L’écologie, une exigence spirituelle (1/4) : deux visions environnementalistes opposées

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   Il est de bon ton aujourd’hui de promouvoir à cor et à cri la protection de l’environnement : tous les pays développés s’engouffrent dans cette voie pour tirer leur épingle du jeu politique et asseoir leur leadership dans ce domaine à l’échelle planétaire.

Initialement,  pourtant, cette noble cause ne fut pas la leur : les pays industrialisés sont même  les principaux responsables de la dégradation écologique du fait de leur mode de gestion et de consommation effrénée des ressources naturelles.

   C’est en 1969 que l’astronaute américain Neil Armstong fait prendre conscience au monde de la fragilité de la Terre. En 1972, la « Conférence mondiale des Nations unies sur l’environnement » se tient à Stockholm et crée la « Commission mondiale sur l’environnement et le développement ». La question environnementale n’était pas la priorité des pays occidentaux. La conférence n’a pas retenu l’attention du monde et la commission créée ne se réunira la première fois qu’en 1984. Ce n’est qu’en 1992, lors du sommet de la Terre à Rio, qu’est reconnue la nécessité d’agir dans le cadre d’un partenariat mondial, et est adoptée la Convention-cadre sur le changement climatique.

   Par la suite, de nombreuses chartes et lois, nationales et internationales, se succèdent, se fixant pour objectifs la préservation de l’environnement, la jugulation du gaspillage des ressources naturelles et la lutte contre l’extinction des espèces animales et végétales. Le protocole de Kyoto en 1997 marque le début d’une politique concertée entre les Etats, mais cette politique remet en cause les choix de développement du Nord et du Sud et pose la question cruciale de l’énergie. Il apparait clairement que la problématique écologique est une préoccupation récente de la part des pays industrialisés. Et malheureusement, les législations prévues n’ont pas eu l’efficacité escomptée, à savoir mettre un terme à des pratiques agressives contre l’environnement. Quelle en est la raison principale ? C’est une des questions à laquelle il faudra répondre.

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    Précurseur en matière d’écologie, depuis plus de quatorze siècles, l’Islam a inscrit la préservation de l’environnement dans ses principes comme une exigence spirituelle. Sa vision de l’Univers et de la nature est métaphysique, éthique et environnementaliste. Son approche se fonde sur l’interpellation de la conscience et de la foi humaines.

   Ne pas faire cas de la spiritualité, volontairement ou non, c’est oublier l’impact positif de la dimension religieuse sur l’environnement et c’est écarter la spiritualité du débat écologique.
Quelle est la contribution de la religion islamique en matière de protection de l’environnement, à travers sa conception de la nature et de l’homme par rapport à l’Univers et à la Terre en particulier ; à travers, également, le modèle prophétique incarné par Mouhammad ?
Apporter des réponses à cette question aidera à répondre à une autre interrogation : finalement, l’homme a-t-il honoré le statut de gestionnaire de la Terre dont Dieu l’a gratifié ?

La conception instrumentaliste de la nature, principale cause de la faillite environnementale

   Mohammad Younes, professeur au Département de la Communication de masse – Université des Emirats arabes unis, explique comme suit la vision instrumentaliste de la nature : « Selon cette pensée, la nature est une machine qui n’a ni valeur ni sens, et ne comprend aucun objet inhérent. La théorie des qualités primaires et secondaires de John Locke, grand philosophe et théoricien anglais du 18ème siècle, a été souvent évoquée dans ce contexte. Selon Locke, la nature possède uniquement des qualités primaires. Les qualités secondaires attribuées à la nature sont le produit des réflexions humaines appliquées à cette dernière, qui par ailleurs, manque d’âme et d’intelligence, de valeur inhérente et réelle. Un arbre, à titre d’exemple, n’a aucune valeur essentielle, car selon la conception matérialiste de la nature, il acquiert sa valeur par l’intervention de l’homme, qui le réduit en un objet tel qu’une chaise ou une table. Ainsi, la nature est un instrument dont l’homme dispose et qui peut être modifiée selon la volonté et le choix de l’homme. »

    Par une approche purement scientifique, la Conférence internationale de Stockholm définit l’environnement comme tout ce qui entoure l’homme. Cette définition est bien succincte pour donner une idée exacte de ce qu’englobe le terme. Dans l’étymologie occidentale, « écologie », science de l’environnement, tire sa racine du mot grec « oikos » signifiant « habitat ». Par extension, l’écologie désigne l’environnement comme « le milieu où l’homme vit et interagit avec les phénomènes naturels et humains qui l’entourent », autrement dit l’« écosystème », qui englobe des composantes organiques vivantes réparties en quatre catégories :

1.    Les éléments abiotiques ou catégorie constante : ce sont des éléments naturels inertes renfermant la totalité des ressources indispensables à la vie.

2.    Les organismes producteurs : ce sont les végétaux chlorophylliens qui synthétisent leur nourriture à partir des éléments abiotiques.

3.    Les organismes consommateurs : elle englobe les espèces animales qui se nourrissent d’autres vivants ; elle comprend les herbivores, les carnivores mais également l’homme.

4.    Les organismes décomposeurs : ce sont des agents microscopiques de l’ordre des bactéries et des champignons intervenant dans la décomposition des matières organiques animales et végétales. Tous ces éléments sont complémentaires et réagissent entre eux selon un processus bien précis, harmonieux. Tout dysfonctionnement ou toute insuffisance de l’un de ces composants signe le déséquilibre et la perturbation de l’écosystème qui perd ainsi sa capacité à générer la vie.
Or, à l’heure actuelle, le déséquilibre écologique et ses désastres environnementaux sont une réalité irréfutable, une conséquence directe de la conception matérialiste de la nature. La dangerosité d’une telle vision et la mauvaise gestion de « l’habitat » qui en résulte ne sont plus à démontrer, les faits rapportés dans la presse et les médias mondiaux parlent d’eux-mêmes. Dans ces conditions, l’approche islamique en matière d’écologie et de protection de l’environnement est-elle intéressante pour sortir l’humanité du désastre écologique ? C’est à voir…

La vision métaphysique de l’environnement prôné par l’Islam

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   Selon l’Islam, la Terre et tout ce qu’elle renferme, est un organisme vivant, une concrétude vivante douée d’une conscience et non pas une réalité constituée d’objets sans âme. La preuve de cette affirmation est contenue dans le Coran où Dieu dit : « Les sept cieux, la terre et tout ce qui s’y trouve célèbrent Ses louanges ; il n’y a rien qui ne célèbre Ses louanges, mais vous ne comprenez pas leurs louanges. Dieu est plein de mansuétude et Il pardonne. », s.17 Al-Isrâ’ (Le Voyage nocturne), v.44.

تُسَبِّحُ لَهُ ٱلسَّمَـٰوَٲتُ ٱلسَّبۡعُ وَٱلۡأَرۡضُ وَمَن فِيہِنَّ‌ۚ وَإِن مِّن شَىۡءٍ إِلَّا يُسَبِّحُ بِحَمۡدِهِۦ وَلَـٰكِن لَّا تَفۡقَهُونَ تَسۡبِيحَهُمۡ‌ۗ إِنَّهُ كَانَ حَلِيمًا غَفُورً۬ا

   Il dit aussi : « […] Nous avons contraint les montagnes et les oiseaux à se joindre à Dâwoûd [David] pour proclamer nos louanges, c’est Nous Qui avons fait cela. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.79.

وَسَخَّرۡنَا مَعَ دَاوودَ ٱلۡجِبَالَ يُسَبِّحۡنَ وَٱلطَّيۡرَ‌ۚ وَڪُنَّا فَـٰعِلِينَ

   Cette idée que la création est vivante est réitérée par le Prophète : « Le fait qu’un être humain, un djinn, une pierre, une terre ou tout autre objet aient entendu l’appel d’un muezzin leur sera témoigné le Jour du Jugement. » [Rapporté par Mâlik dans Al-Mouwatta et par Ibnou Mâja.]

  En Islam, la perception de l’Univers et tout ce qu’il contient est d’ordre métaphysique : l’Univers et ce qu’il renferme sont un ensemble de signes rappelant l’existence de Dieu ; ils sont le chef-d’œuvre de Dieu, la manifestation de Sa perfection dans Sa beauté, Sa science et Sa sagesse. A cet égard, Dieu dit : « Et c’est Lui Qui, du ciel, a fait descendre l’eau. Puis par elle, Nous fîmes germer toute plante, de quoi Nous fîmes sortir une verdure, d’où Nous produisîmes des grains, superposés les uns sur les autres ; et du palmier, de sa spathe, des régimes de dattes qui se tendent. Et aussi les jardins de raisins, l’olive et la grenade, semblables ou différents les uns des autres. Regardez leurs fruits au moment de leur production et de leur mûrissement. Voilà bien là des signes pour ceux qui ont la foi. », s.6 Al-An‘âm (Les Bestiaux), v.99.

وَهُوَ ٱلَّذِىٓ أَنزَلَ مِنَ ٱلسَّمَآءِ مَآءً۬ فَأَخۡرَجۡنَا بِهِۦ نَبَاتَ كُلِّ شَىۡءٍ۬ فَأَخۡرَجۡنَا مِنۡهُ خَضِرً۬ا نُّخۡرِجُ مِنۡهُ حَبًّ۬ا مُّتَرَاڪِبً۬ا وَمِنَ ٱلنَّخۡلِ مِن طَلۡعِهَا قِنۡوَانٌ۬ دَانِيَةٌ۬ وَجَنَّـٰتٍ۬ مِّنۡ أَعۡنَابٍ۬ وَٱلزَّيۡتُونَ وَٱلرُّمَّانَ مُشۡتَبِهً۬ا وَغَيۡرَ مُتَشَـٰبِهٍ‌ۗ ٱنظُرُوٓاْ إِلَىٰ ثَمَرِهِۦۤ إِذَآ أَثۡمَرَ وَيَنۡعِهِۦۤ‌ۚ إِنَّ فِى ذَٲلِكُمۡ لَأَيَـٰتٍ۬ لِّقَوۡمٍ۬ يُؤۡمِنُونَ

« Nous leur montrerons Nos signes dans l’Univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela [le Coran], la vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute chose ? », s.41 Fouççilat (Les Versets détaillés), v.53.

سَنُرِيهِمۡ ءَايَـٰتِنَا فِى ٱلۡأَفَاقِ وَفِىٓ أَنفُسِہِمۡ حَتَّىٰ يَتَبَيَّنَ لَهُمۡ أَنَّهُ ٱلۡحَقُّ‌ۗ أَوَلَمۡ يَكۡفِ بِرَبِّكَ أَنَّهُ  عَلَىٰ كُلِّ شَىۡءٍ۬ شَہِيدٌ

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   Le Coran invite par conséquent l’humanité à examiner l’organisation complexe de la nature, la régularité et l’ordre qui y règnent pour déduire l’existence du Créateur : rien n’a été créé en vain et l’environnement de l’homme participe à l’adoration de Dieu. Lorsque cet environnement est dégradé, c’est l’adoration due au Seigneur qui en pâtit. Car en vérité, la nature n’a pas été créée uniquement pour l’exploitation de ses ressources, mais pour procurer à l’homme le cadre d’une présence spirituelle. Dieu dit dans sourate 51 Adh-Dhâriyât (Les Ouragans), verset 56 : « Je n’ai créé les Djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent. »

وَمَا خَلَقۡتُ ٱلۡجِنَّ وَٱلۡإِنسَ إِلَّا لِيَعۡبُدُونِ

   L’adoration de Dieu implique de suivre sincèrement Ses orientations dans tous les domaines de la vie et de ne pas s’arrêter à la pratique cultuelle (prière, le jeûne, le pèlerinage, etc.). Par conséquent, préserver l’environnement et exploiter sainement les ressources terrestres relèvent du culte.

   L’adoration et l’amour suprême reviennent à Dieu en exclusivité pour qui comprend le sens de l’unicité divine (tawhid). L’Islam ne s’oppose pas au progrès technologique, à l’instar des religieux du Moyen-Âge ou des écologistes radicaux, mais il estime que le progrès et le travail sur la matière ne sont pas une visée en soi au point de leur rendre une espèce de culte appelé l’association cachée (ach-chirk al-khafiyy) : les hommes se doivent d’orienter l’application de la technique selon un cadre éthique et juridique définis par la Révélation elle-même : de même que le constructeur de tout bien fournit le mode d’emploi du bien fabriqué lorsqu’il le met à la disposition du consommateur, de même, Dieu livre aux hommes le mode d’emploi de la Terre pour sa bonne exploitation. Conséquemment, le progrès, oui, mais pas au détriment du coût éthique, spirituel, social, sanitaire, écologique, etc. L’équilibre entre les désirs et les devoirs humains trouvera sa réponse dans le respect du principe du juste milieu préconisé par l’Islam et une excellente connaissance de l’habitat temporaire des hommes, la Terre et ce qu’elle renferme.

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