Sourate 108 Al-Kawthar (L’Abondance)

Tafsir du Saint Coran (articles)

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   Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

1. Nous t’avons certes accordé l’Abondance

2. Accomplis la salat pour ton Seigneur et sacrifie

3. Celui qui te hait sera certes sans postérité

بسم الله الرحمن الرحيم

إِنَّا أَعْطَيْنَاكَ الْكَوْثَرَ

فَصَلِّ لِرَبِّكَ وَانْحَرْ

إِنَّ شَانِئَكَ هُوَ الْأَبْتَرُ

   Descente et composition :

Quinzième sourate révélée, « Al-Kawthar  » est mecquoise, elle tient la cent huitième place dans le Coran.

Elle repose sur trois « signes » (versets) : c’est la plus courte sourate du Coran.

Il s’agit d’une des trois sourates qui s’adressent spécifiquement au Prophète — « Ad-Dohâ » (Le jour montant) et « Ach-Charh » (L’épanouissement) étant les deux autres.

Elle a un rapport étroit avec sourate « Ad-Dohâ », dans laquelle Dieu dit : « Ton Seigneur t’accordera certes [de Ses bienfaits] et tu seras satisfait », v. 5.

Thème :

   La sourate évoque les faveurs divines accordées au Prophète , les convenances qui en résultent pour manifester la gratitude, et la situation de ses ennemis.

Contexte de la révélation :

Le Prophète et Khadîja venaient de perdre leur fils ‘Abdoullâh. Les ennemis de l’Islâm se gaussèrent de Mouhammad qui n’avait pas de descendance masculine. Yazîd Ibnou Roumâne narre cette anecdote : « Lorsque l’on évoquait le nom du Messager de Dieu , Al-‘Âs Ibnou Wâ’îl As-Sahmî s’écriait :  » Laissez-le ! C’est un homme dépourvu de postérité [masculine ; « abtar »]. Quand il mourra, personne ne perpétuera son nom, et vous en serez débarrassés.  » » Ce fut donc dans ces circonstances qu’Allâh fit descendre sourate « Al-Kawthar ».

Les mérites de la sourate :

   Sa caractéristique est qu’elle est brève, donc facilement assimilable par tout musulman pour être récitée dans les prières. C’est une des premières sourates que l’on apprend aux enfants et aux nouveaux adeptes de l’Islam. Certes courte, elle est néanmoins profonde en sens : sa sémantique est riche et édifiante. Allâh a défié les communautés des hommes et des djinns de produire ne serait-ce qu’une sourate aussi courte que celle-ci mais aussi importante d’envergure : nul n’y est parvenu jusqu’à présent.

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Champ lexical et définitions :

Verset 1:

Allâh réconforte Son Envoyé en déclarant qu’Il lui fait don de « la rivière de l’abondance » (Al-Kawthar).

Anas Ibnou Mâlik a raconté qu’un jour le Prophète était parmi ses compagnons, il s’assoupit, puis soudain, il leva sa tête en souriant. « Qu’est-ce qui te fais rire, Ô Envoyé de Dieu ? », le questionnèrent-ils. Mouhammad répondit : « Tantôt il m’a été révélé cette sourate :  » Au Nom d’Allâh Le Tout Clément, Le Tout Miséricordieux. (…) » », puis il ajouta :

— « Savez-vous ce qu’est « Al-Kawthar » ?

— Dieu et Son Envoyé le savent certes mieux que nous, rétorquèrent-ils.

— C’est une rivière dans le paradis que mon Seigneur — à Lui la puissance et la gloire —, m’a promise, et dont les faveurs sont abondantes. C’est un bassin où viendra s’abreuver ma communauté au jour de la Résurrection. Ses vases sont au nombre des étoiles dans le ciel. (…) », (rapporté par Aboû Dâoûd, An-Nasâ’î, Mouslîm).

Pourquoi Allâh a-t-Il utilisé le verbe أعطى « a’tâ » plutôt que آتى « âtâ » ?

1. Le verbe أعطى « a’tâ », dans le Saint Coran, s’utilise seulement pour le don matériel, tandis que le verbe آتى « âtâ » s’emploie pour le don matériel (argent …) et moral (sagesse, royauté, lucidité, miracle…).

2. Le verbe أعطى « a’tâ » sous-entend que le donateur transfert la propriété de la chose à un tiers, alors que le verbe آتى « âtâ » n’implique pas ce transfert et le don peut-être retiré.

(Tu donnes le pouvoir à qui Tu veux et Tu l’enlèves à qui Tu veux)

(تؤتي الملك من تشاء وتنزع الملك ممن تشاء)

3. La certitude que le don a bien été octroyé se manifeste dans l’usage de أعطى « a’tâ » au passé.Le mot إ نا »inâ » — pluriel de majesté, car Allâh parle de Lui-même —, précède le verbe أعطى « a’tâ » pour montrer que ce don vient exclusivement de Dieu : aucune créature n’est en mesure d’accorder l’abondance autant qu’Allâh .

Pourquoi dit-Il الكوثر « al-kawthar » et non الكثير « al-kathîr » ?

1. Le mot الكوثر « al-kawthar » est le superlatif positif du mot الكثير « al-kathîr » (prospérité illimitée).

2. Le vocable الكثير « al-kathîr » peut signifier le don du bien ou du mal. En revanche le mot الكوثر « al-kawthar » signifie exclusivement le don du bien.

3. Certains exégètes ont défini الكوثر « al-kawthar » comme étant :

– une rivière du paradis, dont les rives sont bordées de dômes en perles creuses, son sable est du musc, ses cailloux des perles, ses cruchons sont aussi innombrables que les étoiles ornant le firmament, son eau est plus blanche que le lait, sa saveur plus douce que le miel, des oiseaux y viennent se désaltérer et leur cou est semblable à celui du chameau.

– Le bassin du Prophète — de la même nature que la rivière suscitée —, destiné aux pieux qui ne seront pas touchés par la soif au jour du Jugement dernier ; d’où l’invocation : « Seigneur, abreuve-nous du bassin du Prophète de manière à ne plus sentir la soif ».

– La notoriété sur terre.

4. Le terme الكوثر « al-kawthar » peut être un nom propre alors que الكثير « al-kathîr » n’est qu’un adjectif. Lorsqu’on dit par exemple : السيد الكوثر أقبل cela signifie « Mr Générosité est venu » et dénote que la personne est très généreuse. Une exception cependant pour le nom Ibnou Kathîr (élève d’Ibnou Taymyia et auteur d’une exégèse du Coran).

Verset 2 :

   La lettre ف « fa » du mot فصل fait le lien entre ce que Dieu a accompli pour le Prophète et ce que celui-ci doit entreprendre en conséquence. Dieu n’a pas exigé de lui d’être reconnaissant, car le remerciement du serviteur ne peut jamais équivaloir le don divin consenti : subséquemment, la prière et le sacrifice sont assurément les meilleures manifestations du sentiment de reconnaissance. En effet, la prière est l’adoration par excellence envers notre Seigneur, et le sacrifice est la meilleure action que l’on puisse réaliser à l’égard des hommes, puisqu’il signifie la donation, le partage de ce que l’on a sacrifié à l’adresse des pauvres.

Pourquoi a-t-Il dit وانحر « wa nhar » et non واذبح « wa dhbah » ou وضحي « wa dahhî » « sacrifie » ?

1. Le verbe ذبح « dhabaha » signifie égorger n’importe quel animal, c’est un verbe transitif direct, donc il nécessite un complément d’objet direct (COD).

Le verbeنحر « nahara » est un verbe intransitif, qui implique l’idée que l’animal sacrifié est un chameau.Or, le camélidé avait plus de valeur aux yeux des Arabes que n’importe quel autre animal à destination de la consommation, la phrase nécessite par conséquent l’usage de نحر « nahara ».

2. Comme Dieu a parlé d’abondance, le Prophète devait donc donner en grande quantité et sacrifier ce qui coûte le plus cher. Etant donné que le chameau est du très gros bétail, que les moyens de conservation étaient rudimentaires, un individu ne peut consommer à lui seul tant de viande, il était obligé d’en offrir.

3. Dieu n’a pas dit ضحي « dahhî », car ce verbe ne s’utilise que pour le sacrifice de l’Aïd.

4. Il n’a pas dit وتصدق « wa tassadaq » « donne l’aumône », car cela ne précise pas la valeur de l’aumône, alors que le mot وانحر « wanhar » reflète l’importance du don.

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Pourquoi n’a-t-Il pas dit فصل لنا « Prie pour Nous » ou لله فصل « Prie pour Allâh » ?

1. S’Il avait dit « Prie pour Nous », cela signifierait que la prière est la réponse au don d’Allâh . De surcroît, si Dieu avait utilisé la première personne du pluriel (« Nous »), on aurait l’impression qu’Il n’est pas Seul à être adoré. Dieu ne se sert du pluriel que lorsqu’Il est l’Auteur d’une générosité ou d’une action, et non lorsqu’Il est Le Destinataire des actions de Ses serviteurs : « Nous t’avons certes accordé l’Abondance », « Accomplis la salat pour ton Seigneur ».

2. Il n’a pas dit « Prie pour Allâh », car dans le Coran, à l’identique du verset « Ton Seigneur t’accordera et tu seras satisfait », s. 93 « Ad-Dohâ » (Le Jour montant), v.5, le verbe أعطى « a’tâ » est toujours lié au mot « Seigneur » et non au terme « Allâh ».

Pourquoi n’a-t-Il pas dit وانحر لربك « sacrifie pour ton Seigneur » ?

1. La prière est une adoration que tout le monde peut accomplir alors que le sacrifice ne peut être le fait que des plus aisés. Allâh ne charge aucun de Ses serviteurs au-dessus de ses moyens ou de ses forces.

2. La chair des animaux sacrifiés ne parvient pas à Allâh , mais uniquement la piété des actes qu’Il agrée alors.

Verset 3 :

   Le mot الأبتر « al-abtar » a plusieurs sens:

– tout ce qui disparaît définitivement ;

– celui qui a perdu tous ses garçons, ou celui qui n’en a pas du tout ;

– le perdant.Dieu n’a pas dit « ton ennemi », mais juste « celui qui te déteste » : cette locution englobe ceux qui combattent et ceux qui ne combattent pas Mouhammad ; elle est intemporelle : la détestation concerne les contemporains du Prophète mais aussi les gens des époques qui allaient venir.

Pourquoi a-t-Il ditالأبتر « al-abtar » et non المبتور « al-mabtoûr » ?

1. « Al-abtar » est le superlatif du mot « al-mabtoûr », il implique la notion de durée dans le temps.

2. « Al-abtar » est mis en parallèle avec « al-kawthar » : aussi vrai que l’abondance accordée à Mouhammad sera grandiose, aussi réelle sera la déchéance de ceux qui le détestent.

Suite à la révélation de cette sourate, le Prophète égorgea cent chameaux : tant de générosité laisse rêveur…mais le Prophète est réputé pour ne jamais craindre l’appauvrissement par le don…

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