Palestine (5) : De 1950 à 1990 – L’OLP

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Les réfugiés

   Dans les années 50, Israël prend des allures d’un Etat occidental moderne, avec la démocratie comme façade. Pendant ce temps, sous des tentes de réfugiés, les Palestiniens attendent le retour sur leur terre. Mais le provisoire s’est établi, des masures ont remplacé des tentes.

   Ici, chaque ruelle porte le nom d’un village perdu pour ne pas oublier. Le bon côté de l’exil : tous les enfants sont scolarisés par les Nations-Unies et le peuple palestinien devient le premier peuple arabe entièrement alphabétisé.
Les Palestiniens sont dispersés un peu partout dans le monde. En Israël ils sont citoyens, mais soumis à des lois d’exception militaire. En Jordanie, on les naturalise ; partout ailleurs ils détiennent juste une carte de réfugiés.

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   Le retour en Palestine est interdit, des réfugiés essaient alors de passer clandestinement la frontière. Peu à peu, les infiltrations deviennent des expéditions armées : raids, embuscades, représailles. C’est l’escalade angoissante et meurtrière.

La résistance et le pannarabisme

   Yasser Arafat est collégien au Caire. Né à Jérusalem, il n’a connu ni l’exode ni les camps. En 1953, il préside l’Union des Etudiants palestiniens : il est question de libération et de retour ; des réflexions sur les moyens de lutte sont menées. En 1958, ingénieur au Koweit, Arafat va créer la première organisation de combat palestinien, une organisation clandestine : le Fatah.
Nasser a déjà nationalisé le canal de Suez en 1956, en tenant tête à Israël, à la France et à l’Angleterre. Dans les années 60, pour les Palestiniens comme pour tous les Arabes, il symbolise la liberté, le progrès et l’unité.

   13 janvier 1964 : Nasser propose aux chefs de la Ligue Arabe de créer l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP). Ben Bella (Algérie), Araif (Iraq), Ibnou Sa’oûd (Arabie), Bourguiba (Tunisie), Houssein (Jordanie) : tous s’engagent à soutenir cette nouvelle organisation. Les Palestiniens paieront un impôt à l’OLP, ils auront un parlement, des armées et un président. Ahmad Choukéri, avocat, diplomate, Palestinien très proche de Nasser, rédige la charte et les slogans de l’OLP : unité, mobilisation et libération.

   La première doctrine de l’OLP : le refus du partage de la Palestine. C’est aussi la doctrine de tous les pays arabes : ils refusent de reconnaître Israël qui existe depuis 15 ans déjà et qui compte 2,5 millions de citoyens.

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Nasser et Arafat

   La puissance militaire de l’Egypte, armée et conseillée par l’Union Soviétique inquiète les Occidentaux autant qu’Israël. En 1967, le ministre des affaires étrangères, Abba Even fait le tour des capitales occidentales, on craint le pire pour Israël : « L’agression nous entoure de tous côtés. Plusieurs pays arabes se sont sentis obligés de se donner l’expression d’une attitude hostile. Cependant c’est Nasser qui dirige et organise cette agression qui pèse lourdement sur notre région et sur le monde entier. C’est lui qui annonce publiquement que l’heure est venue de détruire notre pays qui est le dernier espoir d’un peuple qui, depuis plus de trois mille ans, joue un rôle historique dans l’élaboration de la civilisation mondiale. C’est dans la pleine conscience de la gravité de cette heure, que nous affrontons avec la sympathie ardente de l’opinion publique mondiale les épreuves qui nous attendent. »
Mais quelques jours plus tard… c’est Israël qui attaque. Le 05 juin 1967, au matin, en trois heures, toute l’aviation égyptienne est anéantie. Le lendemain, la Jordanie et la Syrie entrent en guerre. Mais six jours plus tard, tout est fini. La victoire éclair israélienne éblouie l’Occident. 25 700 morts : 25 000 arabes et 700 Israéliens. Pour Israël, le triomphe, pour les Arabes, la douleur et l’humiliation. En six jours, d’immenses territoires sont conquis : Gaza, la Cisjordanie, le Sinaï, le Golan. Partout, le drapeau juif flotte sur les bâtiments publics. Et enfin le symbole : le Mur des Lamentations dans le secteur arabe de Jérusalem est aux mains d’Israël. Moshé Dayan, ministre de la défense, et Yitzhak Rabin, chef d’état major, prient sur ce qu’ils considèrent comme les vestiges du temple de Salomon (Soulaymâne, ), pendant que, déjà, les bulldozers rasent les murs qui séparent la ville en deux.

   Vingt ans après le partage qui lui a donné naissance, 18 ans après ses premières conquêtes, Israël a quadruplé la superficie que lui avait donnée l’ONU. Les territoires occupés comprennent Gaza et la Cisjordanie. Peuplées d’un million de Palestiniens, elles font partie d’une région de la Palestine où l’ONU prévoyait la création d’un Etat arabe : le plateau du Golan, territoire syrien de grande valeur stratégique qui surplombe les localités israéliennes de Galilée et la route de Damas, le Sinaï, un désert peuplé de quelques bédouins, mais qui recèle du pétrole.

   Le 22 novembre 1967, à l’unanimité, l’ONU vote le retrait d’Israël des territoires occupés : c’est la résolution 242 qui constitue encore aujourd’hui la base légale du plan de paix israélo-arabe ; imprécise et ambiguë dans ses termes, elle n’a jamais été encore appliquée.
Sur les ponts du Jourdain détruit par la guerre, ils sont 250 000, réfugiés pour la seconde fois. Ils vont de l’autre côté, en Jordanie, poussés par les bombardements, par la peur de vivre sous l’occupation israélienne, et parfois par la force par les Israéliens qui leur ont fourni des camions et leur ont fait signer un engagement pour ne pas revenir.

   Levy Eshkol (premier ministre) : « Je tiens à affirmer, de la façon la plus catégorique, qu’Israël n’a expulsé personne. Ils sont partis de leur plein gré. Des réfugiés qui, sachant qu’ils pourraient continuer, n’est-ce pas, de l’assistance en Jordanie, préféraient se trouver parmi les leurs. Si nous les avions empêchés de partir, on nous aurait accusés de restreindre leur liberté de mouvement. »

Levy Eshkol

   Il faut tout recommencer : assiéger les locaux des Nations-Unies, comme il y a 20 ans déjà, demander une place dans un camp, un laissez-passer… encore plus loin du village d’origine, plus loin de la Palestine.

   Là-bas sur le Golan, on implante déjà ce que l’on appelle des colonies. Autour de Jérusalem, on fait place nette : on exproprie, on rase, on trace des routes ; on invoque des raisons de sécurité pour raser des villages entiers.

   En Israël, c’est la démocratie, mais dans les territoires occupés, à Gaza et en Cisjordanie, la population entièrement palestinienne est placée sous administration militaire, privée de droits civiques, soumise aux contrôles des services de sécurité. L’humiliation, rêve de protestation. Premier couvre-feu. Un cycle infernal commence. Très vite, il y a des opérations de résistance, des soldats tués, des attentats. Deux mille arrestations les deux premières années, presque tous emprisonnés sans être jugés. La prison forge les consciences et développe les réseaux clandestins. C’est le temps des premières grèves de la faim. C’est le temps aussi où, à l’extérieur des pays de l’exil, les Palestiniens prennent la lutte armée des Algériens et des Vietnamiens comme modèles.

1969

   Yasser Arafat prend la direction de l’OLP : « Nous avons attendu longtemps. Depuis 1948. Nous avons attendu l’ONU. Sans résultat, sauf davantage de réfugiés. Aussi, nous pensons que la seule voie est de prendre les armes et de nous battre. Nous voulons établir notre Etat arabe palestinien… dans lequel musulmans, juifs et chrétiens pourront vivre en paix dans l’amitié et la justice : un Etat démocratique.

   Un journaliste : « Quelles seraient les frontières de cet Etat ? »

   Yasser Arafat : « Les frontières originelles, de la mer au Jourdain. »

   De la mer au Jourdain, c’est l’ancien territoire palestinien qu’occupe maintenant entièrement Israël. La logique d’Arafat, c’est aussi un seul territoire pour tous : Juifs et Palestiniens, sans exclusion. Arafat continue à refuser le partage.

   Le Fatah, le Front Populaire et le Front Démocratique préparent la lutte armée pour réaliser le rêve. Même les enfants sont entraînés à la lutte armée : ils seront fidâ’iyyîn et donneront leur vie pour la cause. Civils ou militaires, les Israéliens vont payer le prix de la victoire. C’est le temps des colis piégés, des bombes dans le cinéma, des lieux publics et les marchés.

   En 1970, Golda Meir devient premier ministre. On l’appelle la grand-mère d’Israël, et cette grand-mère dispose du budget militaire le plus élevé au monde : 20% du PIB.

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   G.M. : « Mes enfants, mon fils et ma fille, sont nés dans ce pays. Je n’ai jamais voulu leur acheter de jouets qui aient un rapport avec la guerre. Ni fusil, ni pistolet, ni tank. Jamais. Je voulais croire que lorsqu’ils seraient grands il n’y aurait plus jamais de guerre. Je me suis trompée. Mes enfants ont grandi ici. Dès leur plus jeune âge, ils étaient engagés dans la lutte. Tout jeunes, ils étaient dans la Haganah, pour protéger les colonies juives. Ensuite, ce fut la guerre mondiale, puis la lutte contre les Anglais, la guerre d’indépendance, le Sinaï et la guerre des Six jours. Cela allait à l’encontre de notre volonté, de notre façon de penser, de ce dont nous rêvions. Mais je veux dire une seule chose, heureusement que dans ce pays les Juifs peuvent défendre leur vie. »

  Pour Golda Meir, il n’y a pas de peuple palestinien, il n’y a que des ennemis qu’il faut chasser. Israël venge ses morts au centuple, frappe tous les fidâ’iyyîn partout où ils se trouvent.

  Georges Habashe a fondé le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine). Nationaliste et marxiste, il est radicalement opposé à tout compromis. En septembre 1970, convaincu que Nasser et Houssein vont traiter avec les Etats-Unis et Israël, il invente le détournement d’avions (Zarka-Jordanie). Mais comme ce sont des Occidentaux qui sont pris en otages, pour la première fois les Palestiniens font la une des journaux.

   Il n’y a pas de victime à Zarka, mais le roi Houssein de Jordanie a compris le message. Le 17 septembre 1970, pour chasser l’OLP, il engage une terrible offensive dans sa propre capitale, Amman. Il n’existe pratiquement pas d’images de cette journée qui fait  3 000 morts parmi les fidâ’iyyîn.

   Nasser est mort, les transistors annoncent aussi le désastre de Jordanie. Ce mois de septembre est bien noir pour les Palestiniens : l’OLP est durement frappée, le protecteur égyptien est mort et la libération semble à nouveau bien lointaine.

   Avec Arafat, 50 000 Palestiniens quittent la Jordanie, d’abord pour Damas, puis le Liban où l’Etat est trop faible pour contrôler leur action. Maintenant la violence va se déchaîner.
Et pour commencer, le premier ministre jordanien, Wasfi Tal, est assassiné pour venger les morts d’Amman. Ensuite c’est l’Occident qui paie pour son soutien à Israël : en Hollande, en Italie, en Allemagne. Le 05 septembre 1972, aux jeux olympiques de Munich, les athlètes israéliens sont pris en otages : pour le monde entier, les Palestiniens oubliés existent enfin, mais ils sont maintenant ce visage, la cagoule du terroriste ; et le monde entier a peur.

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   Les Allemands donnent l’assaut : les fidâ’iyyîn, les athlètes, presque tous sont tués. Un communiqué triomphal signé d’un sigle inconnu, « Septembre noir », revendique l’attentat. Le communiqué vient de Beyrouth : au Liban, ils sont 600 000 Palestiniens dans un pays grand comme un mouchoir de poche. A l’entrée des camps de réfugiés et devant les bureaux de l’OLP, les Palestiniens en arme font la police. Kamal Nasser, porte-parole de l’OLP : « « Septembre noir » ne fait pas partie des organisations de l’OLP. Pour nous, « Septembre noir » est le fruit légitime des massacres de septembre en Jordanie. « Septembre noir » est un état d’esprit parmi les Palestiniens. Les Palestiniens sont frustrés depuis 20 ans. Le monde ne les a pas entendus. Ils ont vécu dans des grottes, des tentes, des abris de fortune, dans les pires conditions que l’homme puisse supporter. Ils en ont appelé aux Nations-Unies. Ils ont demandé au monde entier de comprendre leur cause, de reconnaître leur droit à retourner chez eux. Personne ne les a écoutés. Il n’est donc pas étonnant que de tels phénomènes existent chez les Palestiniens. »

   Un an plus tard, Kamal Nasser sera tué à Beyrouth par un commando israélien. La guerre de l’ombre fait rage. Israël effectue des raids sur les bases et les camps du Liban, piège des voitures, expédie des colis piégés aux représentants de l’OLP partout dans le monde ; toute une génération de l’OLP est décimée par le Mossad.

   Tel Aviv, 06 septembre 1973, le jour du kippour, la fête du grand pardon. Les Egyptiens ont franchi le canal de Suez, 800 000 chars syriens déferlent sur le plateau du Golan. Des réservistes se précipitent au front, mais il est déjà trop tard. Trois semaines plus tard, grâce à l’assistance militaire américaine, les Arabes sont stoppés, Israël n’a pas perdu la guerre, mais cette fois le prix à payer est lourd : 2 500 morts. Pour Anouar As-Sadate, la défaite est presque une victoire : il a plongé Israël dans le deuil et le doute, il a lavé l’affront de la guerre des Six jours ; il va pouvoir maintenant préparer ce qu’il appelle la paix des braves.

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Anouar As-Sadate

   En Israël, c’est encore la terreur quotidienne. A Maalot, petite ville frontalière de migrants, le 15 mai 1974, les enfants d’une école sont pris en otage par un commando venu du Liban. L‘armée israélienne ne cède pas au chantage et lance l’assaut : les fidâ’iyyîn sont tués, et avec eux, 20 enfants.
L’OLP ne condamne pas la prise d’otage de Maalot : des enfants, il en meurt aussi beaucoup sous les bombardements israéliens. Le comité exécutif de l’OLP fonctionne comme un gouvernement. Au côté d’Arafat, Aboû Iyad, numéro deux du Fatah, considéré par le Mossad comme le cerveau de l’attentat de Munich. Comme d’autres, il a évolué, il pense que la lutte armée doit déboucher sur le combat politique.

   Le 13 novembre 1974 : après 26 ans de silence forcé, un Palestinien va parler devant les Nations-Unies. Les gouvernements occidentaux ont eux aussi évolué : on soutient toujours Israël, mais les Arabes tiennent la clé du pétrole ; c’est une arme qui pousse les occidentaux à négocier et à entendre la voix des Palestiniens.
Yasser Arafat : « Je suis un rebelle, la liberté est ma cause. Vous êtes nombreux dans cette salle, à avoir connu dans le passé, la même situation que moi : la position de résistance dans laquelle je suis, et dans laquelle je dois lutter. Vous aussi, vous avez dû vous battre pour faire de vos rêves une réalité. Aujourd’hui vous devez partager mon espoir. Monsieur le Président, aujourd’hui je suis venu, un rameau d’olivier dans une main, un fusil de combattant dans l’autre. Ne laissez pas le rameau d’olivier tomber de ma main. Ne le laissez pas tomber, ne le laissez pas tomber, ne le laissez pas tomber. »
Il a parlé, mais il n’a pas prononcé le nom d’Israël, l’absence des représentants d’Israël à l’assemblée est remarquable.

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Yasser Arafat

1977

   C’est la dixième année de l’occupation. Il y a déjà 80 colonies juives en Cisjordanie et à Gaza. Menahem Begin, le leader de la droite israélienne est premier ministre : la colonisation des territoires occupés devient une priorité absolue. Il ne rendra pas un pouce de la Cisjordanie qui a retrouvé son nom biblique de Judée-Samarie, ni du Golan, ni de Gaza. Pourtant, c’est Begin qui va accepter de rendre le Sinaï à l’Egypte qui est maintenant sous influence américaine et ne constitue plus un danger pour Israël.

   Le 19 novembre 1977, c’est la fin d’un tabou : à la tribune de la Knesset, le parlement de Jérusalem, As-Sadate est le premier dirigeant arabe à reconnaître Israël. C’est Jimmy Carter, le président américain, qui a fixé les grandes lignes des négociations : la paix en échange de territoires, une patrie pour les Palestiniens. En tendant la main à Golda Meir, à Yitzhak Rabin et à tous les Israéliens qui l’ont acclamé durant trois jours, As-Sadate joue son avenir politique et risque sa vie. Les Arabes ne lui pardonneront pas ce voyage dont les promesses ne seront pas tenues. La paix signée un an plus tard ne sera qu’une paix séparée entre l’Egypte et Israël, et le projet d’autonomie qu’elle prévoit pour les Palestiniens restera sans suite. L’Egypte sera exclue de la Ligue Arabe et As-Sadate assassiné en 1981.

   Beyrouth et le Liban ont sombré dans la guerre civile. Au premier plan, Hafez  Al-Assad, le puissant voisin syrien, froid, incontournable et manipulateur : il joue des renversements des alliances au gré de ses intérêts.

   Sur le terrain, face à face, Pierre Gemayel, dirigeant maronite à la tête du parti de droite, les Phalanges, pense qu’il faut chasser les Palestiniens du Liban ; et Kamal Joumblatt, chef des Druzes et de la gauche, qui a trouvé en Yasser Arafat un allié naturel, et tous deux se confortent mutuellement.

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Kamal Joumblatt

   En mars 1978, l’armée israélienne envahit le Sud du Liban jusqu’au fleuve Litani : 900 morts, 3 000 blessés et des dizaines de milliers de sans-abri dans la population libanaise et palestinienne. L’ONU intervient, Israël se retire, mais garde une zone de sécurité au nord de sa frontière, un nouveau territoire occupé.

   Juillet 1980, Jérusalem est décrété capitale éternelle d’Israël : le secteur arabe est maintenant annexé. Décembre 1981, c’est le tour du Golan, annexé.

   Avril 1982, en application des accords de paix avec l’Egypte, le Sinaï est restitué, malgré la résistance des colons israéliens, évacués de force.
Prochain objectif, Beyrouth, une guerre se prépare, un face-à-face avec l’OLP (1982). La ville est coupée en deux par douze ans de guerre civile : à l’est, le réduit chrétien tenu par les Phalangistes, alliés d’Israël ; à l’ouest, dans le secteur à majorité musulmane, les camps de réfugiés palestiniens : Sabra, Chatila, Borj Al-Barajneh et Fakhani le siège où se trouve l’OLP, cible choisie par Israël.

   Le 06 juin 1982, les Israéliens entrent à nouveau au Liban. Cette fois ils ne s’arrêtent pas, remontant vers le nord, détruisant les bases, ratissant les villes, tuant et arrêtant des milliers de Palestiniens et Libanais. Une semaine plus tard, ils encerclent Beyrouth ouest. Pour la première fois, Israël est aux portes d’une capitale arabe.

   Ariel Sharon, ministre de la défense, applique un plan mis au point depuis deux ans : installer le pouvoir phalangiste au Liban et éliminer l’OLP une fois pour toutes. Aucun quartier n’est épargné : pendant 88 jours, les fidâ’iyyîn libanais et palestiniens sont pris sous les bombes à implosion, le napalm, le phosphore, les missiles. La force, la violence et la cruauté de l’agression israélienne bouleversent l’opinion mondiale. Il y a déjà 10 000 morts, alors Arafat accepte les conditions édictées par les Américains : le départ de l’OLP contre celui des forces israéliennes, et la protection des civils palestiniens par la France, l’Italie et les Etats-Unis.

   Le 30 août 1982 est un jour de deuil, les 30 000 fidâ’iyyîn survivants quittent Beyrouth, aspergés de l’eau de fleur d’oranger et sous des rafales de kalachnikovs. Beaucoup de fidâ’iyyîn sont nés ici, ils laissent une famille et pleurent une deuxième patrie. Ils seront dispersés en Afrique du Nord, au Yémen, au Soudan, en Iraq, loin, toujours plus loin de la Palestine.
Une fois de plus, les promesses américaines ne sont pas respectées : l’armée de Sharon entre à Beyrouth ouest, et les tanks israéliens stationnent devant l’état major de l’OLP.

   Sabra et Chatila, 16 septembre 1982 : 3 000 morts, des femmes, des enfants, des vieillards, massacrés par des Phalangistes à la hache, au couteau, au révolver. L’armée d’Israël était là, elle a tout vu, elle a laissé faire. Ces images partout ont choqué, partout, et surtout en Israël. Ils sont 400 000, un dixième de la population israélienne, contre Sharon, contre Begin, contre cette guerre et ses massacres. Israël est déchiré. Begin est condamné à la démission. Mais son successeur, Yitzhak Shamir maintiendra encore l’armée au Liban pendant trois ans. Pour lui, la guerre est un succès, malgré la contestation qui se radicalise en Israël.

e21Sabra et Chatila

    A Tunis, en 1983, Arafat reçoit des Israéliens : c’est la photographie du premier dialogue. Avec Ury Avnery, ex-député, rédacteur en chef d’un grand hebdomadaire, et avec le général Matip Eled, héros de la guerre des Six jours. Ils risquent la prison, car Shamir fait voter une loi interdisant de rencontrer les membres de l’OLP. Mais pour les Palestiniens qui dialoguent, c’est la mort : Issam Sartawi, représentant de l’OLP à l’international socialiste, tué à Lisbonne en 1983 ; Saïd Hammami, représentant de l’OLP à Londres : tué en décembre 1972 ; Azdine Kalak, représentant de l’OLP à Paris : tué en août 1978 ; Naïm Kader, représentant de l’OLP à Bruxelle : tué en juin 1981. Des Palestiniens exécutés par des Palestiniens, dont  Aboû Nidal, un homme mystérieux et qu’on dit manipulé par l’Iraq, la Lybie ; certains disent aussi par Israël.

   Gaza, bientôt 20 ans que dure l’occupation israélienne. Dans les camps de réfugiés, des centaines de milliers de Palestiniens vivent dans des conditions misérables. En Cisjordanie, ce sont des Palestiniens qui construisent les colonies juives : déjà 250 000 Juifs sur 40% des terres ; toujours le fait accompli.
Il fait encore nuit lorsque les ouvriers arrivent aux barrages militaires. Par mesure de sécurité, ils sont longuement contrôlés et fouillés. Pas de sécurité sociale, la moitié du salaire d’un ouvrier juif. Au petit matin, c’est l’autobus pour les chantiers, et le soir, ils repasseront par les mêmes humiliations.

1987

   Ils n’ont pas de fusil, ils n’ont que des pierres, c’est l’intifada, le soulèvement. Pendant 20 ans, ils ont attendu d’être libérés par l’OLP ; maintenant les fidâ’iyyîn sont trop loin : à Alger, à Tunis. Alors pour finir avec l’occupation, ils prennent la relève. En un mois, 1 500 arrestations ; en trois ans, des dizaines de milliers de jeunes vont connaître la prison. Tous les jours à Midi, grève des commerçants. Grève des taxes et impôts aux occupants. Les Palestiniens qui collaborent avec Israël sont tués. Un état major clandestin est en constante liaison avec Tunis. Ils diffusent des mots d’ordre photocopiés à des milliers d’exemplaires et déposés la nuit devant les portes. C’est Aboû Jihad, qui depuis Tunis, est chargé des contacts avec les territoires occupés : considéré comme le commandant en chef de l’intifada, il est assassiné par un commando israélien. Depuis Alger, l’OLP a proclamé l’indépendance de la Palestine. Dans les territoires occupés, ils défilent masqués ; et les femmes cousent le drapeau du rêve.

   07 décembre 1988, Stockholm. Désormais Arafat s’adresse publiquement aux Israéliens. Jour après jour, phrase par phrase, il concède, il prononce les mots attendus. Il accepte l’existence de deux Etats.

   14 décembre 1988, Genève : il dénonce toute forme de terrorisme et désire la paix.

   Mais Israël, par la bouche de Shamir, refuse de discuter avec l’OLP et la considère comme terroriste. Dans la rue, en Israël, le débat est ouvert.

   L’armée israélienne a reçu l’ordre de frapper, de briser les os, les bras, les mains qui lancent des pierres. Une scène de torture est surprise par une caméra américaine et révélée au monde entier. Shulamit Aloni, députée israélienne : « Vous corrompez notre jeunesse en l’envoyant battre des enfants. Pendant dix-huit ans, au sein de notre système éducatif, ils étudient notre déclaration d’indépendance. Ils apprennent la tolérance et la fraternité. Ils parlent de développer le pays pour tous les habitants. Ils parlent d’égalité et de non-discrimination. Quand ils ont dix-huit ans, ils sont adultes, vous vous servez d’eux pour appliquer des lois coloniales. Des citoyens, des enfants d’Israël, appliquent au nom d’Israël des lois coloniales, et commettent l’inadmissible, non seulement sur le plan moral, mais aussi selon toute règle de droit, de justice ou d’ordre. » Les consciences évoluent, mais sur 120 députés, ils ne sont qu’une dizaine à avoir le courage de parler ainsi.

1990

   Trois ans ont passé et le monde a changé. La guerre froide est terminée, mais dans les territoires occupés, la répression continue. Au Koweit, les résolutions de l’ONU sont appliquées par la force, mais en Palestine, on attend depuis 23 ans.

   James Becker, le secrétaire d’Etat américain a géré la crise du Golfe par la manière forte. Maintenant il a un plan pour la paix israélo-arabe.

   23 octobre 1991, Alger, Conseil national Palestinien : venus de toute la diaspora, les délégués palestiniens doivent répondre aux propositions américaines pour négocier l’avenir des territoires occupés avec des conditions que beaucoup jugent inacceptables.
Georges Habashe, le vieil adversaire d’Arafat, est à la tête de ceux qui refusent. Le plan américain ne prévoit que des négociations pour un statut intérimaire des territoires occupés, des négociations sans l’OLP ; rien encore sur le retour des réfugiés. Arafat sait que c’est à la fois la dernière chance et un premier pas vers la paix, mais il est bien seul pour convaincre : tous ses compagnons les plus proches sont morts, assassinés. 256 pour, 68 contre, 12 abstentions : Arafat a gagné.

   Madrid, 30 octobre 1990 : le nouvel ordre mondial. Georges Bush et Mickaël Gorbatchev ouvrent la conférence de la paix. Pour la première fois, tous les voisins d’Israël sont là pour négocier : la Syrie, la Jordanie et le Liban ont envoyé leurs ministres des affaires étrangères. Shamir s’est déplacé en personne pour défendre sa position. Cela ne sert à rien : l’OLP et Yasser Arafat sont absents pour les négociations ; mais la Palestine est là, représentée par Haydar Abd Al-Chafi. C’est un évènement : c’est la première fois qu’un Palestinien négocie directement pour son peuple, et il a été mandaté par Yasser Arafat.

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