(2) L’assemblage du Coran du vivant du Prophète

Sciences du coran

i46

   Lorsque le Coran fut révélé au Prophète Mouhammad au cours des dix derniers jours de Ramadan (la vingt-septième nuit pour certains savants), sa vocation était de devenir un livre…le  Livre de Dieu par excellence : « Alif-Lâm-Mîm.

Voici le Livre qui n’est sujet à aucun doute. C’est un guide pour ceux qui craignent le Seigneur. (…) », s. 2 Al-Baqara (La Génisse), v. 1 et 2.

   Toutefois, le texte sacré ne fut transmis au Prophète ni en bloc dans son intégralité orale,  ni sous forme d’un livre entier : « C’est un Coran que Nous avons révélé fragment par fragment, afin que tu le récites lentement aux gens. C’est pour cela que Nous l’avons fait descendre graduellement. », s.18 Al-Kahf (La Caverne), v.106.

   La révélation s’étalait sur les vingt-trois années de la mission de Mouhammad, progressivement.

   La descente et la nature du Coran n’est pas le propos du présent article, un autre sera consacré à ce thème, in châ Allâh.

   Contrairement aux autres Ecritures Saintes (Ancien et Nouveau Testament), le Coran ne fut pas édité et compilé longtemps après, voire quelques siècles après que la révélation ne soit entièrement descendue, mais au fur et à mesure que le Prophète recevait la révélation : cela garantissait au Coran son authenticité jusqu’à nos jours.

   Un travail de compilation a été entrepris du vivant du Messager d’Allâh, mais également après sa disparition.

   De son vivant, après chaque descente de verset(s), le Prophète restituait à l’adresse d’un public masculin ; mais puisqu’il était également soucieux de l’instruction religieuse des femmes, il le(s) récitait aussi dans les assemblées féminines.

   L’Envoyé de Dieu encourageait les croyants à la mémorisation des versets sacrés : « Le plus méritant parmi vous est celui qui apprend le Coran et qui l’enseigne. »

   L’érudit As-Souyoûtî cite plus de vingt personnes ayant mémorisé parfaitement le Coran, dont : ‘Aïcha, Oumm Salama, Hafsa, Aboû Bakr As-Siddîq, ‘Omar Ibnou-l-Khattâb, ‘Othmâne Ibnou ‘Affâne, ‘Alî, Ibnou Mas’oûd, ‘Abdoullâh Ibnou ‘Abbâs, Aboû Hourayra, ‘Abdoullâh Ibnou Amr Ibnou Al-‘Âç, etc.

   ‘Abdoullâh Ibnou ‘Amr en évoquant ‘Abdoullâh Ibnou Mas’oûd, déclarait : « Je ne cesserai jamais de l’aimer, car j’ai entendu le Prophète dire : « Prenez le Coran de quatre personnes : de ‘Abdoullâh Ibnou Mas’oud, de Salîm, de Mou’âdh et de Oubay Ibnou Ka’b » (raconté par Masroûq).

   Mémoriser le Coran dans son intégralité sans rien omettre ou ajouter est une tradition qui se perpétue jusqu’à aujourd’hui.

   Mais si Allâh avait doté Son Envoyé et certaines personnalités de potentialités de mémorisation exceptionnelles, ce ne fut pas le cas pour tout le commun des mortels. En outre, chacun vaquant à ses occupations, une personne ne dispose pas forcément de la même disponibilité qu’une autre pour apprendre le Coran ; c’est pourquoi Allâh préconise dans Son Livre que chacun lise et retienne ce qu’il peut du Coran : c’est l’intention et l’effort pour accomplir de son mieux cet apprentissage qui primera auprès de Dieu, et le résultat dépend de Lui Seul.

   Pour garantir la pérennité du message divin dans sa forme originale et son authenticité, des traces écrites étaient donc nécessaires. Le Messager d’Allâh incitait les musulmans à savoir lire et écrire : des prisonniers de la bataille de Badr avaient ainsi la possibilité de reprendre leur liberté s’ils enseignaient aux musulmans l’art de la lecture et de l’écriture. Etant lui-même analphabète – « C’est Lui qui envoya aux illettrés [les Arabes] un Messager issu d’eux pour leur réciter Ses versets, les purifier et leur enseigner le Coran et la sagesse, alors qu’hier encore ils étaient plongés dans l’égarement manifeste. », s. 62 Al-Joumouʻa (Le Vendredi), v.2, Mouhammad dictait les versets au moment de leur révélation.

i47

   Les scribes employaient alors tout support qui leur tombait sous la main : os, parchemin, morceaux de poterie, peau de bête, nervures médianes de palmes, etc. Zayd Ibnou Thâbit était le plus illustre des scribes : « Quand fut révélé ce verset  » Ceux des croyants qui restent tranquillement chez eux, sans y être astreints par une incapacité quelconque, ne peuvent être considérés comme égaux aux croyants qui, dans le combat qu’ils mènent au service de Dieu, s’exposent aux dangers corps et biens. Aussi Dieu tient-Il en plus grande estime ceux qui Lui sacrifient leurs biens et leurs personnes. Et bien que les promesses divines s’étendent aux uns et aux autres, un rang infiniment supérieur est réservé aux combattants, ainsi qu’une récompense sans limite. », [s.4 An-Nisâ’ (Les Femmes), v.95], le Prophète dit :  » Appelle-moi Zayd ! Qu’il m’apporte la planchette, l’écritoire et l’omoplate  »  – selon une autre version :  » l’omoplate et l’écritoire ». Puis le Prophète me dit :  » Ceux des croyants qui restent sans risquent dans leur maison (…) » [narré par Al-Barâ’ , un des Compagnons du Prophète ].

  Plusieurs preuves, outre le verset susmentionné tout au début de l’article, appuient la thèse de l’existence des retranscriptions du Coran, alors que le Prophète évoluait parmi ses contemporains. Allâh dit : « Un Messager de Dieu chargé de leur réciter des feuillets exempts de toute souillure. », s. 98 Al-Bayyinah (La Preuve), v.2 ;

   « Ceci est en vérité une noble Lecture, dans un livre bien gardé que seuls les purifiés touchent. Révélation émanant du Seigneur des mondes. », s. 57 Al-Hadîd (Le Fer), v. 77-80.

   D’après Ibnou ‘Omar « (…) Le Messager de Dieu dit :  » Ne prends pas le Coran avec toi en voyage, car je crains qu’il ne tombe dans les mains de l’ennemi. « 

   Lorsqu’à la Mecque le Prophète et ses Compagnons se cachaient encore chez Al-Arqam pour se réunir, les versets descendus étaient déjà consignés dans des feuillets, comme le démontre l’histoire de la conversion de ‘Omar Ibnou Al-Khattâb, qui eut lieu à la même période, et que l’on relatera dans son entier pour sa beauté :

   « Aimeriez-vous savoir comment a débuté ma conversion à l’Islam ?

–          Oui, lui répondit-on.

‘Omar dit :

–          J’étais de ceux qui en voulaient le plus à Mouhammad ! Par un jour d’une chaleur accablante, je circulais dans l’une des artères de la Mecque, et un homme est venu à ma rencontre. Il m’a demandé où j’allais, puis a ajouté : « Tu prétends vouloir éliminer Mouhammad, alors qu’il a des adeptes au sein même de ta famille ! » Je lui ai demandé ce qu’il voulait dire par là, et il m’a répondu : « Ta sœur a renié sa religion ! » Alors je suis rentré dans ma famille, courroucé. Il faut savoir que le Prophète avait l’habitude de répartir les gens qui se convertissaient en petits groupes sous la tutelle et à la charge du plus aisé d’entre eux. C’est ainsi qu’il avait adjoint deux hommes à mon beau-frère. Je suis arrivé chez ma sœur et j’ai frappé à la porte. On a demandé qui était là et j’ai répondu : « ‘Omar Ibnou al-Khattâb ! » Ceux qui étaient présents à l’intérieur s’étaient réunis pour lire du Coran, écrit sur un feuillet qu’ils avaient en leur possession. En entendant ma voix, ils ont quitté la pièce précipitamment, oubliant le feuillet… Quand ma sœur m’ouvrit, je l’ai interpellée violemment : « Ennemie de toi-même ! On m’a informé que tu as renié ta religion ?! », et je l’ai frappée au visage avec un objet que j’avais en main ; elle a abondamment saigné, a pleuré, et m’a dit : « Ô fils d’Al-Khattâb, je me suis soumise à Dieu ! : fais ce que tu veux ! » Puis je suis entré à l’intérieur de la maison, en rage, je me suis assis sur un divan, et de là, j’ai aperçu dans un coin de la pièce le feuillet. J’ai demandé : « Qu’est ce que c’est ? Donne-le-moi ! » Mais ma sœur m’a répondu : « Non ! Je ne peux pas te le donner ! : tu n’es pas digne de le toucher ! » J’ai tellement insisté qu’elle me l’a donné, et j’ai lu : « Au Nom de Dieu Le Très Clément par essence, Le Très Miséricordieux par excellence ! » J’ai été pris de panique et j’ai laissé tomber le feuillet, puis j’ai repris mon calme et j’ai continué à lire : « Ce qui est dans les cieux, ce qui est sur la Terre exalte le Nom de Dieu : c’est Lui Le Tout-Puissant, à la sagesse infinie. », [s. 57 Al-hadîd (Le Fer), v.1], et chaque fois que je lisais un passage où il est mentionné le nom de Dieu, je sursautais, jusqu’à ce que j’arrive à la parole de Dieu : « Croyez en Dieu et en Son Messager ! Dépensez en aumônes ce dont Il vous a fait pour un temps les dépositaires. Ceux d’entre vous qui croient et font l’aumône seront largement rémunérés. Le Prophète est là qui vous appelle instamment à croire en votre Seigneur. Dieu a déjà reçu votre alliance ; Pourquoi tardez-vous, si vous êtes sincère dans votre foi, à la confesser devant Dieu ? », [même sourate, v.7 et 8].

   A ce moment, je me suis arrêté et j’ai professé ma foi en proclamant tout haut : « Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu Seul, et je témoigne que Mouhammad est Son Envoyé et Messager ! » Le groupe qui était caché est alors sorti en scandant le nom de Dieu (Allâhou  Akbar !) et ils m’ont dit : « Réjouis-toi, Ibnou Al-Khattâb ! Nous avons entendu le Messager de Dieu invoquer Dieu ce lundi en disant :  » Seigneur, honore l’Islam par l’adhésion de l’un des deux hommes : ‘Amr Ibnou Hichâm ou ‘Omar Ibnou Al-Khattâb !  » Nous espérions qu’il en fût ainsi ! J’ai alors demandé que l’on m’indique où se trouvait le Prophète de Dieu . On m’a répondu qu’il se trouvait dans une maison en bas de la colline d’As-Safâ. Je m’y suis rendu et, en arrivant, j’ai frappé à la porte en disant qui j’étais. Les musulmans connaissaient ma violence et ma haine à l’encontre du Prophète de Dieu, alors personne ne voulut m’ouvrir ! Mais le Prophète ordonna que l’on m’ouvrît la porte. Deux hommes s’emparèrent de moi, mais le Messager de Dieu leur commanda de me laisser ; il s’approcha de moi, me prit par les vêtements et me dit : « Soumets-toi à Dieu, Ibnou Al-Khattâb ! » Puis le Prophète dit : « Seigneur, guide-le ! » Alors j’ai confessé ma foi, en prononçant les deux attestations. Les musulmans ont alors lancé tout haut un «  Allâhou Akbar ! » que tous les habitants de la Mecque ont entendu. », (mentionné dans Ousoud al-ghâbah d’Ibnou Hajar Al-‘Asqalânî ; également rapporté par At-Tirmidhî).

   As-Souyoûtî relate dans son ouvrage « Al-Itqân fî ‘ouloumi lqur’ân» ces propos de Zayd Ibnou Thâbit : « On avait l’habitude de compiler le Coran sur des morceaux de parchemin en présence du Prophète. » Le Messager d’Allâh indiquait lui-même la place de chaque verset et de chaque sourate dans le Livre en formation. L’ordre de ces éléments était assurément connu des compagnons puisque le Prophète et eux-mêmes récitaient quotidiennement le Coran dans les prières.

   Le Prophète révisait le texte révélé sous la correction de Jibrîl , chaque année au mois de Ramadan, et deux fois l’année de sa mort.

   Dans le sermon lors de son ultime pèlerinage, le Prophète laissait bien entendre que la révélation existait sous la forme d’un livre, même non rédigé complètement et définitivement puisque la révélation ne s’était achevée qu’avec le décès du Prophète : « Je vous laisse quelque chose auquel si vous vous y accrochez fermement vous ne serez jamais dans l’erreur : le Livre de Dieu et ma sunna [pratique, tradition]. »

   Lire le deuxième article sur l’assemblage du saint Coran après la mort du Prophète.

Archives

Catégories

Poser une question

Mettre un lien vers formulaire de contact