Sourate 114 An-Nâss (Les Hommes)

Tafsir du Saint Coran (articles)

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بسم الله الرحمن الرحيم

قُلْ أَعُوذُ بِرَبّ النّاس

مَلِكِ النّاسِ

إِلَـَهِ النّاس

مِن شَرّ الْوَسْوَاسِ الْخَنّاس

الّذِى يُوَسْوِسُ فِي صُدُورِ النّاسِ

مِنَ الْجِنّة وَالنّاس

Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

1. « Dis: « Je cherche protection auprès du Seigneur des Hommes

2. Le Souverain des Hommes

3. Dieu des Hommes

4. contre le mal du mauvais conseiller, furtif,

5. qui souffle le mal dans les poitrines des Hommes

6. qu’il (le conseiller) soit un djinn, ou un être humain »

Descente et composition :

« An-Nâss » est la vingt-et-unième sourate révélée, mais la cent quatorzième et dernière dans  l’ordre de placement des sourates dans le Coran. Elle fait suite à « Al-Falaq » (« L’Aube naissante ») et comprend six versets.

« Al-Falaq » et « An-Nâss » (« Les Hommes ») sont appelées « Al-Mou’awwidhatayn » (المعوذتين : « Les deux préservatrices »). Toutes deux portent aussi le nom d’« Al-Mouchaqchiqatayn » (المشقشقتين) : « Celles qui protègent de l’hypocrisie ». Dans l’absolu, l’une ne va pas sans l’autre lorsqu’elles sont récitées comme invocations.

Thème :

Sourate « An-Nâs » est relative à la demande de protection contre un mal invisible : les suggestions insidieuses des démons (الوسواس : Al-waswâs).

Contexte de la révélation :

Il est identique pour la descente de « Al-Falaq ». Pour mémoire et brièvement, « An-Nâs » fut révélé pour  que  l’archange Gibrîl (Gabriel ; psl) exorcisât le Prophète Mouhammad de la sorcellerie de Labîd Ibnou Al-A’sam.

Intérêts de sourate « An-Nâs » :

C’est une sourate que les croyants récitent matin et soir, mais également au moment du coucher pour se protéger de la présence abusive du diable.

En effet, le Messager d’Allâh informe les musulmans : « Chacun de vous a un compagnon [parmi les démons] qui lui est attaché. » (mentionné par Mouslim).

Les Prophètes ne sont pas épargnés par cette présence du malin :
وكذلك جعلنا لكل نبيء عدواً شياطين الإنس والجن يوحي بعضهم إلى بعض زخرف القول غروراً

(الأنعام 112).

« Ainsi, à chaque prophète Nous avons assigné un ennemi : des diables d’entre les Hommes et les Djinns, qui s’inspirent trompeusement les uns aux autres des paroles enjolivées », s. 6 Al-An’âm (Les Bestiaux), v. 112.

On demanda au Prophète  : « Et toi, ô Messager de Dieu ? ». « Oui, répondit-il, mais mon Seigneur m’a soutenu contre lui jusqu’à ce qu’il se soumît à moi. Il ne me suggère que le bien. » (rapporté par Mouslim).

قَالَ رَبّ بِمَآ أَغْوَيْتَنِي لاُزَيّنَنّ لَهُمْ فِي الأرْضِ وَلاُغْوِيَنّهُمْ أَجْمَعِينَ * إِلاّ عِبَادَكَ مِنْهُمُ الْمُخْلَصِينَ قَالَ هَذَا صِرَاطٌ عَلَيّ مُسْتَقِيمٌ * إن عبادي ليس لك عليهم سلطان إلا من اتبعك من الغاوين)  . الحجر

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« Il dit : « Ô mon Seigneur, parce que Tu m’as induit en erreur, eh bien je leur enjoliverai la vie sur terre et les égarerai tous, à l’exception, parmi eux, de Tes serviteurs élus « . [Allâh] dit :  » voici une voie droite [qui mène] vers Moi. Sur Mes serviteurs tu n’auras aucune autorité, excepté sur celui qui te suivra parmi les dévoyés », s. 54 Al-Hijr, v.41.

D’après Anas ibn Mâlik, le Prophète a dit : « Satan pose sa trompe sur le cœur du fils d’Adam. Lorsque celui-ci mentionne Dieu, Satan disparaît et lorsqu’il oubli Dieu Satan l’aspire : tel est le tentateur qui suggère la mal et se dérobe furtivement. »
روي عن أنس بن مالك قال: قال رسول الله صلى الله عليه وآله وسلم :  » إن الشيطان واضع خطمه على  قلب ابن آدم فإذا ذكر الله خنس وإذا نسي التقم فذلك الوسواس الخناس »

Il est de l’éthique du musulman de préserver ses coreligionnaires des insufflations sataniques comme il le ferait pour lui-même.

« Satan coule dans les veines du fils d’Adam comme le sang et j’avais peur qu’il pollue vos cœurs » :

(إن الشيطان يجري من ابن آدم مجرى الدم وإني خشيت أن يقذف في قلوبكما)

cette parole a été prononcée par le Messager d’Allâh à l’adresse de deux hommes qui l’avaient aperçu en compagnie de son épouse Safia , devant l’entrée de la mosquée, alors qu’il effectuait sa retraite spirituelle. Le voile intégral ayant été commandé aux femmes du Prophète , les deux individus ne pouvaient savoir de qui il s’agissait, et Satan Le Maudit pouvait dévier leurs pensées : pour prévenir les suggestions démoniaques, le Prophète a décliné l’identité de son épouse.

Satan est un djinn qui a atteint à une période un grand degré de foi au point qu’il fut autorisé à côtoyer les anges. Après avoir créé Adam (psl), Allâh demanda aux anges de se prosterner devant ce nouvel être, à qui Il a enseigné le nom de toute chose. Tous obéirent excepté Iblis, l’ancêtre des satans : il s’est enorgueilli et a refusé de reconnaître la supériorité d’Adam (psl). Selon ses prétentions, le feu ne devait pas s’incliner devant une créature modelée à partir du limon fétide. Son outrecuidance lui valut la malédiction de Dieu et le bannissement du lieu où il avait été admis. Il s’est néanmoins promis, avec la permission de Dieu, d’égarer avec lui un maximum  de pervers parmi les Hommes.

Pour parvenir à leurs fins, les ruses de Satan sont multiples et s’adaptent à la faiblesse de chaque humain : le diable est versé dans l’art d’embellir les moindres mauvaises actions des humains. Il incite l’homme à minimiser les péchés et à différer le repentir.  On dénombre six degrés d’égarement, par ordre d’importance, auxquels Satan voudrait mener ses victimes :

1 – L’incrédulité, le polythéisme et l’animosité envers le Prophète : celui qui est touché par ces maux a perdu sa vie d’ici bas et son au-delà ;

2 – L’hérésie et l’innovation : toutes deux sont sources de séditions et n’incitent pas au repentir.

3 – Les grands péchés « al-kabâïr »(الكبائر) : c’est l’ignominie pour qui porte la foi et l’antichambre de la Perdition ;

4 – Les petits péchés « as-saghâïr »(الصغائر) : les démons font feu de tout bois, car à force de s’accumuler et de réitérer, les péchés mêmes minuscules se renforcent les uns les autres au point de dépasser en gravité un grand péché ;

5 – L’embellissement des actes autorisés mais non rétribués par Dieu, « al-moubâhât » (المباحات) : persister dans la pratique de ces actes garantie le piétinement qui empêche la progression dans le cheminement spirituel ;

6 – L’embellissement des œuvres secondaires au détriment des œuvres prioritaires : agir ainsi conduit l’auteur à commettre maintes erreurs dans ses choix existentiels, ce qui peut le léser irrémédiablement.

Chaque suppôt de Satan a une spécialité : Al-walhân (الولهان) qui perturbe le croyant lorsqu’il s’adonne aux ablutions ; Khinzab (خنزب) qui distrait le musulman en prière. Toutefois, le must pour ces êtres ténébreux c’est encore de réussir à séparer l’homme de son épouse.

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Voici neuf entrées par lesquelles les démons peuvent nuire à leur proie, mais également les qualités nécessaires pour leur claquer la porte aux nez :

1)     la cupidité, elle est la pauvreté même, car l’Homme n’est jamais content de ce qu’il possède et il désire toujours plus, et fait preuve d’ingratitude envers Dieu. C’est pour cette raison qu’il faut lui opposer la satisfaction, le remerciement et la louange à Allâh pour tous Ses dons.

2)     Le trop grand espoir en la vie entraîne une ambition démesurée et l’oubli de l’au-delà. La remémoration de la mort freine les ardeurs les plus tenaces, encourage les croyants à revenir à l’essentiel (l’adoration de Dieu) et à ne pas s’attacher à l’éphémère.

3)      Le plaisir, il conduit aux futilités, à l’excès dans le comportement. Avoir en pensées le jugement divin au jour de la Résurrection est salvateur.

4)     Se plaindre des épreuves que Dieu envoie sur soi est indécent, car en vérité Il ne charge quiconque au-dessus de ses forces ; ne pas comprendre que derrière chaque épreuve il y a une sagesse divine et un bienfait diminue la récompense, voire l’annihile. Pour se sortir des griffes diaboliques, il faut justement garder en tête la rétribution de Dieu pour toute affliction supportée avec  une belle patience.

5)     L’orgueil, le sentiment le mieux exploité par les tentateurs furtifs : Iblis ne fut-il pas perdu à cause de ce défaut ? L’humilité est l’arme fatale pour lutter contre les fléaux de l’orgueil.

6)     Sous estimer autrui, donc mépriser ses semblables, revient à se condamner à ne jamais pouvoir accéder au paradis. Seul le respect pour autrui peut contrebalancer cette tare dans le comportement.

7)     L’amour de la vie mondaine éloigne le cœur humain de son Créateur, le diable y fait pénétrer l’ostentation et la surenchère dans la course effrénée aux biens matériels. Quoi de mieux que de purifier le cœur en y plaçant une sincérité à toute épreuve de l’intention lorsqu’on œuvre ?

8)     La recherche de la célébrité et/ou du pouvoir, ici bas n’est pas dans l’éthique du musulman : Dieu rabaisse celui qui agit ainsi. L’anonymat et la discrétion augmentent la valeur de l’individu et de ses actes : le croyant ne cherche qu’à plaire à Dieu, il n’espère de salaire que de Sa part.

9)     Le défaut de l’avidité est identique à celui de la cupidité, il replie les mains de l’Homme, la générosité n’est pas le fort du cupide, et pourtant, pour son salut, il vaudrait mieux qu’il s’y précipite !

Champ lexical et définitions :

Dans sourate « An-Nâss », il est question de l’emploi de trois attributs divins lorsqu’on veut invoquer la protection d’Allâh contre le mal invisible, à savoir les incitations démoniaques : les trois qualités exaltées sont La Seigneurie (الرب, Ar-Rab), La Souveraineté (الملك, Al-Moulk), La Divinité (الإِله, Al-Ilah).

La Seignerie sous-entend une proximité entre Dieu et Ses créatures se traduisant par une relation de serviteur à Maître.

La Souveraineté fait référence à Celui qui est difficile à atteindre du fait de Sa Majesté.

La Divinité implique l’adoration qui fait lien entre les deux attributs précédents.

La répétition du mot « an-nâs » (« les gens ») après chaque attribut renforce l’idée que chacun nom divin suffit comme protection. On retrouve ces trois attributs rassemblés dans certains versets tel :

 » ذلكم الله ربكم له الملك لا إله إلا هو فأنى تصرفون »

« Tel est Allâh votre Seigneur ! A Lui appartient toute la Royauté. Point de divinité à part Lui. Comment pouvez-vous vous détourner de son culte » s.39.Az-Zoumar (Les Groupes), v.6.

Un parallèle peut être fait avec sourate Al-Fâtiha (L’Ouverture).

« Al-waswâs » est comparable à une voix intérieure (un chuchotement) qui dicte de mauvaises idées à l’Homme

(حديث النفس بما هو كالصوت الخفي).

« Al-khannâs » est celui qui devient petit dès que l’Homme se rappelle de son Seigneur, c’est-à-dire qu’il disparaît aussi promptement qu’il apparaît (لاختفاء بعد الظهور).

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