L’Islam en Malaisie

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   La Malaisie est un Etat d’Asie du sud-est constitué de la péninsule malaise (au sud de la Thaïlande) et de la Malaisie orientale (nord de l’île de Bornéo). Sa population multiculturelle se compose majoritairement de musulmans non arabes (61%).

La reconnaissance de l’Islam dans cette région du monde fut effective à partir de l’an 674 (42 ans après la mort du Prophète ), lorsque le gouverneur omeyade Mou‘âwiya Ibnou Abî Soufyân régnait encore à Damas. Deux siècles plus tard, en 878, l’Islam avait gagné les cœurs des populations côtières de la Malaisie péninsulaire.

   L’Islam pour davantage de justice

   Avant l’arrivée de l’Islam, les indigènes malais pratiquaient une ancienne religion marquée par diverses formes de croyances héritées d’une frange de la population appartenant à l’hindouisme. La structure sociale était d’ailleurs établie sous l’influence de plusieurs religions.

   Au niveau politique, les monarques et les chefs d’état de la plupart des communautés malaises embrassèrent l’Islam. Les gens étaient impressionnés et donc attirés par les dispositions que présentaient le Coran et la tradition du Prophète  : tous les hommes devraient tous être considérés sur la base d’une égalité interpersonnelle. Tous ceux qui vécurent sous l’étiquette de classe inférieure ont découvert l’équité de la société islamique. Ils n’étaient plus prisonniers d’un système de castes religieuses et de couches sociétales. Pas de discrimination ou de division justifiées par la couleur de peau, la race, le pays d’origine ou l’affiliation communautaire. Des droits égalitaires s’avéraient être une solution pour l’humanité, ce qui signifiait en pratique, l’acceptation des droits et des devoirs en tant que membre de la communauté musulmane. Les plus pieux d’entre eux atteignaient ainsi l’excellence et se rapprochaient de Dieu.

   La population locale voyait en l’Islam le moyen de s’extirper de cette forme d’esclavage et d’éradiquer les maux de la société. Cette nouvelle religion redonnait aux petites gens le sens de leur véritable valeur – leur dignité – en tant que membre à part entière de la communauté musulmane.

   Le rôle des savants fut déterminant, puisque leurs efforts de mise en pratique des enseignements islamiques gagnèrent peu à peu les dirigeants, les officiels, les guides communautaires et le peuple.

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 Mosquée de Cristal à Terrengganu

Propagation de l’Islam

   Dès l’arrivée de l’Islam sur les terres malaises, les savants ont diffusé les enseignements religieux de district en district. Ils avaient pour habitude d’ouvrir des centres de formation religieuse appelés « pondok » dans les dortoirs réservés aux étudiants. Outre l’enseignement qu’ils dispensaient dans les maisons, les salles de prières ou les mosquées, ils accomplissaient d’autres tâches du quotidien telles que travailler dans les champs, jardiner, s’adonner à l’artisanat ou tout autre métier selon leurs capacités. Le rôle de ces érudits ne se limitait donc pas à l’enseignement, ils devenaient également des conseillers importants aux seins des communautés et des familles de chaque village. Cette fonction leur revenait à juste titre grâce à leur expérience et à leurs aptitudes diverses. Après l’obtention de leur diplôme, les étudiants retournaient chez eux – souvent dans des coins reculés du pays – et constituaient un maillon essentiel de la chaîne reliant les savants entre eux.

   L’Islam en Malaisie se pratique aujourd’hui selon les enseignements de l’école châfi‘ite, bien que de nombreux musulmans malais ne suivent aucune école particulière. Certains Etats spécifient même dans leur constitution qu’ils suivent uniquement le Coran et la sunna.

   Les dégâts liés à la colonisation européenne

  Alors que l’islamisation progressait harmonieusement en Asie du sud-est, les colonisateurs occidentaux entrèrent en scène. Les Portugais arrivèrent les premiers, suivis ensuite par les Espagnols, puis les Néerlandais et enfin les Anglais qui s’installèrent pour de bon. Ils altérèrent toutes les lois et modifièrent les modes de vie d’une manière ou d’une autre, grâce à la politique efficace du « diviser pour régner », stratégie tant utilisée dans le Tiers-Monde !

   La chute du sultanat de Malacca aux mains des Portugais en 1511 marqua le début de la colonisation de la péninsule : détérioration de l’autorité politique malaise et début d’un recul de l’expansion de l’Islam. Depuis Malacca, les colons ont pu s’approprier toutes les fonctions administratives typiquement musulmanes. La population a dû également supporter plusieurs expériences traumatisantes et voir bon nombre de ses membres coopérer avec les colonisateurs pour leur profit personnel.

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   Mosquée Ubudiah à Kuala Kangsar

   La colonisation venue de l’Ouest se divisait en trois aspects : commerce, conquête et christianisation des sujets colonisés. Le travail des missionnaires s’apparentait à une révolution, car prêcher et implanter le christianisme revenait à attaquer frontalement les croyances, les coutumes, les craintes des uns et des autres, et par voie de conséquence toute la structure sociale d’une communauté préalablement établie. Au-delà de ces missions religieuses, l’action des intendants coloniaux, des exploitants agricoles, des commerçants, etc. représentait une attaque bien plus sévère et destructrice.

   L’archipel malais était devenu une région commerçante incontournable pour ses épices et toutes sortes de produits issus de la terre et de la technologie marine, si bien que des rivalités acharnées s’installèrent entre les différentes puissances de l’époque. L’avidité du gain poussa les commerçants occidentaux à transformer le pouvoir politique en place par un système colonial. Les grandes villes commerçantes ainsi que les sites d’influence musulmane tombèrent un à un entre les mains des colons sous l’émergence d’une nouvelle administration renforcée par l’armée.

   Pour raffermir leur économie dans la péninsule malaise et à Singapour, les puissances coloniales – anglaise en particulier – ouvrirent les frontières à de nombreux ouvriers manuels d’Inde et de Chine. Des questions d’immigration, de citoyenneté, de droits, de langue, de culture et d’économie devinrent des problèmes exacerbés et exacerbant la susceptibilité nationaliste.

   Le rôle des savants fut insidieusement compromis durant la période coloniale. La formation de différents conciles religieux sous prétexte de préserver les coutumes malaises et la religion musulmane fut une véritable imposture limitant la place de l’Islam à des sujets purement personnels. Les Anglais avaient pourtant promis de ne pas interférer dans les affaires relatives à l’Islam ou aux us malais, mais séparer la religion des affaires courantes du gouvernement et de la justice constituait, de fait, une entrave à une pleine pratique de l’Islam. Les savants qui s’appliquaient à conseiller et assister toute prise de décision étatique étaient alors remplacés par des conseillers britanniques et leur rôle se limitait aux affaires religieuses au sens strict du terme.

   La politique coloniale et le jeu politique consistaient à limiter la croissance naturelle des populations indigènes en entravant leur accès à plusieurs domaines d’activités ou en les faisant passer pour des incapables. L’adhérence stricte à l’Islam n’était plus une constance sur la péninsule malaise, particulièrement depuis que la politique éducationnelle donnait la préséance dans le système britannique à ceux qui reçurent leur formation dans des établissements coloniaux. Par conséquent, émergea une génération de bureaucrates musulmans occidentalisés et laïcisés.

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   Mosquée Bandaraya dans l’Etat Sabah

   Une résistance organisée

   Une particularité notable caractérisait l’éducation religieuse dans la péninsule malaise : une relation étroite reliait les pondoks, les enseignants et les élèves malgré les distances qui les séparaient. Le facteur unificateur qui resserrait les liens entre ces trois acteurs de l’enseignement résidait dans l’uniformité du système éducationnel. Non seulement les sources de référence (Coran et sunna) et la langue utilisée étaient les mêmes, mais les problèmes socio-politiques relevaient des défis identiques. Que le colonisateur fût anglais, portugais ou néerlandais, son but était de christianiser les populations par n’importe quel moyen, notamment par le système d’éducation.

   Un certain nombre de musulmans pensaient cependant que les pondoks ne pouvaient rivaliser avec les institutions éducatives coloniales. Afin de répondre à ces problèmes, une école islamique (Madrasatoul Mashoor al-Islamiyah) où les cours étaient dispensés en langue arabe vit le jour à Pulau Pinang en 1916. Les élèves y étudiaient la jurisprudence mais aussi d’autres matières profanes. Cet institut de formation n’avait pas seulement pour vocation de rehausser la position des musulmans en Malaisie, son rôle s’étendait à toute l’Asie du sud-est. L’établissement s’inspira du nom de Syed Ahmad Al Mashoor, autrement connu sous Ayid Mashoor, un leader de descendance arabe originaire de cette île.

   Après l’indépendance de la Malaisie le 31 août 1957, le développement de l’éducation religieuse dans des écoles subventionnées par le gouvernement fut le fruit des efforts inlassables de la communauté malaisienne. Le pondok le plus connu mais aussi le plus ancien est celui de Tok Guru Haji Muhammad Yusof encore appelé Tok Kenali, qui le construisit lui-même à Kota Bahru. Il reçut la base des sciences religieuses à Kelantan, puis comme tout enseignant destiné à professer dans un pondok, il poursuivit ses études à la grande mosquée de la Mecque. L’institut de Tok Kenali devint par la suite un illustre centre d’apprentissage qui attira de nombreux étudiants de différents états. Son succès entraina l’ouverture d’autres pondoks tenus par d’anciens étudiants de Tok Kenali. Ce système d’enseignement en réseau enseignants-étudiants-enseignants s’étendit petit à petit en Indonésie et au sud de la Thaïlande.

   Certains érudits malais enseignèrent même à la grande mosquée de la Mecque…

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