Du retour vers Dieu *

Vie spirituelle

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   L’humain passe intérieurement et extérieurement par de multiples états, qui varient au gré de divers facteurs : l’homme est parfois fragilisé par la maladie, mais il est en bonne santé le reste du temps ; il est tantôt très occupé par un travail, tantôt il dispose de son temps libre comme il l’entend.

Sa vie spirituelle connaît les mêmes fluctuations : la foi passe d’une ferveur débordante à une accalmie végétative et ce, de façon cyclique. Telle est la condition humaine, en l’occurrence celle du musulman : une suite de variations qui constituent pour l’ennemi de l’homme autant de brèches à exploiter …

Une aubaine pour Satan

   Satan utilise en effet ces états d’âme pour différer le retour du croyant vers son Seigneur. Il le convainc d’ajourner sa demande de pardon à une date indéterminée. Ainsi, la réponse du musulman égaré qui est questionné sur la raison qui l’empêche d’adorer Allâh est la suivante : « Il me faut d’abord m’éloigner des épreuves qui me touchent pour trouver la ferveur me permettant d’adorer Dieu avec sincérité. » Le musulman « économe », dont la pratique se contente du strict minimum, apportera la même explication à peu de choses près : la jeunesse, le mariage, le travail, les enfants, leur situation… sont autant d’excuses à la procrastination de son réveil spirituel. Il va ainsi retarder son repentir et son retour effectif vers Allâh d’une étape à une autre jusqu’à ce que la mort le surprenne.

   Voilà comment Satan égare la majorité des êtres humains : aussi bien les croyants que ceux qui ne croient pas, les égarés tout comme ceux qui pratiquent ; Iblîs agit sournoisement en s’adaptant à la situation de chacun, saisissant le premier prétexte venu pour dévoyer les serviteurs de Dieu. C’est dans ce sens qu’un savant met en garde l’être humain : « N’attends pas l’arrêt des occupations car ceci t’empêche de te diriger vers Lui dans tous les états où Il t’a mis. » L’existence humaine est en effet jalonnée d’activités toutes plus prenantes les unes que les autres.

La vie : du mouvement permanent

   Qui peut se targuer de mener une vie paisible, dénuée d’occupations ou de travaux ? Seul l’oisif égoïste, à qui manque la hardiesse de vivre, répondrait positivement.

   Non, personne ne peut espérer une vie sans occupations : poursuivre ses études, travailler, prendre soin de sa santé, éduquer ses enfants, s’occuper de ses proches… donc les mondanités l’emportent largement sur toute préoccupation spirituelle. Celui qui aspire à l’arrêt définitif de ces affaires et à se libérer de leurs contraintes, se leurre d’une illusion onirique. Cet espoir fallacieux l’incite à repousser en permanence son repentir : il demeurera alors toujours économe dans ses adorations et n’accomplira jamais ce qu’il espérait sa vie durant. Qui ne souhaite pas faire partie des meilleurs adorateurs de Dieu ? Qui n’envisage pas de mémoriser le Coran intégralement ? Qui n’espère pas acquérir du savoir religieux qui lui permettra de se rapprocher d’Allâh ? La réponse tombe sous le sens, mais chacun trouve une excuse estimée valable pour différer ces actions. C’est ainsi que ces désirs se transforment en mirage que poursuit le musulman le restant de ses jours. Le temps de repos tant attendu ne se présentera oncques, et si jamais le croyant parvient à cette douce oisiveté, trouvera-t-il la santé et la force d’accomplir ce qu’il espérait tant ?

La vie : une ribambelle d’épreuves

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   Il est impératif que le musulman comprenne très vite que la faucheuse le guette et qu’elle n’hésitera pas à interrompre ses espoirs.

   L’existence humaine est ponctuée d’épreuves, heureuses ou affligeantes, mais l’objectif consiste à faire ressortir les qualités congruentes de l’être humain. Ainsi, lorsque le musulman traverse une difficulté, il doit faire montre de patience pour manifester son acceptation du décret divin. Cet état psychologique ne doit en aucun cas entraver sa recherche de moyens licites pour se délivrer de l’épreuve. De même, si Dieu octroie à une personne une richesse ou une bonne santé, il incombe au fidèle de manifester sa reconnaissance pour ce bienfait. Cette gratitude se traduit par l’adoration, par la mention d’Allâh dans les invocations, ou encore par la bonne action vis-à-vis de ceux qui ont besoin de son aide ou des bienfaits que Dieu lui a attribués.

   Toujours est-il que le musulman doit garder un contact perpétuel avec son Seigneur. Allâh est informé des dires et des gestes de chacun de Ses serviteurs. Quelles que soient les épreuves que traverse le croyant, il doit rester conscient de la proximité de son Créateur ; garder à l’esprit son devoir envers Allâh , et ne jamais attendre une autre conjoncture qu’il espérera plus favorable pour s’acquitter de ses obligations à l’endroit du Très Haut.

   La vie présente est ainsi faite, elle ne renferme ni repos réel, ni éternité. C’est dans l’au-delà que se trouve la quiétude éternelle. Voilà pourquoi le musulman doit consacrer son temps à adorer son Créateur et être utile à Ses créature, car de cela dépend son salut…

   Allâh a parsemé cette vie de moultes attractions, parfois futiles, et autant de difficultés qui peuvent détourner le musulman de Son sentier. Le croyant lucide est celui qui sait comment réagir faces à ces situations et qui n’oublie jamais son devoir à l’égard de ceux qui l’entourent. Ces divers épisodes de la vie représentent alors des tremplins qu’il ne doit pas manquer s’il cherche sa résipiscence.

Pourquoi différer son repentir ?!

   Le profil de celui qui refuse de se débarrasser de ses péchés, qui diffère sa demande de pardon et son retour vers Dieu, correspond à la personne qui portait des vêtements d’un blanc immaculé, mais qui ont subi des souillures au fil des jours. Au lieu d’ôter rapidement les salissures, elle attend que sa tenue soit complètement encrassée pour procéder au lavage. Malheureusement, rien ne garantit que le vêtement retrouvera sa blancheur initiale … Cette personne repousse son repentir à plus tard, parce qu’elle ne se rend pas compte de son égarement, ou parce qu’elle se noie progressivement dans le péché. Même si elle a une lueur d’espoir en le pardon d’Allâh , celle-ci finit par s’amenuiser avec le temps. Procrastiner son retour vers Dieu comporte donc le risque de ne pas retrouver la ferveur identique à celle d’autrefois, ni même la foi inébranlable de départ. La majorité des musulmans ressent un jour ou l’autre une foi ferme et robuste qui pourrait leur faire abattre des montagnes ; cependant, dès que les préoccupations de la vie quotidienne reprennent le dessus, l’intérêt qu’ils portaient à l’Islam s’atténue, cédant la place aux soucis divers. Il n’est pas rare de voir des personnes croupir dans le vice sans pouvoir s’en débarrasser. C’est pourquoi le musulman doit immédiatement revenir vers Dieu et essayer de se délester de ses péchés au plus vite en multipliant les adorations, dès que l’occasion se présente, et ce quels que soient l’état et la situation dans lesquels il se trouve. L’exemple de celui qui s’enfonce dans l’égarement et qui attend le mois de Ramadan pour se décharger de ses péchés n’est pas à suivre, car dès que le mois de Ramadan disparaît, il revient à ses vices.

   Allâh , dans Sa générosité infinie, a échelonné sur l’échelle du temps plusieurs occasions pour le repentir : une fois par an, une fois par mois, une fois par semaine, plusieurs fois par jour ; alors à chacun de consacrer au quotidien un minimum de temps pour adorer Le Seigneur. Réserver cinq minutes à une invocation dévote peut entraîner des répercussions considérables dans l’existence d’une personne puisque cela la purifie de ses péchés ! Alors au diable les fausses excuses comme le manque de temps ! Qui peut prétendre ne pas trouver un moment pour lire un peu de Coran, se rapprocher de Dieu, assister à des prêches…Chaque instant d’une vie est une opportunité à ne pas rater pour revenir vers Allâh dans l’humilité caractérisant tout musulman sincère.

   « Ne pas attendre la fin des occupations pour revenir vers Dieu » est une sagesse qui s’adresse non seulement aux pécheurs invétérés de la communauté musulmane, aux économes dans l’adoration et à tout fidèle qui espère le pardon de son Seigneur. Dans la pratique, chacun peut élaborer un programme quotidien, hebdomadaire ou mensuel pour se rapprocher d’Allâh , un lien spirituel et personnel entretenu par le désir de plaire à son Créateur et d’obtenir Son agrément. Mais il arrive parfois que le musulman ait besoin de ses coreligionnaires pour trouver une issue à sa situation.

Une aide précieuse

   Les responsables de la communauté, les prédicateurs et les mouftis (qui énoncent des décrets religieux) doivent également s’inspirer de cette sagesse pour essayer de ramener les brebis égarées : la méthode à suivre pour faire revenir les gens à l’Islam se base sur la douceur. Le Prophète était doux et affable dans sa manière d’appeler les êtres humains à suivre la voie de Dieu.

   À l’époque du Messager d’Allâh, un homme consommait les boissons alcoolisées à l’excès ; on le présentait fréquemment au Prophète pour lui appliquer une sanction. Un jour les compagnons se mirent à le calomnier et à l’insulter. Ce à quoi le Prophète répondit : « Ne soyez pas une aide supplémentaire de Satan contre votre frère. » En effet, dans l’absolu, la critique et le jugement gratuits et inutiles n’ont pour effet que d’enfoncer la personne dans une situation de plus en plus pénible pour elle. Lui donner, par exemple, un sobriquet ingrat lié à son péché poussera cette personne à éviter la mosquée où elle aura été injuriée, même si elle désirait revenir vers Dieu. Malheureusement, beaucoup s’égarent et se perdent à cause de tels agissements de la part de ceux qu’ils pensaient être leurs frères… Allâh transforme les cœurs comme Il l’entend et accorde Sa miséricorde à qui Il veut.

   Le musulman doit donc d’abord être à l’écoute de son frère désorienté, qu’il doit considérer comme une victime de Satan et non comme son suppôt ; il lui faut comprendre sa détresse afin de le soutenir au mieux. Son rôle est d’épauler son prochain en l’aidant à se débarrasser de cet ennemi juré qu’est Iblîs, et ce de la meilleure des manières : en respectant la sounna prophétique.

   Ce message s’adresse donc à tous : ne pas ajourner son repentir et profiter de chaque instant pour se rapprocher de Dieu. Les aléas de la vie ne représentent que des prétextes pour que le musulman manifeste son acceptation du décret divin. Ces épreuves qui jalonnent son existence ont pour but de renforcer sa foi et de le purifier de ses péchés. La conscience éclairée de cet état de fait doit donc être le moteur de toute action motivée par la recherche du pardon divin, aussi minime soit-elle…

*Article tiré du prêche du vendredi du Dr Amine Nejdi : pourquoi diffères-tu ton repentir ? (voir vidéothèque)

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