(5) La famille du Prophète

Biographie du Messager

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   Connaître le contexte politique, religieux et social de la presqu’île arabe, avant l’avènement de l’Islam, a son importance. Mais pour bien saisir toute l’influence de l’existence du Prophète sur l’humanité,

il est tout aussi primordial de présenter les acteurs principaux de son clan.

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Une des clés de la Mecque

   On se souvient que la tribu de Khouzâ’a a dominé celle de Jourhoum et qu’elle prit ainsi les rênes de la Mecque pour trois ou cinq siècles, selon les versions. Or, un évènement capital se produisit : Qoçay Ibnou jourhoum, l’arrière grand-père du Prophète Mouhammad
, contracta union avec la fille du chef de Khouzâ’a. Déjà très réputé pour sa richesse et sa remarquable libéralité, Qoçay voyait chaque jour sa notoriété croître grâce à sa qualité de gendre du dirigeant de la Mecque.

   La mort emporta le beau-père, et Qoçay s’autoproclama grand dirigeant de la Mecque, ce qui courrouça fatidiquement Khouzâ’a. La guerre éclata entre Jourhoum et Khouzâ’a, et le nombre des victimes ne cessait d’augmenter jusqu’à ce qu’enfin les deux clans se mirent d’accord pour l’arbitrage d’un sage nommé Ya’mour Ibnou ‘Awf. Celui-ci décréta que l’autorité devait incomber à Qoçay, car il descendait de Jourhoum, la première tribu à habiter la Mecque.

   Pour prévenir les conflits, Qoçay fit alors construire une sorte de parlement, « Dar Annadwa », qu’il régentait et où se réglaient toutes les affaires de la Mecque, que ce fussent les mariages, le traitement des questions politiques, l’accueil de notables étrangers, etc.

   Par-dessus tout, même l’argent, chaque Arabe privilégiait et espérait détenir une des quatre autres  responsabilités très honorifiques de la Mecque, car elles mettaient en exergue les qualités de serviabilité et de générosité à l’égard d’autrui : « al-liwâ’ », le drapeau de la guerre, c’est-à-dire le pouvoir de décider une guerre ; « al-hijâbah », qui consiste à ouvrir la porte de la Ka’ba, à nettoyer et à couvrir la Maison Sacrée ; « as-siqâyah », c’est le fait d’étancher la soif des pèlerins grâce aux quatre bassins d’eau sucrée de datte et de raisin sec (Zam-Zam étant enfouie, on se réapprovisionnait en eau à l’extérieur de la Mecque) ; «ar-rifâdah », c’est la fourniture de la nourriture aux pèlerins. Or, ce fut Qoçay qui institua et donc détint l’ensemble de ces charges.

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Pèlerins à la Mecque

   Qoçay avait deux fils : l’aîné, ‘Abdoud-Dâr, qui était peu apprécié des gens ; et ‘Abdou Manâf  qui était tout l’opposé du premier. Qoçay savait pertinemment cela, mais dans son testament il confia toutes les responsabilités honorifiques à ‘Abdoud-Dar : les Qoraïchites acceptèrent ce choix tant leur attachement pour Qoçay était grand. Les problèmes commencèrent à poindre le bout de leur nez à la mort de ‘Abdoud-Dâr : les fils du défunt et ceux de ‘Abdou Manâf, les cousins donc, se disputèrent le pouvoir ; mais ils finirent par se le partager en tirant au sort. La progéniture de ‘Abdou Manâf (Hâchim et Al-Mouttalib) s’occupait dès alors de nourrir et d’abreuver les pèlerins ; tandis que celle de ‘Abdoud-Dâr se chargeait du parlement, du drapeau de la guerre et de l’ouverture de la Ka’ba.

    Un homme du nom de Hakîm Ibnou Hizâme fut un jour le compagnon de libation d’un des fils de ‘Abdoud-Dâr. Le vin fit défaut à ce dernier, et Hakîm Ibnou Hizâme proposa de lui fournir un fût entier contre la charge honorifique en sa possession. L’autre tout ivre qu’il était accepta l’accord, témoins à l’appui. Hakîm Ibnou Hizâme — qui deviendra musulman par la suite —, récupéra ainsi l’honneur de s’occuper de la Ka’ba.

   Hâchim Ibnou ‘Abdi Manâf épousa une femme extérieure à la Mecque, mais de très grande renommée. Ils eurent un enfant du nom de Chayba. La femme ne désirant pas quitter les siens, Hâchim accepta cette situation et vécut auprès d’elle. Or, la mort emporta Hâchim, et son frère Al-Mouttalib vint réclamer son neveu Chayba pour qu’il revînt à la Mecque. C’était le souhait de l’enfant, car il connaissait l’immense notoriété de ses oncles paternels.
Mais lorsque les Mecquois aperçurent l’enfant en compagnie d’Al-Mouttalib, ils crurent qu’il était son esclave et le surnommèrent « ‘Abd Al-Mouttalib » : c’est l’explication de l’origine du nom du grand-père du Prophète
; sa véritable identité étant Chayba Ibnou Hâchim.

   Chayba Ibnou Hâchim dit « ‘Abd Al-Mouttalib » grandit et devint un homme fort respecté à la Mecque de par sa lignée, mais également de par ses qualités personnelles.

   Une nuit il fit un songe dans lequel une voix lui ordonnait : « Creuse Barra ! » ; ‘Abd Al-Mouttalib ne comprit pas ce rêve. Le lendemain il entendit de nouveau en rêve la même voix lui commander : « Va creuser Al-Madnoûna ! » ; mais à l’identique, le sens onirique échappait à son auteur.Le surlendemain, il lui est dit : « Va creuser Zam-Zam ! C’est une source qui donnera de l’eau sans fin. Elle étanchera la soif des innombrables pèlerins. Elle se situe entre le sang et le gros intestin, à proximité d’une fourmilière ; un corbeau à la plume blanche picore non loin. »
‘Abd Al-Mouttalib connaissait l’histoire et l’existence de la source de Zam-Zam, aussi, dès son réveil, il commença sa prospection. Il se fit accompagner de son fils Al-Hârith mis dans la confidence et à qui il exigea le silence absolu.

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Source de Zam-Zam

   Ses concitoyens le voyant creuser frénétiquement un peu partout sans « trop savoir pourquoi » le crurent désaxé. Or, un jour, des gens amenèrent une vache à abattre. A peine l’eurent-ils blessée qu’elle se sauva à toute allure poursuivie par les hommes. Ceux-ci réussirent à s’en saisir et la tuèrent. Au moment où ils l’éventraient, ses entrailles s’éparpillèrent sur le sol. A cet instant précis, ‘Abd Al-Mouttalib se souvint des mots énigmatiques de ses songes successifs : « Voilà un signe ! » se disait-il en son for intérieur. Il se rapprocha alors de la scène d’abattage, et là, il aperçut une fourmilière. Ceci le fit patienter sur place jusqu’à ce qu’il put observer un corbeau avec une plume blanche venir picorer à proximité… « C’est  la confirmation de mes rêves » convint-il.

   Après le départ des « bouchers », ‘Abd Al-Mouttalib se mit à creuser sur le lieu pendant que son fils tenait les curieux à distance et détournait leur attention en conversant avec eux…

   Enfin leur outil de creusage percuta quelque chose : des armes ! Assurément celles qui avaient été usitées par Jourhoum lors de son conflit avec Khouzâ’a. Et que voici donc ? Les deux gazelles en or de la Ka’ba ! ‘Abd Al-Mouttalib était maintenant sûr d’atteindre la source : il se sentit pousser des ailes et se montra encore plus zélé dans son ouvrage… Le jaillissement de Zam-Zam le surprit et le porta au comble de la joie.

   Revenu de ses émotions, ‘Abd Al-Mouttalib replaça les précieuses gazelles à l’intérieur de la Ka’ba. Or, les Qoraïchites lui réclamèrent le partage de la source, et face au refus du prospecteur, ils manifestèrent leur animosité. Une brouille aux conséquences funestes fut évitée grâce à la décision de consulter un mage réputé pour sa clairvoyance dans le règlement des conflits, mais résidant dans un pays voisin.

   Alors qu’ils faisaient route vers le magicien, ils perdirent tout ce qu’ils possédaient : l’eau, la nourriture, etc. Dans ces conditions là, ils savaient leur fin proche. Que faire ? ‘Abd Al-Mouttalib proposa : « Creusons nos tombes, et attendons que la mort happe le plus faible d’entre nous jusqu’au dernier. Les survivants enterreront le défunt et ainsi de suite : il vaut mieux qu’il n’y ait qu’un qui n’ait sa sépulture plutôt que tous ! »

   Ses compagnons d’infortune furent d’accord sur la pertinence de cet avis, et acceptèrent de s’y conformer.
Mais alors qu’il creusait, ‘Abd Al-Mouttalib suivit son instinct de survie et se prononça pour trouver un moyen pour s’en sortir tous. Il poursuivit son labeur ici et là, non plus pour bénéficier d’une tombe, mais pour découvrir de l’eau… source de vie ! C’est alors que ce miracle se produisit, ‘Abd Al-Mouttalib et ses compagnons purent se désaltérer : ceux-ci de reconnaître là un signe du Très- Haut pour que ‘Abd Al-Mouttalib fût le dépositaire de Zam-Zam.

   De retour à la Mecque, ‘Abd Al-Mouttalib obtint l’honorifique charge de Zam-Zam. Toutefois, il ressentit de la frustration de n’avoir pas plus d’un fils pour l’épauler dans ses ambitions. Il jura par Dieu que si Le Créateur lui donnait dix garçons, il en sacrifierait un à la Ka’ba. Dieu répondit favorablement à son invocation et lui fit don, en plus d’Al-Hârith : Az-Zoubayr, Aboû Tâlib,  ‘Abdoullâh [le père du Prophète Mouhammad
, Hamza, Aboû Lahab, Dirâr,  Al-Mouqâwim, Hajla, et Al-‘Abbâs. En outre, Dieu le dota aussi de six filles : Oum Al-Hakîm, Barrah, ‘Âtiqa, Safiyya, Arwâ et Oumayma.

   ‘Abd Al-Mouttalib tint sa promesse, et par tirage au sort, le nom de ‘Abdoullâh fut désigné. Malgré le fort amour qu’il portait à cet enfant en particulier, ‘Abd Al-Mouttalib l’emmena à la Ka’ba en vue de son sacrifice. Ses autres enfants stoppèrent son geste et l’incitèrent à penser à une autre solution pour tenir son engagement ; les Mecquois appuyaient leur opinion. Décision fut alors prise de s’en référer à une magicienne.

   « Que faîtes-vous lorsqu’on tue un garçon, chez vous ? demanda l’enchanteresse à ‘Abd Al-Mouttalib.
—   Le meurtrier verse une rançon de dix chameaux à sa famille.
—   Soit ! Si tu le veux, on va écrire sur un papier « ‘Abdoullâh » et sur un autre « chameau ». A chaque fois que l’on tirera au sort, et autant de fois qu’apparaîtra le nom de ton fils, tu devras donner dix chameaux en sacrifice ; et ce, jusqu’à ce qu’on obtienne le mot « chameau ».»

   ‘Abd Al-Mouttalib approuva le procédé. Ce ne fut qu’au bout du onzième tirage que « chameau » sortit du sac.  Afin de préserver la vie de son garçon, ‘Abd Al-Mouttalib abattit par conséquent cent camélidés et les offrit aux Mecquois.
Cette anecdote fit dire au Prophète, par allusion à Isma’îl son ancêtre et ‘Abdoullâh son père: « Je suis le fils des deux qu’on voulait égorger. »

   Lorsque ‘Abdoullâh devint adulte, son père le maria à Âmina Bintou Wahb Ibnou ‘Abdi Manâf Ibnou Zouhra Ibnou Kilâb. Les parents du Messager d’Allâh
descendaient donc tous deux du grand-père du Prophète
. Et à l’époque, Âmina était la meilleure des femmes de Qoraïche par sa lignée. Son époux était alors âgé de vingt-cinq ans lorsque son père le chargea de se rendre à Médine pour l’achat de dattes : la ville était réputée pour avoir les meilleures. Certains historiens affirment qu’il faisait route vers Damas pour commercer et qu’en passant par Médine il aurait contracté une maladie qui causa son décès. Une chose est sûre, c’est à Médine « la Lumineuse » qu’il fut enterré.

   Âmina était alors enceinte. ‘Abdoullâh laissa peu de biens en héritage, pour l’époque : cinq chameaux, un troupeau de moutons, et Barakah une esclave d’Abyssinie surnommée « Oum Aymane ». Ce fut elle qui d’abord éleva le Prophète
, et celui-ci la considérant comme sa mère lui rendra de fréquentes visites au soir de sa vie : il aimait à venir se reposer chez elle…

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