L’espoir en Allâh

Vie spirituelle

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Allâh a pourvu l’homme de deux ailes, la crainte révérencielle et l’espoir, qui le maintiennent en équilibre dans son rapprochement vers Lui. La première aile traduit la certitude de l’existence du châtiment et la deuxième exprime la conviction que le pardon et la miséricorde de Dieu sont effectifs ici-bas et au-delà.

C’est dans ce sens qu’Allâh dit dans le Coran : « Peut-on comparer [le pécheur] à celui qui passe ses nuits en prière, prosterné et debout, craignant la vie future et plaçant son espoir dans la Miséricorde de son Seigneur ? Dis : « Sont-ils égaux, ceux qui ont reçu la science et ceux qui ne l’ont point reçue ? » Seuls les doués d’intelligence sont à même d’y réfléchir. », s. 39 Az-Zoumar (Les Groupes), v.9. Il rappelle à juste titre que celui qui passe ses nuits à craindre les supplices de l’au-delà, à espérer le pardon divin et qui manifeste de la dévotion dans ses actions est meilleur que celui qui vit dans l’ignorance et l’inconscience aveugles. Ce dernier n’appréhende aucunement ce qui l’attend et n’envisage même pas la possibilité qu’Allâh le tire de son obscurantisme vers un état de lucidité bénéfique.

Quel espoir ?

   L’espoir est une attente confiante en l’avenir, c’est la prévision de la réalisation d’un bienfait que l’on souhaite. Avoir de l’espoir, c’est être dans l’expectative d’un bien désiré, vivre positivement en s’attachant à une intuition claire.

   L’espoir du musulman s’appuie sur le pardon de Dieu qui lui permettra d’accéder au paradis, sur la possibilité de voir Allâh son Adoré. Le croyant qui espère la miséricorde divine est à l’image de l’agriculteur qui attend une production abondante. Pour aspirer à la meilleure récolte, il se doit de choisir une semence de qualité, de la planter ensuite dans une bonne terre, de l’arroser et de désherber régulièrement ses alentours. À partir de ce moment, il peut attendre sereinement le résultat de son travail. Le cultivateur a fourni les efforts nécessaires, il peut donc espérer une bonne récolte.

   En revanche, un exploitant qui choisit de mauvaises graines, les sème dans un sol aride et non propice à l’agriculture, qu’il n’arrose pas et qu’il laisse les mauvaises herbes nuire au développement des jeunes pousses, ne peut prétendre espérer une productivité conséquente.

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   L’adorateur doit suivre l’exemple du cultivateur prévoyant. Espérant gagner le pardon de son Seigneur, le croyant essaie de s’éloigner des péchés en réformant sa manière de vivre. Le serviteur qui continue à fauter dans l’insouciance et qui espère malgré cela qu’Allâh lui pardonne un jour court vers un échec certain. Dieu décrit parfaitement la conduite de ceux qui peuvent prétendre à Son pardon : « Ceux qui ont cru, qui ont émigré et qui ont combattu pour la cause d’Allâh, ceux-là peuvent espérer en Sa miséricorde, car Il est Clément et Miséricordieux», s. 2 Al-Baqara (La Génisse), v. 218. Les émigrants sont ceux qui ont quitté la Mecque pour Médine, mais d’une manière générale, ce terme désigne le fait de délaisser les péchés, de quitter l’ignorance pour chercher la vérité. Quant au vocable « combat », utilisé dans sa forme générique, il se réfère entre autres à la lutte intérieure qu’entreprend l’homme contre son âme ; à la résistance face aux attractions terrestres mais aussi au duel sans merci contre Satan dont le but ultime est de dévoyer tous les fils d’Adam (psl). Il y arrive en partie puisque certains espèrent la miséricorde de Dieu sans fournir le moindre effort, se laissant complètement aveugler par leurs passions. Un poète arabe s’adresse à ces indolents en ces termes : « Espères-tu la sécurité sans emprunter ses chemins, le navire ne navigue pas sur terre. » En effet, la réussite et la sécurité auprès de Dieu ne s’obtiennent qu’avec l’accomplissement d’œuvres méritant Son pardon.

Comment espérer ?

   L’espoir en Dieu tire son origine dans la connaissance du Créateur. Allâh se présente à Ses créatures à travers Ses Noms et attributs qui témoignent de la grandeur de Sa miséricorde, de Sa clémence et de Son pardon. Dès lors que le croyant s’imprègne de ces notions, une sereine confiance en Dieu s’installe en lui et lui permet d’aspirer à la mansuétude du Tout-Pardonneur.

   On rapporte qu’un mage est venu demander refuge et subsistance auprès du prophète Ibrâhîm (Abraham) (psl). Ibrâhîm (psl) a refusé et lui dit : « Puisque tu es mage, je ne partage pas mes biens avec toi, mais si tu te convertis à l’Islâm, je te donnerai de ma nourriture. » Et le mage de répliquer : « Comment peux-tu prétendre être généreux alors que tu me demandes de me convertir ? Si j’adopte ta religion, il devient de ton devoir de partager avec moi. » Allâh a alors immédiatement révélé ces paroles à Ibrâhîm (psl) : « Tu as refusé de partager ta nourriture avec cet homme parce qu’il est mécréant alors que Moi, Je subviens à ses besoins depuis sa naissance [l’homme avait 70 ans], si Je devais réagir comme tu as agis avec lui, aucun mécréant ne resterait sur terre. ».Cette rencontre avait pour but de montrer à Ibrâhîm (psl) qu’il faut user de clémence, d’ouverture d’esprit et de miséricorde dans son comportement envers autrui, tout comme Allâh agit avec bienveillance vis-à-vis de Ses serviteurs tant qu’ils sont sur Terre, qu’ils soient musulmans ou non ; le jugement et le châtiment font partie de l’au-delà. Toutes les créatures bénéficient de la bonté de Dieu dans cette existence comme l’exprime ce verset coranique : « Nous accordons abondamment Nos bienfaits aux uns et aux autres, sans que personne en soi exclu », s. 17 Al-Isrâ’ (Le Voyage nocturne), v. 21.

   C’est dans cette optique que les musulmans doivent comprendre la grandeur de la miséricorde de Dieu : puisqu’Allâh étend Sa bonté même sur les non-croyants, comment ne pourrait-Il pas rectifier les erreurs des croyants, transformer leur égo, les guider et pardonner leurs fautes ? Allâh est Puissant sur toute chose. Anas Ibnou Mâlik , un compagnon du Prophète rapporte ce hadîth qoudsî du Messager : « Dieu dit :  » Faites sortir de l’enfer toute personne qui n’a ne serait-ce que le poids d’un grain de blé de foi en Moi  » puis Il dit : « Faites sortir de l’enfer toute personne qui n’a ne serait-ce que le poids d’un grain de moutarde de foi en Moi, Je jure par Ma puissance et Ma majesté que Je ne donnerai pas la même issue à une personne qui a cru en Moi ne serait-ce qu’un instant et une autre personne qui n’a jamais voulu croire en Moi » ». Ce hadîth distingue explicitement celui qui a cru – fusse-t-il une heure de sa vie – de celui qui a refusé de soumettre son cœur durant toute son existence. Allâh finira par sortir le premier des griffes de l’enfer et lui attribuera une place au paradis. Mais gare à une interprétation trop simpliste de ces paroles : il ne s’agit pas de s’entêter dans les péchés, prétextant que ce hadîth promet le salut. Non, car avant de quitter l’enfer, l’expiation de ses forfaits par un châtiment bien mérité est de rigueur… Alors qui désirerait séjourner dans la géhenne, ne serait-ce qu’une minute ? Personne, évidemment. Ces quelques mots d’inspiration divine invitent plutôt le croyant à entretenir un espoir immense en Dieu : quelles que soient la quantité et la qualité de ses péchés, il n’est jamais trop tard pour revenir vers son Seigneur qui récompense Ses serviteurs avec justesse.

L’espoir : une source de salut

   L’espoir en Allâh doit habiter le musulman au quotidien sans se limiter aux affaires mondaines. Il investit le champ céleste pour atteindre le summum. Deux personnes adoraient Allâh de façon identique sur Terre. Le Jour du jugement, elles accédèrent toutes deux au paradis : Dieu attribua les plus hauts degrés à l’une et un niveau moindre à l’autre. Le deuxième individu protesta alors : « Cette personne ne priait pas plus que moi, n’adorait pas plus que moi, alors pourquoi mérite-t-elle une place supérieure à la mienne ? » Dieu de lui répondre : « Lorsque vous étiez sur terre, cette personne me demandait les plus hauts degrés du paradis, alors que toi, tu me demandais seulement de t’épargner de l’enfer, J’ai répondu à chacun d’entre vous. » Le Prophète recommande aux fidèles de ne pas limiter leurs invocations : « Lorsque vous vous adressez à Allâh, demandez-lui quelque chose de grandiose parce que vous vous adressez au Généreux par excellence. » Il ne suffit pas de souhaiter le minimum, le musulman doit demander le Firdaous (le plus haut degré du paradis), même s’il pense ne pas le mériter. Tant que son espoir en Dieu est grand et ferme, il se peut que le Très Généreux réponde à son invocation.

   C’est dans ce sens que Yahyâ Ibnou Mou’âdh, un grand ascète, s’adressait à Allâh : « Mon espoir en Toi lorsque je suis accablé par les péchés est supérieur à mon espoir en Toi lorsque je pratique bien ma religion (…) » Rien ne présageait une telle formulation, et pourtant… L’accomplissement des bonnes œuvres s’appuie sur la sincérité, or il se peut que l’homme, fauteur par nature, n’atteigne jamais cette sincérité pure, ou trop peu de fois, ou encore qu’elle soit entachée d’association. Allâh dit : « Ceux qui en accomplissant leurs actes de piété, sont pénétrés de crainte à l’idée qu’un jour ils retourneront auprès de leur Seigneur, (…)», s. 23 Al-Mou’minoûn (Les Croyants) v. 60. En récitant ce verset, Aïcha demanda au Prophète si Dieu parlait ici des pécheurs ? Il répondit qu’il s’agissait des orants et des jeûneurs qui craignent que leurs œuvres ne soient pas agréées par Allâh Le musulman ne peut donc pas compter sur ses actions, eu égard à la fluctuation de sa sincérité. Il ne lui reste par conséquent que la générosité divine, qui elle est certaine. Le verset 45 de sourate Fâtir synthétise clairement ces propos : « Si Allâh s’en prenait aux gens pour les péchés qu’ils commettent, il n’y aurait plus âme qui vive sur la Terre. Mais Il diffère leur châtiment jusqu’au terme fixé ; et quand ce terme échoit, Il se saisira d’eux en toute connaissance de cause. » Si Allâh jugeait les fidèles sur leurs œuvres, aucun d’eux ne mériterait de rester sur Terre, même s’il effectue de bonnes œuvres en apparence, car celles-ci ne sont pas toujours imprégnées de sincérité absolue. Parallèlement, si Allâh voulait juger Ses serviteurs sur leur sincérité, peu d’êtres humains seraient sauvés. Malgré cela, Il attend le jour du Jugement, Clairvoyant au sujet de Ses fidèles : la cause de leur salut sera peut-être l’espoir qu’ils portent en Lui, plus que leurs actes…

   L’espoir en Allâh doit donc être omniprésent, et même s’intensifier dans certaines circonstances. L’idéal est qu’il atteigne son paroxysme au moment de la mort, conformément à cette parole prophétique : « Qu’aucun de vous ne meure sans avoir une bonne opinion d’Allâh ».

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