mas‘oûd Al-Houdhalî, etc.

   Tout d’abord individuelle et secrète, l’exhortation à l’Islam devint continue puis accélérée après la révélation de sourate 74 Al-Mouddaththir (Le Revêtu d’un manteau). Au cours de ces trois années, l’accent était mis sur la purification des âmes et l’intensification de la foi par la valorisation de l’éternité de l’au-delà au détriment de l’éphémérité de l’ici-bas. Les morceaux de sourates descendues étaient courts, ils décrivaient les souffrances en l’enfer et les délices au paradis. De fait, les croyants étaient plongés dans une ambiance empreinte de piété diamétralement opposée à l’atmosphère environnante de la Mecque.

   Très tôt, la prière a été une pratique de la jeune communauté en formation : elle se composait de deux unités le matin et de deux autres le soir, comme décrété par Allâh à cette époque : « Sois patient ! La promesse de Dieu s’accomplira sans conteste. Implore donc la rémission de tes péchés et célèbre les louanges de ton Seigneur, matin et soir ! », s.40 Ghâfir (Celui Qui Pardonne), v.55.

فَٱصْبِرْ إِنَّ وَعْدَ ٱللَّهِ حَقٌّ وَٱسْتَغْفِـرْ لِذَنبِكَ وَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ بِٱلْعَشِيِّ وَٱلإِبْكَارِ

   Selon Ibnou Hichâm, le Prophète et ses Compagnons se réfugiaient dans les vallées pour accomplir discrètement les offices. Une fois, ils furent surpris par Aboû Tâlib, qui les interrogea alors à ce propos. Lorsqu’il apprit qu’il s’agissait d’une prescription divine, il leur conseilla de s’y maintenir avec constance.

   La petite société musulmane en gestation était basée sur la fraternité et l’entraide en Dieu. L’objectif commun était de renforcer l’Islam et de le propager à l’humanité. Malgré la tenue secrète des réunions dans la demeure d’Al-Arqam Ibnou Abî Al-Arqam, quelques agissements des croyants parvinrent à la connaissance des Qouraychites. Ceux-ci ne s’en inquiétèrent outre mesure, car ils considéraient le Prophète comme un de ces hommes sages portés vers la spiritualité. Pourtant, peu à peu, l’indifférence laissa place à l’appréhension. La crainte de voir l’influence du Messager d’Allâh faire tache d’huile sur un public plus large incita les Qouraychites à épier de très près les activités des musulmans.

L’appel public

   Dès la révélation du verset 214 de sourate 26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), le Prophète rendit sa mission publique : « Avertis les gens qui te sont les plus proches. »

وَأَنذِرۡ عَشِيرَتَكَ ٱلۡأَقۡرَبِينَ

   Il réunit les banî Hâchim, le clan dont il est issu, ainsi que quelques hommes des banî Al-Mouttâlib Ibnou ‘Abdi Manâf ; en tout quarante-cinq individus.

   Son oncle Aboû Lahab (de son vrai nom ‘Abdou-l-‘Ouzzâ) prit la parole : « Ce sont tes oncles et tes cousins, parle donc et laisse les néophytes. Et sache que ton peuple ne peut pas affronter tous les Arabes ; contente-toi alors de tes parents, que tu suives leurs traditions leur est plus facile que de faire face aux clans de Qourayche soutenus par les autres Arabes. Je n’ai  vraiment jamais vu personne apporter plus de mal à sa famille que toi ! »

   Mouhammad  ne prononça mot au cours de cette assemblée, mais il en provoqua une seconde où il déclara : « Louange à Allâh, je cherche Son aide, je crois en Lui, je place ma confiance en Lui, j’atteste qu’il n’existe nulle autre divinité qu’Allâh, et qu’Il n’a aucun associé. Certes, le guide ne ment jamais aux siens. Je jure par Allâh, le Dieu Unique, que je suis l’envoyé d’Allâh à vous en particulier, et à l’humanité en général. Je jure par Allâh que vous mourez certes, comme vous dormez, que vous serez ressuscités comme vous vous réveillez, que vous serez jugés suivant vos œuvres. Et ce sera l’enfer éternel ou le paradis éternel. »

   Ce à quoi son oncle Aboû Tâlib répond : « Cela nous fait vraiment plaisir de t’aider, nous accueillons bien ton conseil et croyons en tes paroles. Voici tes parents réunis et je ne suis que l’un d’eux, mais je suis le plus empressé de répondre à ton souhait. Fais ce qu’on t’a ordonné de faire. Je jure par Dieu de toujours te protéger et de te défendre, cependant, je n’ai pas le courage de quitter la religion de ‘Abd Al-Mouttâlib. »
Aboû Lahab ne l’entendit pas de cette oreille et dit en colère : « Je jure par Dieu que ceci est abominable, arrêtez-le avant que d’autres le fassent ! »Mais imperturbable, le sage Aboû Tâlib rétorqua : « Je jure par Dieu que nous le protégerons aussi longtemps que nous vivrons. »

  Une fois la protection de son oncle Aboû Tâlib assurée, le Prophète se tint un jour sur le mont d’Aç-çafâ et invita les différents clans de la Mecque au monothéisme :
« Si je vous annonce qu’il y a dans la vallée une horde de cavaliers dont l’intention est de vous attaquer, me croiriez-vous ? interrogea Mouhammad .
— Certainement, tu es digne de confiance et nous ne t’avons point connu proférer des mensonges ! répondirent-ils à l’unisson.
— Or donc je suis pour vous l’annonceur de violents tourments ! Dieu m’a demandé d’avertir ma parenté la plus proche. Je n’ai pas le pouvoir de vous protéger de quoi que ce soit dans cette vie, ni de vous assurer la bénédiction dans l’au-delà à moins que vous ne croyiez à l’unicité de Dieu. Ma position est identique à celle de celui qui voit l’ennemi, qui court avertir son peuple avant que celui-ci ne soit pris par surprise et qui, dans sa course, lui crie : “Attention ! attention !”
— Malheur à toi ! Est-ce pour cela que tu nous as réunis ? lui lança Aboû Lahab. » [Selon Ibnou Hichâm.]

   Le prophète avait également déclaré : « Ô gens de Qourayche, délivrez-vous du feu ! Ô banî Ka’b, délivrez-vous du feu ! Ô Fâtima, fille de Mouhammad, délivre-toi du feu ! Car je ne peux rien pour vous face à Allâh, sauf que je maintiendrai avec vous les liens de parenté. » [Rapporté par Mouslim d’après Aboû Hourayra.]

   C’est à cette occasion que le verset 1 de sourate 111 Al-Masad (La Corde) fut révélé à l’adresse d’Aboû Lahab : « Périssent les mains d’Aboû Lahab ! Et qu’il périsse lui-même ! »

   Malgré l’hostilité d’une partie de son clan, le prophète continua à prêcher inlassablement en public, exhortant son peuple à abandonner leurs péchés dont les injustices infligées aux faibles de la société. Toutefois, les notables de la ville, déstabilisés par les nobles paroles, mais ne désirant aucunement délaisser leurs fausses divinités et leurs privilèges, décidèrent de contrer, d’abord par voie diplomatique, l’homme qui est venu troubler leur quiétude, discréditer et humilier leurs dieux. Ils sollicitèrent l’intervention d’Aboû Tâlib auprès de son neveu : « Ô Aboû Tâlib ! Ton neveu a insulté nos dieux, discrédité nos sages et anathémisé nos ancêtres. Epargne-nous donc son mal ou laisse-nous l’atteindre ! Tu es des nôtres et tu désapprouves, certes, ce qu’il fait, ainsi nous t’en délivrerons. »
Aboû Tâlib repoussa adroitement leur requête. Il les rassura par des paroles douces et apaisantes avant de les laisser partir.

La machination

   Face à la persévérance de l’Envoyé de Dieu à vouloir délivrer le message divin devant une foule grandissante et un nombre accru d’adeptes, les Qouraychites s’impatientaient et ne décoléraient pas. Bien au contraire, car la période du pèlerinage à la Mecque s’approchait à grand pas et il fallait coûte que coûte stopper l’influence de Mouhammad .
Ils envoyèrent Aboû Tâlib lui exposer leurs propositions alléchantes : le pouvoir, les femmes et la richesse contre l’abandon de sa mission.

   « Ô mon neveu ! Ton peuple est venu me voir et m’a dit ceci et cela. Ménage-moi, ménage-toi ! Et ne me charge pas de ce que je ne saurai supporter. » Pour toute réponse, Mouhammad  prononça ces paroles gravées à jamais dans la mémoire collective des croyants : « Ô mon oncle ! Je jure par Allâh que même s’ils plaçaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour que je renonce à cette affaire, je n’y renoncerai jamais, [je persévérai] jusqu’à ce qu’Allâh lui donne le triomphe ou que je perde la vie ! »
Aboû Tâlib de conclure : « Va, mon neveu ! Fais ce qui te plaira ! Je jure par Allâh de ne jamais te livrer à tes ennemis ! »

  Les Qouraychites se réunirent autour d’Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra pour fomenter une campagne de médisance à l’encontre du Prophète et rendre ainsi inefficace ses prédications :
« Entendez-vous sur une position unanime, n’adoptez pas d’opinions divergentes pour ne pas vous contredire les uns et les autres, leur conseilla-t-il.
—   Donne-nous alors ton avis en premier !
—   Commencez plutôt, je vous écoute !
—   Nous le traiterons de « kâhin » (devin).
—   Non, je jure qu’il ne l’est pas. Les devins, nous en avons vus, et ses paroles ne ressemblent en rien à leurs incantations.
—   Nous dirons alors qu’il est possédé.
—   Il ne l’est pas, nous avons bien connu les possédés et il n’a rien de leurs comportements.
—   Nous dirons donc que c’est un poète.
—   Non, tous les styles de poésie connus n’ont rien de commun avec ce qu’il apporte.
—   Eh bien, accusons-le de sorcellerie !
—   Il ne peut pas être sorcier, il n’a recours ni aux souffles des magiciens, ni à leurs nœuds. Je jure par Dieu que sa parole est douce, son ascendance aussi généreuse qu’un palmier prodigue et sa descendance aussi bonne que ses fruits succulents, et toutes vos médisances contre lui seront réfutées. Cependant, cette dernière proposition serait plausible, vous diriez qu’il avait apporté une parole magique, de la sorcellerie qui sépare l’homme de son père, l’homme de son frère, l’homme de son épouse et l’homme de sa tribu. »

   Selon une autre version, Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra demanda à ses consultants un délai de réflexion après qu’ils lui eurent dit : « Propose-nous donc ton avis judicieux ! » Puis, il leur délivra la proposition suscitée.
Allâh décrivit la cogitation d’Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra : « Certes, il a bien réfléchi et a bien supputé. Eh bien ! qu’il périsse d’avoir si bien supputé ! Oui, qu’il périsse d’avoir si bien supputé ! C’est ainsi qu’après avoir dévisagé l’assistance, il se renfrogna et fronça les sourcils ; puis se détourna d’un air hautain et dit : “Tout ceci n’est que sorcellerie fort bien imitée ! Ce ne sont-là que des propos d’un mortel !” », s.74 Al-Mouddaththir (Le Revêtu d’un manteau), v.18-25.

إِنَّهُ ۥ فَكَّرَ وَقَدَّرَ (١٨) فَقُتِلَ كَيۡفَ قَدَّرَ (١٩) ثُمَّ قُتِلَ كَيۡفَ قَدَّرَ (٢٠) ثُمَّ نَظَرَ (٢١) ثُمَّ عَبَسَ وَبَسَرَ (٢٢) ثُمَّ أَدۡبَرَ وَٱسۡتَكۡبَرَ (٢٣) فَقَالَ إِنۡ هَـٰذَآ إِلَّا سِحۡرٌ۬ يُؤۡثَرُ (٢٤) إِنۡ هَـٰذَآ إِلَّا قَوۡلُ ٱلۡبَشَرِ (٢٥)

   Une fois la décision tombée, donc, les comploteurs mirent à exécution leur plan, distillant leur poison auprès des pèlerins arabes. Aboû Lahab excella dans la méchanceté, poussant le vice jusqu’à emboîter le pas au Prophète dans ses déplacements et à crier à qui veut l’entendre : « Ne lui obéissez pas ! C’est un menteur et un apostat ! »
Comble de l’ironie, à la fin de la saison du pèlerinage, l’attitude outrancière des calomniateurs eut l’effet inverse : beaucoup de pèlerins retournèrent chez eux en ayant adopté l’Islam comme guide et le répandirent auprès de leur famille.Ceci redoubla la haine de Qourayche pour Mouhammad et ses partisans : l’ère des persécutions débute…  L’appel secret

   Avant l’avènement de l’Islam, la Mecque était le centre religieux des Arabes caractérisé par le polythéisme. Venir prêcher l’unité de Dieu relevait de la prouesse. Afin de ne pas offusquer les Mecquois et pour éviter une révolte de leur part, le Prophète Mouhammad  a employé durant trois années des moyens secrets de propagation de la parole divine au début de son apostolat.

   Le Messager d’Allâh a commencé par délivrer le message divin à sa famille, à ses amis et aux gens les plus proches de lui ; ceux-là-mêmes qui sont les plus connaisseurs de sa probité, de ses nombreuses qualités humaines, dont la véridicité, pour accepter aisément son invitation à l’Islam.

   Les tout premiers convertis étaient appelés « les premiers devanciers », ils étaient au nombre de cinq à avoir embrassé l’Islam dès le premier jour de prêche du Messager d’Allâh : ce fut d’abord Khadîja, l’épouse du Prophète ; suivie de son affranchi, Zayd Ibnou Hâritha Ibnou Chourhabîl Al-Kalbî ; puis du jeune cousin et futur gendre du Prophète, ‘Alî Ibnou Abî Tâlib ; et enfin ‘Abdoullâh Ibnou Abî Qouhâfa surnommé Aboû Bakr Aç-Çiddîq. (Que Dieu les agrée tous !)

   Vertueux et doté d’un agréable tempérament, Aboû Bakr Aç-Çiddîq fit de ses compagnons les plus fiables des adeptes de l’Islam. Cinq en tout : ‘Othmâne Ibnou ‘Affâne Al-Oumawî, Az-Zoubayr Ibnou Al-‘Awwâm Al-Asdî, ‘Abd Ar-Rahmâne Ibnou ‘Awf Az-Zouhrî, Sâ’d Ibnou Abî Waqqâs Az-Zouhrî et Talha Ibnou ‘Oubaydi- Allâh At-Taymî (que Dieu les agrée tous).

   Le biographe Ibnou Ishâq liste une quarantaine d’autres premiers convertis – un certain doute persiste tout de même pour quelques uns d’entre eux -, appartenant tous aux différents clans qouraychites : l’Abyssinien Bilâl Ibnou Rabâh, Aboû ‘Oubayda ‘Âmir Ibnou Al-Jarrâh Ibnou Fahr des banî Al-Hârith (le secrétaire de l’Etat musulman), Aboû Salama Ibnou ‘Abdi-Al-Assad Al-Makhzoûmî, Al-Arqam Ibnou Abî Al-Arqam Al-Makhzoûmî, Othmâne Ibnou Madh‘oûn et ses deux frères Qoudâma et ‘Abdoullâh, ‘Oubayda Ibnou Al-Hârith Ibnou Al-Mouttalib Ibnou ‘Abdi Manâf, Sa’îd Ibnou Zayd Al-‘Adawî et son épouse Fâtima Al-‘Adawiyya, fille d’Al-Khattâb (la sœur de ‘Omar Ibnou Al-Khattâb), Al-Khabbâb Ibnou Al-Aratt, ‘Abdoullâh Ibnou Mas‘oûd Al-Houdhalî, etc.

   Tout d’abord individuelle et secrète, l’exhortation à l’Islam devint continue puis accélérée après la révélation de sourate 74 Al-Mouddaththir (Le Revêtu d’un manteau). Au cours de ces trois années, l’accent était mis sur la purification des âmes et l’intensification de la foi par la valorisation de l’éternité de l’au-delà au détriment de l’éphémérité de l’ici-bas. Les morceaux de sourates descendues étaient courts, ils décrivaient les souffrances en l’enfer et les délices au paradis. De fait, les croyants étaient plongés dans une ambiance empreinte de piété diamétralement opposée à l’atmosphère environnante de la Mecque.

   Très tôt, la prière a été une pratique de la jeune communauté en formation : elle se composait de deux unités le matin et de deux autres le soir, comme décrété par Allâh à cette époque : « Sois patient ! La promesse de Dieu s’accomplira sans conteste. Implore donc la rémission de tes péchés et célèbre les louanges de ton Seigneur, matin et soir ! », s.40 Ghâfir (Celui Qui Pardonne), v.55.

فَٱصْبِرْ إِنَّ وَعْدَ ٱللَّهِ حَقٌّ وَٱسْتَغْفِـرْ لِذَنبِكَ وَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ بِٱلْعَشِيِّ وَٱلإِبْكَارِ

   Selon Ibnou Hichâm, le Prophète et ses Compagnons se réfugiaient dans les vallées pour accomplir discrètement les offices. Une fois, ils furent surpris par Aboû Tâlib, qui les interrogea alors à ce propos. Lorsqu’il apprit qu’il s’agissait d’une prescription divine, il leur conseilla de s’y maintenir avec constance.

   La petite société musulmane en gestation était basée sur la fraternité et l’entraide en Dieu. L’objectif commun était de renforcer l’Islam et de le propager à l’humanité. Malgré la tenue secrète des réunions dans la demeure d’Al-Arqam Ibnou Abî Al-Arqam, quelques agissements des croyants parvinrent à la connaissance des Qouraychites. Ceux-ci ne s’en inquiétèrent outre mesure, car ils considéraient le Prophète comme un de ces hommes sages portés vers la spiritualité. Pourtant, peu à peu, l’indifférence laissa place à l’appréhension. La crainte de voir l’influence du Messager d’Allâh faire tache d’huile sur un public plus large incita les Qouraychites à épier de très près les activités des musulmans.

L’appel public

    Dès la révélation du verset 214 de sourate 26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), le Prophète rendit sa mission publique : « Avertis les gens qui te sont les plus proches. »

وَأَنذِرۡ عَشِيرَتَكَ ٱلۡأَقۡرَبِينَ

   Il réunit les banî Hâchim, le clan dont il est issu, ainsi que quelques hommes des banî Al-Mouttâlib Ibnou ‘Abdi Manâf ; en tout quarante-cinq individus.

   Son oncle Aboû Lahab (de son vrai nom ‘Abdou-l-‘Ouzzâ) prit la parole : « Ce sont tes oncles et tes cousins, parle donc et laisse les néophytes. Et sache que ton peuple ne peut pas affronter tous les Arabes ; contente-toi alors de tes parents, que tu suives leurs traditions leur est plus facile que de faire face aux clans de Qourayche soutenus par les autres Arabes. Je n’ai  vraiment jamais vu personne apporter plus de mal à sa famille que toi ! »
Mouhammad  ne prononça mot au cours de cette assemblée, mais il en provoqua une seconde où il déclara : « Louange à Allâh, je cherche Son aide, je crois en Lui, je place ma confiance en Lui, j’atteste qu’il n’existe nulle autre divinité qu’Allâh, et qu’Il n’a aucun associé. Certes, le guide ne ment jamais aux siens. Je jure par Allâh, le Dieu Unique, que je suis l’envoyé d’Allâh à vous en particulier, et à l’humanité en général. Je jure par Allâh que vous mourez certes, comme vous dormez, que vous serez ressuscités comme vous vous réveillez, que vous serez jugés suivant vos œuvres. Et ce sera l’enfer éternel ou le paradis éternel. »
Ce à quoi son oncle Aboû Tâlib répond : « Cela nous fait vraiment plaisir de t’aider, nous accueillons bien ton conseil et croyons en tes paroles. Voici tes parents réunis et je ne suis que l’un d’eux, mais je suis le plus empressé de répondre à ton souhait. Fais ce qu’on t’a ordonné de faire. Je jure par Dieu de toujours te protéger et de te défendre, cependant, je n’ai pas le courage de quitter la religion de ‘Abd Al-Mouttâlib. »
Aboû Lahab ne l’entendit pas de cette oreille et dit en colère : « Je jure par Dieu que ceci est abominable, arrêtez-le avant que d’autres le fassent ! »Mais imperturbable, le sage Aboû Tâlib rétorqua : « Je jure par Dieu que nous le protégerons aussi longtemps que nous vivrons. »

   Une fois la protection de son oncle Aboû Tâlib assurée, le Prophète se tint un jour sur le mont d’Aç-çafâ et invita les différents clans de la Mecque au monothéisme :

   « Si je vous annonce qu’il y a dans la vallée une horde de cavaliers dont l’intention est de vous attaquer, me croiriez-vous ? interrogea Mouhammad .
— Certainement, tu es digne de confiance et nous ne t’avons point connu proférer des mensonges ! répondirent-ils à l’unisson.
— Or donc je suis pour vous l’annonceur de violents tourments ! Dieu m’a demandé d’avertir ma parenté la plus proche. Je n’ai pas le pouvoir de vous protéger de quoi que ce soit dans cette vie, ni de vous assurer la bénédiction dans l’au-delà à moins que vous ne croyiez à l’unicité de Dieu. Ma position est identique à celle de celui qui voit l’ennemi, qui court avertir son peuple avant que celui-ci ne soit pris par surprise et qui, dans sa course, lui crie : “Attention ! attention !”
— Malheur à toi ! Est-ce pour cela que tu nous as réunis ? lui lança Aboû Lahab. » [Selon Ibnou Hichâm.]

   Le prophète avait également déclaré : « Ô gens de Qourayche, délivrez-vous du feu ! Ô banî Ka’b, délivrez-vous du feu ! Ô Fâtima, fille de Mouhammad, délivre-toi du feu ! Car je ne peux rien pour vous face à Allâh, sauf que je maintiendrai avec vous les liens de parenté. » [Rapporté par Mouslim d’après Aboû Hourayra.]

   C’est à cette occasion que le verset 1 de sourate 111 Al-Masad (La Corde) fut révélé à l’adresse d’Aboû Lahab : « Périssent les mains d’Aboû Lahab ! Et qu’il périsse lui-même ! »

   Malgré l’hostilité d’une partie de son clan, le prophète continua à prêcher inlassablement en public, exhortant son peuple à abandonner leurs péchés dont les injustices infligées aux faibles de la société. Toutefois, les notables de la ville, déstabilisés par les nobles paroles, mais ne désirant aucunement délaisser leurs fausses divinités et leurs privilèges, décidèrent de contrer, d’abord par voie diplomatique, l’homme qui est venu troubler leur quiétude, discréditer et humilier leurs dieux. Ils sollicitèrent l’intervention d’Aboû Tâlib auprès de son neveu : « Ô Aboû Tâlib ! Ton neveu a insulté nos dieux, discrédité nos sages et anathémisé nos ancêtres. Epargne-nous donc son mal ou laisse-nous l’atteindre ! Tu es des nôtres et tu désapprouves, certes, ce qu’il fait, ainsi nous t’en délivrerons. »
Aboû Tâlib repoussa adroitement leur requête. Il les rassura par des paroles douces et apaisantes avant de les laisser partir.

La machination

   Face à la persévérance de l’Envoyé de Dieu à vouloir délivrer le message divin devant une foule grandissante et un nombre accru d’adeptes, les Qouraychites s’impatientaient et ne décoléraient pas. Bien au contraire, car la période du pèlerinage à la Mecque s’approchait à grand pas et il fallait coûte que coûte stopper l’influence de Mouhammad .
Ils envoyèrent Aboû Tâlib lui exposer leurs propositions alléchantes : le pouvoir, les femmes et la richesse contre l’abandon de sa mission.

   « Ô mon neveu ! Ton peuple est venu me voir et m’a dit ceci et cela. Ménage-moi, ménage-toi ! Et ne me charge pas de ce que je ne saurai supporter. » Pour toute réponse, Mouhammad  prononça ces paroles gravées à jamais dans la mémoire collective des croyants : « Ô mon oncle ! Je jure par Allâh que même s’ils plaçaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour que je renonce à cette affaire, je n’y renoncerai jamais, [je persévérai] jusqu’à ce qu’Allâh lui donne le triomphe ou que je perde la vie ! »
Aboû Tâlib de conclure : « Va, mon neveu ! Fais ce qui te plaira ! Je jure par Allâh de ne jamais te livrer à tes ennemis ! »

   Les Qouraychites se réunirent autour d’Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra pour fomenter une campagne de médisance à l’encontre du Prophète et rendre ainsi inefficace ses prédications :
« Entendez-vous sur une position unanime, n’adoptez pas d’opinions divergentes pour ne pas vous contredire les uns et les autres, leur conseilla-t-il.
—   Donne-nous alors ton avis en premier !
—   Commencez plutôt, je vous écoute !
—   Nous le traiterons de « kâhin » (devin).
—   Non, je jure qu’il ne l’est pas. Les devins, nous en avons vus, et ses paroles ne ressemblent en rien à leurs incantations.
—   Nous dirons alors qu’il est possédé.
—   Il ne l’est pas, nous avons bien connu les possédés et il n’a rien de leurs comportements.
—   Nous dirons donc que c’est un poète.
—   Non, tous les styles de poésie connus n’ont rien de commun avec ce qu’il apporte.
—   Eh bien, accusons-le de sorcellerie !
—   Il ne peut pas être sorcier, il n’a recours ni aux souffles des magiciens, ni à leurs nœuds. Je jure par Dieu que sa parole est douce, son ascendance aussi généreuse qu’un palmier prodigue et sa descendance aussi bonne que ses fruits succulents, et toutes vos médisances contre lui seront réfutées. Cependant, cette dernière proposition serait plausible, vous diriez qu’il avait apporté une parole magique, de la sorcellerie qui sépare l’homme de son père, l’homme de son frère, l’homme de son épouse et l’homme de sa tribu. »

    Selon une autre version, Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra demanda à ses consultants un délai de réflexion après qu’ils lui eurent dit : « Propose-nous donc ton avis judicieux ! » Puis, il leur délivra la proposition suscitée.
Allâh décrivit la cogitation d’Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra : « Certes, il a bien réfléchi et a bien supputé. Eh bien ! qu’il périsse d’avoir si bien supputé ! Oui, qu’il périsse d’avoir si bien supputé ! C’est ainsi qu’après avoir dévisagé l’assistance, il se renfrogna et fronça les sourcils ; puis se détourna d’un air hautain et dit : “Tout ceci n’est que sorcellerie fort bien imitée ! Ce ne sont-là que des propos d’un mortel !” », s.74 Al-Mouddaththir (Le Revêtu d’un manteau), v.18-25.

إِنَّهُ ۥ فَكَّرَ وَقَدَّرَ (١٨) فَقُتِلَ كَيۡفَ قَدَّرَ (١٩) ثُمَّ قُتِلَ كَيۡفَ قَدَّرَ (٢٠) ثُمَّ نَظَرَ (٢١) ثُمَّ عَبَسَ وَبَسَرَ (٢٢) ثُمَّ أَدۡبَرَ وَٱسۡتَكۡبَرَ (٢٣) فَقَالَ إِنۡ هَـٰذَآ إِلَّا سِحۡرٌ۬ يُؤۡثَرُ (٢٤) إِنۡ هَـٰذَآ إِلَّا قَوۡلُ ٱلۡبَشَرِ (٢٥)

   Une fois la décision tombée, donc, les comploteurs mirent à exécution leur plan, distillant leur poison auprès des pèlerins arabes. Aboû Lahab excella dans la méchanceté, poussant le vice jusqu’à emboîter le pas au Prophète dans ses déplacements et à crier à qui veut l’entendre : « Ne lui obéissez pas ! C’est un menteur et un apostat ! »
Comble de l’ironie, à la fin de la saison du pèlerinage, l’attitude outrancière des calomniateurs eut l’effet inverse : beaucoup de pèlerins retournèrent chez eux en ayant adopté l’Islam comme guide et le répandirent auprès de leur famille.Ceci redoubla la haine de Qourayche pour Mouhammad et ses partisans : l’ère des persécutions débute…  L’appel secret

   Avant l’avènement de l’Islam, la Mecque était le centre religieux des Arabes caractérisé par le polythéisme. Venir prêcher l’unité de Dieu relevait de la prouesse. Afin de ne pas offusquer les Mecquois et pour éviter une révolte de leur part, le Prophète Mouhammad  a employé durant trois années des moyens secrets de propagation de la parole divine au début de son apostolat.

   Le Messager d’Allâh a commencé par délivrer le message divin à sa famille, à ses amis et aux gens les plus proches de lui ; ceux-là-mêmes qui sont les plus connaisseurs de sa probité, de ses nombreuses qualités humaines, dont la véridicité, pour accepter aisément son invitation à l’Islam.

   Les tout premiers convertis étaient appelés « les premiers devanciers », ils étaient au nombre de cinq à avoir embrassé l’Islam dès le premier jour de prêche du Messager d’Allâh : ce fut d’abord Khadîja, l’épouse du Prophète ; suivie de son affranchi, Zayd Ibnou Hâritha Ibnou Chourhabîl Al-Kalbî ; puis du jeune cousin et futur gendre du Prophète, ‘Alî Ibnou Abî Tâlib ; et enfin ‘Abdoullâh Ibnou Abî Qouhâfa surnommé Aboû Bakr Aç-Çiddîq. (Que Dieu les agrée tous !)

   Vertueux et doté d’un agréable tempérament, Aboû Bakr Aç-Çiddîq fit de ses compagnons les plus fiables des adeptes de l’Islam. Cinq en tout : ‘Othmâne Ibnou ‘Affâne Al-Oumawî, Az-Zoubayr Ibnou Al-‘Awwâm Al-Asdî, ‘Abd Ar-Rahmâne Ibnou ‘Awf Az-Zouhrî, Sâ’d Ibnou Abî Waqqâs Az-Zouhrî et Talha Ibnou ‘Oubaydi- Allâh At-Taymî (que Dieu les agrée tous).

   Le biographe Ibnou Ishâq liste une quarantaine d’autres premiers convertis – un certain doute persiste tout de même pour quelques uns d’entre eux -, appartenant tous aux différents clans qouraychites : l’Abyssinien Bilâl Ibnou Rabâh, Aboû ‘Oubayda ‘Âmir Ibnou Al-Jarrâh Ibnou Fahr des banî Al-Hârith (le secrétaire de l’Etat musulman), Aboû Salama Ibnou ‘Abdi-Al-Assad Al-Makhzoûmî, Al-Arqam Ibnou Abî Al-Arqam Al-Makhzoûmî, Othmâne Ibnou Madh‘oûn et ses deux frères Qoudâma et ‘Abdoullâh, ‘Oubayda Ibnou Al-Hârith Ibnou Al-Mouttalib Ibnou ‘Abdi Manâf, Sa’îd Ibnou Zayd Al-‘Adawî et son épouse Fâtima Al-‘Adawiyya, fille d’Al-Khattâb (la sœur de ‘Omar Ibnou Al-Khattâb), Al-Khabbâb Ibnou Al-Aratt, ‘Abdoullâh Ibnou Mas‘oûd Al-Houdhalî, etc.

   Tout d’abord individuelle et secrète, l’exhortation à l’Islam devint continue puis accélérée après la révélation de sourate 74 Al-Mouddaththir (Le Revêtu d’un manteau). Au cours de ces trois années, l’accent était mis sur la purification des âmes et l’intensification de la foi par la valorisation de l’éternité de l’au-delà au détriment de l’éphémérité de l’ici-bas. Les morceaux de sourates descendues étaient courts, ils décrivaient les souffrances en l’enfer et les délices au paradis. De fait, les croyants étaient plongés dans une ambiance empreinte de piété diamétralement opposée à l’atmosphère environnante de la Mecque.

   Très tôt, la prière a été une pratique de la jeune communauté en formation : elle se composait de deux unités le matin et de deux autres le soir, comme décrété par Allâh à cette époque : « Sois patient ! La promesse de Dieu s’accomplira sans conteste. Implore donc la rémission de tes péchés et célèbre les louanges de ton Seigneur, matin et soir ! », s.40 Ghâfir (Celui Qui Pardonne), v.55.

فَٱصْبِرْ إِنَّ وَعْدَ ٱللَّهِ حَقٌّ وَٱسْتَغْفِـرْ لِذَنبِكَ وَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ بِٱلْعَشِيِّ وَٱلإِبْكَارِ

   Selon Ibnou Hichâm, le Prophète et ses Compagnons se réfugiaient dans les vallées pour accomplir discrètement les offices. Une fois, ils furent surpris par Aboû Tâlib, qui les interrogea alors à ce propos. Lorsqu’il apprit qu’il s’agissait d’une prescription divine, il leur conseilla de s’y maintenir avec constance.

   La petite société musulmane en gestation était basée sur la fraternité et l’entraide en Dieu. L’objectif commun était de renforcer l’Islam et de le propager à l’humanité. Malgré la tenue secrète des réunions dans la demeure d’Al-Arqam Ibnou Abî Al-Arqam, quelques agissements des croyants parvinrent à la connaissance des Qouraychites. Ceux-ci ne s’en inquiétèrent outre mesure, car ils considéraient le Prophète comme un de ces hommes sages portés vers la spiritualité. Pourtant, peu à peu, l’indifférence laissa place à l’appréhension. La crainte de voir l’influence du Messager d’Allâh faire tache d’huile sur un public plus large incita les Qouraychites à épier de très près les activités des musulmans.

L’appel public

   Dès la révélation du verset 214 de sourate 26 Ach-Chou‘arâ’ (Les Poètes), le Prophète rendit sa mission publique : « Avertis les gens qui te sont les plus proches. »

وَأَنذِرۡ عَشِيرَتَكَ ٱلۡأَقۡرَبِينَ

   Il réunit les banî Hâchim, le clan dont il est issu, ainsi que quelques hommes des banî Al-Mouttâlib Ibnou ‘Abdi Manâf ; en tout quarante-cinq individus.

   Son oncle Aboû Lahab (de son vrai nom ‘Abdou-l-‘Ouzzâ) prit la parole : « Ce sont tes oncles et tes cousins, parle donc et laisse les néophytes. Et sache que ton peuple ne peut pas affronter tous les Arabes ; contente-toi alors de tes parents, que tu suives leurs traditions leur est plus facile que de faire face aux clans de Qourayche soutenus par les autres Arabes. Je n’ai  vraiment jamais vu personne apporter plus de mal à sa famille que toi ! »
Mouhammad  ne prononça mot au cours de cette assemblée, mais il en provoqua une seconde où il déclara : « Louange à Allâh, je cherche Son aide, je crois en Lui, je place ma confiance en Lui, j’atteste qu’il n’existe nulle autre divinité qu’Allâh, et qu’Il n’a aucun associé. Certes, le guide ne ment jamais aux siens. Je jure par Allâh, le Dieu Unique, que je suis l’envoyé d’Allâh à vous en particulier, et à l’humanité en général. Je jure par Allâh que vous mourez certes, comme vous dormez, que vous serez ressuscités comme vous vous réveillez, que vous serez jugés suivant vos œuvres. Et ce sera l’enfer éternel ou le paradis éternel. »

   Ce à quoi son oncle Aboû Tâlib répond : « Cela nous fait vraiment plaisir de t’aider, nous accueillons bien ton conseil et croyons en tes paroles. Voici tes parents réunis et je ne suis que l’un d’eux, mais je suis le plus empressé de répondre à ton souhait. Fais ce qu’on t’a ordonné de faire. Je jure par Dieu de toujours te protéger et de te défendre, cependant, je n’ai pas le courage de quitter la religion de ‘Abd Al-Mouttâlib. »
Aboû Lahab ne l’entendit pas de cette oreille et dit en colère : « Je jure par Dieu que ceci est abominable, arrêtez-le avant que d’autres le fassent ! »Mais imperturbable, le sage Aboû Tâlib rétorqua : « Je jure par Dieu que nous le protégerons aussi longtemps que nous vivrons. »

   Une fois la protection de son oncle Aboû Tâlib assurée, le Prophète se tint un jour sur le mont d’Aç-çafâ et invita les différents clans de la Mecque au monothéisme :
« Si je vous annonce qu’il y a dans la vallée une horde de cavaliers dont l’intention est de vous attaquer, me croiriez-vous ? interrogea Mouhammad .
— Certainement, tu es digne de confiance et nous ne t’avons point connu proférer des mensonges ! répondirent-ils à l’unisson.
— Or donc je suis pour vous l’annonceur de violents tourments ! Dieu m’a demandé d’avertir ma parenté la plus proche. Je n’ai pas le pouvoir de vous protéger de quoi que ce soit dans cette vie, ni de vous assurer la bénédiction dans l’au-delà à moins que vous ne croyiez à l’unicité de Dieu. Ma position est identique à celle de celui qui voit l’ennemi, qui court avertir son peuple avant que celui-ci ne soit pris par surprise et qui, dans sa course, lui crie : “Attention ! attention !”
— Malheur à toi ! Est-ce pour cela que tu nous as réunis ? lui lança Aboû Lahab. » [Selon Ibnou Hichâm.]

   Le prophète avait également déclaré : « Ô gens de Qourayche, délivrez-vous du feu ! Ô banî Ka’b, délivrez-vous du feu ! Ô Fâtima, fille de Mouhammad, délivre-toi du feu ! Car je ne peux rien pour vous face à Allâh, sauf que je maintiendrai avec vous les liens de parenté. » [Rapporté par Mouslim d’après Aboû Hourayra.]

   C’est à cette occasion que le verset 1 de sourate 111 Al-Masad (La Corde) fut révélé à l’adresse d’Aboû Lahab : « Périssent les mains d’Aboû Lahab ! Et qu’il périsse lui-même ! »

   Malgré l’hostilité d’une partie de son clan, le prophète continua à prêcher inlassablement en public, exhortant son peuple à abandonner leurs péchés dont les injustices infligées aux faibles de la société. Toutefois, les notables de la ville, déstabilisés par les nobles paroles, mais ne désirant aucunement délaisser leurs fausses divinités et leurs privilèges, décidèrent de contrer, d’abord par voie diplomatique, l’homme qui est venu troubler leur quiétude, discréditer et humilier leurs dieux. Ils sollicitèrent l’intervention d’Aboû Tâlib auprès de son neveu : « Ô Aboû Tâlib ! Ton neveu a insulté nos dieux, discrédité nos sages et anathémisé nos ancêtres. Epargne-nous donc son mal ou laisse-nous l’atteindre ! Tu es des nôtres et tu désapprouves, certes, ce qu’il fait, ainsi nous t’en délivrerons. »
Aboû Tâlib repoussa adroitement leur requête. Il les rassura par des paroles douces et apaisantes avant de les laisser partir.

La machination

   Face à la persévérance de l’Envoyé de Dieu à vouloir délivrer le message divin devant une foule grandissante et un nombre accru d’adeptes, les Qouraychites s’impatientaient et ne décoléraient pas. Bien au contraire, car la période du pèlerinage à la Mecque s’approchait à grand pas et il fallait coûte que coûte stopper l’influence de Mouhammad .
Ils envoyèrent Aboû Tâlib lui exposer leurs propositions alléchantes : le pouvoir, les femmes et la richesse contre l’abandon de sa mission.

   « Ô mon neveu ! Ton peuple est venu me voir et m’a dit ceci et cela. Ménage-moi, ménage-toi ! Et ne me charge pas de ce que je ne saurai supporter. » Pour toute réponse, Mouhammad  prononça ces paroles gravées à jamais dans la mémoire collective des croyants : « Ô mon oncle ! Je jure par Allâh que même s’ils plaçaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour que je renonce à cette affaire, je n’y renoncerai jamais, [je persévérai] jusqu’à ce qu’Allâh lui donne le triomphe ou que je perde la vie ! »
Aboû Tâlib de conclure : « Va, mon neveu ! Fais ce qui te plaira ! Je jure par Allâh de ne jamais te livrer à tes ennemis ! »

   Les Qouraychites se réunirent autour d’Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra pour fomenter une campagne de médisance à l’encontre du Prophète et rendre ainsi inefficace ses prédications :
« Entendez-vous sur une position unanime, n’adoptez pas d’opinions divergentes pour ne pas vous contredire les uns et les autres, leur conseilla-t-il.
—   Donne-nous alors ton avis en premier !
—   Commencez plutôt, je vous écoute !
—   Nous le traiterons de « kâhin » (devin).
—   Non, je jure qu’il ne l’est pas. Les devins, nous en avons vus, et ses paroles ne ressemblent en rien à leurs incantations.
—   Nous dirons alors qu’il est possédé.
—   Il ne l’est pas, nous avons bien connu les possédés et il n’a rien de leurs comportements.
—   Nous dirons donc que c’est un poète.
—   Non, tous les styles de poésie connus n’ont rien de commun avec ce qu’il apporte.
—   Eh bien, accusons-le de sorcellerie !
—   Il ne peut pas être sorcier, il n’a recours ni aux souffles des magiciens, ni à leurs nœuds. Je jure par Dieu que sa parole est douce, son ascendance aussi généreuse qu’un palmier prodigue et sa descendance aussi bonne que ses fruits succulents, et toutes vos médisances contre lui seront réfutées. Cependant, cette dernière proposition serait plausible, vous diriez qu’il avait apporté une parole magique, de la sorcellerie qui sépare l’homme de son père, l’homme de son frère, l’homme de son épouse et l’homme de sa tribu. »

   Selon une autre version, Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra demanda à ses consultants un délai de réflexion après qu’ils lui eurent dit : « Propose-nous donc ton avis judicieux ! » Puis, il leur délivra la proposition suscitée.
Allâh décrivit la cogitation d’Al-Walîd Ibnou Al-Moughîra : « Certes, il a bien réfléchi et a bien supputé. Eh bien ! qu’il périsse d’avoir si bien supputé ! Oui, qu’il périsse d’avoir si bien supputé ! C’est ainsi qu’après avoir dévisagé l’assistance, il se renfrogna et fronça les sourcils ; puis se détourna d’un air hautain et dit : “Tout ceci n’est que sorcellerie fort bien imitée ! Ce ne sont-là que des propos d’un mortel !” », s.74 Al-Mouddaththir (Le Revêtu d’un manteau), v.18-25.

إِنَّهُ ۥ فَكَّرَ وَقَدَّرَ (١٨) فَقُتِلَ كَيۡفَ قَدَّرَ (١٩) ثُمَّ قُتِلَ كَيۡفَ قَدَّرَ (٢٠) ثُمَّ نَظَرَ (٢١) ثُمَّ عَبَسَ وَبَسَرَ (٢٢) ثُمَّ أَدۡبَرَ وَٱسۡتَكۡبَرَ (٢٣) فَقَالَ إِنۡ هَـٰذَآ إِلَّا سِحۡرٌ۬ يُؤۡثَرُ (٢٤) إِنۡ هَـٰذَآ إِلَّا قَوۡلُ ٱلۡبَشَرِ (٢٥)

   Une fois la décision tombée, donc, les comploteurs mirent à exécution leur plan, distillant leur poison auprès des pèlerins arabes. Aboû Lahab excella dans la méchanceté, poussant le vice jusqu’à emboîter le pas au Prophète dans ses déplacements et à crier à qui veut l’entendre : « Ne lui obéissez pas ! C’est un menteur et un apostat ! »
Comble de l’ironie, à la fin de la saison du pèlerinage, l’attitude outrancière des calomniateurs eut l’effet inverse : beaucoup de pèlerins retournèrent chez eux en ayant adopté l’Islam comme guide et le répandirent auprès de leur famille.Ceci redoubla la haine de Qourayche pour Mouhammad et ses partisans : l’ère des persécutions débute…

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