(15) Yoûssouf (2/2) : des ténèbres à la lumière

Vie des prophètes

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   Après avoir été banni par ses frères, réduit à l’esclavage et agressé par l’épouse de son maître, Yoûssouf s’apprêtait à séjourner en prison…

Yoûssouf en prison

   L’incarcération s’avérait en effet préférable à une honteuse soumission aux passions.

Durant ce passage en prison, Allâh  dota Son serviteur d’une faculté exceptionnelle : l’interprétation des rêves.

   Au même moment, deux autres hommes vinrent tenir compagnie à l’intendant déchu. Accusés d’avoir tenté d’empoisonner leur monarque – appartenant à la dynastie des Hyksos (entre le 17ème et le 16ème siècle avant J.-C. –, ces valets furent destitués de la cour ; l’un servait du vin au souverain, l’autre était son cuisinier. Les deux nouveaux prisonniers faisaient chacun un rêve très net dont ils ne comprenaient pas la signification. Remarquant que Yoûssouf n’était pas un détenu ordinaire, ils n’hésitèrent pas à solliciter l’opinion ce compagnon de cellule à l’aura si pure. Cet épisode est repris par le Coran : « Deux valets entrèrent avec lui en prison. L’un d’eux dit : “Je me voyais [en rêve] pressant du raisin… ” Et l’autre dit : “Et moi, je me voyais portant sur ma tête du pain dont les oiseaux mangeaient. Apprends-nous l’interprétation (de nos rêves), nous te voyons du nombre des bienfaisants.” », s.12 Yoûssouf, v.36.

   Profitant de l’occasion pour aborder les bienfaits de son Créateur et les exhorter à suivre la religion du monothéisme pur, Yoûssouf fournit aux deux hommes l’interprétation explicite de leurs songes : « “La nourriture qui vous est attribuée ne vous parviendra point, dit-il, que je ne vous aie avisés de son interprétation [de votre nourriture] avant qu’elle ne vous arrive. Cela fait partie de ce que mon Seigneur m’a enseigné. Certes, j’ai abandonné la religion d’un peuple qui ne croit pas en Allâh et qui nie la vie future. Et j’ai suivi la religion de mes ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob. Il ne nous convient pas d’associer à Allâh quoi que ce soit. Ceci est une grâce d’Allâh sur nous et sur tout le monde ; mais la plupart des gens ne sont pas reconnaissants. Ô mes deux compagnons de prison ! Qui est le meilleur : des seigneurs éparpillés ou Allâh L’Unique, Le Dominateur suprême ? Vous n’adorez, en dehors de Lui, que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres, et à l’appui desquels Allâh n’a fait descendre aucune preuve. Le pouvoir n’appartient qu’à Allâh. Il vous a commandés de n’adorer que Lui. Telle est la religion droite ; mais la plupart des gens ne savent pas. Ô mes deux compagnons de prison ! L’un de vous donnera du vin à boire à son maître ; quant à l’autre, il sera crucifié, et les oiseaux mangeront de sa tête. L’affaire sur laquelle vous me consultez est déjà décidée.” Et il dit à celui des deux dont il pensait qu’il serait délivré : “Parle de moi auprès de ton maître.” Mais le diable fit qu’il oublia de rappeler [le cas de Yoûssouf] à son maître. Yoûssouf resta donc en prison quelques années. », s.12 Yoûssouf, v.37-42.

   Les deux prisonniers quittèrent donc leur compagnon de cellule pour vivre leur destin. L’interprétation qu’apporta Yoûssouf à chacun de leur rêve s’avéra exacte, puisque l’enquête menée par le palais conclut à l’incrimination du boulanger et à l’innocence de l’échanson.

   Un jour, la cour où vivait le serveur de vin entra en ébullition à cause d’un rêve troublant issu du subconscient du roi lui-même. Aucun sorcier, prêtre ou autre grande figure ne sut donner une signification satisfaisante à sa majesté. Cet incident rappela à l’échanson le rêve qu’il fit en prison et du même coup celui qui avait su expliquer clairement sa vision onirique. Il proposa donc au roi de soumettre son rêve au jugement de Yoûssouf. Le Coran retrace l’événement comme suit : « Et le roi dit : “En vérité, je voyais [en rêve] sept vaches grasses mangées par sept maigres ; et sept épis verts, et autant d’autres, secs. Ô conseil de notables, donnez-moi une explication de ma vision, si vous savez interpréter le rêve.” Ils dirent : “C’est un amas de rêves ! Et nous ne savons pas interpréter les rêves !” Or, celui des deux qui avait été délivré et qui, après quelques temps se rappela, dit : “Je vous en donnerai l’interprétation. Envoyez-moi donc.” [une fois devant Yoûssouf, il dit :] “Ô toi Yoûssouf le véridique ! Eclaire-nous au sujet de sept vaches grasses que mangent sept très maigres, et sept épis verts, et autant d’autres, secs, afin que je retourner aux gens et qu’ils sachent [l’interprétation exacte du rêve].” [Alors Yoûssouf] dit : “Vous sèmerez pendant sept années consécutives. Tout ce que vous aurez moissonné, laissez-le en épi, sauf le peu que vous consommerez. Viendront ensuite sept années de disette qui consommeront tout ce que vous aurez amassé pour elles sauf le peu que vous aurez réservé [comme semence]. Puis, viendra après cela une année où les gens seront secourus [par la pluie] et iront au pressoir.” », s.12 Yoûssouf, v.43-49.

p8   Le roi fut agréablement surpris par l’interprétation qui lui fut rapportée des geôles de son cachot. Impatient d’en connaître l’auteur, il commanda la libération immédiate de cet interprétateur insoupçonné. Mais lorsque l’envoyé du roi vint chercher Yoûssouf, celui-ci refusa de quitter sa cellule tant que l’attestation de son innocence n’était pas garantie. « Et le roi dit : “Amenez-le moi.” Puis quand l’émissaire arriva auprès de lui, [Yoûssouf] dit : “Retourne auprès de ton maître et demande-lui : ‘Quelle était la raison qui poussa les femmes à se couper les mains ?’ Mon Seigneur connaît bien leur ruse.” Alors, [le roi leur] dit : “Qu’est-ce donc qui vous a poussées à essayer de séduire Yoûssouf ?” Elles dirent : “À Allâh ne plaise ! Nous ne connaissons rien de mauvais contre lui.” Et la femme d’Al-‘Azîz dit : “Maintenant la vérité s’est manifestée. C’est moi qui ai voulu le séduire. Et c’est lui, vraiment, qui est du nombre des véridiques !” », s.12 Yoûssouf, v.50-53.

   Yoûssouf ne manqua pas de remercier son Seigneur pour cette confession qui lui rendit sa liberté. Il précisa néanmoins : « Cela afin qu’il sache que je ne l’ai pas trahi en son absence, et qu’en vérité Allâh ne guide pas la ruse des traitres. Je ne m’innocente cependant pas, car l’âme est très incitatrice au mal, à moins que mon Seigneur, par miséricorde, [ne la préserve du péché]. Mon Seigneur est certes Absoluteur et très Miséricordieux.” », s.12 Yoûssouf, v.52-53. Le Coran ne mentionne pas ce qu’il advint de la femme d’Al-‘Azîz, mais il est rapporté dans certains récits, qu’après la mort d’Al-‘Azîz, le roi donna son poste à Yoûssouf et lui fit épouser Zoulaykha par la même occasion. Les versets coraniques se concentrent ensuite sur la place honorifique qu’acquiert Yoûssouf dans la société égyptienne.

La consécration de Yoûssouf

   Le roi fit donc sortir Yoûssouf de prison en lui témoignant toute l’honneur et la considération qui lui étaient dues : « Et le roi dit : “Amenez-le moi : je me le réserve pour moi-même.” Et lorsqu’il lui eut parlé, il dit : “Tu es dès aujourd’hui près de nous, en une position d’autorité et de confiance.” Et Yoûssouf dit : “Assigne-moi les dépôts du territoire : je suis bon gardien et connaisseur.” », s.12 Yoûssouf, v.54-55.

   L’ancien prisonnier promu s’occupa donc de l’agriculture durant les sept années fertiles, de la semence du grain au stockage des récoltes. Les inondations qui suivirent entraînèrent une longue famine dans toute la région, y compris Canaan, la terre natale de Yoûssouf. Grâce à ses conseils, le royaume avait emmagasiné assez de grain pour nourrir ses habitants et ceux des contrées voisines pendant plusieurs années. Yoûssouf proposa donc au roi d’en vendre aux populations alentours également touchées par cette disette. L’accord du roi ne se fit pas attendre et la bonne nouvelle se propagea dans les environs.

   L’information ne tarda pas à arriver jusqu’aux oreilles de Ya‘qoûb, qui envoya dix de ses fils (tous sauf Benjamin) en Egypte pour s’approvisionner en grain. Yoûssouf fut averti de l’arrivée de dix frères qui ne parlaient pas égyptien et les reconnut immédiatement en les voyant, mais ces derniers n’identifièrent pas leur petit frère. Et comment, puisqu’il n’existait plus pour eux, ils l’avaient effacé de leur mémoire le jour où ils l’avaient jeté dans un puits sombre et profond…

   Malgré son rang et ce qu’il avait subi de leur part, Yoûssouf reçut ses frères chaleureusement – sans dévoiler pour autant son identité – et n’hésita pas à les questionner pour tenter de savoir comment se portaient ses parents et son petit frère. Il les ravitailla généreusement, accordant à chacun sa part de provisions. Les frères demandèrent également une ration pour Benjamin resté à Canaan. Le désir de revoir son petit frère était si grand que Yoûssouf imagina alors un subterfuge de circonstances pour arriver à ses fins : exiger sa présence pour prétendre à son lot de provisions. Allâh  reprend cet épisode dans le Coran : « Et les frères de Yoûssouf vinrent et entrèrent auprès de lui. Il les reconnut, mais eux ne le reconnurent pas. Et quand il leur eut fournit leur provision, il leur dit : “Amenez-moi un frère que vous avez de votre père. Ne voyez-vous pas que je donne la pleine mesure et que je suis le meilleur des hôtes ? Et si vous ne me l’amenez pas, alors il n’y aura plus de provision pour vous, chez moi ; et vous ne m’approcherez plus.” Ils dirent : “Nous essaierons de persuader son père. Certes nous le ferons.” Et il dit à ses serviteurs : “Remettez leurs marchandises dans leurs sacs : peut-être les reconnaitront-ils quand ils seront de retour vers leur famille et peut-être qu’ils reviendront.” », s.12 Yoûssouf, v.58-62.

   Les frères de Yoûssouf rentrèrent chez eux et exposèrent la situation à leur père. Le cœur encore meurtri par la disparition de Yoûssouf, Ya‘qoûb  refusa catégoriquement de leur confier Benjamin. Entre temps, les frères découvrirent que leurs marchandises leur avaient été restituées – le troc était monnaie courante à cette époque –, ce qui les conforta dans leurs pressantes instances. Mais Ya‘qoûb  resta sur sa position.

   L’année suivante, lorsqu’ils eurent consommé l’ensemble de leurs réserves, les frères se préparèrent à retourner en Egypte, comptant sur la présence du petit dernier, sans qui ils ne pourraient s’approvisionner. Conscients que le crime perpétré contre Yoûssouf jouait en leur défaveur, ils insistèrent néanmoins en plaidant l’urgent besoin de grain pour nourrir leur famille. Ya‘qoûb  finit par céder en exigeant d’eux une promesse solennelle devant Allâh . Plusieurs versets récapitulent ces échanges entre Ya‘qoûb  et ses fils : « Et lorsqu’ils revinrent à leur père, ils dirent : “Ô notre père, il nous sera refusé [à l’avenir] de nous ravitailler [en grain]. Envoie donc avec nous notre frère, afin que nous obtenions des provisions. Nous le surveillerons bien.” Il dit : “Vais-je vous le confier comme, auparavant, je vous ai confié son frère ? Mais Allâh est Le meilleur Gardien, et Il est Le plus Miséricordieux des miséricordieux !” Et lorsqu’ils ouvrirent leurs bagages, ils trouvèrent qu’on leur avait rendu leurs marchandises. Ils dirent : “Ô notre père, que désirons-nous [de plus] ? Voici que nos marchandises nous ont été rendues. Et ainsi nous approvisionnerons notre famille, nous veillerons à la sécurité de notre frère et nous nous ajouterons la charge d’un chameau et c’est une charge facile” Il dit : “Jamais je ne l’enverrai avec vous, jusqu’à ce que vous m’apportiez l’engagement formel au nom d’Allâh que vous me le ramènerez à moins que vous ne soyez cernés.” Lorsqu’ils eurent apporté l’engagement, il dit : “Allâh est garant de ce que nous disons.” Et il dit : “Ô mes fils, n’entrez pas par une seule porte, mais entrez par portes séparées. Je ne peux cependant vous êtres d’aucune utilité contre les desseins d’Allâh. La décision n’appartient qu’à Allâh : en Lui je place ma confiance. Et que ceux qui placent leur confiance la placent en Lui.”», s.12 Yoûssouf, v.63-67.

   Après ces dernières recommandations, la fratrie prit la route pour l’Egypte. Les frères suivirent les conseils paternels et se présentèrent devant Yoûssouf. Celui-ci eut bien du mal à contenir sa joie en voyant l’homme qu’était devenu son petit frère. Il offrit un agréable repas à ses frères et, en aparté, dévoila sa véritable identité à Benjamin en lui demandant de garder cette information secrète : « Et quand ils furent entrés auprès de Yoûssouf, [celui-ci] retint son frère auprès de lui en disant : “Je suis ton frère. Ne te chagrine donc pas pour ce qu’ils faisaient.” », s.12 Yoûssouf, v.68.

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   Le jour suivant, alors que les provisions de grain réservées pour sa famille étaient chargées sur les chameaux, Yoûssouf – inspiré par son Seigneur – ordonna à un de ses serviteurs de disposer la coupe en or du roi dans la sacoche de Benjamin. Alors que les frères s’apprêtaient à quitter les lieux, les portes se refermèrent et ils furent accusés de vol : « Puis, quand il leur eut fourni leurs provisions, il mit la coupe dans le sac de son frère. Ensuite, un crieur annonça : “Caravaniers ! vous êtes des voleurs !” Ils se retournèrent en disant : “Qu’avez-vous perdu ?” Ils répondirent : “Nous cherchons la grande coupe du roi. La charge d’un chameau à qui l’apportera et j’en suis garant.” “Par Allâh, dirent-ils, vous savez certes que nous ne sommes pas venus pour semer la corruption sur le territoire et que nous ne sommes pas des voleurs.” “Quelle sanction sera infligée au voleur, s’il s’avère que vous avez menti ? dirent les autres.” “Celui, répondirent les frères de Yoûssouf, dans les bagages duquel la coupe sera retrouvée vous sera livré lui-même [à titre d’esclave]. C’est ainsi que nous punissons les prévaricateurs.” Yoûssouf commença par fouiller les sacs des autres avant celui de son frère ; puis il la fit sortir du sac de son frère. Ainsi suggérâmes-Nous cet artifice à Yoûssouf. Car il ne pouvait pas se saisir de son frère, selon la justice du roi, à moins qu’Allâh ne l’eût voulu. Nous élevons en rang qui Nous voulons. Et au-dessus de tout homme détenant la science il y a un savant [plus docte que lui]. », s.12 Yoûssouf, v.70-76.

   Les dix frères ne purent cacher leur ressentiment en apercevant la coupe surgir du sac de Benjamin, mais Yoûssouf n’en pensait pas moins à leur sujet : « Ils dirent : “S’il a commis un vol, un frère à lui auparavant a volé aussi.” Mais Yoûssouf tint sa pensée secrète et ne la leur dévoila pas. Il dit [en lui-même] : “Votre position est bien pire encore ! Et Allâh connaît mieux ce que vous décrivez.” », s.12 Yoûssouf, v.77.

   Les dix frères se rappelèrent alors l’engagement pris auprès de leur père : « Ils dirent : “Ô Al-‘Azîz, il a un père très vieux ; saisis-toi donc de l’un de nous à sa place. Nous te voyons que tu es vraiment du nombre des gens bienfaisants.” Il dit : “Qu’Allâh nous garde de prendre un autre que celui chez qui nous avons trouvé notre bien ! Nous serions alors vraiment injustes.” Puis lorsqu’ils eurent perdu tout espoir [de ramener Benjamin] ils se concertèrent en secret. Leur aîné dit : “Ne savez-vous pas que votre père a pris de vous un engagement formel au nom d’Allâh, et que déjà vous y avez manqué autrefois à propos de Yoûssouf ? Je ne quitterai point le territoire, jusqu’à ce que mon père me le permette ou qu’Allâh juge en ma faveur, et Il est Le meilleur des Juges.” », s.12 Yoûssouf, v.78-80.

   Les frères laissèrent donc de quoi vivre à leur aîné. Celui-ci ne se doutait pas que Benjamin allait être choyé auprès de son cher frère. Yoûssouf voulait tester la sincérité de ses frères et voir s’ils reviendraient chercher leurs deux parents contraints de séjourner en Egypte.

   De retour chez eux, les frères annoncèrent la terrible nouvelle à leur pauvre père : « […] “Ô notre père, ton fils a volé. Et nous n’attestons que ce que nous savons. Et nous n’étions nullement au courant de l’inconnu. Et interroge la ville où nous étions, ainsi que la caravane dans laquelle nous sommes arrivés. Nous disons réellement la vérité.” », s.12 Yoûssouf, v.81-82.

   Sachant de quoi étaient capables ses enfants, Ya‘qoûb  lança : « […] “Vos âmes plutôt vous ont inspiré [d’entreprendre] quelque chose !… Oh ! Belle patience. Il se peut qu’Allâh me les ramène tous les deux. Car c’est Lui L’Omniscient, Le Sage.” Et il se détourna d’eux et dit : “Que mon chagrin est grand pour Yoûssouf !” Et ses yeux blanchirent d’affliction. Et il était accablé. », s.12 Yoûssouf, v.83-84.

   La blessure de Ya‘qoûb  était profonde ; seule la prière pouvait le réconforter et renforcer sa foi et sa patience. Les larmes versées toutes ces années pour la perte de son bien-aimé Yoûssouf – et maintenant pour son autre fils favori – altérèrent sérieusement sa vue.

p10   Voir leur père dans un tel état était insupportable pour ses autres enfants : « Ils dirent : “Par Allâh ! Tu ne cesseras pas d’évoquer Yoûssouf, jusqu’à ce que tu t’épuises ou que tu sois parmi les morts.” Il dit : “Je ne me plains qu’à Allâh de mon déchirement et de mon chagrin. Et, je sais de la part d’Allâh, ce que vous ne savez pas. Ô mes fils, partez et enquérez-vous de Yoûssouf et de son frère. Et ne désespérez pas de la miséricorde d’Allâh. Ce sont seulement les gens mécréants qui désespèrent de la miséricorde d’Allâh.” », s.12 Yoûssouf, v.85-87.

   Les fils s’apprêtaient donc à retourner en Egypte, mais cette fois-ci, ils étaient rongés par la pauvreté et la tristesse se lisait sur leur visage. Arrivés à destination, ils retrouvèrent leur aîné et se présentèrent à Yoûssouf : « […] “Ô Al-‘Azîz, la famine nous a touchés, nous et notre famille ; et nous venons avec une marchandise sans grande valeur. Donne-nous une pleine mesure, et fais-nous la charité. Certes Allâh récompense les charitables !” », s.12 Yoûssouf, v.88.

   À ce moment précis, tandis que ses frères l’imploraient avec insistance, Yoûssouf laissa percer la vérité : « Il dit : “Savez-vous ce que vous avez fait de Yoûssouf et de son frère alors que vous étiez ignorants [injustes] ?” Ils dirent : “Est-ce que tu es… Certes tu es Yoûssouf !” Il dit : “Je suis Yoûssouf, et voici mon frère. Certes Allâh nous a favorisés. Quiconque craint et patiente…Et très certainement, Allâh ne fait pas perdre la récompense des bienfaisants.” Ils dirent : “Par Allâh ! Vraiment Allâh t’a préféré à nous et nous avons été fautifs.” », s.12 Yoûssouf, v.89-91.

   Se remémorant le tort qu’ils avaient causé à Yoûssouf, les dix frères tremblaient honteusement de peur face à lui. Mais la magnanimité qui caractérisait leur noble parent réchauffa leur cœur tandis qu’il les réconfortait : « Il dit : “Pas de récrimination contre vous aujourd’hui ! Qu’Allâh vous pardonne. C’est Lui Le plus Miséricordieux des miséricordieux. Emportez ma tunique que voici, et appliquez-la sur le visage de mon père : il recouvrera [aussitôt] la vue. Et amenez-moi toute votre famille.” », s.12 Yoûssouf, v.92-93.

   Il était en effet impossible pour Yoûssouf de quitter ses fonctions dans l’immédiat ; mais réconforter son père s’avérait essentiel à ses yeux. D’ailleurs, Ya‘qoûb PSL vivait tellement dans l’espoir de revoir son onzième fils qu’il perçut l’odeur de sa chemise dès que celle-ci franchit les terres de Canaan. Il en fit part à ses proches, comme le confirme le Coran : « Et dès que la caravane franchit la frontière [de Canaan], leur père dit : “Je décèle, certes, l’odeur de Yoûssouf, même si vous dites que je radote.” Ils lui dirent : “Par Allâh, te voilà bien dans ton ancien égarement.” Puis, quand arriva le porteur de bonne annonce, il l’appliqua [la tunique] sur le visage de Ya‘qoûb. Celui-ci recouvra [aussitôt] la vue, et dit : “Ne vous ai-je pas dit que je sais, par Allâh, ce que vous ne savez pas ?”», s.12 Yoûssouf, v.94-96.

   Les dix frères regrettaient amèrement l’odieuse offense faite à Yoûssouf et le terrible chagrin causé à leur père : « Ils dirent : “Ô notre père, implore pour nous la rémission de nos péchés. Nous étions vraiment fautifs.” Il dit : “J’implorerai pour vous le pardon de mon Seigneur. Car c’est Lui L’Absoluteur, Le très Miséricordieux.” », s.12 Yoûssouf, v.97-98.

   Toute la famille de Ya‘qoûb  finit par se rendre en Egypte pour y retrouver Yoûssouf à l’issue d’un long voyage. Leurs douces retrouvailles sont décrites dans le Coran : « Lorsqu’ils s’introduisirent auprès de Yoûssouf, celui-ci accueillit ses père et mère et leur dit : “Entrez en Egypte en toute sécurité, si Allâh le veut !” Et il éleva ses parents sur le trône, et tous tombèrent devant lui, prosternés. Et il dit : “Ô mon père, voilà l’interprétation de mon rêve de jadis. Allâh l’a bel et bien réalisé… Et il m’a certainement fait du bien quand il m’a fait sortir de prison et qu’il vous a fait venir de la campagne [du désert], après que le diable ait suscité la discorde entre mes frères et moi. Mon Seigneur est plein de douceur pour ce qu’Il veut. Et c’est Lui L’Omniscient, Le Sage.” », s.12 Yoûssouf, v.99-100.

   Yoûssouf n’oublia évidemment pas de manifester sa reconnaissance à son Seigneur : « Ô mon Seigneur, Tu m’as donné du pouvoir et m’as enseigné l’interprétation des rêves. [C’est Toi Le] Créateur des cieux et de la Terre, Tu es mon patron, ici-bas et dans l’au-delà. Fais-moi mourir en parfaite soumission et fais-moi rejoindre les vertueux. », s.12 Yoûssouf, v.101.

   Le roi d’Egypte appréciait Yoûssouf  pour ses qualités humaines et professionnelles ; il ne cacha pas sa joie de conserver l’atout humain qu’était ce noble prophète dans son royaume en permettant à la famille de celui-ci de s’installer définitivement en Egypte.

   Le prophète Ya‘qoûb  acheva son existence auprès de tous ses enfants. Ath-Tha‘labî rapporte qu’il ne mangea jamais à sa faim pour toujours de souvenir de l’affamé. Avant de mourir, il ne manqua pas de les exhorter une dernière fois à suivre les enseignements de l’Islam : « Étiez-vous témoins quand la mort de présenta à Ya‘qoûb et qu’il dit à ses fils : “Qu’adorerez-vous après moi ?” Ils répondirent : “Nous adorerons ta divinité et la divinité de tes pères Ibrâhîm, Ismâ‘îl et Ishâq, Divinité Unique à laquelle nous sommes soumis.” », s.2 Al-Baqara (La Génisse), v.133.

   Quant au prophète Yoûssouf , il vécut heureux entouré de sa famille et comblé par les bienfaits d’Allâh . Son abnégation et le respect de ses engagements envers son Seigneur lui conféraient un statut exceptionnel et exemplaire au sein de sa communauté. Sa mission désormais accomplie, il pouvait retourner auprès de son Créateur en paix. Son parcours atypique restera pour tous les musulmans une source inépuisable d’enseignements et de morales consignés à jamais dans le Saint Coran.

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