(17) Histoire de Yoûnous (Jonas)

Vie des prophètes

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Le Coran cite clairement Yoûnous AS comme étant un envoyé d’Allâh : « Yoûnous était certes, du nombre des Messagers. », s.37 Aç-Çaffât (Les Rangs), v.139.

وَإِنَّ يُونُسَ لَمِنَ ٱلۡمُرۡسَلِينَ

L’histoire de ce prophète est singulière et mérite d’être exposée à travers les siècles.

   C’est au peuple de Ninive, une ville de la région de Moussoul (au nord de l’Irak) que Yoûnous AS fut envoyé en tant que prophète aux environs du 8ème siècle avant l’ère chrétienne. Il appela les habitants de cette cité à adorer Allâh et à se conformer aux injonctions divines. Cependant, ils refusèrent en bloc de suivre l’exhortation de Yoûnous AS, ce qui exaspéra ce dernier. Il décida de les quitter sans demander la permission de son Seigneur et leur annonça un châtiment terrible dans un délai de trois jours.
Yoûnous ne se doutait aucunement que se séparer de son peuple engendrerait des effets aussi conséquents.

Le danger d’un châtiment imminent

   La certitude de l’imminence d’une damnation réveilla les consciences des habitants de Ninive à la résipiscence. Ils regrettèrent amèrement leur comportement envers leur prophète et se tournèrent vers Dieu, le cœur débordant de repentir. Vêtus de frocs, ils invoquèrent leur Seigneur en pleurs. Des scènes de lamentations et de cris animèrent les rues ; hommes, femmes et enfants étaient présents et même les animaux, séparés de leurs petits, participèrent aux sanglots désespérés. L’espoir d’être épargné d’un effroyable châtiment motiva tous les habitants, sans exception. Cette ferveur collective hors du commun porta ses fruits, puisqu’Allâh les épargna du supplice, leur pardonna par Sa miséricorde et Sa clémence et témoigna jusqu’à la fin des temps de leur foi unanime : « Si seulement il y avait, à part le peuple de Yoûnous, une cité qui ait cru et à qui sa croyance eut ensuite profité ! Lorsqu’ils eurent cru, Nous leur enlevâmes le châtiment d’ignominie dans la vie présente et leur donnâmes jouissance pour un certain temps. », s.10 Yoûnous, v.98.

فَلَوۡلَا كَانَتۡ قَرۡيَةٌ ءَامَنَتۡ فَنَفَعَهَآ إِيمَـٰنُہَآ إِلَّا قَوۡمَ يُونُسَ لَمَّآ ءَامَنُواْ كَشَفۡنَا عَنۡہُمۡ عَذَابَ ٱلۡخِزۡىِ فِى ٱلۡحَيَوٰةِ ٱلدُّنۡيَا وَمَتَّعۡنَـٰهُمۡ إِلَىٰ حِينٍ۬

   En effet, une cité qui croit en Dieu dans sa totalité est un événement exceptionnel, d’ailleurs la règle générale veut qu’une partie des gens désavouent impunément – croient-ils ! – la nouvelle religion. Un autre verset confirme cette norme universelle : « Et Nous n’avons envoyé aucun avertisseur dans une cité sans que ses gens aisés n’aient dit : “Nous ne croyons pas au message avec lequel vous êtes envoyés.” », s.34 Saba’, v.34.

وَمَآ أَرۡسَلۡنَا فِى قَرۡيَةٍ۬ مِّن نَّذِيرٍ إِلَّا قَالَ مُتۡرَفُوهَآ إِنَّا بِمَآ أُرۡسِلۡتُم بِهِۦ كَـٰفِرُونَ

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   Quant à savoir si leur foi et leur repentir les mettront à l’abri du châtiment de l’au-delà, Seul Dieu le sait. Les exégètes émettent deux hypothèses à ce sujet, dont la plus vraisemblable suggère l’utilité de leur repentance. Dieu explique dans le Coran : « et l’envoyâmes ensuite (comme prophète) vers cent mille hommes ou plus. Ils crurent, et nous leur donnâmes jouissance de la vie pour un temps. », s.37 Aç-Çaffât (Les Rangs), v.147-148.

وَأَرۡسَلۡنَـٰهُ إِلَىٰ مِاْئَةِ أَلۡفٍ أَوۡ يَزِيدُونَ (١٤٧) فَـَٔامَنُواْ فَمَتَّعۡنَـٰهُمۡ إِلَىٰ حِينٍ۬

   Ces plaisirs éphémères n’excluent pas l’accès aux délices de l’au-delà, et Allâh est plus savant !

   L’effectif évoqué par le Livre Saint est de cent mille hommes minimum. Plusieurs savants ont tenté de déterminer le nombre dissimulé derrière « ou plus », les estimations variant de dix mille à quarante mille individus supplémentaires.

Un voyage en mer périlleux

   Quoi qu’il en soit, Yoûnous AS n’assista pas à ces scènes émouvantes. Sa colère le mena directement au port où il monta sur un bateau avec d’autres passagers. Après quelques heures de navigation, une violente tempête s’éleva et fit vaciller l’embarcation, surchargée ; l’équipage faillit sombrer plusieurs fois…

   Les voyageurs se concertèrent entre eux avant de trouver une solution efficace pour alléger le bateau : tirer au sort celui qui sera jeté à la mer. Un premier tirage désigna Yoûnous AS, mais ne souhaitant pas qu’il passe par dessus bord, ils firent une deuxième tentative… qui annonça le même verdict. Yoûnous AS s’apprêtait à se dévêtir, lorsque ses équipiers l’en empêchèrent avant de réitérer le tirage. Le sort désigna une nouvelle fois Yoûnous AS, dès lors, personne n’osa plus l’arrêter.

   Une fois tombé à l’eau, Yoûnous AS fut avalé par un énorme poisson – voire une baleine. Allâh ordonna à l’animal marin de ne pas broyer les os de Yoûnous AS et de ne pas manger sa chair, car cet être humain n’était pas une nourriture appropriée. Une fois dans les entrailles de l’animal, Yoûnous AS crut qu’il était mort, mais en bougeant ses membres, il réalisa qu’il était vivant. Il se prosterna aussitôt pour remercier son Seigneur : « Seigneur ! J’ai pris pour toi un lieu de prière où personne ne t’a adoré ! »

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   La durée du séjour de Yoûnous AS dans l’animal est controversée, les évaluations varient entre une journée et quarante jours. Ce qu’il faut retenir de cette pérégrination au fond des mers, c’est que Yoûnous AS put entendre les louanges insoupçonnées des êtres de ce monde : des poissons aux galets, tous exaltaient le Seigneur des sept cieux et des sept terres. Emerveillé par ce qu’il avait découvert, il s’adressa lui-aussi au Tout-Miséricordieux, Celui qui entend ce que recèlent les cœurs et ce que dévoilent les voix les plus faibles. Allâh rapporte ses paroles pérennes dans le noble Coran : « Et Dhou-n-Noûn [Yoûnous] quand il partit, irrité. Il pensa que Nous N’allions pas l’éprouver. Puis il fit, dans les ténèbres, l’appel que voici : “Pas de divinité à part Toi ! Pureté à Toi ! J’ai été vraiment du nombre des injustes”. Nous l’exauçâmes et le sauvâmes de son angoisse. Et c’est ainsi que Nous sauvons les croyants. », s.21 Al-Anbiyâ’ (Les Prophètes), v.87-88.

وَذَا ٱلنُّونِ إِذ ذَّهَبَ مُغَـٰضِبً۬ا فَظَنَّ أَن لَّن نَّقۡدِرَ عَلَيۡهِ فَنَادَىٰ فِى ٱلظُّلُمَـٰتِ أَن لَّآ إِلَـٰهَ إِلَّآ أَنتَ سُبۡحَـٰنَكَ إِنِّى ڪُنتُ مِنَ ٱلظَّـٰلِمِينَ (٨٧) فَٱسۡتَجَبۡنَا لَهُ ۥ وَنَجَّيۡنَـٰهُ مِنَ ٱلۡغَمِّۚ وَكَذَٲلِكَ نُـۨجِى ٱلۡمُؤۡمِنِينَ

   Avec ces versets coraniques, certains ont compris que sans les glorifications formulées dans le ventre du poisson, Yoûnous AS serait resté dans cette obscurité jusqu’à la fin des temps. D’autres ont plutôt attribué sa libération aux louanges qu’il prononçait avant d’être englouti dans les entrailles du poisson.

Un dénouement heureux

   Quoi qu’il en soit, selon Aboû Hourayra, il fut rejeté sur une terre dépourvue de végétation. Allâh y fit pousser un plant de courge et lui envoya des mouflons sauvages qui venaient manger les insectes de la terre puis l’abreuvaient de leur lait matin et soir, jusqu’à ce qu’il retrouvât ses forces. Le choix de la courge n’est pas anodin, ce légume présente en effet de nombreux bienfaits : ses feuilles sont douces et foisonnantes, repoussent les mouches et ses fruits sont comestibles dès leur apparition, crus ou cuits, avec ou sans écorce. Par ailleurs sa consommation permet notamment de fortifier le cerveau. Dieu mit donc à la disposition de Yoûnous AS tout ce dont il eut besoin pour se remettre d’aplomb : sécurité et provisions de qualité à profusion ragaillardirent incontestablement ce noble prophète avant son retour en Mésopotamie auprès de son peuple repenti.

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   L’histoire de Yoûnous AS restera unique jusqu’à la fin des temps, qu’elle soit contée dans l’Ancien Testament ou décrite dans le Saint Coran. Le retour à Dieu d’une communauté entière sans exception témoigne de l’atome de foi présent en chaque être humain ; toutes les âmes ont fait la promesse de croire en Allâh et de Le reconnaître comme unique divinité. Or, la réalité sur terre est toute autre, puisque respecter cet engagement semble difficile pour une grande majorité des êtres humains ! Aucun autre peuple ne suivit son prophète à l’instar de celui de Yoûnous AS.

   Quant à l’éminence de ce prophète, elle est indiscutable. Le Prophète Mouhammad SWS s’est exprimé à ce sujet ; d’après Ibnou ‘Abbâs, il a prévenu : « Il n’est permis à quiconque de dire : “Je suis meilleur que Yoûnous Ibn Mata.” » [Rapporté par Al-Boukhârî.] Le Prophète SWS avertissait non seulement le commun des mortels d’avoir une telle pensée, mais il mettait également en garde contre une éventuelle préférence le concernant. Plusieurs ahâdîith rapportent ce qu’il disait : « Ne me préférez pas sur les autres prophètes et sur Yoûnous Ibn Mata. » Ces paroles montrent indéniablement la grandeur du prophète Yoûnous et révèlent humblement la modestie du Prophète Mouhammad SWS.

    Que ce récit atteigne les cœurs et réveille les consciences ! La croyance en Dieu est innée, mais la déviance qui va de pair avec l’orgueil prend parfois le dessus sur l’objectivité de la raison au point d’occulter la réalité. Fort heureusement pour lui, le peuple de Yoûnous AS ne tomba pas dans le piège de Satan ; puisse-t-il être une source d’inspiration pour les sociétés contemporaines !

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