(4) L’adhân et l’iqâma (1/3)

Jurisprudence comparée (articles)

L’adhân et l’iqâma sont deux formules qui invitent le fidèle à se préparer pour accomplir la prière. 

Prononcées à deux moments distincts, ces formulations se démarquent l’une de l’autre non seulement par leur composition, mais aussi par leur statut respectif, ainsi que leurs conditions d’application. Pour une meilleure compréhension, l’adhân sera traduit par « appel à la prière » et l’iqâma par « l’annonce de la prière ».

 
A. AL-ADHÂN
1. Définition de l’adhân
 
« Al-adhân : الأَذان » signifie linguistiquement « communication », « annonce », « information », comme Dieu l’emploie dans le Coran : « Et proclamation aux gens, de la part d’Allâh et de Son messager, au jour du grand pèlerinage, qu’Allâh et Son messager, désavouent les associateurs. [] », s.9 At-Tawba (Le Repentir), v.3.

 

وَأَذَٲنٌ۬ مِّنَ ٱللَّهِ وَرَسُولِهِۦۤ إِلَى ٱلنَّاسِ يَوۡمَ ٱلۡحَجِّ ٱلۡأَڪۡبَرِ أَنَّ ٱللَّهَ بَرِىٓءٌ۬ مِّنَ ٱلۡمُشۡرِكِينَ‌ۙ وَرَسُولُهُ

 

Il dit aussi : « Et fais aux gens une annonce pour le hajj. Ils viendront vers toi, à pied, et aussi sur toute monture, venant de tout chemin éloigné. », s.22 Al-Hajj (Le Pèlerinage), v.27.
Dans la législation islamique l’adhân correspond à la fois à :
– l’annonce du début du temps la prière avec des formules spécifiques ;
– des paroles spécifiques indiquant le début du temps de la prière obligatoire. 

 

 

وَأَذِّن فِى ٱلنَّاسِ بِٱلۡحَجِّ يَأۡتُوكَ رِجَالاً۬ وَعَلَىٰ ڪُلِّ ضَامِرٍ۬ يَأۡتِينَ مِن كُلِّ فَجٍّ عَمِيقٍ۬

 

2. L’adhân et les sources scripturaires
Le Coran, la sunna et le consensus des savants font tous référence à l’adhân :
– en parlant de ceux qui se moquaient despremiers musulmans, Dieu énonce dans Son Livre Saint : « Et lorsque vousfaites l’appel à la çalât, ils la prennent en raillerie et jeu. C’est qu’ils sont des gens qui ne raisonnent point. », s.5 Al-Mâ’ida (La Table servie), v.58.
– Dieu dit également : « Ô vous qui avez cru ! Quand on appelle à la çalât du jour du Vendredi, accourez à l’invocation d’Allâh et laissez tout négoce. », s.62 Al-Joumoû‘a (Le Vendredi), v.9.
– Le Prophète SWS ordonna à Mâlik Ibnou-l-Houwayrith RDA et au groupe qui l’accompagnait : « Lorsque l’heure de la prière entre, que l’un d’entre vous appelle à la prière et que le plus âgé d’entre vous vous dirige dans la prière. » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.]
– dans un hadîth rapporté par Ahmad sur Abî Ad-Dardâ’, ce dernier dit : « J’ai entendu le Messager d’Allâh indiquer : “Satan domine chaque groupe de trois hommes qui n’appellent pas à la prière et auprès de qui la prière n’est pas annoncée.” »

Comment fut-il institué ?
L’adhân fut institué à Médine. Le Prophète SWS avait consulté ses Compagnons dans l’optique d’imaginer un moyen pour appeler les gens à la
prière. Certains Compagnons ont proposé de souffler dans une corne, mais le Prophète SWS refusa cette proposition, car l’instrument était déjà utilisé par les juifs. D’autres proposèrent ensuite de faire tinter une cloche, mais cette option fut également rejetée, puisque les chrétiens se servaient déjà de cet objet. Plusieurs Compagnons émirent alors l’idée d’allumer un feu, cependant elle ne convenait guère au Prophète SWS qui y voyait une ressemblance dans les pratiques des mages (al-majoûss). Ne trouvant, ce jour-là, aucune autre solution satisfaisante, le Messager s’était résolu à appeler les gens grâce au son d’une cloche. Le soir-même, et avant que cette intention ne fût appliquée, ‘Abdoullâh Ibnou Zayd RDA fit un rêve qui donna la solution finale à cette question.
Dans un hadîth par Aboû Dâwoûd, Ahmad, Ibnou Mâja et At-Tirmidhî, ‘Abdoullâh Ibnou Zayd RDA raconta : « Quand le Messager d’Allâh ordonna l’usage d’une cloche pour appeler les gens à l’accomplissement de la prière, un homme m’apparut en rêve avec deux vêtements verts, porteur d’une cloche. Je m’adressai à lui :
—   Ô serviteur d’Allâh, vends-tu la cloche ?
—   Que veux-tu en faire ? me demanda-t-il.
—   Nous voulons l’utiliser pour appeler les gens à la prière.
—   Ne veux-tu pas que je t’indique un meilleur moyen ?
—   Si.
—   Tu dis : “Allâhou Akbar, Allâhou Akbar, Allâhou Akbar, Allâhou Akbar,
Achhadou allâ ilâha illa Allâh (x2)
Achhadou anna Mouhammadan
Rassoûlou)-lâh (x2)
Hayya ‘ala-çalâh (x2)
Hayya ‘ala-l-falâh (x2)
Allâhou Akbar, Allâhou Akbar
Lâ ilâha illa-lâh”
Ensuite il recula un peu avant d’ajouter : “Pour annoncer l’imminence de l’accomplissement de la prière, tu dis :
                               Allâhou Akbar, Allâhou Akbar,
                               Achhadou allâ ilâha illa-lâh
                               Achhadou anna Mouhamadan rassoûlou-lâh
                               Hayya ‘ala-çalâh,
hayya ‘ala-l-falâh
                               Qad qâmti-çalâtou qad qâmati-çalâh
Allâhou akbar, Allâhou akbar,
Lâ ilâha illa-Lâh”
À mon réveil, j’allai en informer le Messager d’Allâh SWS, qui en déduit : “Ce rêve exprime la vérité, s’il plaît à Allâh. Va avec Bilâl, apprends lui ce que tu as vu et qu’il l’utilise dans l’adhân, car sa voix est plus belle que la tienne.”
Je partis avec Bilâl, je lui enseignai et il se mit à l’utiliser. Quand ‘Omar Ibnou-l-Khattâb, qui se trouvait chez lui, entendit l’appel, il sortit, traînant son vêtement en disant : “Au nom de Celui qui vous a envoyé ce message porteur de vérité, Ô Messager d’Allâh, j’avais vu ce qu’il a vu.” Le Messager dit alors : “Allâh soit loué !” » [Rapporté par Mouslim et At-Tirmidhî.]

Dans un hadîth rapporté par Al-Boukhârî, Ibnou ‘Omar RDA raconte : « À leur arrivée à Médine, les musulmans se regroupaient en attendant
l’heure de la prière sans qu’on eut fait l’appel à venir la faire. Un jour, ils s’entretinrent sur le sujet. Quelques-uns d’entre eux dirent :
“ — Adoptons une cloche comme les cloches des chrétiens !
  — Non, opposèrent d’autres, utilisons plutôt une corne, pareille à la corne utilisée par les juifs.
  — Pourquoi, intervint ‘Omar, ne désignons-nous pas un homme pour appeler à la prière ?”
Sur ce, le Messager d’Allâh appela un de ces fidèles Compagnons : “Ô Bilâl ! Lève-toi et appelle à la prière.” »
Ces deux ahâdîth ne s’opposent pas, puisqu’il est fort possible que ‘Omar proposât un adhân réalisé à voix haute et que le rêve de ‘Abdoullâh
Ibnou Zayd vînt valider la proposition et détailler les formulations à utiliser dans l’appel.
Le mérite de formuler l’adhân
Une grande récompense revient à celui qui prononce l’adhân très régulièrement. Le Prophète SWS s’exprima clairement à ce sujet : « Si les gens savaient ce qu’il y a dans l’appel [à la prièreet la première rangée, et qu’ils n’avaient comme choix que de faire un tirage au sort [pour en bénéficier], l’auraient fait. » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.]
Dans un autre hadîth rapporté par Al-Boukhârî sur Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî RDA, à qui le Prophète SWS s’adressa directement : « Je vois que tu aimes les troupeaux de mouflons et la campagne, alors si tu es avec ton troupeau de mouflons ou dans ta campagne, appelle à la prière et lève ta voix dans l’appel, car tous ceux qui entendent la voix du mou’adhdhin parmi les djinns, les humains où toute chose témoigneront en sa faveur le jour de la résurrection. » [Rapporté par Al-Boukhârî, Ahmad, An-Nassâ’i et Ibnou Mâja.]
Mou‘âwiya RDA a rapporté d’autres paroles prophétiques : « Les mou’adhdhin auront les cous les plus longs le jour de la résurrection.  [Rapporté par Mouslim, Ahmad et Ibnou Mâja.]
L’explication donnée par certains savants concernant ce hadîth associe la longueur du cou à la miséricorde divine. En effet, celui qui aspire à la miséricorde de Dieu ici-bas, Dieu allongera son cou le jour du grand rassemblement. Comme les mou’adhdhin sont prioritaires en termes de grâce divine, ils auront les plus longs cous.
D’après d’autres érudits, l’expression « avoir un long cou » signifie « être un maître et un chef », tandis que plusieurs doctes indiquent que les mou’adhdhin seront suivis par beaucoup de gens.
Al-Qâdî ‘Iyâd rapporte que certains ont cité le hadîth en prononçant « i‘nâqan : إِعْناقاً », alors que d’autres ont dit « a‘nâqan : أَعْناقاً ». Or « al-i‘nâq : الإِعْناق » signifie « al-isrâ’ : الإِسراع » (l’empressement). Selon cette lecture, les mou’adhdhin seront les plus rapides pour entrer au paradis.
D’autres expliquent enfin que la chaleur du jour de la résurrection sera telle que les cous des gens fléchiront à cause de la soif et de la fatigue. En revanche, les cous des mou’adhdhin resteront longs, puisque Dieu protègera cette catégorie de croyants de la soif de ce jour.

 

Les mérites de l’iqâma en comparaison avec l’imâma
Les savants ont divergé sur cette question.
Ach-Châfi‘î, d’après l’avis le plus valide dans son école, et les hanbalites considèrent qu’accomplir l’adhân est plus méritoire que de diriger la prière (al-imâma). Ils se basent sur le verset 33 de sourate Fouççilat : « Et qui profère plus belles paroles que celui qui appelle à Allâh fait bonne œuvre et dit : je suis du nombre des musulmans. » ‘A’icha RDAA explique que ce verset concerne justement les mou’adhdhin. Ces deux écoles se basent sur les mérites de l’adhân cités dans les ahâdîth précédents et font également référence à un hadîth rapporté par Ach-Châfi‘î, Ahmad et Aboû Dâwoûd. Par ailleurs, At-Tirmidhî, An-Nassâ’î, Ibnou Hibbân et Ibnou Khouzayma rapportent les propos d’Aboû Hourayra RDA : « Le Messager d’Allâh a dit : “L’imâm est garant et le mou’adhdhin est un dépositaire, Seigneur Allâh oriente les imâms et pardonne aux mou’adhdhin” ».
Ilsconsidèrent ainsi que le dépôt est plus important que la garantie et que le pardon présente davantage de mérite que l’orientation.
Selon l’avis des ahnâf, l’imâmat est plus méritoire que de lancer l’adhân. Ils argumentent leur position par la place occupée par le Prophète SWS et ses khalifs bien-guidés. Ils guidaient la prière et confiaient l’adhân à un des Compagnons ; c’est également le cas des grands savants de la
communauté. 
En outre, l’explication du terme « dâmine : ضامِن » confirme cette opinion, puisque l’imâm est garant de ce qu’il lit comme Coran et des invocations formulées en secret. Il endosse la responsabilité de la station debout et de la lecture du Coran pour ceux qui entrent en prière au moment de la génuflexion (roukoû‘). Il garantit également le bon accomplissement de la prière en prenant place devant tous les orants. Quant au terme « mou’taman : مُؤْتَمَن » (dépositaire), il signifie que le mou’adhdhin prend soin de sauvegarder les heures de prière. D’après ces explications, il apparaît que le dépositaire n’a pas forcément plus de mérite que le garant.
3. Statut de l’adhân pour une prière immédiate
Les savants ont divergé sur le statut de l’adhân au niveau de la législation islamique. Une partie d’entre eux affirme qu’il est obligatoire (wâjib) et le reste soutient qu’il est une sunna mou’akkada (vivement conseillée). Parmi les premiers, certains le considèrent comme une obligation individuelle « fardou ‘ayn : فَرْض عَيْن », tandis que les autres le limitent à une obligation communautaire « fardou kifâya : فَرْض كِفايَة ». La raison principale de cette divergence réside en la définition propre de l’adhân : tantôt il correspond à des formules liées à la prière, tantôt il n’est qu’une simple annonce qui vise à regrouper les gens pour prier ensemble. Un tour d’horizon des différents avis s’impose :
   
   a. Certains savants de l’école dhâhirite pensent que l’adhân est une obligation individuelle.
   
   b. La majorité des hanbalites considère que l’adhân et l’iqâma sont une obligation communautaire. Ils se basent sur le hadîth de Mâlik Ibnou-l-Houwayrith dans lequel le Prophète SWS précisa : « Que l’un de vous lance l’adhân lorsque l’heure de la prière entre, et que le plus âgé d’entre vous dirige la prière. » [Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim.]
   c. Selon Ach-Châfi‘î et Aboû Hanîfa, il s’agit d’une sunna pour celui qui prie seul ou en assemblée ; cette sunna est néanmoins vivement conseillée pour le groupe.
 
 d. Pour les mâlikites, l’adhân est une sunna vivement recommandée et il est obligatoire pour les mosquées où se réunissent des groupes d’orants. Quant à celui qui prie seul, l’appel à la prière n’est ni une obligation, ni une sunna. Les mâlikites indiquent notamment que l’adhân est déconseillé pour un individu qui prie seul ou pour un groupe (hors mosquée) qui n’attend aucun orant supplémentaire. Toutefois, ce point de vue est conditionné par le fait de se trouver dans sa propre ville. En effet, lorsqu’un groupe est en voyage (ou une personne seule), il est conseillé de lancer l’adhân, même si la distance de réduction de prière (distance d’al-qasr) n’a pas été atteinte. Les savants s’accordent tout de même sur le fait que l’adhân et l’iqâma ne doivent pas être formulés pour les prières surérogatoires, ni pour celles des deux fêtes ou du tarâwîh, ni pour celle de l’éclipse, ni pour la prièremortuaire.
 
L’adhân et l’iqâma pour les femmes
   
   a. Pour la majorité des mâlikites et la majorité des châfi‘ites, il est conseillé pour une femme de prononcer l’iqâma, qu’elle soit seule ou en groupe de femmes, mais il lui (leur) est déconseillé de lancer l’adhân. Leur source provient des paroles de Jâbir Ibnou ‘Abdillâh RDA : « La femme peut accomplir l’iqâma si elle veut. »
   b. Quant aux hanafites, au reste des mâlikites et aux hanbalites, ils déconseillent à la femme d’accomplir l’adhân et l’iqâma. Leur avis se fonde sur le hadîth d’Asmâ’ Bintou Abî Bakr RDAA qui rapporta ces paroles prophétiques : « Les femmes n’ont pas à faire l’adhân, ni l’iqâma, ni le joumoû‘a, ni le lavage (pour le joumoû‘a) et qu’une femme ne les devance pas dans la prière, mais se met entre elles. » [Rapporté par Al-Bayhaqî.] 
Ibnou ‘Omar RDA s’est également prononcé dans ce sens : « Les femmes n’ont à formuler ni adhân, ni iqâma. » (comprendre que ce n’est pas obligatoire)
   c. Un avis châfi‘ite et un point de vue hanbalite conseillent à la femme d’accomplir l’adhân et l’iqâma. Quand Ibnou ‘Omar RDA fut questionné sur la possibilité pour les femmes d’accomplir l’adhân, il se mit en colère et répliqua : « Comment oserais-je interdire l’évocation de Dieu ! » [Rapporté par Ibn Abî Chayba.] 
Il a été aussi rapporté que : « ‘Â’icha RDAA prononçait l’adhân et l’iqâma, et dirigeait la prière avec les femmes en se mettant au milieu d’elles. » [Rapporté par ‘Abder-Razzâq, Ibnou Abî Chayba, Al-Bayhaqî et Al-Hâkim.] 
    
   d. Pour les hanbalites, l’adhân et l’iqâma sont autorisés, mais à voix basse, sans que cela soit une sunna, puisque le Prophète SWS n’en a pas parlé.


En résumé, l’adhân est vivement conseillé par la majorité des savants, surtout lorsqu’il s’agit de le faire dans une mosquée ou lorsqu’un individu ou un groupe de personnes est/sont en voyage. Pour les prières des deux fêtes, de tarâwîh, celle de l’éclipse et la prière mortuaire, nul besoin d’adhân ou d’iqâma. En revanche, une phrase spécifique invite les fidèles à ces prières communes : « aç-çalâtou jâmi‘ah : الصّلاة جامِعَة ». La preuve se trouve dans un hadîth rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim sur ‘Abdoullâh Ibnou ‘Amr RDA qui a raconté : « Lorsque le soleil s’est éclipsé à l’époque du Messager, on a appelé “ aç-çalâtou jâmi‘ah : الصّلاة جامِعَة” (la prière rassemble). »
Pour la femme, la majorité des savants déconseillent de formuler l’adhân pour ne pas susciter la convoitise des hommes. Mais ils ne voient aucun mal à prononcer l’iqâma à voix basse, excepté les hanafites et les hanbalites qui le déconseillent.

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