Sourate 113 Al-Falaq (L’Aube Naissante)

Tafsir du Saint Coran (articles)

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بسم الله الرحمن الرحيم

قُلْ أَعُوذُ بِرَبّ الْفَلَقِ

مِن شَرّ مَا خَلَق

وَمِن شَرّ غَاسِقٍ إِذَا وَقَب

وَمِن شَرّ النّفّاثَاتِ فِي الْعُقَدِ

وَمِن شَرّ حَاسِدٍ إِذَا حَسَدَ

   Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

« Dis :  » Je cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante,
contre le mal des êtres qu’Il a créés
contre le mal de l’obscurité quand elle s’approfondit,
contre le mal de celles qui soufflent [les sorcières] sur les nœuds,
et contre le mal de l’envieux quand il envie.  » »

Descente et composition :

   Vingtième sourate à être révélée,  juste après celle de « L’Eléphant ». «  Al-falaq » (« L’Aube naissante ») est entièrement mecquoise d’après l’affirmation d’Al-Hassan, de ‘Attâ’ et de ‘Ikrimah (rapporté par Kourayb d’après Ibnou ‘Abbâs ; que Dieu les agrée tous). Dans l’ordonnancement du Coran elle est la cent treizième. Elle comporte cinq versets (littéralement « signes »).

   Sourate « Al-Falaq » et sourate « An-Nâss » (« Les Hommes ») forment un duo appelé « Al-Mou’awwidhatayn » (المعوذتين ; « Les deux préservatrices »). Toutes deux portent aussi le nom d’« Al-Mouchaqchiqatayn » (المشقشقتين) : « Celles qui protègent de l’hypocrisie » ; hypocrisie qui est abordée dans sourate « At-Tawbah » et sourate « Al-Kâfiroun ».

Thème :

   Sourate « Al-Falaq » traite de la demande de protection divine contre le mal visible des créatures.On rapporte que Abdoullâh Ibnou Masʻoud ne considère pas « Al-Falaq » et « An-Nâss » comme des sourates coraniques, mais plutôt comme des invocations, des demandes de protection divine. Toutefois, les autres compagnons du Messager d’Allâh estiment que ce sont deux sourates tirées du Coran : il a été authentiquement rapporté que le Prophète les a récitées dans les unités de prière.

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Contexte de la révélation :

   Certains savants disent que sourate « Al-Falaq » a été révélée suite au souhait des Qoraïchites de désigner un homme pour jeter un mauvais sort au Prophète . D’autres érudits pensent qu’elle l’a été en réponse à la sorcellerie opérée par Labîd Ibnou Al-Aʻsam (لبيد بن الأعصم) sur le Prophète . Voici ce qui est narré : le Prophète a été ensorcelé ; il lui semblait aller chez ses femmes, mais en réalité il ne s’y est pas rendu. Des juifs ont incité un jeune coreligionnaire, au service du Prophète , à dérober à celui-ci son peigne et quelques uns de ses cheveux. Ils confièrent le produit de leur larcin au malveillant Labîd Ibnou Al-Aʻsam, qui en usa à des fins de sorcellerie à l’encontre du Prophète . Peu de temps après, le Messager de Dieu tomba malade. Un jour, alors qu’il s’est assoupi, le Prophète reçut la visite de deux anges, l’un se plaçant au-dessus de sa tête, et l’autre à ses pieds ; ils tinrent ces propos :

—   « Qu’est-ce qu’il a ?

—   Il est atteint d’un mal.

—   De quel mal ?

—   De la sorcellerie.

—   Et qui l’a ensorcelé ?

—   Labîd Al-Aʻsam, le juif.

—   Au moyen de quoi ?

—   Au moyen d’un peigne et des cheveux.

—   Où sont-ils ?

—   Dans les spathes [de palmier] sous une pierre se trouvant au fond du puits de Dharwâne (ذَرْوَان). »

   Sur ce, le Prophète s’éveilla et dit à son épouse ‘Âïcha  : « Ô Aïcha ! Je crois que Dieu m’a montré [la cause de] mon mal. »

   Il demanda à ʻAlî, Az-Zoubaïr et ʻAmmâr Ibnou Yâssir (que Dieu les agrée) de se rendre au puits et de l’assécher : l’eau semblait mélangée au henné. Ils soulevèrent une pierre et retirèrent de dessous les spathes renfermant le peigne et les cheveux du Prophète . Ils trouvèrent également une corde comportant onze à douze nœuds, selon les versions.

    C’est à cette occasion que « Al-Falaq » et « An-Nâs » furent révélés, et l’archange Gibrîl (Gabriel) put les réciter : à chaque récitation, un nœud se déliait et l’état du Messager d’Allâh s’améliorait jusqu’à la guérison totale. Gibril lui dit alors: « Au Nom d’Allâh, je te garantie contre tout ce qui peut te nuire, contre tout envieux et contre tout mauvais œil ! Que Dieu te guérisse ! »

   Les musulmans proposèrent au Prophète  : « Ô Messager de Dieu ! Ne devons-nous pas tuer ce scélérat ? »

   Le Prophète leur répondit : « Dieu m’a guéri, et je déteste faire du mal aux gens. »

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Les mérites de la sourate « Al-Falaq » :

   « Al-Falaq » et « An-Nâs » constituent une protection pour le musulman. Il est autorisé de les lire à quelqu’un pour le protéger : le Prophète les récitait à ses petits-enfants Al-Hassân et Al-Houssayn . ‘Âïcha rapporte que le Messager de Dieu les lisait pour lui-même lors de sa dernière maladie, puis il soufflait dans ses mains et les passait sur son corps. Lorsqu’il ne pouvait plus le faire, elle prenait ses mains bénites et les y récitait pour lui.

   ‘Ouqba Ibnou ‘Âmir rapporte ces paroles du Prophète  : « Des versets qui n’ont pas leur pareil m’ont été révélés : « Al-falaq » et « An-Nâs. » (mentionnée par Abou Dâwoud et At-Tirmidhî) ; « Dis : ʺ Il est Allâh, Unique ʺ ; [puis récite] « Al-Falaq » et « An-Nâs » le soir et le matin. Lis-les trois fois, elles te protègent de tout mal [elles te suffisent].ʺ »

   Ce même ‘Ouqba raconte qu’il accompagnait le Prophète entre Al-Jahfa et Al-Abwa’, lorsque le vent se leva et que l’obscurité complète les surprit. Le Messager d’Allâh récita alors les deux sourates, puis il dit à ‘Ouqba  : « Ô ‘Ouqba, récite-les ! Tu ne trouveras pas des sourates pareilles pour chercher protection auprès du Seigneur. » (rapporté par Aboû Dâwoûd).

Champ lexical et définitions :

   On ne le répétera jamais assez : pour savourer amplement la profondeur du Coran et la beauté  de son style inimitable, l’apprentissage de l’arabe littéraire, auprès des maîtres en la matière, est incontournable.

1. Dis : « Je cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante

قُلْ أَعُوذُ بِرَبّ الْفَلَق

العوذ: اللجأ إلى شيء يقي من يلجأ إليه من يخافه

   « Al-‘aoûdh » signifie se réfugier auprès de quelque chose ou de quelqu’un pour se protéger de ce qu’on craint. Dans le coran, il est également dit : « Demande la protection de Dieu contre Satan le lapidé »

(فاستعذ بالله من الشيطان الرجيم  ;  » fasta’idh billahi minach-chaytânir-radjîm « ).

Le terme « Al-Falaq » a été interprété de différentes manières, il est :

·         une demeure en enfer, d’après Oubayy Ibnou Ka’b ;

·         une prison en enfer, selon Ibnou Abbâs  ;

·         une grotte en enfer, suivant Saïd Ibnou Joubayr  ;

·         un fleuve de l’enfer, selon Al-Kalbî ; (que Dieu les agrée tous).

·         un des noms de l’enfer ;

·         l’aube naissante, pour la majorité des érudits. Il s’agit de la lumière qui point des ténèbres.

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   Dans maintes sociétés et traditions, la nuit a une connotation négative : elle représente l’obscurité effrayante ;  elle est l’atrocité de la douleur ; elle est l’instant de tous les dangers sur la route ; elle symbolise  le manque de secours et l’insécurité ; etc.

   « L’aube naissante » est donc une faveur de la part de Dieu, car elle estompe progressivement les peurs et les dangers de l’obscurité. Allâh est qualifié par Lui-même de « Seigneur de l’aube naissante », car Il est « Lumière sur lumière », Il est Le Protecteur par excellence en dehors duquel il n’y a point de soutien.

   Quand la créature sombre dans le noir de l’angoisse, son espoir croît au rythme du lever du jour…clarté qu’elle espère ardemment. Comble de la félicité, la lumière de Dieu est douce et enveloppante, tout à l’opposé d’une luminosité brutale, à l’image d’un projecteur qui agresse par son éclairage aussi inattendu qu’aveuglant.

2. « contre le mal des êtres qu’Il a crées,

مِن شَرّ مَا خَلَقَ

   Dans ce verset, Allâh commence par mentionner le mal en général, dont il faut Lui demander la protection : le mal, les épreuves, dont la créature est à l’origine. Outre l’hostilité  naturelle du monde qui entoure l’Homme, le mal se camoufle aussi dans ses beautés et ses plaisirs. De surcroît, il est affirmé dans les traditions musulmanes que les humains entre eux, et les djinns, sont des épreuves réciproques.

   Selon Al-Hassan Al-Basri , « …le mal des êtres qu’Il a créés » regroupe l’enfer, Iblis (le père des diables) et toute sa cohorte.

3. contre le mal de l’obscurité quand elle s’approfondit,

وَمِن شَرّ غَاسِقٍ إِذَا وَقَبَ

   Puis Allâh cite précisément les maux dont les croyants doivent se prémunir. Ainsi, la méfiance est  de mise à l’égard de l’obscurité, car c’est fréquemment la nuit où dans les endroits ténébreux qu’ont cours les pires forfaits (meurtres, cambriolages, turpitudes sexuelles,…).

   Le terme « Al-Ghâsiq » (الغاسق) correspond à une description de la nuit lorsque l’obscurité s’accentue ; « Waqaba » (وقب) signifie s’approfondir et s’épaissir sur une grande étendue (وقبت الشمس غابت) : les deux mots employés côte à côte renforce et personnifie les ténèbres malsains, qui s’amplifient et s’étendent.

4. contre le mal de celles qui soufflent (les sorcières),  sur les nœuds

وَمِن شَرّ النّفّاثَاتِ فِي الْعُقَدِ

   La sorcellerie est une réalité comme le prouve ce qui est advenu au Prophète . Le Coran a cité Hâroût et Mâroût, les deux anges mis à l’épreuve par Dieu, et qui ont enseigné la sorcellerie aux humains, non sans les avoir prévenus qu’ils étaient une tentation pour les Hommes.

   Cette pratique réprouvée par l’Islam s’est perpétuée jusqu’à ce jour dans les sociétés modernes, pourtant réputées matérialistes et incrédules aux phénomènes paranormaux.

« An-nafth » (نفث) désigne le fait de souffler en bougeant la langue sans faire sortir de salive : cette définition ne fait-elle pas venir à l’esprit l’image d’un affreux reptile à la langue vibrante ?

« Al-‘ouqad » (الْعُقَدِ) sont des nœuds que les sorcières font avec des fils : ils symbolisent les entraves, les mauvais sorts, qui tiennent prisonnière la victime.

5. et contre le mal de l’envieux quand il envie »

وَمِن شَرّ حَاسِدٍ إِذَا حَسَدَ

   « Al-hassad », « l’envie » : c’est un sentiment par lequel on souhaite que le bienfait accordé à un individu lui soit ôté pour en jouir à sa place ; cet état d’âme est pire lorsque son auteur désire la faillite de qui il envie sans pour autant vouloir jouir du bienfait dont celui-ci bénéficie. C’est une maladie du cœur, qui peut se transformer en une haine aveugle.

   « L’envie est un péché majeur qui consume les bonnes actions. » [Rapporté par Abou Dâwoûd et Ibnou Mâjah.]

   Le Prophète disait : « Prenez garde à l’envie, car l’envie engloutit les bonnes actions, comme le feu réduit le bois en cendre. » [Mentionné par Al-Baïhaqî.]

   Contrairement à « al-hassad », « al-gibtah » (littéralement (l’allégresse ») traduit le désir d’un individu de posséder le même bienfait qu’un autre, sans toutefois souhaiter la faillite de l’envié.

   Le Messager d’Allâh informait : « Il n’y a d’envie [admise] que dans deux situations : celle d’un homme auquel Dieu a donné de l’argent et qui l’a consacré à la lutte contre ses ennemis jurés dans le sentier de la vérité ; et celle d’un homme auquel Dieu a accordé la sagesse, et qui la pratique puis  juge selon ses exigences. » [Rapporté par Boukhârî.]

   Le Prophète a mis les gens en garde contre le mauvais œil qui est aussi une réalité : le regard de l’envieux est démoniaque ; croiser un tel œil peut pourrir la journée, voire l’existence d’un individu !

   Louanges à Allâh qui a fait don à l’humanité des versets protecteurs!

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