La Palestine (3) : Sous les croisés et les Ottomans

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Sous les croisés (1099-1187)

   Le 27 novembre 1095, dixième jour du Concile de Clermont-Ferrand, le pape Urbain II décrète la mobilisation de l’Occident contre les musulmans, sous le prétexte fallacieux de défendre les chrétiens d’Orient et d’arracher le Saint-Sépulcre à « la race maudite ».

Cet appel raciste eut un large écho auprès des conquérants cupides, surtout en France. En vérité, les objectifs du Pape étaient multiples :

· Instaurer une théocratie en Orient ;
· Implanter en Terre-Sainte l’Eglise romaine en face de l’Eglise d’Orient, et être en position de force pour imposer l’unité des Eglises autour du pape.Les motivations des chevaliers étaient loin d’être nobles :
· Se tailler des principautés en Syrie-Palestine ;
· Recevoir par avance « l’indulgence » plénière du Pape pour leurs péchés ;
· Remise de leurs dettes en Europe ;
· Piller l’Orient. Les marchands italiens des ports d’Amalfi, de Gênes ou de Venise, transportèrent les croisés dans l’espoir de s’accaparer les trésors de l’Orient aux dépens des musulmans, mais également de leurs rivaux d’Occident. De peur de perdre des marchés avec certains pays musulmans, ils firent montrent de prudence et n’envoyèrent des renforts qu’en 1100, lorsque la victoire était quasiment assurée et des débouchés commerciaux garantis.

   Godefroy de Bouillon envahit la Palestine après un siège de quarante jours. Les croisés se livrèrent au pillage et au massacre durant une semaine entière : 7 000 musulmans, sans distinction d’âge ni de sexe, furent trucidés ; les juifs réfugiés dans la synagogue principale pour prier y furent bloqués et brûlés vifs, et ceux qui s’en échappaient furent passés au fil de l’épée dans les ruelles. Jérusalem était mis à sac et les chefs se partagèrent les territoires :
· Edesse devint une principauté bourguignonne ;
· Antioche un fief normand ;
· Tripoli est rattaché à la Provence ;
· Un royaume fut instauré à Jérusalem, suzerain des autres, en principe.

   Ne respectant ni la culture, ni le passé des autochtones, les envahisseurs plaquèrent sur le pays leur système féodal empreint de militarisme et de cléricalisme. Ils tiraient leurs revenus, non pas de l’Etat sans racine lui-même, mais des envois d’argent collecté en occident par l’Eglise. Leur force et leur maintien dans les territoires occupés résidaient dans la division du monde musulman.

La Palestine en 1102 après J.-C.

   Cette situation prit fin en 1187 avec la victoire de Salah-Ad-Dîn Al-Ayyoûbî à la bataille de Hattîn, près du lac de Tibériade (cf. rubrique Portrait, Salah Ad-Dîn Al-Ayyoûbî). Le sultan, fondateur de la dynastie des Ayyoubides, s’empara de Jérusalem qui demeurera sous la domination musulmane jusqu’en 1229. Les chrétiens furent expulsés, exceptés les Orientaux qui se virent confier l’entretien du Saint-Sépulcre et d’autres églises. Les droits des juifs furent reconnus.

   En 1228-1229, le sultan égyptien, Al- Kamal, pourtant vainqueur, restitua pacifiquement Jérusalem aux Francs par un traité signé avec l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen, roi de Sicile et grand admirateur de la culture arabo-musulmane, à la condition que la Ville sainte fût démilitarisée et ouverte à tous les cultes. Ce monarque s’était fait excommunié par le Pape pour avoir refusé de participer à une croisade armée.

La période mamelouk (1250-1516)

   La domination des croisés fut brève : en 1244, les Tartares (nomades turcs du Kharzem en Asie centrale) prirent possession de la Syrie et de la Palestine, détruisant Jérusalem, tuant des milliers de chrétiens. Les Turcs furent eux-mêmes vaincus par les mamelouks à la solde du sultan égyptien. La Palestine passa sous le contrôle égyptien… pour peu de temps, car en 1249, les Mamelouks sunnites remplacèrent les Ayyoubides sunnites en Egypte.

   En 1250, les Mongols lorgnaient la région. Lorsque Bagdad chuta en 1258, les Francs d’Antioche et les Arméniens s’allièrent aux Mongols dans l’espoir de détruire l’Islam.
En 1260, les Mamelouks défirent les Mongols à ‘Ayn Jâloût en Palestine et les chassèrent de Syrie ; ils ne pardonnèrent point aux Francs et aux Arméniens leur ralliement aux Mongols.

  Durant le gouvernement des Mamelouks, Jérusalem fut une ville de théologiens musulmans dotée de nombreux séminaires religieux (madras), de mosquées et de collèges. Al-Aqsa et le Dôme du Rocher furent restaurés et embellis.Toutefois, les non-musulmans ne connurent point la tranquillité. La société mamelouk imposa le port des signes distinctifs à chaque communauté : les juifs devaient arborer des turbans jaunes, les samaritains des turbans rouges, les chrétiens des turbans bleus et les musulmans des turbans blancs.

Sultanat mamelouk

La période ottomane (1517-1924)

Constantinople 1453

   Les Turcs osmanlis avaient battu, en 1453, l’empereur Constantin Paléologue et s’emparèrent de Constantinople rebaptisée Islambul (« Pleine d’Islam ») avant de devenir Istanbul sous Atatürk. La Palestine fut une fois de plus sous occupation étrangère : elle vécut une période obscure et tragique de son histoire. La peste décimait la population en 1513. Une embellie cependant : la Palestine connut la prospérité à « l’âge d’or » de l’Empire ottoman sous le règne de Soulaymâne 1er le Magnifique (1520-1566), surnommé également Soulaymâne le Législateur par les Turcs. Il fut le 10ème et le plus illustre des sultans ottomans. Il accéda au trône en 1520, à 26 ans et se trouva à la tête d’un Empire comprenant le Sud-Est de l’Europe, l’ancien Empire mamelouk constitué de l’Egypte, de la Syrie, de la Palestine et du Hijaz. Il conféra le patronage de la Mecque et Médine aux autorités arabes.
Il réprima la révolte engagée par le gouverneur de la Syrie et de la Palestine à l’annonce de la disparition de Selim 1er.

   Souleymane réunit sous son autorité des territoires de trois continents très disparates de par leurs conditions naturelles, leurs ethnies, leurs religions, leurs traditions politiques, mais unifiés au sein d’un Etat remarquablement organisé, respectueux de la loi et de l’ordre.
L’autorité du sultan s’appuyait sur une élite politico-militaire, recrutée parmi les jeunes enfants grecs, albanais ou slaves et enrôlés dans le cadre d’un ramassage. Soigneusement éduqués dans l’Islam sunnite, puis encasernés, ces enfants étaient intégrés à la garde impériale et devenaient les meilleurs soldats de l’Empire : ce furent les fameux janissaires, attachés à la personne du sultan et auxquels le mariage était interdit.

1. Officier de la garde du sultan en habit de parade (deuxième moitié du 16ème siècle).
2. Oglan Acemi, fin 16ème siècle. Janissaire stagiaire avec son couvre chef caractéristique.
3. Janissaire de la marine en habit de parade; fin 16ème siècle.

   Mais la domination ottomane ne fut pas un système colonial : il n’y avait ni transfert de richesses vers la Métropole ni implantation de colonies dans les territoires conquis.
Loin de se comporter comme des colons ou des administrateurs coloniaux, les Ottomans se satisfaisaient de l’ordre et de la levée des impôts. Ils ne touchèrent pas aux structures politiques, culturelles et confessionnelles préexistantes. Ils étaient très respectueux des croyances et des traditions des autres peuples.

   Les hautes fonctions étaient accessibles pour tout le monde sans condition d’origine ni de religion. Les juifs et les chrétiens ne furent jamais inquiétés pour leur religion. Seule l’allégeance à l’Etat et non à la religion musulmane était requise. De nombreux témoignages d’Européens abondent dans ce sens : « Jamais, en tout cas, l’on ne vit alors des persécutions systématiques. Tout au contraire, l’empire, Istanbul en tête, offrit un refuge aux juifs de l’Europe des pogroms […] Face à l’Europe des persécutés, l’Empire ottoman, en ses beaux jours de la première moitié du 16ème siècle, apparaît bien comme un asile de paix religieuse. Ni les “nations”, ni les entités provinciales ne seront déracinées : à preuve, la vitalité qu’elles manifesteront jusqu’à nous.»

   « L’empire reconnaissait aux non-musulmans le statut de nation (millet), c’est-à-dire de communauté protégée, placée sous la juridiction de ses autorités propres. Cette situation fit régner un peu partout l’ordre et favorisa l’épanouissement de l’économie grâce au développement du marché du travail, l’artisanat et le commerce.
Au niveau du pouvoir, les règles de l’Islam étaient strictement observées, grâce à une étroite collaboration entre l’Etat et les Oulémas. Ceux-ci étaient rigoureusement organisés et hiérarchisés sous l’autorité suprême du Mufti d’Istanbul, qui portait le titre de Cheikh al-Islam. Le sultan se voulait investi d’une mission sacrée consistant à faire régner la justice et l’ordre de la loi. »

   En dehors de cette époque bénie, le pays déclinait : de lourds impôts accablaient les paysans, l’industrie du textile, ainsi que la production d’huile et de savon ; son agriculture, son économie, son industrie et ses ports dépérissaient. Le pays était laissé à l’abandon, la corruption était maîtresse des lieux à tous les niveaux de l’administration et de l’armée.

    De nombreux soulèvements éclatèrent contre le pouvoir en place : de 1612 à 1633, l’émir druze, Fakhr Az-Zahin se révolte au Liban et exerçait son influence sur une partie de la Palestine. Un siècle plus tard, ‘Omar Az-Zahin (Daher), un chef de tribu arabe, luttait pour l’indépendance : il libéra Tibériade, puis Acre en 1749, et maîtrisa presque toute la Galilée ; mais fut vaincu en 1775.

   Le Pacha turc Jazzar (« le boucher ») régnait durant vingt années en despote, ruinant le pays par des taxes sur tous les produits de consommation. Les pays du Liban s’insurgent en 1780, les bédouins de la Palestine quelques années plus tard, Damas et derechef la Liban en 1789, 1790 et 1798. Pour toute réponse, Jazzar réprima les rebellions dans le sang en déchaînant sur elles les janissaires. Lorsque Bonaparte assaillit la Palestine, Jazzar reçut le soutien des Anglais pour le repousser : il resta ainsi le maître de la plus grande partie de la Syrie et de la Palestine.

   Au 19ème siècle, les puissances européennes, motivées par des ambitions territoriales, envieuses et craintives à l’égard de l’Islam, convoitent l’Empire ottoman. Elles mettent sur pied un plan de déstabilisation et de guerre totale contre l’Empire ottoman : elles attaquent militairement la capitale de l’empire et ses possessions ; suscitent la révolte des Arabes, des Arméniens et des nationalistes turcs contre l’Etat musulman.
Napoléon Bonaparte lance l’invasion de l’Egypte et de la Syrie (1798-1801). La Grèce obtient son indépendance sous la pression des puissances européennes (1830). Le Tsar Nicolas déclenche la guerre de Crimée (1853-1856) et projette de porter la guerre à Istanbul…

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