(3) Le judaïsme et le christianisme dans la presqu’île arabe

Biographie du Messager

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   Outre le polythéisme galopant qui sévissait dans la péninsule arabe, avant l’avènement de l’Islam, le judaïsme  était également présent. Les juifs de Médine et de Khaybar étaient originaires du Châm,

et le Yémen allait être majoritairement d’obédience juive. Voici comment…

   Au Yémen, l’histoire du judaïsme débuta par un rêve que fit Rabî’a Ibnou Nasr. Celui-ci en demanda l’interprétation aux astrologues. Il lui fut annoncé que les Ahbaches, c’est-à-dire les Abyssiniens, allaient coloniser le Yémen dans les soixante à soixante-dix ans à venir. Rabî’a Ibnou Nasr quitta alors le Yémen pour l’Irak. Mais à sa mort, ses fils revinrent au pays et se saisirent du pouvoir. Tabbân Ibnou As’ad Ibnou Abî Karb était l’un d’eux, et il était nommé par son titre de chef suprême du Yémen, « Toubba’ » [on appelait « Kisrâ » (« Kosroes ») le roi de Perse ; « Annajâchî » (« Négus ») celui de l’Abyssinie ; et « Qaysar » (« César ») celui des Byzantins].

   Un jour, Tabbân entreprit un voyage vers le Châm, et en cours de route il laissa son fils à Yathrib (actuelle Médine). Celui-ci était très hautain, un heurt surgit entre lui et les autochtones : ceux-ci l’assassinèrent. Tabbân leur livra alors une longue guerre sans précédent. Or, les habitants de Yathrib étaient réputés pour leur incomparable générosité : à la fin de chaque bataille, ils offraient de la nourriture à leurs ennemis, qui n’en finissaient pas d’être étonnés.

   Cette situation dura jusqu’à ce que deux rabbins sortirent du Châm pour aller à la rencontre de Tabbân et le convainquirent de ne point s’obstiner à vouloir détruire Yathrib : d’après leurs écritures sacrées, la ville allait être le théâtre de la venue d’un très grand messager de la part de Dieu. Tabbân en fut persuadé, il se convertit au judaïsme, et se rapprocha la compagnie des deux religieux.

   A cette époque, le Yémen et la Mecque voyaient en la tribu de Houdhayl un ennemi sournois. Les haïssant tous deux, Houdhayl fomenta un complot pour susciter la guerre entre eux. Ce peuple fit croire à Tabbân que le temple de la Mecque, la Ka’ba, était empli d’or et d’argent, et renfermait deux gazelles en or : décision fut prise dès lors d’assaillir la Mecque et de s’en emparer. Or, à la vue de la Ka’ba, les deux rabbins, qui avaient une première fois arrêté les élans belliqueux de Tabbân, le dissuadèrent d’attaquer, en confirmant que la Ka’ba était le temple de Dieu.

   Tabbân entra dans la Mecque et dormit à l’intérieur de la Ka’ba. Il vit en songe qu’il recouvrait de tissu la Ka’ba. Il concrétisa son rêve le lendemain. Mais il rêva de nouveau qu’il recouvrait le cube sacré d’un autre tissu plus léger et plus cher, en provenance du tissage yéménite, et donc meilleur que le précédent. Il changea par conséquent la première couverture.

   Les Arabes gardèrent cette habitude, et  chaque année on superposait une étoffe neuve sur l’ancienne. Cette pratique perdura jusqu’à ce qu’un jour Qouraïch eut craint que la Ka’ba ne s’écroulât sous le poids des couvertures. Désormais, et ce jusqu’à notre époque, on dénuda entièrement le cube pour l’habiller d’un seul tissu (la kiswa), une fois l’an.

  De retour au Yémen, Tabbân appela son peuple à se convertir au judaïsme, mais celui-ci refusa et persévéra dans son adoration du feu. Dans un temple, le brasier était allumé en permanence et faisait office de juge dans les litiges opposant deux parties : on plaçait les antagonistes près des flammes, et le premier touché par le feu était considéré comme étant le transgresseur.

   Les deux rabbins lancèrent le défi aux mages yéménites de se présenter avec eux devant la fournaise. Lors du premier rassemblement, les rabbins lurent la Thora, et à peine eussent-ils achevé sa lecture que les flammes brûlèrent les magiciens qui s’enfuirent à toute hâte. Les gens les ramenèrent pour une deuxième confrontation, et une fois de plus les enchanteurs furent calcinés. Face à l’évidence, le peuple de Tabbân se convertit au judaïsme, lequel fit ainsi son entrée éclatante au Yémen.

   Au décès de Tabbân, Hassan le fils succéda au père et prit le titre de Toubba’, mais il était extrêmement orgueilleux et voulut conquérir la Terre entière, à commencer par la Perse.‘Amr, le frère de Toubba’ conduisait l’armée. En cours de route, les siens le persuadèrent d’assassiner son aîné, afin d’être intronisé à sa place. ‘Amr accepta le marché, mais un homme, répondant au nom de Dhou Rou’ayn, l’avisa de n’en rien faire et l’avertit sur les conséquences personnelles néfastes. ‘Amr n’eut cure de ce conseil et trucida son frère. Observant cela, Dhou Rou’ayn lui remit une missive et lui demanda de ne la lire que lorsqu’en personne il lui dira de le faire.

   Ayant tué son frère, ‘Amr fut pris de remords et tomba dans une si profonde dépression qu’il ne pouvait plus parvenir au sommeil. Il décida alors de se venger de tous ceux qui l’avaient incité à commettre ce geste malheureux. Au moment où il voulut atteindre Dhou Rou’ayn, ce dernier lui rappela au souvenir la lettre qu’il lui avait écrite et remise. ‘Amr y lut ces vers : « Malheur à celui qui achète l’insomnie par le sommeil. Heureux celui qui passe la nuit dans la tranquillité. Quant à Himyirah [les Yéménites], ils ont trahi. Pardonne mon Seigneur à Dhou Rou’ayn ! »‘Amr épargna l’auteur de la lettre et régna jusqu’à sa fin.

   A la mort de ‘Amr, plusieurs conflits éclatèrent dans le pays, et un bandit de grands chemins, « un coupeur de route », Louqayna’a prit le pouvoir grâce à la bande d’assassins qu’il avait constituée. Son règne dura jusqu’à ce qu’un fils de Tabbân, Dhou Nouwâs, réussit à le tuer et à reprendre les rênes du Yémen…

   Si le Yémen suivait dans sa majorité le judaïsme, le christianisme allait pénétrer le pays et la région de Najrân.

   Pendant le règne de Dhou Nouwâs, un chrétien du nom de Finiyoûn quitta la Syrie pour prêcher le christianisme en Afrique. Lors de son périple, des « coupeurs de route » se saisirent de sa personne et le vendirent comme esclave à la tribu de Najrân.

   Dieu avait doté Finiyoûn de « karâmât », c’est-à-dire de miracles : son maître vit un jour une lumière sortir du lieu où il priait. Il demanda à Finiyoûn ce dont il s’agissait et ce denier lui parla du christianisme.

   A cette époque, les gens de Najrân adoraient un arbre. Suite à un débat avec Finiyoûn, ils exigèrent de lui une preuve de la véracité de sa religion. Finiyoûn implora Dieu dans sa prière, et l’arbre vénéré fut foudroyé et prit feu. Les habitants de Najrân embrassèrent alors le christianisme.

   Un groupe d’hommes de ce clan émigra au Yémen, s’y établit en cachant sa foi : le judaïsme s’était peu à peu effrité, et les yéménites, y compris leur chef Dhou Nouwâs, adoptèrent la religion des mages.

   Dhou Nouwâs (Toubba’) appréciait fortement un magicien, et il le rapprocha de lui. Lorsque celui-ci vieillit, Toubba’ lui proposa de transmettre son art à un jeune homme. L’enchanteur acquiesça, et accueillit régulièrement le jeune homme chez lui.

   En chemin, l’apprenti entendit les prières d’un moine chrétien venu de Najrân. Il se rendit auprès de lui, le questionna sur sa pratique et sollicita un enseignement de la religion chrétienne…

   Lorsque Dhou Nouwâs découvrit que l’élève s’était converti au christianisme, il le tortura jusqu’à ce qu’il avoua la cachette du chrétien. Puis il ordonna la mise à mort de ce dernier et du jeune homme.

   Alors que les soldats conduisaient le prisonnier au sommet d’une montagne pour l’y précipiter, le condamné invoqua Dieu : «Ô mon Seigneur, suffis-moi contre eux comme Tu le voudras ! »

   La montagne se mit à trembler, tous chutèrent à l’exception du jeune homme, qui rebroussa chemin et demanda à se présenter devant Dhou Nouwâs. Etonné et rageur, Toubba’ commanda l’embarquement du rescapé de la mort sur une barque pour qu’il fût noyé au large. Mais une seconde fois, le croyant supplia Le Créateur des univers: « Ô mon Seigneur, suffis-moi contre eux comme Tu le voudras ! »

   Une énorme vague déferla sur l’embarcation, jetant par-dessus bord les sbires de Dhou Nouwâs.

  L’impuissance et l’ire du Toubba’ étaient à leur comble lorsque le miraculé de nouveau fut face à lui :

—    « Tu ne pourras me tuer que si tu exécutes ce que je t’ordonne ! lui lança le jeune homme.

—    Et que devrais-je faire ?

—    Réunis le peuple en un seul endroit. Attache-moi à un tronc d’arbre, puis prends une flèche de mon carquois. En même temps que tu tendras ton arc, prononce ces paroles :  » Au nom de Dieu, Seigneur de ce jeune homme ! « , puis tire ! Si tu accomplis cela, tu me tueras. »

  Dhou Nouwâs obéit en tout à ce qu’exigeait le courageux jeune homme. « Au nom de Dieu, Seigneur de ce jeune homme ! », clama-t-il en décochant la flèche, qui atteignit mortellement la tempe du condamné. Dhou Nouwâs ne put contenir sa stupide joie…qu’un macabre silence accueillit. Sortis de leur torpeur, les gens amassés en foule s’échangèrent des regards tristes et compatissants, puis proclamèrent spontanément leur adhésion à la religion du martyr : « Nous croyons au Seigneur du jeune homme ! », crièrent-ils…

   A qui donc revenait la véritable victoire, sinon au Très-Haut ? Jeune homme, tu as une place très honorée auprès de ton Seigneur vers Qui tu es retourné !…

   La colère de Dhou Nouwâs fut immédiate et implacable. Elle s’abattit sur tous ceux qui refusèrent d’abandonner la foi en un Dieu Unique : un large et profond fossé fut creusé et comblé d’un feu ardent à leur intention. Le Coran porte à la mémoire des doués d’intelligence, jusqu’à la fin des temps, ce sinistre épisode : « Maudits soient les gens de la fosse ardente, au feu sans cesse renouvelé, qui s’étaient installés tout autour du bûcher, pour jouir du spectacle des croyants suppliciés, et auxquels pourtant ils n’avaient rien à reprocher, si ce n’est leur foi en Dieu, Le tout Puissant, Le digne de louange, à Qui appartient la royauté des cieux et de la Terre, Dieu Le témoin de tout l’univers », s. 85 Al-Bouroûj (Les Constellations), v. 4-9.

   Nombreux furent ceux qui préférèrent le feu purificateur à la mécréance. Quand vint le tour d’une femme serrant son nouveau-né contre elle, la mère qu’elle fut hésita, mais Dieu fit parler son nourrisson : « Courage, maman, tu es dans la vérité ! »…

   Après leur apparition, au Yémen pour le judaïsme, et dans la région de Najrân en ce qui concerne le christianisme, les deux religions finirent par s’étendre et se côtoyer grâce aux échanges commerciaux et aux déplacements humains. Cette réalité encore subsiste de nos jours.

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